Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2015-11-02(A)

 

DATE :

17 juin 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Marguerite M. Leclerc, avocate

Présidente

suppléante

Mme Danielle Charbonneau, agent en assurance de dommages

 

Membre

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de

dommages

 

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

NICK JANVIER, agent en assurance de dommages des particuliers (3B), inactif et sans mode d’exercice comme agent en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

 

 

DÉCISION RECTIFIÉE SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 3 février 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (Comité) se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte portant le numéro 2015-11-02(A);

 

[2]       La partie plaignante était représentée par Me Sébastien Tisserand et de son côté, l’intimé était représenté par Me Érik Lowe;

 

La plainte

 

[3]       L’intimé fait face au chef d’accusation suivant, tel qu’il appert de la plainte signée par le syndic, le 10 novembre 2015:

 

NICK JANVIER, agent en assurance de dommages des particuliers (3B), résidant et domicilié au 3205, rue Napoléon, Terrebonne, Québec, J6X 4K3, alors qu’il était dûment autorisé à agir comme agent en assurance de dommages des particuliers, a commis, à Montréal et à Terrebonne, des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession d’agent en assurance de dommages des particuliers, à savoir:

 

1.   Entre les ou vers les 23 mars 2013 et 7 février 2014, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession et a manqué de probité en soumettant des réclamations à la Financière Sun Life, en vertu du contrat d’assurance collective no 150405, certificat no 809994, souscrit par son employeur, Services d’assurances d’Youville inc. et/ou Aviva, les sachant fausses, visant le remboursement de sommes totalisant 6 611 $ alors que les soins réclamés n’ont jamais été prodigués et recevant ainsi sans droit la somme de 3 398 $, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1), 37(7) et 37(9) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

L’intimé s’étant ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à la loi.

 

Preuve sur culpabilité

 

[4]       L’intimé a plaidé coupable par écrit, le 16 novembre 2015 et il a réitéré ce plaidoyer, en présence de son avocat, à l’audition;

 

[5]       Il est bien établi qu’un plaidoyer de culpabilité est une admission de la commission des éléments essentiels de l’infraction[1].  Ce principe a été énoncé comme suit, dans l’affaire Pivin c Inhalothérapeutes[2]:

  

[13] Un plaidoyer, en droit disciplinaire, est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique.

 

[6]       La jurisprudence[3] est à l’effet qu’un plaidoyer de culpabilité comporte une renonciation à l’obligation de la partie plaignante de rencontrer son fardeau de preuve et d’établir la culpabilité de l’intimé, une renonciation à présenter une défense pleine et entière et enfin, « un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite, sans autre forme de procès » [4];

 

[7]       Étant donné l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité et, que le Comité est d’avis qu’aucune autre preuve n’est nécessaire, le Comité a, séance tenante, pris acte du plaidoyer de culpabilité et il a reconnu l’intimé coupable du chef d’accusation mentionné à la plainte disciplinaire;

 

Preuve sur sanction

 

[8]       Les parties ont déclaré qu’elles étaient prêtes à procéder sur sanction et qu’elles avaient convenu de suggérer au Comité des recommandations communes sur sanction;

 

[9]       L’avocat de la partie plaignante a relaté, verbalement, les faits pertinents en l’instance[5].  L’avocat de l’intimé les a admis[6].   Les parties ont produit les pièces P-1 à P-5, de consentement, et l’intimé a témoigné;

 

[10]    Entre le 23 mai 2013 et le 7 février 2014, l’intimé, bénéficiaire d’un régime de garanties collectives a soumis, sciemment, dix-sept réclamations pour le remboursement de frais, à l’assureur lié par un contrat d’assurance collective auquel son employeur du moment avait souscrit.  Or, les soins pour lesquels les remboursements étaient réclamés n’avaient pas été prodigués;

 

[11]    À la suite de ces fausses réclamations, l’intimé a reçu indûment une somme totale de trois mille trois cent quatre-vingt-dix-huit dollars (3 398$);

 

[12]    Le 30 septembre 2014, l’intimé a été congédié par son employeur du moment au motif des fausses réclamations soumises[7];

 

[13]    Le 26 novembre 2014, l’assureur a déposé une plainte aux autorités policières (SPVM) relativement aux faits reprochés à l’intimé en l’instance[8];

 

[14]    Le 4 mars 2015, l’intimé « s’est vu refuser la remise en vigueur de son certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers par la Direction des opérations d’encadrement de la distribution, par la décision no 2015-OED-1009654.»[9]

 

[15]    L’intimé a témoigné.  Il a expliqué les circonstances entourant la commission des actes fautifs.  En bref, il est père de quatre enfants en bas âge et au moment de la commission des gestes fautifs, il vivait une situation familiale et financière difficile;

 

[16]    Particulièrement, l’intimé éprouve des difficultés à acquitter ses obligations financières au fur et à mesure qu’elles arrivent à échéance.  À l’époque de la commission des infractions déontologiques, il devait verser des pensions alimentaires avoisinant une somme de mille dollars (1 000$) par mois.  Il travaillait à deux endroits, à partir de 3H jusqu’à 20 H.  Il a subi un épuisement professionnel;

 

[17]    C’est dans ce contexte que l’intimé a réclamé et obtenu des argents qu’il savait ne pas avoir droit.  L’intimé explique qu’il s’est senti pris dans un étau et qu’il a faussement cru que ses gestes fautifs pouvaient lui servir de bouée de sauvetage.  Il ajoute que les sommes usurpées ont servi aux stricts besoins de la famille;

 

[18]    Aujourd’hui, l’intimé est repentant.  Il reconnaît d’emblée que son égarement n’en valait pas la peine.  Il prend la juste mesure des nombreux dommages irréparables occasionnés et il se dit prêt à en assumer les conséquences, aussi sévères soient-elles.  Bien qu’il déclare vouloir dorénavant agir de façon irréprochable, il est conscient qu’il doit entrevoir un avenir où il doit se rebâtir et qu’il demeurera, malgré ses efforts, stigmatisé;

 

Recommandations communes

 

[19]    Les parties recommandent au Comité d’imposer à l’intimé, les sanctions suivantes :

 

Le paiement d’une amende de quatre mille dollars (4 000$);

 

La radiation de l’inscription de l’intimé pour une période de deux (2) ans à compter de la remise en vigueur du certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers de l’intimé;

 

La publication de l’avis de radiation dans un journal local, au choix du greffe, dans les 30 jours de la remise en vigueur du certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers de l’intimé;

 

Le paiement de tous les frais; et

 

Le paiement de l’amende et des frais, en vingt-quatre versements égaux et consécutifs, payables dans les trente (30) jours de la décision, le 15e jour de chaque mois.  L’intimé perdra le bénéfice du terme, advenant un défaut de paiement;

 

 

Analyse

 

Gravité objective de l’infraction et facteurs subjectifs propres au dossier[10] 

 

[20]    D’entrée de jeu, le Comité est d’avis que l’infraction dont l’intimé a reconnu sa culpabilité est de gravité objective importante.  Il s’agit de malversations et par définition, de fautes graves;

 

Facteurs atténuants

 

[21]    Il est admis que l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire;

 

[22]    L’intimé est conscient d’avoir commis des actes fautifs.  Il les admet sans détour.  Il en prend l’entière responsabilité et il est prêt à en assumer pleinement les conséquences.  En effet, il a plaidé coupable à la première occasion, il a admis les faits et il a consenti à soumettre des recommandations communes sur sanction qu’il considère comme étant sévères;

 

[23]    L’audition sur culpabilité et sur sanction a procédé en une seule occasion, ce qui a permis une économie en temps et argent pour tous les intervenants de cette affaire;

 

[24]    De plus, l’intimé manifeste un repentir sincère et manifeste une volonté d’amender sa conduite à l’avenir.  Il a pris la pleine mesure du processus disciplinaire, il se rend compte qu’il a perdu beaucoup plus que les maigres bénéfices qu’il a usurpés, notamment, mais sans limitation, sa crédibilité, sa réputation, sa dignité et son honneur.  Dans ces circonstances, le Comité est d’avis que le risque de récidive est faible;

 

[25]    Tout comme le Comité, les parties et particulièrement l’intimé, par son plaidoyer de culpabilité, admettent que l’intimé était tenu à ses obligations déontologiques lors de la commission des actes fautifs, et ce, même s’il n’agissait pas dans le cadre strict et habituel de l’exercice de ses fonctions[11].  Ainsi, de l’avis du Comité, l’argument de l’intimé voulant qu’aucun client n’ait été impliqué par les malversations qu’il a orchestrées sciemment ne peut constituer un facteur atténuant;

 

Facteurs aggravants

 

[26]    Bien que l’intimé a plaidé coupable à la première occasion, il n’a pas collaboré avec le syndic, dans le cadre de son enquête[12];

 

[27]    L’intimé n’a pas remboursé les sommes obtenues sans droit;

 

[28]    Il ne s’agit pas d’actes isolés, mais bien d’actes répétés.  L’intimé admet avoir commis des malversations à dix-sept (17) reprises, entre le 23 mai 2013 et le 7 février 2014;

 

[29]    L’intimé a commis les actes reprochés sciemment.  Il a témoigné qu’au moment de la commission des actes reprochés il savait pertinemment que ce qu’il faisait n’était pas légitime;

 

Conclusion 

 

[30]    Une entente a été conclue alors que les parties sont représentées par avocats.  À l’audition, les deux parties ont manifesté leur intention de donner suite à l’entente intervenue et elles s’en déclarent satisfaites; 

 

[31]    Règle générale, les recommandations communes doivent être entérinées par le Comité.  Elles peuvent toutefois être écartées, si le Comité est d’avis qu’elles sont déraisonnables, inadéquates, contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[13];

 

[32]    Bien que l’intimé ait commis une faute grave, le Comité est d’avis que les sanctions suggérées par les parties sont sévères, en raison de la durée de la période de radiation demandée (2 ans) et du montant élevé de l’amende suggérée (4 000$). Surtout, lorsque celles-ci sont mises en relation avec les considérations suivantes : le certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers détenu par l’intimé n’est plus en vigueur depuis le 4 mars 2015[14];  les sommes reçues sans droit totalisent un montant de trois mille trois cent quatre-vingt-dix-huit dollars (3 398$); les revenus de l’intimé, au moment de l’audition sont faibles (703$ / 2 semaines), l’intimé est père de quatre enfants en bas âges, pour lesquels il est tenu de verser une pension alimentaire; et, qu’extraordinairement, en l’instance, une amende a été jumelée à une période de suspension;

 

[33]    Quoi qu’il en soit, à la lumière de la gravité objective importante des fautes reprochées, du fait qu’il s’agit d’actes répétés, commis sciemment, eu égard à l’ensemble des circonstances propres à l’espèce, de la jurisprudence soumise[15], et particulièrement, du fait que l’intimé se dit prêt et capable d’assumer les sanctions suggérées et que les avocats des parties s’en déclarent satisfaits, le Comité ne considère pas que les recommandations communes sont à ce point sévères qu’il puisse les qualifier de déraisonnables, inadéquates, contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[16];

 

[34]    En conséquence, les recommandations communes seront entérinées sans modification;

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1 d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l'égard des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 1 d’accusation;

 

Impose à l’intimé, les sanctions suivantes :

 

IMPOSE à l’intimé, quant au chef 1 d’accusation, le paiement d’une amende de quatre mille dollars (4 000.00 $);

 

ordonne quant au chef 1 d’accusation, la radiation de l’inscription du certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers de l’intimé (AMF no 175777) pour une période de deux (2) ans à être purgée à compter de sa remise en vigueur;

 

ordonne la publication de l’avis de radiation dans un journal local, au choix du greffe, dans les 30 jours de la remise en vigueur du certificat de courtier en assurance de dommages des particuliers de l’intimé (AMF no 175777);

 

condamne l’intimé au paiement de tous les débours, y compris les frais de publication de l’avis de radiation.

 

ORDONNE à l’intimé de payer l’amende et les frais, en vingt-quatre (24) versements égaux et consécutifs, payables à compter de l’expiration des délais d’appel, le 15e jour de chaque mois.  L’intimé perdra le bénéfice du terme, advenant un défaut de paiement.

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Marguerite M. Leclerc, avocate

Présidente suppléante

 

 

 

____________________________________

Mme Danielle Charbonneau, agent en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

Me Sébastien Tisserand

Procureur de la partie plaignante

 

Me Érik Lowe

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : Le 3 février 2016

 



[1] R c Gardiner [1982] 2 SCR 368, à la p 414; 1982 CanLII 30 (CSC);  R c JC, 2003 CanLII 32932 (QC CA);  R c Richard [1996] 3 RCS 525; 1996 CanLII 185 (CSC);  Adgey c R, 1973 CanLII 37 (CSC); [1975] 2 RCS 426;    

[2] Pivin c Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII);

[3] Voir à ce sujet, R c JC, précité, note 1;  R c Richard, précité, note 1, aux pp 539 et 540;  Adgey c R, précité, note 1, à la p 440Pivin c Inhalothérapeutes, précité, note 2;     

[4] Duquette c Gauthier, 2007 QCCA 863, au par 20 (CanLII);

[5] Me Éric Downs et Me Magdalini Vassilikos, La preuve en droit disciplinaire, Développements récents, Vol. 307 – Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2009, à la p. 121 : «À l’étape de l’audition sur sanction, chaque partie a le soin de prouver les faits qu’elle croit pertinents et utiles afin d‘éclairer le conseil quant à la sanction à imposer, tel que souligné par le Tribunal des professions dans la décision Roy c. Médecins : … Lorsqu’une affaire est rendue à l’étape de l’audition sur sanction, il appartient à chacune des parties de prouver les faits qu’elles croient devoir amener devant le Comité pour éclairer sur la sanction qu’il doit prononcer.  À ce stade l’usage constant est que les procureurs de chaque partie exposent les faits.  Si l’autre partie nie l’exposé de ces faits ou partie d’icelui, il faut alors que celle qui les a avancés en fasse la preuve formelle.  À défaut de négation des faits de l’exposé, le Comité les considère comme avérés. »

[6] Il est à noter que la plainte disciplinaire reproche à l’intimé 17 fausses réclamations et que l’intimé admet ce nombre seulement;

[7] Pièce P-2, à la p 40;

[8] Pièce P-3, aux pp 66-71;

[9] Pièce P-5, aux pp 6-11;

[10] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

[11] Pièce P-4, p 6;  Aussi, voir à ce sujet, la décision sur culpabilité soumise par les parties dans l’affaire : Chambre de la sécurité financière c Jacob, 2015 QCCDCSF 45 (CanLII);

[12] Voir pièce P-2, en liasse;

[13] Langlois c Dentiste, 2012 QCTP 52;  Camiré c R, 2010 QCCA 615 (CanLII);

[14] Pièce P-1, à la p 2;

[15] Eu égard à une radiation de deux ans, voir : Chambre de la sécurité financière c Jacob, précité note 11;

[16] Langlois c Dentiste, précité note 13Camiré c R, précité note 13;

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