Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-12-08 (C)

 

DATE :

30 juillet 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

SÉBASTIEN PICARD, courtier en assurance de dommages des entreprises

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

[1]          Le 17 avril 2015, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages rendait sa décision sur culpabilité dans le présent dossier[1] et acquittait l’intimé des chefs nos 1a., 1b., 1c., 1f., 2a. et 2c. de la plainte amendée, tout en le déclarant coupable des chefs nos 1e.[2], 1g. et 2b.

[2]          Il est utile ici de reproduire les chefs de la plainte amendée pour lesquels l’intimé a été reconnu coupable, à savoir : 

« SÉBASTIEN PICARD, courtier en assurance de dommages des entreprises, ayant une adresse professionnelle au 7777, boulevard Louis-H. Lafontaine, Montréal (Québec) H3Z 3B8, alors qu’il était dûment certifié auprès de l’Autorité des marchés financiers à titre de courtier en assurance de dommages des entreprises, a commis à Montréal des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages, à savoir :

1) Du mois de juin 2010 au mois de juin 2013, à titre de représentant et/ou de gestionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc., a utilisé ou toléré des politiques ou usages ou façons de faire par lesquels lui-même, son cabinet, ses employés, mandataires et/ou représentants en assurances de dommages (…) ont manqué à leurs obligations professionnelles envers les clients, faisant en sorte :

 (…)

e. à partir du 19 juillet 2012 seulement, que ne soit pas divulgué aux cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C., et M.B., et J.L. les liens d’affaire qui l’unissaient à l’assureur Intact Compagnie d’assurance, qui était actionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc.;

(…)

g. qu’il a permis que des représentations fausses et trompeuses soient faites auprès des (…) assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C., et M.B., et J.L. quant à son niveau de compétence, en étant identifié à titre de courtier en assurance de dommages dans la correspondance de renouvellement que son cabinet a fait parvenir à ses clients pour les années 2010, 2011 et 2012, alors qu’il était titulaire d’un certificat l’autorisant à agir comme courtier en assurance de dommages des entreprises;

(…)

2) Du mois de juin 2010 au mois de juin 2012, à titre de représentant et/ou gestionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc., a manqué à ses obligations professionnelles envers les clients en mettant en place un programme d’assurance visant environ 1669 professionnels de la massothérapie membres de l’association professionnelle Mon réseau plus qui pouvaient obtenir un contrat d’assurance professionnelle sans jamais être conseillés par un courtier, faisant en sorte :

(…)

b. que ne soit pas décrit aux clients le produit d’assurance proposé en relation avec les besoins identifiés, ni à ce que la nature de la garantie offerte leur soit précisée, omettant ainsi d’agir en conseiller consciencieux, professionnel et compétent;»

[3]          Quant au chef no 1e., l’intimé a été trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 4.8 du Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur.

[4]          Pour le chef no 1g., l’intimé fut trouvé coupable d’avoir contrevenu à l’article 7 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant et quant au chef no 2b.

[5]          Le Comité a également trouvé l’intimé coupable d’avoir violé l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[6]          Le 15 juillet 2015, le Comité a procédé à l’audition sur sanction du présent dossier.

[7]          Lors de l’audition, Me Karine Lizotte, ès qualités de syndic adjoint, était présente et représentée par Me Julien Poirier-Falardeau.

[8]          L’intimé Sébastien Picard était également présent et représenté par son avocat, Me Marc-Aurèle Ouellette.

[9]           Les procureurs ont alors annoncé qu’ils auraient des représentations communes sur sanction à soumettre au Comité.

[10]       De plus, aucune preuve ne sera présentée de part et d’autre.

 

I.          Recommandations communes sur sanction

[ 9 ]        Les procureurs des parties suggèrent au Comité d’imposer les sanctions suivantes à l’intimé :

o        Chef no 1e. : une amende de 2 000 $;

o        Chef no 1g. : une réprimande;

o        Chef no 2b. : une amende de 7 000 $;

o        Vu le principe de la globalité des sanctions, que la somme des amendes susdites soit réduite à 7 000 $.

 

 

III.        Représentations des parties quant aux déboursés

[ 10 ]     Me Ouellette suggère au Comité de départager les déboursés relatifs à l’instance en tenant compte des chefs pour lesquels l’intimé a fait l’objet d’acquittements. Considérant ce qui précède, l’intimé ne devrait être condamné qu’à un tiers (1/3) des frais.

[ 11 ]     Me Poirier-Falardeau plaide que dans les circonstances de cette affaire, un partage 50 % - 50 % des déboursés serait plus juste et approprié.

[ 12 ]     Me Ouellette demande aussi au Comité d’accorder un délai de six mois à l’intimé pour payer les amendes et déboursés, ce à quoi la partie plaignante n’a pas d’objection.

 

IV.        Analyse et décision

[ 13 ]     Quant aux principes applicables en matière de représentations communes sur sanction, le Comité tient à rappeler qu’il n’est pas lié par les suggestions communes des parties, mais qu’il doit les suivre dans la mesure où elles s’avèrent raisonnables[3].

[ 14 ]     En effet, la jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[4]. Ainsi, seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice peuvent être écartées par un comité de discipline. Plus récemment, le Tribunal des professions réitérait la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire dans l’affaire Ungureanu[5] :

« [21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. »

(Nos soulignements)

[ 15 ]     Le Comité est d’avis que les sanctions suggérées reflètent correctement les particularités de la présente affaire de même que la gravité objective des infractions reprochées à l’intimé.

[ 16 ]     Pour les motifs ci-après exposés, le Comité considère qu’elles sont raisonnables.

[ 17 ]     Le Comité estime que la sanction doit tenir compte, dans le présent cas, que la protection du public a été mise en péril dans le cadre d’un programme où les assurés n’ont pas pu bénéficier de conseils personnalisés de la part d’un courtier en assurance de dommages.

[ 18 ]     Par contre, plusieurs facteurs militent en faveur d’une sanction d’une certaine clémence, notamment parce qu’il est manifeste que l’intimé est de bonne foi. De plus, M. Picard n’a aucun antécédent disciplinaire.

[ 19 ]     Au surplus, la preuve a révélé qu’aucun préjudice n’aurait été causé aux membres de l’association professionnelle Mon réseau +.

[ 20 ]     Selon le Comité, les faits reprochés sont le résultat d’un modèle d’affaires déficient mis en place par l’intimé. Cela étant, suite à l’enquête du syndic, l’intimé a promptement corrigé cette situation malheureuse.

[ 21 ]     Le Comité tiendra aussi compte du fait que l’intimé a logé un plaidoyer de culpabilité sur l’un des chefs de la plainte amendée à la première occasion utile et qu’il était difficile, sinon impossible pour lui de plaider coupable au chef no 1g. compte tenu qu’une partie de son libellé était superfétatoire.

[ 22 ]     Vu les représentations des parties, le Comité considère que la recommandation commune de ceux-ci constitue une sanction qui est juste et équitable dans les circonstances, et ce, après avoir tenu compte et fait l’évaluation de tous les facteurs tant aggravants qu’atténuants[6].

V.           Conclusion

[ 23 ]     En conséquence, le Comité considère qu’il se doit d’imposer les sanctions recommandées par les parties en l’espèce.

[ 24 ]     Quant aux frais, le Comité, dans l’exercice de sa discrétion à ce sujet[7], condamnera l’intimé au paiement d’un tiers (1/3) des déboursés considérant l’acquittement de l’intimé sur les chefs nos 1a., 1b., 1c., 2a. et 2c. de la plainte amendée.

[ 25 ]     Quant à la demande qu’un délai de six (6) mois soit accordé à l’intimé pour que ce dernier puisse payer les amendes et déboursés, le Comité y fera droit.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes sur chacun des chefs d’accusation       pour lesquels il a été reconnu coupable, soit :

            Chef no 1e. :             une amende de 2 000 $;

            Chef no 1g. :              une réprimande;

            Chef no 2b. :              une amende de 7 000 $.

            RÉDUIT le montant total des amendes susdites à la somme globale de 7 000 $      considérant le principe de la globalité des sanctions;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’un tiers (1/3) des frais et déboursés;

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour acquitter le montant des amendes, frais et des déboursés, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julien Poirier-Falardeau

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Marc-Aurèle Ouellette

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

15 juillet 2015

 



[1] ChAD c. Picard 2015 CanLII 24520 (QC CDCHAD);

[2] L’intimé a plaidé coupable à ce chef;

[3] Charlebois c. Le Comité de surveillance de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, REJB 1999-16036, à la page 6.       

[4]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP);

[5]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[6]     BERNARD, P. La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, dans « Développement récent en déontologie, droit professionnel et disciplinaire », S.F.P.B.Q., 2004, 2006, pp. 71 et ss.;

[7] Jondeau c. Acupuncteurs (Ordre professionnels des), 2006 QCTP 87, aux paragraphes 81 à 91;

 

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