Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2015-11-01 (C)

 

 

DATE :

6 septembre 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

M. Brian Brochet, C.d’A.Ass., courtier en assurance

de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

SÉBASTIEN VAVAL, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 10 juin 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre la partie intimée Sébastien Vaval dans le présent dossier.

 

[2]       Me Olivier Charbonneau représente le syndic et l’intimé, Sébastien Vaval, est représenté par Me Jo-Anne Demers.

 

 

[3]       Dès le début de l’audition, Me Charbonneau avise le Comité qu’une entente est intervenue entre les parties et que l’intimé entend plaider coupable aux chefs nos 1, 2, 4 et 7 de la plainte une fois que le Comité aura autorisé le retrait des chefs nos 3, 5 et 6.

 

[4]       Me Demers confirme qu’effectivement un accord a été conclu, lequel est assujetti au retrait des chefs nos 3, 5 et 6 de la plainte.

 

[5]       Séance tenante, le Comité a fait droit au retrait des chefs susdits.

 

 

I.          Le plaidoyer de culpabilité sur les chefs restants

 

 

[6]       L’intimé entend donc plaider coupable aux chefs suivants, à savoir :

 

« 1. Le ou vers le 5 avril 2012, a exercé ses activités de façon négligente lors de l’exécution du mandat confié par l’assuré M. F.-O.C., à l’émission d’un contrat d’assurance automobile numéro JVQCAP207761 par l’assureur Jevco pour un véhicule Honda Civic 2006 dont l’assuré n’a jamais été propriétaire plutôt que pour le véhicule Buick Rendez-Vous 2005 dont l’assuré était propriétaire, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 26 et 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Entre les ou vers les 5 avril 2012 et 25 avril 2012, a fait défaut de rendre compte à l’assuré M. F.-O.C. de l’exécution du mandat qu’il lui avait confié en n’effectuant aucun suivi auprès de l’assuré afin de confirmer l’émission d’un contrat d’assurance automobile visant le véhicule Buick Rendez-Vous 2005 et conforme aux besoins identifiés pour son véhicule, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 25, 37(1o) et 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

(…)

4. Entre les ou vers les 30 octobre 2012 et 27 février 2013, a fait défaut de rendre compte à l’assuré M. F.-O.C. de l’exécution du mandat qu’il lui avait confié en n’effectuant aucun suivi auprès de l’assuré afin de confirmer l’émission d’un contrat d’assurance automobile visant le véhicule Ford Escape 2008 et conforme aux besoins identifiés pour son véhicule, alors que la protection du Chapitre B-2 demandée par l’assuré n’avait pas été incluse, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 25, 37(1o) et 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

(…)

7. Entre les ou vers les 5 d’avril 2012 et 7 mai 2013, a exercé ses activités de façon négligente, en n’ayant pas une tenue de dossier à laquelle on est en droit de s’attendre de la part d’un représentant en assurance de dommages, dans le dossier de l’assuré M. F.-O.C., notamment en ne conservant pas de copies des polices d’assurances émises et en ne notant pas au dossier les communications téléphoniques, les conseils donnés, les décisions prises et les instructions reçues, en contravention avec les articles 16 et 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 9 et 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.»

 

[7]       Questionné par le président du Comité, l’intimé a reconnu tous les faits mentionnés à la plainte susdite et a plaidé coupable à chacun des chefs d’accusation de celle-ci.  

 

[8]       Séance tenante, le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable des infractions reprochées.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[9]       Les parties déposent de consentement les pièces documentaires P-1 à P-6.

 

[10]    Elles déposent également la pièce P-7, soit l’entente intervenue entre les procureurs des parties quant à la sanction que le Comité devrait lui imposer.

 

[11]    Enfin, un avis formel du bureau du syndic à l’intimé daté du 29 avril 2014 est produit sous la cote P-8.

 

[12]    L’intimé ne témoigne pas et aucune autre preuve n’est administrée en défense.

 

[13]    Quant aux chefs nos 1 et 7, l’ensemble de cette preuve nous démontre que l’intimé aurait exercé ses activités de façon négligente.

 

[14]    En conséquence, et sur chacun de ces chefs, l’intimé est trouvé coupable d’avoir  enfreint l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[15]    En ce qui concerne les chefs nos 2 et 4, l’intimé a principalement fait défaut de rendre compte à son assuré. Il est donc trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 37 (4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[16]    Considérant la règle interdisant les condamnations multiples[1], un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires invoquées au soutien desdits chefs d’accusation.


 

III.        Recommandations communes sur sanction

 

 

[17]    Me Charbonneau nous expose que l’intimé a débuté en 2007 auprès du cabinet Meloche Monnex.

 

[18]    En 2009, il fonde son propre cabinet sous le nom d’Axxium Assurance inc.

 

[19]    Selon le procureur de la partie plaignante, l’intimé a fait preuve d’un manque élémentaire de soin dans l’exercice de la profession.

 

[20]    Évidemment, en matière d’assurance automobile, le courtier d’assurance doit non seulement s’assurer qu’il obtient la garantie d’assurance sur le bon véhicule, mais encore faut-il qu’il vérifie si la police émise par l’assureur est conforme au mandat qui lui a été confié.

 

[21]    Ces obligations déontologiques se situent au cœur de la profession.

 

[22]    Selon la partie plaignante, il s’agit d’infractions graves qui mettent en péril la protection du public.

 

[23]    Ces infractions portent aussi atteinte à l’image et à l’intégrité de la profession.

 

[24]    Quant aux facteurs atténuants dont doit bénéficier l’intimé, Me Charbonneau souligne :

 

       l’absence d’antécédent disciplinaire;

 

       la collaboration de l’intimé au processus disciplinaire;

 

       son plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

 

       l’absence d’intention malicieuse de la part de l’intimé;

 

       que l’honnêteté de l’intimé n’est pas en cause;

 

       aucun préjudice n’en résulte.

 

[25]    Me Charbonneau déclare au Comité que les parties suggèrent donc au Comité d’imposer les sanctions suivantes à l’intimé, à savoir :

 

       Chef no 1 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 2 : une amende de 3 000 $;

 

       Chef no 4 : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 7 : une amende de 2 000 $.

 

[26]     Me Charbonneau rajoute que l’intimé s’engage à suivre le cours de formation intitulé « Tenue de dossier » offert par la ChAD sous le no AFC07611 d’ici la fin de l’année 2016.

 

[27]    En plus, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance.

 

[28]     Me Demers est en accord avec cette sanction. Elle précise toutefois que l’avis formel P-8 remonte à des faits qui se sont produits aux mois de février et juin 2013 et que son client s’est amendé depuis. En fait, aujourd’hui, M. Vaval a implanté un système d’enregistrement des conversations téléphoniques avec les assurés. Par ailleurs, il est conscient qu’il doit prendre de bonnes notes dans chacun de ses dossiers. Dans ce sens, il entend corriger son comportement.

 

[29]    Me Demers nous invite à prendre connaissance de la pièce P-5, à la page 24. On peut facilement y voir que l’assureur Jevco n’est pas sans reproche dans cette affaire.

 

[30]    L’avocate termine en demandant au Comité de permettre à M. Vaval de payer l’amende totalisant 10 000 $ plus les déboursés du dossier par versements échelonnés sur une période de 12 mois.

 

[31]    La partie plaignante ne formule aucune objection à ce sujet.

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

[32]    Dans les circonstances de cette affaire, le Comité considère que la suggestion commune des parties quant à la totalité des amendes à imposer à l’intimé, bien que considérable, est juste et raisonnable.

 

[33]    En effet, la sanction suggérée tient compte des sanctions similaires que le Comité a imposées dans les affaires ChAD c. Latreille, ChAD c. Duval, ChAD c. Habib et ChAD c. Sabourin[2].

 

[34]    Bien plus, la jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[3]. Ainsi, seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice peuvent être écartées par un comité de discipline.

 

[35]    Plus récemment, le Tribunal des professions réitérait la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire dans l’affaire Ungureanu[4] :

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(Nos soulignements)

[36]    Cela étant, le Comité est d’avis que les sanctions suggérées, dans leur globalité, ne sont pas déraisonnables et qu’elles peuvent être valablement considérées par les parties comme des sanctions qui reflètent la gravité objective des infractions commises par l’intimé.

[37]    En conséquence, le Comité ne se croit pas justifié d’intervenir.

[38]    Quant à l’engagement pris par l’intimé de suivre la formation « Tenue de dossier » offerte par la ChAD au cours de l’année, il s’agit d’une excellente initiative de la part de M. Vaval.

[39]    Le Comité prendra acte de cet engagement et ordonnera à l’intimé de s’y conformer.

 

B)       Décision

 

[40]    Pour les motifs ci-haut énoncés, la recommandation commune formulée par les parties est entérinée par le Comité. En effet, tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

[41]    Or, le Comité est d’avis que la suggestion commune des parties respecte raisonnablement les critères susdits.

[42]    Quant aux frais, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance et aura 12 mois pour acquitter les amendes et déboursés par versements échelonnés.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Sébastien Vaval sur les chefs nos 1, 2, 4 et 7 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé Sébastien Vaval coupable des chefs nos 1 et 7 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé Sébastien Vaval coupable des chefs nos 2 et 4 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation nos 1, 2, 4 et 7;

Sur le chef  n1 :

IMPOSE à l’intimé Sébastien Vaval une amende de 3 000 $;

Sur le chef n2 :

IMPOSE à l’intimé Sébastien Vaval une amende de 3 000 $;

Sur le chef n4 :

IMPOSE à l’intimé Sébastien Vaval une amende de 2 000 $;

Sur le chef n7 :

IMPOSE à l’intimé Sébastien Vaval une amende de 2 000 $;

PREND ACTE de l’engagement de l’intimé de suivre la formation intitulée « Tenue de dossier » dispensée par la Chambre de l’assurance de dommages sous le no AFC07611 au plus tard le 31 décembre 2016 et ORDONNE à l’intimé de s’y conformer;

CONDAMNE l’intimé au paiement des frais et déboursés;

PERMET à l’intimé d’acquitter les amendes susdites ainsi que les frais et déboursés en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs lesquels seront payables à compter du premier jour du mois suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de verser l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors due deviendra immédiatement exigible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président suppléant du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Brian Brochet, C.d’A.Ass., courtier en

assurance de dommages

Membre

 

Me Olivier Charbonneau

Procureur de la partie plaignante

 

Me Jo-Anne Demers

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 10 juin 2016

 



[1] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC);

[2] 2016 CanLII 4233, 2015 CanLII 34218, 2014 CanLII 9090 et 2001 CanLII 26484 (QC CDCHAD);

[3]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[4]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[5]  2003 CanLII 32934 (QC CA) aux paragraphes 38 et suivants;

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