Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2015-08-01(C)

 

DATE :

26 janvier 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Yves Barrette, B.A.A., C.d’A.Ass.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Benoit St-Germain, C.d’A.Ass., PAA, CRM,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

PAOLA SINIGAGLIESE, C.d’A.Ass. (4a)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 24 novembre 2015, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2015-08-01(C);

 

[2]       Le syndic adjoint était alors représenté par Me Julien Poirier-Falardeau et, de son côté, l’intimée était représentée par Me André Dugas;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte amendée se lisant comme suit:

 

1.   Entre le ou vers le mois de juin 2011 et le ou vers le mois de juin 2012, à titre de représentants et/ou gestionnaire du cabinet 2891913 Canada inc. faisant affaires sous Assurance Abruzzo et Molise, a permis à une personne non certifiée d’agir comme courtier en assurance de dommages :

a.   d’agir directement dans le dossier des assurés L.G. et F.R., alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

b.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré L.V.E.Z., alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

c.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré F.B., alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

d.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré G.C. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

e.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré M.L. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

f.    d’agir directement dans le dossier de l’assuré Y.B. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

g.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré R.R. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

h.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré S.D.C.G.H. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

Le tout en contravention dans chacun des cas avec les articles 12, 16, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2, et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages et l’article 6 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant.

2.   Entre le ou vers le mois de décembre 2012 et le ou vers le mois de février 2013, à titre de représentants et/ou gestionnaire du cabinet 2891913 Canada inc. faisant affaires sous Assurance Abruzzo et Molise, a permis à une personne non certifiée d’agir comme courtier en assurance de dommages:

 

a.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré F.B. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

b.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré Y.V. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

c.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré E.I.C.R. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

d.   d’agir directement dans le dossier de l’assuré E.O.H. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

e.   d’agir directement dans le dossier des assurés C.F. et D.D.N. alors qu’elle n’était pas autorisée à ce faire, ne possédant aucun certificat en règle et n’étant pas visée par l’article 547;

 

Le tout en contravention dans chacun des cas avec les articles 12, 16, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2, et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages.

 

3.   Retrait (…)

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée a, par l’entremise de son procureur, enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de la plainte telle qu’amendée;

 

[5]       Après avoir pris acte de ce plaidoyer, le Comité a alors procédé à l’audition sur sanction;

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

A)        Par le syndic adjoint

 

[6]       Dans un premier temps, le procureur du syndic adjoint dépose de consentement les pièces P-1 à P-10;

[7]       Essentiellement, cette preuve démontre que deux employés de l’intimée ont agi comme courtiers d’assurance sur une base régulière et dans de nombreux dossiers;

[8]       Ceux-ci communiquaient quotidiennement tant avec les assurés qu’avec les assureurs;

[9]       Qui plus est, ces communications portaient sur des questions d’assurance qui relevaient directement du champ de pratique réservé aux courtiers d’assurance dûment certifiés;

[10]    La preuve démontre également que l’intimée ne pouvait ignorer que de telles pratiques avaient cours dans son cabinet puisqu’elle était à l’époque des faits reprochés la seule personne dûment certifiée;

[11]    Enfin, quoique l’enquête du syndic n’ait ciblé qu’une partie des dossiers de l’intimée, il est clair que cette pratique était généralisée depuis plusieurs années;

 

B)       Par l’intimée

[12]    De son côté, l’intimée a témoigné pour expliquer :

      Qu’elle ignorait cette particularité de la loi;

      Qu’elle croyait sincèrement qu’une employée pouvait recueillir des renseignements;

[13]    De plus, elle précise que la majorité des infractions ont été commises alors qu’elle était en vacances;

[14]    Elle comprend mieux, suite au dépôt de la plainte, l’étendue de ses obligations déontologiques et elle a pris les moyens nécessaires pour éviter la répétition d’une telle situation;

[15]    Aujourd’hui, son cabinet comprend un nouveau courtier, soit son fils, lequel est dûment certifié;


[16]    Son mari travaille également dans son cabinet et il bénéficie de droits acquis en vertu de l’article 547 LDPSF;

[17]    Enfin, tous ses employés sont maintenant informés qu’ils doivent référer les questions des clients à un courtier certifié, soit elle ou son fils;

[18]    Depuis les événements, elle a suivi un cours sur la tenue de dossiers et elle s’apprête à suivre un autre cours intitulé « Courtier 101 »;

[19]    Finalement, elle regrette amèrement ses gestes lesquels, à son avis, sont le résultat d’une méconnaissance de la règle déontologique plutôt que d’une intention malhonnête;

 

III.        Recommandations communes

 

[20]    L’avocat du syndic adjoint, de concert avec le procureur de l’intimée, suggère d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

 

          Chefs 1a) à 1h) :         une amende de 2 500 $ par chef

 

          Chefs 2a) à 2e) :         une amende de 2 500 $ par chef

 

 

[21]    Le total de ces amendes s’élève à la somme de 32 500 $;

[22]    Suivant le principe de la globalité des sanctions, les parties recommandent de réduire les amendes à une somme globale de 12 000 $;

[23]    De plus, il est suggéré que l’intimée se voit imposer un cours de perfectionnement intitulé « C-130 Le courtier et l’agent d’assurances : compétences élémentaires »;

[24]    À l’appui de cette suggestion commune, Me Poirier-Falardeau cite plusieurs décisions démontrant le bien-fondé des sanctions suggérées, soit :

      CHAD c. Therriault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Pantazis, 2013 CanLII 10760 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Mercier, 2012 CanLII 18796 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Boulianne, 2014 CanLII 62659 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Nadeau, 2014 CanLII 62905 (QC CDCHAD);

      CHAD c. Boissonneault, 2013 CanLII (QC CDCHAD);

[25]    Ainsi, les sanctions suggérées s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction;

[26]    Cela dit, Me Poirier-Falardeau dresse la liste des facteurs aggravants et atténuants;

[27]    Parmi les facteurs aggravants, il insiste sur les suivants :

      La mise en péril de la protection du public lorsque des actes sont posés par des personnes non certifiées;

      La gravité objective des infractions lesquelles portent atteinte à l’essence même de la profession;

      L’exemplarité de la sanction afin d’éviter que d’autres membres de la profession puissent être tentés d’adopter le même genre de pratique;

[28]    À cela s’ajoute un autre facteur aggravant, à savoir que l’intimée a déjà été membre du Comité de discipline de la CHAD;

[29]    À cet égard, elle aurait dû redoubler de prudence afin d’éviter la commission des infractions;

[30]    Parmi les facteurs atténuants, le procureur du syndic adjoint souligne les suivants :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

      L’absence d’antécédents disciplinaires;

      Sa bonne collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire;

      Sa volonté de s’amender en prenant les mesures nécessaires pour éviter la répétition de telles infractions;

      Le contexte dans lequel les infractions ont été commises, soit un petit cabinet familial;

 

[31]    Il conclut donc en précisant que dans les circonstances particulières du présent dossier les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et surtout appropriées au cas de l’intimée;

[32]    De son côté, Me Dugas insiste sur le fait que l’intimée n’a pas volontairement transgressé la règle déontologique;

[33]    Il précise que sa cliente regrette amèrement ses gestes et souligne sa collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire;

IV.       Analyse et décision

 

[34]    Le Comité considère que la sanction suggérée est à la limite du raisonnable vu la gravité objective des infractions, par contre, en raison de la jurisprudence en matière de recommandations communes[1], le Comité entend entériner celle-ci;

[35]    Encore récemment, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[2]:

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[36]    Cela dit, le Comité estime que la sanction suggérée, quoique clémente, reflète tout de même les particularités du présent dossier. De plus, celle-ci assure la protection du public sans pour autant punir outre mesure l’intimée.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 et 2 et plus particulièrement comme suit:

Chefs 1a) à 1h) :   pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

Chefs 2a) à 2e) :   pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chefs 1a) à 1h) :   une amende de 2 500 $ sur chacun des chefs

Chefs 2a) à 2e) :   une amende de 2 500 $ sur chacun des chefs

RÉDUIT le montant des amendes de 32 500 $ à la somme globale de 12 000 $;

RECOMMANDE au Conseil d’administration de la CHAD d’imposer à l’intimée l’obligation de suivre et de réussir au cours de l’année 2016 le cours C-130 « Le courtier et l’agent d’assurance : compétences élémentaires »;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimée un délai de paiement de 30 jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la signification de la présente décision.

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Yves Barrette, B.A.A., C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

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M. Benoit St-Germain, C.d’A.Ass., PAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Julien Poirier-Falardeau

Procureur de la partie plaignante

 

Me André Dugas

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience : 24 novembre 2015

 



[1]    Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII);

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP);

[2]    Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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