Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2014-09-01(C)

 

DATE :

14 août 2015

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Benoît St-Germain, C.d’Ass. PAA CRM

Membre

Mme France Laflèche, C.d’A.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MICHÈLE VADNAIS, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]       Le 4 juin 2015, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2014-09-01(C);

 

[2]       Le syndic adjoint était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Caroline Doré;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un chef d’accusation, soit :

 

1.   Du mois de janvier 2010 au mois de décembre 2013, à 25 reprises, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentante en assurance de dommages et/ou a été malhonnête et a manqué d’intégrité, soit :

 

a.     en falsifiant à 24 reprises les comptes de dépenses qu’elle présentait à son employeur, le cabinet Langelier Assurances inc., s’appropriant ainsi une somme de 1 956,99 $ pour fins de remboursement;

 

b.    en s’appropriant 4 cartes-cadeaux d’une valeur totale de 100 $;

 

 

le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 37, 37(1) et 37(7) dudit code.

 

 

[4]       Le 10 février 2015, l’intimée enregistrait un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des infractions reprochées;

[5]       Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction;

 

II.         Preuve sur sanction

 

A)   Par le syndic adjoint

 

[6]       Me Leduc, au nom de la partie plaignante, dépose de consentement les pièces P‑1 à P-4 et déclare sa preuve close;

         

B)   Par l’intimée

[7]       En défense, Me Doré a fait entendre sa cliente, l’intimée;

[8]       Brièvement résumé, le témoignage de l’intimée a permis d’établir les faits suivants :

      Au  moment des infractions, celle-ci vivait une situation difficile chez son employeur;

      Elle était surchargée de travail et considérait qu’elle n’était pas rétribuée à sa juste valeur;

      Elle a donc volontairement faussé ses comptes de dépenses afin d’augmenter ses revenus;

      Par contre, dès que son employeur l’a confrontée à cette situation, elle a admis ses torts et elle a remboursé les montants illégalement perçus;

      Ce faisant, elle a pu regagner la confiance de son employeur et conserver son emploi;


      Par contre, un deuxième événement (chef 1b)), concernant cette fois-ci l’appropriation de quatre (4) cartes-cadeaux, a entraîné son congédiement définitif;

[9]       Aujourd’hui, l’intimée s’est reprise en mains et elle travaille pour un nouveau cabinet dans lequel elle espère devenir sous peu actionnaire minoritaire;

[10]    De plus, elle consulte depuis environ (6) mois un travailleur social afin de mieux contrôler ses frustrations et ainsi, elle est en bonne voie de réhabilitation;

 

III.        Recommandations communes

 

[11]    Me Leduc, d’un commun accord avec la procureure de la défense, informe le Comité que les parties suggèrent d’imposer à l’intimée une amende de 2 000 $ par chef, pour un total de 4 000 $;

[12]    À cet égard, il cite l’affaire CHAD c. Argandar[1] dans laquelle l’intimé fut condamné à une amende de 4 000 $ pour des infractions identiques;

[13]    Par ailleurs, Me Leduc insiste sur une liste de circonstances atténuantes dont l’intimée devrait bénéficier, soit :

      L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

      Le remboursement des montants détournés;

      Le cheminement positif de l’intimée depuis la commission des infractions;

      Son repentir et ses remords;

      Son absence d’antécédents disciplinaires;

[14]    Évidemment, les infractions reprochées sont d’une gravité objective incontournable, par contre, l’intimée est en bonne voie de réhabilitation et la sanction ne doit pas avoir pour effet de punir l’intimée outre mesure[2] ou d’être si sévère ou si accablante au point d’anéantir ses chances de réhabilitation[3];

[15]    Cela dit, Me Leduc conclut que les sanctions suggérées sont suffisantes pour assurer, d’une part, la protection du public et, d’autre part, pour souligner la gravité objective des infractions reprochées;

[16]    De son côté, Me Doré, au nom de l’intimée, insiste sur le fait que sa cliente s’est reprise en mains et que le processus disciplinaire a eu un effet dissuasif sur cette dernière;

[17]    Me Doré souligne également que tous les montants ont été remboursés et que sa cliente a reconnu ses fautes dès la première occasion;

[18]    En conséquence, les parties demandent au Comité de discipline d’entériner leurs suggestions communes;

 

IV.       Analyse et décision

 

[19]    Sauf circonstances exceptionnelles, une recommandation commune formulée par deux (2) avocats d’expérience doit être entérinée par le Comité[4];

[20]    Dans le présent dossier, le Comité estime que les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et surtout proportionnelles à la gravité des infractions et qu’elles favorisent la réinsertion sociale de l’intimée;

[21]    À ce sujet, il convient de citer les enseignements de la Cour suprême dans R. c. Pham[5] et plus particulièrement les passages suivants:

[6]   La proportionnalité constitue un principe fondamental de la détermination de la peine.  Aux termes de l’art. 718.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

 

[7]    Le juge LeBel a expliqué ainsi le principe de la proportionnalité dans R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13 (CanLII), [2012] 1 R.C.S. 433, par. 37 :

                   

La proportionnalité représente la condition sine qua non d’une sanction juste.  Premièrement, la reconnaissance de ce principe garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation.  La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice.  [. . .]  Deuxièmement, le principe de proportionnalité garantit que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant.  En ce sens, il joue un rôle restrictif et assure la justice de la peine envers le délinquant.  En droit pénal canadien, une sanction juste prend en compte les deux optiques de la proportionnalité et n’en privilégie aucune par rapport à l’autre.

 

[8]     Outre la proportionnalité, le principe de la parité et l’impératif correctionnel de l’individualisation de la peine jouent aussi un rôle dans le processus de détermination de la peine.  Notre Cour a maintes fois souligné la valeur accordée à l’individualisation de la peine : Ipeelee, par. 39; R. c. Wust,2000 CSC 18 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 455, par. 21; R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 92.  En conséquence, lorsqu’il détermine quelle est la peine juste dans l’espèce dont il est saisi, le juge doit tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes (al. 718.2a) du Code criminel), ainsi que des facteurs objectifs et subjectifs liés à la situation personnelle du délinquant. 

 

[9]     Corollairement à l’individualisation de la peine, le principe de la parité requiert l’harmonisation des peines, c’est‑à‑dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables (al. 718.2b) du Code criminel).  En d’autres mots, [traduction] « si la situation personnelle du délinquant est différente, l’infliction d’une peine différente sera justifiée » (C. C. Ruby, G. J. Chan et N. R. Hasan, Sentencing (8e éd. 2012), §2.41).             (Nos soulignements)

 

[22]    Bref, en tenant compte de ces principes, le Comité considère qu’une amende globale de 4 000 $ est suffisante pour assurer la protection du public;

[23]    À ces motifs s’ajoute le fait que les circonstances atténuantes mises en preuve favorisent l’imposition d’une sanction clémente plutôt que punitive;

[24]    Enfin, cette sanction s’appuie sur un précédent jurisprudentiel[6] et, en conséquence, elle respecte le principe de la parité des peines[7];

[25]    En conséquence, le Comité est d’avis que les recommandations communes formulées par les parties, bien que clémentes, atteignent le but de la sanction disciplinaire et les objectifs d’exemplarité, de dissuasion et de protection du public, tout en permettant à l’intimée de continuer à gagner sa vie[8];

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1a) et 1b) et plus particulièrement comme suit:

Chefs 1a) et 1b) :      pour avoir contrevenu au premier alinéa de l’art. 37 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1a) et 1b);

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1a) :                        une amende de 2 000 $

Chef 1b) :                       une amende de 2 000 $

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés.

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

__________________________________

M. Benoît St-Germain, C.d’Ass. PAA. CRM

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

Mme France Laflèche, C.d’A.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Caroline Doré

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

4 juin 2015

 



[1]    2013 CanLII 38543;

[2]    Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII);

[3]    R. c. Pham, 2013 CSC 15 (CanLII);

[4]    Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII)

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82189 (QCTP;

[5]    Op. cit., note 3;

[6]    Op. cit., note 1;

[7]    R. c. nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII), par. 44;

[8]    Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA);

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.