Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2015-11-03(C)

 

DATE :

15 avril 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre

M Brian Brochet, C.d’A.Ass., P.A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JAMES DePRETIS

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 10 mars 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2015-11-03(C);

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Yves Robillard;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant neuf (9) chefs d’accusation, soit :

 

1.      En 2008, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

2.      En 2009, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

3.      En 2010, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

4.      En 2011, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

5.      En 2012, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

6.      En 2013, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

7.      En 2014, a exercé ses activités de représentant en assurance de dommages dans les domaines de l’assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise, le tout en contravention des articles 12, 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37, 37(1) et 37(2) dudit code;

 

8.      Durant les années 2012 et 2013, a utilisé le titre de courtier d’assurance agréé et/ou l’abréviation « C. d’A.A. » alors que ce titre ne lui a jamais été décerné, le tout en contravention des articles 16 et 318 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 2, 16, 37 et 37(1) dudit code;

 

9.      Du mois de mars 2012 jusqu’à la fin du mois d’août 2013, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages en déclarant à la Chambre de l’assurance de dommages avoir cessé toute pratique en assurance de dommages des entreprises alors que cela était faux, le tout en contravention de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentant en assurance de dommages, notamment les articles 1, 2, 11, 15, 35, 37, et 37(2) dudit code;

 

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des neuf (9) chefs d’accusation de la plainte;

[5]       L’intimé fut donc déclaré coupable, séance tenante, des faits reprochés à la plainte;

[6]       Les parties ont alors procédé sur sanction;


II.         Les faits

 

[7]       Me Leduc, au nom de la partie plaignante, a déposé de consentement les pièces P-1 à P-4;

[8]       Brièvement résumé, il appert de la preuve documentaire que le cabinet de l’intimé a fait l’objet d’une première inspection par la CHAD le 8 février 2012;

[9]       Aux termes de cette inspection, plusieurs lacunes et irrégularités ont été révélées dont notamment la pratique illégale de l’intimé;

[10]    Ainsi, l’intimé exerçait des activités autres que celles permises par son certificat puisque plusieurs de ses clients étaient des entreprises;

[11]    En offrant ce type de produits, l’intimé exerçait illégalement en assurance de dommages des entreprises et contrevenait ainsi à l'article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chefs 1 à 5);

[12]    Cette première inspection fut suivie d’une deuxième inspection tenue le 22 mai 2013;

[13]    Il fut alors constaté que l’intimé continuait de pratiquer illégalement (chefs 6 et 7) et d’utiliser le titre de courtier d’assurance agréé (C.d.’A.A.) alors que ce titre ne lui fut jamais décerné (chef 8);

[14]    De plus, cette deuxième inspection a permis d’établir que l’intimé, malgré un engagement formel, continuait d’exercer à titre de représentant dans la discipline de l’assurance de dommages des entreprises (chef 9);

[15]    Devant une telle situation l’Autorité des marchés financiers (ci-après, «l’AMF») n’eut d’autre choix que de demander l’imposition de pénalités administratives;

[16]    C’est ainsi que le Bureau de décision et de révision imposait à l’intimé et à son cabinet[1], le 31 juillet 2014, une pénalité de 30 000 $ pour le cabinet et une autre de 4 000 $ pour l’intimé en plus d’exiger le respect de plusieurs conditions;

[17]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra déterminer la sanction applicable au cas particulier de l’intimé;

 

III.        Recommandations communes

 

[18]    Me Leduc informe le Comité que des recommandations communes seront présentées par les parties;

[19]    En l’espèce, il suggère d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

          Chefs 1 à 7 :    une amende de 2 000 $ par chef pour un total de 14 000 $

          Chef 8              une réprimande

          Chef 9 :                        une amende de 5 000 $

[20]    À ces amendes totalisant 19 000 $ s’ajoutent les déboursés du dossier;

[21]    De plus, les parties ont convenu d’accorder à l’intimé la faculté de payer en 12 versements égaux et mensuels;

[22]    À l’appui du bien-fondé des suggestions communes, Me Leduc dépose les décisions suivantes :

      CHAD c. Latreille, 2016 CanLII 4233 (QC CHAD);

      CHAD c. Arel, 2014 CanLII 24913 (QC CHAD);

      CHAD c. Maheu, 2014 CanLII 62653 (QC CHAD);

      CHAD c. Bisaillon 2014 CanLII 62657 (QC CHAD);

      CHAD c. Beaulieu, 2014 CanLII 62659 (QC CHAD);

      CHAD c. Nadeau, 2014 CanLII 62905 (QC CHAD);

[23]    Quant aux circonstances aggravantes, Me Leduc insiste sur les suivantes :

      La gravité objective des infractions;

      La durée des infractions;

      La mise en péril de la protection du public;

      Le laxisme de l’intimé à corriger la situation suite à la première inspection;

[24]    Pour les circonstances atténuantes, le procureur du syndic souligne les suivantes;

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

      L’absence d’antécédents disciplinaires;

[25]    De son côté, le procureur de la défense, Me Robillard, insiste sur les circonstances atténuantes suivantes :

      L’absence de préjudice pour les clients;

      La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic;

      L’absence d’intention malicieuse;

      Le faible risque de récidive;

      Les mesures mises en place par l’intimé et son cabinet afin d’éviter la répétition des gestes reprochés;

[26]    Enfin, il conclut en rappelant que l’intimé et son cabinet ont encouru d’importantes pénalités administratives pour les mêmes faits[2];

 

IV.       Analyse et décision

 

[27]    Suivant la jurisprudence[3], les recommandations communes doivent être entérinées par le Comité, sauf circonstances exceptionnelles :

 

[41] Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps l'à-propos de ce que la Cour d'appel qualifie récemment de « politique judiciaire » cette pratique de la négociation des plaidoyers de culpabilité qu'il convient d'encourager parce qu'elle joue un rôle capital au sein de l'institution pénale (Dumont c. R., 2013 QCCA 576 (CanLII), au para 13).

 [42] La suggestion commune issue d'une négociation rigoureuse, dispose d'une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu'elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité (Dumont c. R., 2013 QCCA 576 (CanLII), au para 13; Gagné c. R., 2011 QCCA 2387 (CanLII)), à moins qu'elle soit déraisonnable, contraire à l'intérêt public, inadéquate ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice (R. c. Douglas (2002) 2002 CanLII 32492 (QC CA), 162 C.C.C. 37 (C.A.Q.); R. c. Bazinet, 2008 QCCA 165 (CanLII); R. c. Sideris, 2006 QCCA 1351 (CanLII)).

 [43] Ce sont ces paramètres qui peuvent induire le tribunal à écarter la suggestion commune (Poulin c. R., 2010 QCCA 1854 (CanLII); Paradis c. R., 2009 QCCA 1312 (CanLII); Leclaire c. R., 2006 QCCA 504 (CanLII)) En somme, cette « politique judiciaire » maintenant avalisée par un imposant corpus jurisprudentiel postule qu'une suggestion commune ne doit pas être écartée « afin de ne pas discréditer un important outil contribuant à l'efficacité du système de justice tant criminelle que disciplinaire (Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52 (CanLII)).

 [44] Rien ne s'oppose à ce que les mêmes principes et démarche s'appliquent en droit disciplinaire comme l'affirme encore récemment la jurisprudence de notre tribunal. (Nos soulignements)

 


[28]    Encore récemment, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[4]:

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[29]    Cela dit, les sanctions suggérées par les parties sont justes et raisonnables et elles sont appropriées au cas particulier de l’intimé;

[30]    Elles tiennent compte, d’une part, de la gravité objective des infractions et, d’autre part. de la volonté de l’intimé de s’amender et de prendre ses responsabilités;

[31]    À cela s’ajoute le fait que « chaque cas constitue un cas d’espèce »[5] et « les fourchettes de peines ne doivent pas être considérées comme des carcans »[6];

[32]    Ainsi, une sanction doit être, en premier lieu, individualisée et tenir compte des circonstances particulières de chaque cas[7];

[33]    Pour ces motifs, la recommandation commune des parties sera entérinée par le Comité.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1 à 9 et plus particulièrement comme suit :

Chefs 1 à 7:      pour avoir contrevenu à l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2;

Chef 8 :              pour avoir contrevenu à l’article 318, alinéa 2, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2;

Chef 9 :              pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages  (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 9 de la plainte;

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 :    une amende de 2 000 $

Chef 2 :    une amende de 2 000 $

Chef 3 :    une amende de 2 000 $

Chef 4 :    une amende de 2 000 $

Chef 5 :    une amende de 2 000 $

Chef 6 :    une amende de 2 000 $

Chef 7 :    une amende de 2 000 $

Chef 8 :    une réprimande

Chef 9 :    une amende de 5 000 $

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés

PERMET à l’intimé d’acquitter le montant des amendes et déboursés en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le 31e jour suivant la date de signification de la présente décision, en cas de défaut, l’intimé perdra le bénéfice du terme et toutes les sommes seront alors dues et exigibles immédiatement.

 

 

 

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

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M. Phillipe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

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M. Brian Brochet, C.d’A.Ass., P.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Yves Robillard

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 10 mars 2016

 



[1]            AMF c. Groupe DePretis inc., 2014 QC BDR) 94 (CanLII);

[2]            Op. cit., note 1;

[3]            Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[4]            Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII));

[5]            Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA), par. 37;

[6]            R. c. Lacasse, 2015 CSC 64 (CanLII), voir les par. 57, 58, 60, 67 et 69;

[7]            Ibid, par. 58;

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