Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2015-12-03(E)

 

DATE :

19 septembre 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre

Membre

M. Pierre Bergeron, expert en sinistre

Membre

 

 

Me SYLVIE POIRIER, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

GUY CAMPEAU

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 12 juillet 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2015-12-03(E);

 

[2]       Le syndic ad hoc, Me Sylvie Poirier, agissait personnellement et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Patrick Henry;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte amendée comportant cinq (5) chefs d’accusation, soit :

 

 

1.         Le ou vers le 6 novembre 2013, l’intimé a négligé de compléter et transmettre à l’Autorité des marchés financiers la demande de certificat probatoire de SG et celle pour être lui-même autorisé à agir comme superviseur de stage, reçues à cette fin de son cabinet après avoir accepté d’agir à ce titre, en contravention avec l’article 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre, (RLRQ c. 9.2, r. 4) et les articles 29 et 45 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, (RLRQ c. 9.2, r. 7);

 

2.         Au cours de la période du 17 octobre au 16 décembre 2013, l’intimé a exercé ses activité de façon négligente en permettant à SG d’agir comme stagiaire dans des dossiers de sinistres en assurance de dommages des entreprises sans avoir obtenu un certificat probatoire de l’Autorité des marchés financiers, en contravention avec les articles 2 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre, (RLRQ c. 9.2, r. 4) et l’article 29 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, (RLRQ c. 9.2, r. 7);

 

3.         Au cours de la période du 17 octobre au 16 décembre 2013, l’intimé a exercé ses activité de façon négligente en faisant défaut d’obtenir de l’Autorité des marchés financiers l’autorisation d’agir comme responsable de stage avant de permettre à SG d’agir sous sa responsabilité comme stagiaire en assurance de dommages des entreprises sous sa responsabilité,  en contravention avec les articles 2 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre, (RLRQ c. 9.2, r. 4) et l’article 45 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, (RLRQ c. 9.2, r. 7);

.

4.         Au cours de la période du 17 octobre au 16 décembre 2013, l’intimé a exercé ses activités de façon négligente en permettant que SG, puisse agir comme stagiaire sous sa responsabilité dans des dossiers de sinistres en assurance de dommages des entreprises, sans exercer de véritable supervision de ses activités, en contravention avec les articles 2, 12 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre, (RLRQ c. 9.2, r. 4) et les articles 32(4), 48 al.3, 48.1 et 49 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, (RLRQ c. D-9.2, r.7).

 

5.         Au cours de la période du 22 janvier au 4 mars 2014, l’intimé a fait défaut d’assurer l’encadrement dont il était responsable en qualité de superviseur du stagiaire SG en expertise de sinistres en assurance de dommages des entreprises et d’assurer le respect des exigences et limitations applicables durant la période du certificat probatoire, en contravention avec les articles 2 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ c. D-9.2, r.4) et les articles 32(4), 48  al.3, 48.1 et 49 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ c. D-9.2, r.7).

 

 

[4]       D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des cinq (5) chefs de la plainte amendée;

[5]       En conséquence, l’intimé fut déclaré coupable, séance tenante, des infractions reprochées à la plainte amendée;

[6]       Cela dit, les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction;

 

II.         Preuve sur sanction

 

[7]       Me Poirier dépose, dans un premier temps, les pièces P-1 à P-20 et ce, de consentement avec la partie intimée;

[8]       Elle procède ensuite à faire un exposé sommaire des faits à l’origine du présent dossier;

[9]       Essentiellement, la preuve a permis d’établir que l’intimé, alors que son cabinet lui aurait demandé d’agir comme superviseur de S.G., a négligé de compléter et de transmettre les formulaires prescrits pour l’Autorité des marchés financiers (ci-après, « AMF ») (chef no. 1);

[10]    Ce faisant, il a permis à S.G. d’exercer comme stagiaire dans des dossiers de sinistres sans un certificat probatoire (chef no. 2);

[11]    L’intimé n’ayant pas obtenu de certificat probatoire pour son stagiaire, n’avait pas non plus obtenu pour lui-même une autorisation de l’AMF pour agir comme superviseur (chef no. 3);

[12]    Mais il y a plus, cette situation était d’autant plus problématique que l’intimé n’exerçait pas de véritable supervision sur les actes posés par son stagiaire puisque celui-ci exerçait au Saguenay et que l’intimé était cantonné à Stoneham;

[13]    Bref, la supervision n’était que très superficielle et, dans la meilleure des hypothèses, elle s’exerçait à distance, contrairement aux exigences réglementaires (chef no. 4);

[14]    Finalement, l’intimé réalisant sa méprise, a fini par compléter et transmettre les formulaires requis par la loi;

[15]    Cependant, encore une fois, l’encadrement a laissé à désirer puisque la supervision s’effectuait à distance sans véritable contrôle de la part de l’intimé, d’où le dépôt d’une plainte amendée (chef no. 5);

[16]    C’est en tenant compte de ce contexte factuel que le Comité devra décider de la sanction juste et appropriée au cas de l’intimé;

 

III.        Recommandations communes

 

[17]    Me Poirier expose, avec jurisprudence à l’appui, les sanctions suggérées de façon commune par les parties;

[18]    Considérant que l’infraction la plus grave consiste à avoir favorisé l’exercice illégal de la profession d’expert en sinistre par la négligence de l’intimé d’obtenir les autorisations requises (chef no. 2), les parties suggèrent une amende de 5 000 $ sur le chef no. 2 et une réprimande sur chacun des chefs nos. 1, 3 et 4;

[19]    Quant au chef no. 5, qui concerne le manque d’encadrement du stagiaire, les parties suggèrent une amende de 3 000 $;

[20]    De plus, tous les déboursés du dossier seront à la charge de l’intimé;

[21]    Me Poirier expose également que les parties ont tenu compte des facteurs aggravants et atténuants ci-après décrits;

[22]    Parmi les facteurs aggravants, Me Poirier souligne, à juste titre, la gravité objective des infractions et la mise en péril de la protection du public;

[23]    Pour les facteurs atténuants, la procureure insiste sur le plaidoyer de culpabilité de l’intimé et son absence de mauvaise foi;

[24]    De plus, l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires et ni les clients, ni les assureurs n’ont subi de préjudice;

[25]    Enfin, la commission des infractions est le résultat d’une négligence et d’une méconnaissance de la réglementation plutôt que le résultat d’une volonté expresse d’enfreindre la règle déontologique;

[26]    À l’appui de cette recommandation, Me Poirier dépose un cahier d’autorités démontrant que les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction, tel qu’en font foi les décisions suivantes :

      Chauvin c. Cirrincione, 2011 CanLII 3350 (QC CDCHAD);

      Chauvin c. Mayer, 2011 CanLII 43605 (QC CDCHAD);

      Montfils c. Mercier, 2012 CanLII 18796 (QC CDCHAD);

      Chauvin c. Therriault et Verreault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD);

      Chauvin c. Pantazis, 2013 CanLII 10760 (QC CDCHAD);

      Chauvin c. Minkoff et Lalonde, 2013 CanLII 66172 (QC CDCHAD);

      Poirier c. Boulianne et als., 2014 CanLII 62659 (QC CDCHAD);

      Chauvin c. Ouellet et Fortin, 2014 CanLII 49263 (QC CDCHAD);

      Lizotte c. Ouellet et Fortin, 2015 CanLII 51894 (QC CDCHAD);

      Lizotte c. Sinigagliese, 2016 CanLII 10284 (QC CDCHAD);

[27]    De son côté, Me Henry confirme le caractère commun des sanctions suggérées et précise que son client désire obtenir un délai de paiement pour acquitter le montant des amendes et des frais;

[28]    D’autre part, Me Henry plaide que suivant le principe de la globalité, la somme des amendes devrait être réduite au montant de 6 000 $;

 

 

IV.       Analyse et décision

 

[29]    Dans un premier temps, soulignons qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les recommandations communes formulées par les parties doivent être suivies par le Comité de discipline;

 

[30]    D’ailleurs, encore récemment, le Tribunal des professions rappelait ce principe dans l’affaire Ungureanu[1]:

 

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.                                        (Nos soulignements)

 

[31]     Le Comité considère que les sanctions suggérées tiennent compte, d’une part, de la gravité objective des infractions et, d’autre part, du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et de son absence d’antécédents disciplinaires;

[32]    Par ailleurs, la recommandation commune s’inscrit dans la fourchette de sanctions habituellement imposées pour ce type d’infractions, respectant ainsi le principe de la parité des sanctions[2] même si cela n’est pas déterminant;

[33]    Par contre, le Comité considère que la gravité objective des infractions ne lui permet pas d’accéder à la demande du procureur de l’intimé de réduire le montant des amendes à une somme globale de 6 000 $;

[34]    En effet, il s’agit d’infractions particulièrement graves et l’amende doit revêtir un certain caractère dissuasif[3];

[35]    À cet égard, le Comité tient à rappeler l’importance d’obtenir et de maintenir, en tout temps, une certification valide au sens de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers;

[36]    Il est de commune renommée que l’appartenance à une chambre professionnelle et le fait d’être détenteur d’un certificat valide est un gage de compétence qui permet d’assurer la protection du public;

[37]    L’omission d’obtenir la certification prescrite est plus qu’une simple erreur technique, une telle infraction touche à l’essence même de la profession, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt Bruni c. AMF[4];

[101]  Voici en effet un individu accusé d'infractions (vente illégale de valeurs mises en marché sans prospectus et exercice de l'activité de courtier sans le certificat requis) qui, au contraire de ce qu'il prétend, ne sont pas techniques, mais vont au cœur du système de régulation élaboré par les lois dont l'intimée a mandat d'assurer la mise en œuvre (régulation stricte de l'information, obligation de divulgation, réglementation des intermédiaires de marché). Il s'agit là d'infractions dénotant mépris ou insouciance envers la loi, ce qui est bien loin de l'honnêteté et du professionnalisme exigés de tout représentant par l'article 16 L.d.p.s.f., dans un contexte où la protection du public est un des objectifs primordiaux de la législation. Aux fins de l'article 220 L.d.p.s.f., l'intimée pouvait donc raisonnablement conclure que les faits ayant donné lieu à cette poursuite suffisaient à faire douter de la probité de l'appelant et démontraient que ce dernier avait manqué à cette « [v]ertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice » et, pourrait-on ajouter, par la loi. (Nos soulignements)

 

[38]    Cela dit, l’intimé se verra imposer une amende de 5 000 $ sur le chef no. 2 et une amende de 3 000 $ sur le chef no. 5;

[39]    Pour les autres infractions, le Comité considère qu’elles découlent toutes de la même série d’événements et, en conséquence, une réprimande sera imposée sur les chefs nos. 1, 3 et 4;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

          AUTORISE le dépôt d’une plainte amendée;

          PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos. 1 à 5 de la plainte amendée et plus particulièrement comme suit:

Chefs nos. 1 à 3 :             pour avoir contrevenu à l’article 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c. D-9.2, r.4);

Chefs nos. 4 et 5 :           pour avoir contrevenu à l’article 48.1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ, c. D-9.2, r.7);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 5;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef no. 1:                         une réprimande;

Chef no. 2 :                       une amende de 5 000 $

Chef no. 3 :                       une réprimande

Chef no. 4 :                       une réprimande

Chef no. 5 :                       une amende de 3 000 $

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimé un délai de paiement de 90 jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la signification de la présente décision.

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre Membre        

 

____________________________________

M. Pierre Bergeron, expert en sinistre Membre

 

Me Sylvie Poirier, personnellement

Partie plaignante

 

Me Patrick Henry

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 12 juillet 2016

 



[1]    Infirmières et Infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[2]    Brochu c. Médecins, 2002 QCTP 2 (CanLII);

[3]       Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII);                      

[4]       2011 QCCA 994 (CanLII);                      

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