Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2014-09-02(E)

 

DATE :

13 octobre 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Pierre Bergeron, expert en sinistre

Membre

Me Benoit Loyer, expert en sinistre

Membre

 

 

RÉJEAN AUCOIN

Partie plaignante privée

c.

YOLAINE LEROUX, expert en sinistre (5A)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

[1]       Le 14 août 2015 le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte privée numéro 2014-09-02(E) ;

 

[2]       Le plaignant privé se représentait seul et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Yves Carignan;

 

[3]       L’audition de cette plainte fait suite à une décision interlocutoire[1] rejetant une requête en rejet présentée à l’encontre de la plainte privée;

 

[4]       Par contre, l’instruction de la présente plainte fut confiée à une nouvelle division du Comité de discipline, le tout en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Duchastel[2] :

 

[77]    Cela étant, rien ne s'oppose à ce qu'une formation d'un conseil de discipline soit saisie d'une requête préliminaire à une étape de la procédure disciplinaire antérieure à l'instruction des faits proprement dits et qu'une autre se charge de cette dernière.

[78]    Du reste, les tribunaux civils connaissent depuis toujours cette distinction entre les décisions dites interlocutoires relevant de la chambre des requêtes ou cour de pratique et celles rendues par le juge saisi du fond.

[79]   Le droit pénal reconnaît aussi une telle césure entre une demande préliminaire et l'instruction de la poursuite. Le juge saisi d'une procédure antérieure, notamment une requête préliminaire, n'acquiert pas la compétence exclusive de l'instruction de la poursuite qui consiste en la confrontation du défendeur à la preuve testimoniale et documentaire au soutien de l'accusation.

[80]    Conséquemment, en l'instance, les formations du Conseil présidant, l'une, à l'audition de la requête préliminaire menant à la décision du 9 avril 2008, et l'autre, entièrement différente de la précédente, à l'audience du 29 septembre 2008, s'avèrent validement constituées. (Nos soulignements)

 

 

 

I.          La plainte

 

[5]       Cela étant dit, la plainte privée reproche essentiellement à l’intimée:

 

1.   d’avoir refusé de fournir au plaignant « les renseignements pertinents pour l’indemnisation de mes dommages » suite à l’envoi d’un « avis officiel » en date du 17 avril 2014, le tout contrairement aux articles 2, 10 et 11(5) du Code de déontologie des experts en sinistre[3];

 

2.   d’avoir manqué à ses devoirs et obligations envers le public, le tout contrairement à l’article 12 du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

3.   de ne pas avoir favorisé les mesures d’éducation et d’information auprès des sinistrés « en ce qui concerne les instances aptes à faire respecter les droits des sinistrés auprès des instances, telles que l’AMF », le tout contrairement à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

4.   d’avoir retenu des informations « sur les droits compensatoires auxquels ont droit les sinistrés », le tout contrairement à « l’article 17 » du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

[6]       De plus, lors de l’audition, M. Aucoin a pris soin de cibler sa plainte en précisant qu’il reproche à Mme Leroux de ne pas lui avoir fourni :

 

      Le numéro de la police d’assurance et le nom de l’assureur; et

      Une copie de la police d’assurance;

[7]       C’est à la lumière de ces allégations que sera examiné le bien-fondé des reproches formulés contre l’intimée;

 

 


II.         Remarques préliminaires

 

[8]       Compte tenu que le plaignant privé n’est pas représenté par avocat, le Comité, conformément à son devoir d’assistance[4], a souligné à M. Aucoin dans sa décision interlocutoire[5] que la preuve en droit disciplinaire exige une preuve sérieuse, claire et sans ambiguïté, tel que le rappelait le Tribunal des professions dans l’affaire Vaillancourt[6] :

 

[62]  En matière disciplinaire, il est établi depuis longtemps que le fardeau de la preuve, d'une part, incombe totalement à la plaignante, et d'autre part, que ce fardeau en est un de prépondérance des probabilités, identique à celui qui a cours en droit civil, énoncé de la manière suivante par l'article 2804 du Code civil du Québec :

La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

(…)

[65] La Cour rappelle que « la preuve doit être toujours claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » tout en reconnaissant toutefois qu'il n'existe aucune norme objective pour déterminer si elle l'est suffisamment. Cependant, la norme de la prépondérance des probabilités présuppose un examen attentif et minutieux de tous les éléments pertinents de preuve qui permettent de conclure dans un sens ou dans l'autre. La Cour conclut :

[49] En conséquence, je suis d'avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s'applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

[66] L'arrêt McDougall clarifie donc la question de la norme de preuve applicable en matière civile mais n'évacue pas de son application des considérations liées à la gravité des allégations ou de leurs conséquences. En cela, les propos tenus par notre Tribunal il y a presque 20 ans dans Osman c. Médecins (Corp. professionnelle des) restent d'actualité :

[…]

Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s'acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité le retient et écarte celle de l'intimé parce que non digne de foi.

Si le Comité ne sait pas qui croire, il doit rejeter la plainte, le poursuivant n'ayant pas présenté une preuve plus persuasive que l'intimé. Il ne suffit pas que le Comité préfère la théorie du plaignant par sympathie pour ses témoins ou par dégoût envers les gestes reprochés au professionnel. Il est essentiel que la preuve à charge comporte un degré de persuasion suffisant pour entraîner l'adhésion du décideur et le rejet de la théorie de l'intimé.

La prépondérance de preuve n'est pas une sinécure pour les Comités de discipline. Elle n'est pas affaire de préférence émotive, mais bien d'analyse rigoureuse de la preuve. Elle impose au syndic un fardeau exigeant et une preuve de qualité, faute de quoi il se verra débouté purement et simplement.

[…]

[67] Dans Médecins c. Lisanu, notre Tribunal, citant sa décision dans Osman, réitère que le fardeau de la preuve en droit disciplinaire requiert une preuve sérieuse, claire et sans ambiguïté.

 

[9]       Dans la même décision interlocutoire[7], le Comité avait souligné à M. Aucoin que malgré son devoir d’assistance, le Comité n’était pas habilité à agir en lieu et place du poursuivant[8] et qu’il lui appartenait de faire la preuve des infractions reprochées par le dépôt de documents pertinents et le témoignage de personnes qu’il estimait nécessaires pour établir le bien-fondé des accusations;

[10]    Cela étant dit, le Comité examinera la preuve administrée au soutien des infractions reprochées;

 

III.        La preuve

 

A)        Par le plaignant privé

 

[11]    Comme premier témoin, le Comité a entendu Mme Marie-Christine Richer;

[12]    Celle-ci est vice-présidente d’une association de locataires;

[13]    M. Aucoin a tenté, dans un premier temps, de la faire témoigner comme « experte » quant aux droits et obligations relevant de la profession d’expert en sinistre;

[14]    Une objection fut alors soulevée par le procureur de l’intimée au motif que Mme Richer ne détenait pas les qualifications nécessaires pour agir comme témoin expert;

[15]    Cette objection fut prise sous réserve et les questions furent permises;

[16]    Par contre, après avoir délibéré et par la présente décision, l’objection est accueillie au motif que Mme Richer n’a pas les compétences légales ou académiques nécessaires pour se prononcer sur les obligations déontologiques qui incombent à un expert en sinistre;

[17]    De plus, ces questions relèvent de la compétence exclusive du Comité qui devra, en dernier lieu, déterminer la responsabilité déontologique de l’intimée;

[18]    Cela étant dit, le témoignage de Mme Richer a permis essentiellement d’établir les faits suivants :

      Le 15 mai 2013, un incendie survient au 6711, boulevard Henri-Bourassa à Montréal;

      L’incendie se propagea à l’immeuble voisin, dont l’adresse civique est le 6725-6735, boulevard Henri-Bourassa;

      Le plaignant privé était un des locataires de cet immeuble au moment où l’incendie est survenu;

[19]    La preuve a également permis d’établir que l’immeuble d’où origine l’incendie, le 6711, boulevard Henri-Bourassa, serait la propriété de « Fiducie Nasseh »;

[20]    De son côté, l’immeuble dans lequel logeait le plaignant privé, le 6725-6735, boulevard Henri-Bourassa, appartiendrait à la société 9157-2834 Québec inc., dont le président est M. Orazio Siino;

[21]    Mme Richer a également fait part au Comité des démarches qu’elle avait effectuées avec M. Aucoin pour obtenir une copie du rapport d’incendie et éventuellement une indemnisation pour les locataires du 6725-6735, boulevard Henri-Bourassa;

[22]    Comme deuxième témoin, M. Luigi Gammieri fut entendu par le Comité;

[23]    Suivant son témoignage, il fut le premier, le jour de l’incendie, à téléphoner aux pompiers;

[24]    Après l’incendie, il a tenté d’obtenir auprès des services de police une copie du rapport d’incendie, mais sans succès;

[25]    Par contre, avec l’aide de M. Aucoin, il a fini par savoir que l’immeuble d’où provenait l’incendie appartenait à la Fiducie Nasseh;

[26]    Bref, il confirme que plusieurs démarches ont été entreprises par M. Aucoin pour recueillir de l’information auprès de divers organismes et personnes dont l’intimée, Mme Leroux;

[27]    Comme troisième témoin, le plaignant privé a fait entendre Mme Diane Racicot;

[28]    Mme Racicot agit comme mandataire du groupe des sinistrés du 6725-6735 boulevard Henri-Bourassa au même titre que M. Aucoin;

[29]    C’est ainsi qu’elle tente de colliger le plus d’information possible afin d’obtenir éventuellement une indemnisation pour les sinistrés;

[30]    D’ailleurs, elle détient les originaux de tous les documents remis par les sinistrés pour établir leurs réclamations;

[31]    Elle confirme que M. Aucoin et elle-même ont tenté de recueillir plusieurs informations en vue d’obtenir une indemnisation mais sans succès;

[32]    Elle souligne avec justesse que l’intimée s’était engagée lors de la dernière audition[9] à fournir le nom de l’assureur et le numéro de la police d’assurance;

[33]    En date d’aujourd’hui, elle précise n’avoir rien reçu de la part de l’intimée;

[34]    Comme quatrième témoin, M. Alexandre Pereira-Chartrand fut entendu par le Comité;

[35]    Brièvement résumé, son témoignage a permis d’établir les faits suivants :

      Une requête en appel fut déposée à l’encontre de la décision interlocutoire rendue par le Comité[10];

      À défaut d’obtenir les renseignements exigés de Mme Leroux, le groupe des sinistrés a l’intention d’obtenir une injonction contre elle afin de la forcer à fournir lesdits renseignements;

[36]    Comme cinquième et dernier témoin, M. Aucoin a témoigné au soutien de sa plainte privée;

[37]    Les documents suivants furent déposés de consentement, soit :

PIÈCE P-1 :   Plainte — Lettre datée du 8 septembre 2014 et pièces;

PIÈCE P-:   Documentation concernant l’incendie du 15 mai 2013;

PIÈCE P-3 :   Avis de significations (mise à jour) Hôtel de ville – Arrondissement Montréal-Nord – signée par R.A. et D.R. daté du 2 mars 2015;

PIÈCE P-4 :   Lettre de S.G.A. Internationale datée du 26 novembre 2014 – avis officiel et demande d’enquête à Mme Maya Raic;

PIÈCE P-5 :   Avis de signification daté du 6 octobre 2014 à M. Gilles Deguire, maire de l’arrondissement Montréal-Nord;

PIÈCE P-6 :   Lettre de Mme Yolaine Leroux datée du 14 mai 2014;

PIÈCE P-7 :   Lettre de S.G.A. Internationale datée du 10 avril 2014 adressée à M. Maurice Nasseh;

PIÈCE P-8 :   Lettre de S.G.A. Internationale datée du 6 mai 2014 adressée à Me Karine Lizotte, syndic adjoint;

PIÈCE P-9 :   Lettre de S.G.A. Internationale datée du 17 avril 2014 – Avis officiel à Mme Yolaine Leroux;

PIÈCE P-10 :  Lettre de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse datée du 27 novembre 2013 adressée à M. Réjean Aucoin;

PIÈCE P-11 :  Lettre de S.G.A. Internationale datée du 25 novembre 2013 adressée à M. Jacques Frémont — président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;

PIÈCE P-12 :  Lettre de S.G.A. Internationale datée du 2 juillet 2013 adressée à Mme Johanne Lamanque – Bureau d’Assurance du Canada;

PIÈCE P-13 :  Lettre de S.G.A. Internationale datée du 4 juin 2013 adressée à M. Sylvain Gaudreault.

PIÈCE P-14 :  Lettre du Cabinet du ministre de la Sécurité publique et du ministre responsable de la région de l’Outaouais date du 3 juin 2013 adressée à M. Réjean Aucoin;

PIÈCE P-15 :  Lettre de S.G.A. Internationale datée du 2 juin 2013 adressée à M. Orazio Siino – Avis officiel;

PIÈCE P-16 : Lettre datée du 17 mai 2013 adressée à M. Orazio Siino – Avis officiel — remise liste partielle de bail à l’hôtel pour l’Office d’Habitation de Montréal;

PIÈCE P-17 :  Résolution no. CM04 0146 de la Ville de Montréal adoptée le 22 mars 2004;

PIÈCE P-18 : Règlementation et protection des droits de propriété.

 

[38]    Lors de son témoignage, M. Aucoin a prétendu que les sinistrés étaient victimes d’un complot visant à les frustrer de toute forme d’indemnisation et que M. Nasseh et M. Siino étaient à l’origine de ce complot;

[39]    Par contre, il estime que l’intimée, Mme Leroux, ne fait pas partie de ce complot, étant, à son avis, elle-même victime de celui-ci;

[40]    Plus particulièrement, son témoignage a consisté à réitérer les faits qu’il avait déjà exposés lors de la décision interlocutoire[11], à savoir que :

      Il est le président de S.G.A. Internationale inc.;

      Il est également mandataire du groupe des sinistrés;

      À ce titre, il a tenté de recueillir le plus d’information possible afin d’obtenir éventuellement une indemnisation pour les sinistrés;

      Le 17 avril 2014, il faisait parvenir une lettre (P-9) à l’intimée lui demandant : « le numéro de police d’assurance couvrant ce sinistre, ainsi que les clauses couvrant la responsabilité civile »;

      Depuis cette date, il n’a pas reçu l’information requise;

[41]    En conséquence, il demande que Mme Leroux soit condamnée à lui fournir lesdits renseignements;

 

B)       Par l’intimée

 

[42]    Comme premier témoin, l’intimée a choisi de faire entendre le plaignant. M. Aucoin;

 

[43]    Dans un premier temps, M. Aucoin prétend que lors d’une conversation téléphonique avec Mme Leroux survenue le 17 avril 2014, il se serait identifié comme étant « un des sinistrés » du 6725 Henri-Bourassa;

 

[44]    Or, le procureur de l’intimée lui fait remarquer, avec justesse, que cette affirmation est en contradiction directe avec celle formulée lors de l’audition du 24 avril 2015, suivant laquelle il avait refusé de répondre aux questions de Mme Leroux et de s’identifier comme locataire et/ou sinistré puisqu’à son avis sa lettre du 17 avril 2014 (P-9) était claire et qu’il n’avait pas besoin de fournir d’autres détails[12];

 

[45]    Aujourd’hui, il justifie sa nouvelle version en prétendant que c’est au niveau de son rôle dans « S.G.A. Internationale inc. » qu’il refusait de fournir les détails;

 

[46]    Par ailleurs, il confirme avoir finalement reçu une copie du rapport d’incendie lequel, suivant ses dires, concluait que l’entrepreneur général, « Construction Nasco », était responsable de l’incendie du 6711 Henri-Bourassa;

 

[47]    D’autre part, il confirme avoir reçu, le 14 avril 2014, une télécopie[13] en provenance de M. Nasseh lui indiquant « ci-joint les deux responsables de mes compagnies d’assurance. Veuillez entrer en contact avec eux » à laquelle étaient annexées les cartes d’affaires de Mme Leroux et de M. Bernard Dubuc lequel agissait pour l’assureur de l’entrepreneur qui aurait fait des travaux de façon contemporaine à l’incendie;

 

[48]    À cet égard, il mentionne à plusieurs reprises ne pas être intéressé par « celui qui a mis le feu » et que ses griefs visent Mme Leroux;

 

[49]    Il précise même n’avoir jamais communiqué avec M. Bernard Dubuc de chez Intact;

 

[50]    Comme deuxième témoin en défense, le Comité a entendu Mme Leroux;

 

[51]    Elle exerce dans le domaine de l’expertise en sinistre depuis 23 ans;

 

[52]    Le 14 avril 2014, elle reçoit copie de l’ « Avis officiel » (P-7) adressé à M. Nasseh par M. Aucoin;

 

[53]    Dès cet instant, elle téléphone à M. Aucoin à titre d’experte en sinistre mandatée par l’assureur Aviva;

 

[54]    Elle lui laisse un message sur sa boîte vocale;

 

[55]    Le 17 avril 2014, M. Aucoin retourne son appel et elle lui demande alors s’il est assuré avec Intact;

 

[56]    Celui-ci refuse de lui répondre et lui mentionne que cela ne la concerne pas;

 

[57]    Compte tenu que les « Avis officiels » du 10 avril 2014 (P-7) et du 17 avril 2014 (P-9) font référence à l’incendie de « notre » immeuble, elle entreprend une recherche afin de déterminer l’intérêt exact de M. Aucoin;

 

[58]    À cet égard, elle transmet un courriel[14] à M. Olivier Hamel de chez Intact pour l’informer de ses recherches dans les termes suivants :

 

« Voici les documents que j’ai reçu (sic) de Monsieur Aucoin. Il réfère à SON immeuble du 6725. Or dans ton dossier 739-13002-001, j’avais comme assuré une compagnie numérique : 9157-2834 Québec inc. Au rôle Foncier, il n’y a rien pour les immeubles entre le 6700 et le 6765 (probablement à cause de l’incendie). Avant de lui transmettre des informations sur mon assuré, je veux savoir s’il est réellement propriétaire de cet/ces immeubles auxquels il réfère.

Était-il le représentant de ton assuré? » (Nos soulignements)

 

[59]    Dans les minutes qui suivent, M. Hamel lui répond que « cela n’a rien à voir avec son dossier »;

[60]    Bref, après diverses vérifications incluant une consultation du Registre des entreprises, elle conclut que ni M. Aucoin, ni « S.G.A. Internationale » ne sont locataires et/ou propriétaires de l’immeuble;

[61]    Elle prépare en conséquence un projet de lettre le 3 mai 2014 adressée à M. Aucoin, laquelle sera modifiée suite à la réception, le 6 mai 2014, de la plainte de M. Aucoin adressée au syndic de la CHAD[15];

[62]    Finalement, ce n’est que le 14 mai 2014 que la version finale de cette lettre[16] sera acheminée à M. Aucoin;

[63]    Les motifs justifiant son refus de transmettre les informations requises sont identifiées dans les passages suivants de cette lettre[17] :

« Lors de notre entretien du 17 avril 2014, nous vous avons demandé de nous donner plus d’informations quant à l’intérêt de SGA Internationale inc. dans les immeubles ci-dessus mentionnés, à quel titre vous auriez subi des dommages lors de cet incendie ou encore de nous identifier quelles personnes vous représentiez dans cette affaire, ce que vous avez refusé de faire.

Or, dans le cadre de son mandat, l’expert en sinistre doit respecter la confidentialité de renseignements personnels qu’il recueille et qu’il détient. Il ne doit divulguer, autrement que conformément à la loi, ces renseignements obtenus.

Ainsi, avant de soumettre votre demande de renseignements à nos commettants, nous vous demandons de bien vouloir nous indiquer votre intérêt dans ces immeubles et à quel titre SGA Internationale inc. aurait subi un préjudice lors de cet incendie ou encore, nous préciser votre mandat de représentation dans cette affaire le cas échéant. » (Nos soulignements)

 

[64]    En pratique, Mme Leroux n’a jamais reçu de réponse de M. Aucoin et, par conséquent, elle n’a pas transmis les renseignements requis;

[65]    Elle conclut en précisant que si M. Aucoin avait bien voulu s’identifier comme sinistré et/ou locataire, elle lui aurait alors fourni les renseignements requis;

[66]    Finalement, lors de l’audition et à la demande expresse du président, elle fournit au plaignant privé :

      Le numéro de la police d’assurance; et

      Le nom de l’assureur;

[67]    De plus, quelques jours après l’audition, son procureur a fait parvenir au Comité, pour être transmis à M. Aucoin, les « conditions particulières » de la police d’assurance ainsi qu’une copie complète de la police d’assurance émise au nom de l’assuré « Fiducie Nasseh »;

[68]    Il est à noter que l’intimée s’était déjà engagée, le 24 avril 2015, lors de l’audition sur la requête en rejet des plaintes[18], à fournir lesdits renseignements;

[69]    Pour des raisons plus ou moins obscures, cet engagement n’a jamais été respecté par l’intimée et ce, malgré la demande du Comité formulée le 24 avril 2015, laquelle fut réitérée le 14 août 2015;

[70]    À cet égard, le Comité tient à rappeler à l’intimée qu’elle avait l’obligation de collaborer avec la CHAD ou « l’un de ses comités » suivant l’article 56 du Code de déontologie des experts en sinistre[19];

[71]    De plus, les obligations déontologiques d’un expert en sinistre ou d’un courtier d’assurance ont préséance sur les directives qu’il peut recevoir de son employeur[20] ou de son client ou de toute autre personne[21];

[72]    La norme déontologique constitue la norme supérieure, elle est d’ordre public[22] et, en ce sens, elle doit être respectée et appliquée, sans excuses, ni prétextes;

[73]    Cela dit, le Comité examinera les arguments présentés de part et d’autre;

 

IV.       Argumentation

 

A)        Par le plaignant privé

 

[74]    M. Aucoin réitère, à toutes fins pratiques, les arguments qu’il a déjà soulevés à l’appui de sa plainte en précisant qu’il désire simplement obtenir « Le numéro de police d’assurance couvrant ce sinistre ainsi que les clauses couvrant la responsabilité civile »;

 

 

B)       Par l’intimée

 

[75]    De son côté, l’intimée plaide par la voix de son procureur :

      Que la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve;

      Que les articles 22 et 23 du Code de déontologie des experts en sinistre empêchaient l’intimée de communiquer les renseignements requis en raison de l’obligation de confidentialité qui lui est imposée par ces dispositions;

      Que suivant les articles 29 et 30 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (RLRQ, c. P-39.1), M. Aucoin avait l’obligation de s’identifier « à titre de personne concernée », ce qu’il a refusé de faire, empêchant ainsi l’intimée de lui communiquer les renseignements requis :

[76]    Au surplus, Me Carignan plaide que la faute reprochée ne revêt pas une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique;

[77]    Il est à noter que la défense n’a fourni aucune jurisprudence à l’appui de ses prétentions;

 

C)       Réplique de M. Aucoin

 

[78]    En réponse aux arguments de l’intimée, M. Aucoin a tenu à souligner qu’à son avis, la « Fiducie Nasseh » étant une personne morale, celle-ci n’aurait pas droit à la confidentialité de ses informations;

 

V.        Analyse et décision

 

5.1      La trame factuelle

 

[79]    Résumée à grands traits, la preuve a permis d’établir :

      Que le 14 avril 2014, l’intimée a reçu copie de l’ « Avis officiel » (P-7) daté du 10 avril 2014 et adressé à M. Nasseh par le plaignant privé, M. Aucoin, dont les conclusions se lisaient comme suit :

« Prenez avis de nous informer dans 10 jours ouvrables des informations concernant votre assureur ainsi que le numéro de la police d’assurance ainsi que les clauses couvrant la responsabilité civile de cette police d’assurance afin que nous puissions leurs (sic) faire parvenir la liste des sinistrés (es) et ainsi procéder à un règlement équitable dans ce dossier. »

 

      Que le 17 avril 2014, l’intimée recevait un « Avis officiel » (P-9) qui lui était personnellement adressé par M. Aucoin dans lequel celui-ci indiquait :

« Suite à l’information qui nous a été remis (sic) par Monsieur Maurice Nasseh, responsable de la Fiducie Nasseh de communiquer avec vous concernant la remise des renseignements, sur le numéro de police d’assurance couvrant ce sinistre ainsi que les clauses couvrant la responsabilité civile.

Soyez officiellement avisé (sic) qu’aucun délai additionnel ne sera accordé dans ce dossier pour la fourniture des renseignements qui ont été demandés. »

 

      Que dans les deux lettres (P-7 et P-9), M. Aucoin s’identifie comme « sinistré »;

      Que lors d’une conversation téléphonique entre l’intimée et M. Aucoin en date du 17 avril 2014, celui-ci a refusé de préciser s’il était un des locataires ou sinistrés de l’immeuble incendié prétextant que sa lettre du 17 avril 2014 (P-9) était suffisamment claire et qu’il n’avait pas besoin de fournir d’autres détails;

      Que l’intimée a refusé de fournir les renseignements requis pour les motifs énoncés dans sa lettre du 14 mai 2014 (P-6) :

« Lors de notre entretien du 17 avril 2014, nous vous avons demandé de nous donner plus d’informations quant à l’intérêt de SGA Internationale inc. dans les immeubles ci-dessus mentionnés, à quel titre vous auriez subi des dommages lors de cet incendie ou encore de nous identifier quelles personnes vous représentiez dans cette affaire, ce que vous avez refusé de faire.

Or, dans le cadre de son mandat, l’expert en sinistre doit respecter la confidentialité de renseignements personnels qu’il recueille et qu’il détient. Il ne doit divulguer, autrement que conformément à la loi, ces renseignements obtenus.

Ainsi, avant de soumettre votre demande de renseignements à nos commettants, nous vous demandons de bien vouloir nous indiquer votre intérêt dans ces immeubles et à quel titre SGA Internationale inc. aurait subi un préjudice lors de cet incendie ou encore, nous préciser votre mandat de représentation dans cette affaire le cas échéant. » (Nos soulignements)

 

      Que le plaignant privé, M. Aucoin n’a jamais répondu aux demandes de précisions formulées par l’intimée;

[80]    De toute évidence, un climat de méfiance régnait entre les parties et un dialogue de sourds s’était installé entre eux, empêchant le dénouement de cet imbroglio, lequel a dégénéré au point que l’intimée fait maintenant l’objet d’une plainte disciplinaire;

 

 

5.2      La plainte

 

[81]    Au-delà de la plainte formelle déposée par M. Aucoin le 16 décembre 2014, celui-ci a clairement précisé les infractions formulées contre l’intimée lors de l’audition du présent dossier en indiquant qu’il reproche principalement à Mme Leroux de ne pas lui avoir fourni :

      Le numéro de la police d’assurance;

      Le nom de l’assureur;

      Une copie de la police d’assurance;

[82]    Concernant le nom de l’assureur, il y a lieu de souligner que celui-ci était clairement identifié dans la réponse de Mme Leroux (P-6) adressée à M. Aucoin, le 14 mai 2014, soit « Aviva Canada inc. »;

[83]    En conséquence, le Comité n’examinera la responsabilité déontologique de l’intimée que sous l’angle des deux autres renseignements requis;

 

5.3      Les dispositions réglementaires

 

[84]    La plainte privée réfère à diverses dispositions réglementaires dont certaines sont pertinentes (art. 10, 14 et 17), par contre, d’autres dispositions n’ont aucune application eu égard aux faits reprochés (art. 11 et 12);

[85]    Il est vrai que les règles de rédaction d’une plainte sont plutôt souples et dénouées de tout formalisme[23];

[86]    De la même façon, il n’est pas nécessaire que la plainte indique toutes et chacune des dispositions législatives ou réglementaires que l’intimée a pu enfreindre[24];

[87]    Ainsi, il suffit que le professionnel soit en mesure d’y répondre et de présenter une défense adéquate[25];

[88]    Par contre, lorsque la plainte est incomplète, le Comité peut préciser la ou les dispositions réglementaires pertinentes et ce, même en cours de délibéré[26];

[89]    Dans les circonstances, le Comité estime qu’il est nécessaire, autant pour le plaignant privé que pour l’intimée, d’identifier les dispositions du Code de déontologie qui peuvent être visées par le comportement reproché à l’intimée, soit :

10.  L'expert en sinistre ne doit pas négliger les devoirs professionnels reliés à l'exercice de ses activités; il doit s'en acquitter avec intégrité.

14.  L'expert en sinistre doit favoriser les mesures d'éducation et d'information dans le domaine où il exerce ses activités.

17.  Dans l'exercice de ses activités, l'expert en sinistre doit s'identifier clairement ainsi que, le cas échéant, identifier son mandant. Sur demande, il doit exhiber son certificat.

19.  L'expert en sinistre doit aviser non seulement les parties en cause mais encore toute personne qu'il sait avoir un intérêt dans l'indemnité demandée, des refus ou des dispositions qu'entend prendre l'assureur concernant un sinistre.

27.  L'expert en sinistre doit agir promptement, honnêtement et équitablement dans la prestation de ses services professionnels dans le cadre des mandats qui lui sont confiés.

58.  Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour l'expert en sinistre d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment:

 10°    de cacher ou d'omettre sciemment de divulguer ce qu'une disposition législative ou réglementaire l'oblige à révéler; (Nos soulignements)

 

[90]    À cela s’ajoute le fait que tout membre de la CHAD doit agir avec compétence et professionnalisme suivant l’article 16 de la LDPSF;

[91]    Enfin, on se souviendra qu’en défense, l’intimée allègue son obligation de respecter la confidentialité de certains renseignements en vertu des articles 22 et 23 du Code de déontologie, lesquels édictent :

23.  L'expert en sinistre ne doit pas divulguer, autrement que conformément à la loi, les renseignements personnels ou de nature confidentielle qu'il a obtenus ni les utiliser au préjudice d'une partie en cause ou en vue d'obtenir un avantage pour lui-même ou pour une autre personne.

24.  L'expert en sinistre ne peut accepter un mandat ou en continuer l'exécution s'il comporte ou peut comporter la divulgation ou l'usage de renseignements ou de documents confidentiels obtenus d'un autre sinistré à moins que ce dernier n'y consente. (Nos soulignements)

 

[92]    C’est à la lumière de l’ensemble de ces dispositions législatives et réglementaires que sera examinée la responsabilité déontologique de l’intimée;

 

 


5.4      Décision

 

[93]    De l’avis du Comité, les éléments factuels de la plainte ont tous été prouvés;

[94]    Cela signifie-t-il pour autant que l’intimée doit être déclarée coupable des infractions reprochées?

[95]    Le Comité doit répondre par la négative à cette question pour les motifs ci-après exposés;

[96]    Il est vrai que l’intimée a été négligente (art. 10), qu’elle n’a pas été proactive (art. 14) et qu’elle n’a pas cherché à répondre adéquatement aux demandes d’information formulées par M. Aucoin (art. 19 et 27), par contre, le dialogue de sourds qui s’était installé entre les parties n’a sûrement pas aidé;

[97]    D’autre part, le Comité estime qu’elle s’est clairement identifiée (art. 17) et qu’elle n’a pas, au sens de la jurisprudence[27], cherché « sciemment » à cacher de l’information (art. 58(10));

[98]    Au-delà de ces considérations, le Comité est d’avis que les fautes commises par l’intimée n’ont pas une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique pouvant entraîner l'imposition d’une sanction;

[99]    La jurisprudence enseigne qu’une simple faute technique qui ne présente pas une gravité suffisante ne peut constituer une faute déontologique[28];

[100] Le Tribunal des professions, dans l’affaire Malo[29], rappelait ce principe dans les termes suivants :

[28]  …….Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite était susceptible de constituer un manquement déontologique…….

(Nos soulignements)

 

[101] Ce principe était réitéré par le Tribunal des professions dans l’affaire Belhumeur[30] :

[72]   La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité. (Nos soulignements)

[102] Plus récemment, la Cour d’appel confirmait le bien-fondé de ce principe dans l’arrêt Prud’homme c. Gilbert[31] :

[33]   Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

[34]   Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132 (CanLII), le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28]  La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35]   Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 (CanLII) :

[72]   La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité.

[36]   Comme dans bien des cas, les circonstances factuelles du dossier importent.

[37]    En l'espèce, le dossier technique a été constitué, nul ne le conteste, et, selon les conclusions factuelles du Comité, le professionnel a procédé avec compétence aux calculs requis. Il les a toutefois égarés. Y a-t-il une forme de négligence? Je le crois. Y a-t-il pour autant faute déontologique requérant une sanction? Je ne le crois pas.

[38]    Pour conclure autrement, il ne faudrait pas tenir compte de la preuve et des circonstances très particulières de cette affaire.

[39]   Affirmer qu'un tel manquement constitue en tout temps une faute serait contraire aux objectifs du droit disciplinaire. (Nos soulignements)

 


[103] Mais il y a plus, le droit disciplinaire n’exige pas de chaque professionnel qu’il soit l’incarnation même de la perfection[32];

[104] À cet égard, qu’il nous soit permis de référer aux enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Ayotte c. Gingras[33] dans laquelle on peut lire :

«Il y a une distinction à faire entre une faute technique et une faute disciplinaire.» (p. 192)

«De l’avis du Tribunal, le Comité de discipline a bien disposé de ce chef de la plainte. Il y a peut-être eu, ici, une faute technique poursuivable en matière civile, mais le Tribunal n’a pas à en décider. Toutefois, il n’y a sûrement pas faute disciplinaire. Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’intimé Gingras ne rencontre pas en effet les standards moyens requis en regard du comportement d’un avocat.» (pp. 193 et 194) (Nos soulignements)

 

[105] De la même façon, l’auteur Sylvie Poirier[34] nuance les obligations imposées aux professionnels comme suit :

«Les standards de compétence que doit rencontrer un professionnel sont ceux qui seraient suivis par un professionnel raisonnablement compétent placé dans des circonstances similaires. Il est entendu du professionnel qu’il détienne et applique le degré de connaissance et d’habilité technique requis d’un professionnel adéquatement formé et entraîné.

Néanmoins, le niveau de compétence exigé d’un professionnel n’est pas la perfection. C’est habituellement une obligation d’un moyen plutôt que la garantie d’un résultat parfait. Mais cette règle n’est pas absolue et, dans certaines circonstances, c’est le résultat et non les moyens pour y parvenir qui sont pris en considération par les tribunaux pour déterminer la responsabilité d’un professionnel [35] (Nos soulignements)

 

[106] Dans les circonstances du présent dossier, il est possible qu’un autre expert en sinistre, plus zélé et plus tolérant que l’intimée, aurait tenté d’aller au-delà de l’attitude confrontante du plaignant privé afin de répondre coûte que coûte à ses demandes de renseignements, cependant, telle n’était pas l’obligation de l’intimée;


[107] La loi et la jurisprudence n’exigent pas que l’expert en sinistre se positionne parmi l’élite de sa profession, il lui suffit d’être raisonnablement compétent suivant les standards moyens imposés à l’ensemble des membres de sa profession[36];

[108] Pour ces motifs, l’intimée sera acquittée de l’ensemble des infractions reprochées;

 

5.5      Les frais

 

[109] L’article 151 du Code des professions prescrit, en matière de frais, que:

 

151. Le conseil peut condamner le plaignant ou l'intimé aux déboursés ou les condamner à se les partager dans la proportion qu'il doit indiquer.

Toutefois, lorsque le plaignant est une personne qui a porté plainte en vertu du deuxième alinéa de l'article 128, le conseil ne peut le condamner aux déboursés que si l'intimé a été acquitté sur chacun des chefs contenus dans la plainte et que la plainte était abusive, frivole ou manifestement mal fondée.  (Nos soulignements)

 

[110] Malgré que l’intimée fut acquittée de l’ensemble des faits reprochés, le Comité n’est pas en mesure de conclure que cette plainte était « manifestement mal fondée »;

[111] En conséquence, aucun frais ne sera accordé à l’intimée;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACQUITTE l’intimée de toutes les infractions reprochées à la plainte numéro 2014-09-02(E);

LE TOUT, sans frais.

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Pierre Bergeron, expert en sinistre

Membre        

 

____________________________________

Me Benoit Loyer, expert en sinistre

Membre

 

Réjean Aucoin

Plaignant privé se représentant seul

 

Me Yves Carignan

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 14 août 2015

 



[1]    Aucoin c. Leroux, 2015 CanLII 34217 (QC CDCHAD);

[2]    Duchastel c. Avocats, 2011 QCTP 177 (CanLII);

[3]    RLRQ, c. D-9.2, r.4;

[4]    Ménard c. Gardner, 2012 QCCA 1546 (CanLII);

[5]    Op. cit., note 1;

[6]    Vaillancourt c. Avocats, 2012 QCTP 126 (CanLII);

[7]    Op. cit., note 1;

[8]    Tassé c. Chiropraticiens, 2001 QCTP 74 (CanLII);

[9]    24 avril 2015;

[10]   Op. cit., note 1;

[11]   Op. cit., note 1;

[12]   Voir par. 42 et 43 de la décision interlocutoire, op. cit., note 1;

[13]   Pièce I-1;

[14]   Pièce I-2;

[15]   Pièce P-8;

[16]   Pièces P-6 et I-1;

[17]   Pièce P-6;

[18]   Op. cit., note 1;

[19]   RLRQ, c. D-9.2, r.4;

[20]   CHAD c. Légaré, 2010 CanLII 64055 (QC CDCHAD);

[21]   Voir par analogie les articles 482 et 491 LDPSF;

[22]   Couture c. Ingénieurs forestiers, 2005 QCTP 95 (CanLII);

[23]   Nadon c. Avocats, 2008 QCTP 12 (CanLII);

     Dunn c. Katz, 2005 QCTP 14 (CanLII);

[24]   Brunet c. Lebel, 1998 QCTP 1593 (CanLII);

[25]   Brunet c. Comité de discipline du Barreau du Québec, 2003 CanLII 72227 (QCCA);

[26]   Physiothérapie c. Charest-Dombroski, 2008 QCTP 135 (CanLII);

[27]   CHAD c. Doucet, 2011 CanLII 22985 (QC CDCHAD);

[28]   Ayotte c. Gingras, [1995] D.D.O.P. 189 (T.P.);

[29]   Malo c. Infirmières et infirmiers, 2003 QCTP 132 (CanLII);

[30]   Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 (CanLII), révision judiciaire refusée, 2012 QCCS 1359 (CanLII);

[31]   2012 QCCA 1544;

[32]   CHAD c. Hébert, 2013 CanLII 10706 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Cloutier, 2007 CanLII 54103 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Toussaint, 2004 CanLII 57016 (QC CDCHAD);          

     CHAD c. Sigouin, 2004 CanLII 57017 (QC CDCHAD); 

[33]   [1995] D.D.O.P. 189;           

[34]   S. Poirier, La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels, et aspects pratiques, Les Éditions Yvon Blais inc., 1998;          

[35]   Op. cit., note 32, p. 33;        

[36]   Voir jurisprudence citée à la note 32;

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