Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2014-03-01 (E)

 

 

DATE :

6 juillet 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Lise Martin, expert en sinistre

Membre

Mme Karine S. Correia, expert en sinistre

Membre

 

 

 

SYLVIE POIRIER, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

MARTIN VEILLETTE, expert en sinistre (5A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 9 juin 2015, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre l’intimé Martin Veillette dans le présent dossier.

 

[2]       Me Sylvie Poirier est présente et l’intimé, représenté par Me Cristina Majeau, est absent pour cause de maladie. Dès le début de l’audition, Me Poirier avise le Comité qu’une entente est intervenue entre les parties et que l’intimé a déjà déposé un plaidoyer de culpabilité écrit au dossier du greffe dans lequel il se reconnaît coupable des chefs nos 2, 3 et 4.

 

[3]       L’intimé entend donc plaider coupable à une plainte amendée dans laquelle le chef no 1 est retiré.

 

[4]       Me Poirier informe également le Comité que les parties auront des recommandations communes sur sanction.

 

[5]       Me Majeau confirme qu’effectivement une entente est intervenue. Cette entente est toutefois conditionnelle au dépôt d’une plainte amendée ainsi qu’au retrait définitif du chef no1.

 

[6]       Sur cette dernière question, Me Poirier déclare au Comité que le chef no 1 sera effectivement retiré de façon complète et définitive et qu’aucune autre plainte ne sera portée contre l’intimé relativement aux faits reprochés au chef no1.

 

[7]       Vu ce qui précède et séance tenante, le Comité a fait droit à l’amendement et a également autorisé le retrait du chef no1.

 

 

I.          La plainte amendée et le plaidoyer de culpabilité

 

[8]       Dans la plainte amendée du 2 juin 2015, l’intimé Martin Veillette fait face aux trois (3) chefs suivants, à savoir :

 

          « 1. (…);                                                                                                                           

          2. À Rimouski, au cours de la période du 21 septembre 2005 au 30 septembre 2006, alors qu’il était le chef de la succursale régionale Rimouski du cabinet CGI experts en sinistre inc. [devenu Indemnipro inc.], a permis que A.L. de Matane puisse agir comme expert en sinistre dans environ 48 dossiers de règlements de sinistres en assurance de  dommages des entreprises, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que A.L. ne détenait pas la certification requise pour exercer dans cette catégorie de discipline, le tout en contravention avec les articles 12, 13 et 85 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, l’article 9 alinéa 2 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (Décision 99.07.08, 99-07-06) [devenu l’art.10 al.1 de RLRQ, c. D-9.2, r. 7] et les articles 2 et 59(12) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, chapitre D 9.2, r. 1.02) [devenus les art. 2 et 58(14) de RLRQ, c. D-9.2, r.4];

          3. À Rimouski, au cours de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2006, alors qu’il était le chef de la succursale régionale Rimouski du cabinet CGI experts en sinistre inc. (devenu Indemnipro inc.), a permis que L.A. de New Richmond, puisse agir comme expert en sinistre dans environ 41 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que L.A. ne détenait pas la certification requise pour exercer dans cette catégorie de discipline, le tout en contravention avec les articles 12, 13 et 85 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, l’article 9 alinéa 2 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (Décision 99.07.08, 99-07-06) [devenu l’art. 10 al.1 de RLRQ, c. D-9.2, r. 7] et les articles 2 et 59(12) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, chapitre D 9.2, r. 1.02) [devenus les art. 2 et 58(14) de RLRQ, c. D-9.2, r. 4];

          4. À Rimouski et New Richmond ou ses environs, au cours de la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2006, alors qu’il était le chef de la succursale régionale Rimouski du cabinet CGI experts en sinistre inc. [devenu Indemnipro inc.], a permis à L.A. d’utiliser le titre «expert en sinistre» sans être titulaire d’un certificat l’y autorisant, en contravention avec les articles 12, 14, 44 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 110 et 111 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (D. 99.07.08, 99-07-06) [devenus les art. 9 et 10 de RLRQ, c. D-9.2, r. 7] et l’article 2 du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c. D-9.2, r. 1.02) [devenu l’art. 2 de RLRQ, c. D-9.2, r. 4];»

 

 

[9]       Considérant les représentations des parties, le Comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et ce dernier fut déclaré coupable des trois (3) infractions reprochées dans la plainte amendée.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[10]    Les parties déposent de consentement les pièces P-1A à P-29.

 

[11]    Il s’agit essentiellement d’une importante preuve documentaire établissant l’ensemble des infractions commises par l’intimé au cours des périodes mentionnées à la plainte amendée.

 

III.        Recommandations communes sur sanction

 

 

[12]    Me Poirier nous expose que l’intimé, qui était alors chef de la succursale de Rimouski pour le compte du cabinet CGI Experts en sinistre inc., devenu par la suite Indemnipro inc., a confié des dossiers de sinistre en entreprises à deux (2) experts en sinistre ( L.A. et A.L.) qui ne détenaient pas la certification requise pour agir dans de tels dossiers. En effet, ces derniers étaient uniquement certifiés en assurance de dommages des particuliers.

 

[13]    Fait important, il appert que l’intimé savait très bien qu’il contrevenait ainsi à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

[14]    À titre de facteurs aggravants, Me Poirier nous explique qu’il s’agit d’infractions dont la gravité est indéniable. Ce type de comportement est aussi de nature à compromettre la protection du public. Elle souligne que les deux experts en sinistre qui se voyaient ainsi confier des dossiers d’entreprises travaillaient seuls et à distance. Donc, sans supervision.

[15]    Pourtant, M. Veillette était à l’époque un expert en sinistre avec une grande expérience. Il avait aussi agi à titre de maître de stage pour l’un des experts en sinistre à qui il assignait des dossiers d’entreprises. Selon la partie plaignante, l’intimé n’aurait pas dû agir ainsi mais plutôt donner l’exemple.

 

[16]    Comme facteurs atténuants, Me Poirier nous fait part des éléments suivants pour justifier la recommandation commune des parties soit, notamment :

 

         la collaboration de l’intimé avec le syndic;

         son plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

         l’absence d’intention malhonnête;

         l’état de santé de l’intimé;

         l’absence d’antécédent disciplinaire;

         l’absence de conséquence suite aux infractions commises;

         le temps écoulé depuis la commission des infractions.

 

 

[17]    Les procureurs des parties nous réfèrent à plusieurs décisions connexes du Comité dont notamment les affaires Poirier c. Boulianne et al.[1] et Chauvin c. Therriault et Verreault[2].

 

[18]    Quant à Me Majeau, le comportement dérogatoire de l’intimé résulte d’une culture de laxisme qui était bien implantée au cabinet à l’époque des faits en litige. Il s’agit d’un autre facteur atténuant selon l’avocate de l’intimé.

 

[19]    Me Majeau nous référe notamment au jugement du Tribunal des professions dans Malouin c. Notaires[3] de même qu’à l’affaire Chan[4]. Elle plaide que les sanctions recherchées sont raisonnables et qu’en conséquence, le Comité doit les entériner.

 

[20]    Les parties déclarent au Comité qu’elles suggèrent donc l’imposition des sanctions suivantes à l’intimé, à savoir :

 

       Chef no 2 : une amende de 8 000 $;

 

       Chef no 3 : une amende de 8 000 $;

 

       Chef no 4 : une réprimande.

 

 

[21]    En plus des amendes totalisant la somme de 16 000 $, l’intimé devra assumer le trois quart (3/4) des déboursés de l’instance et ce, considérant le retrait du chef no1.

 

[22]     Me Majeau confirme que son client est en accord avec cette sanction. Elle rajoute toutefois que son client demande au Comité de lui accorder un délai de six (6) mois pour acquitter les amendes et déboursés.

 

[23]    La partie plaignante n’a pas d’objection à ce délai de paiement.

    

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

[24]    Dans les circonstances de cette affaire, le Comité considère que la suggestion commune des parties quant à la sanction à imposer à l’intimé est juste et raisonnable.

 

[25]    La sanction suggérée se fonde notamment sur des sanctions que le Comité a déjà imposées aux directeurs des succursales du cabinet CGI, soit messieurs Pierre Boulianne et Jacques Bouchard[5].

 

[26]    Bref, les sanctions suggérées en l’espèce ont été ajustées par les parties pour tenir compte du nombre moindre de dossiers qui furent illégalement confiés par l’intimé. 

 

[27]    Cela étant, la jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[6].

 

[28]    Ainsi, seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice peuvent être écartées par un comité de discipline.

 

[29]    Il y a peu de temps, le Tribunal des professions réitérait la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire dans l’affaire Ungureanu[7] :

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(Nos soulignements)

[30]    Le Comité est d’avis que les sanctions suggérées reflètent correctement les particularités de la présente affaire de même que la gravité objective des infractions reprochées à l’intimé.

 

B)       Décision

 

[31]    Pour les motifs ci-haut énoncés, la recommandation commune formulée par les parties sera entérinée par le Comité.

 

[32]    Conformément à l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Pigeon c. Daigneault[8], la sanction doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

[33]    Or, le Comité est d’avis que la suggestion commune des parties respecte chacun des objectifs identifiés par la Cour d’appel. Qui plus est, elle s’harmonise bien avec le fait que plusieurs facteurs atténuants sont en cause.

 

[34]    Quant aux frais, l’intimé devra assumer 75 % des déboursés de l’instance et pourra bénéficier d’un délai de six (6) pour acquitter les amendes et déboursés.

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Martin Veillette à l’égard des chefs nos 2, 3 et 4 de la plainte amendée du 4 juin 2015;

DÉCLARE l’intimé Martin Veillette coupable du chef no 2 de la plainte amendée pour avoir contrevenu à l’article 58 (14) du Code de déontologie des experts en sinistre;

DÉCLARE l’intimé Martin Veillette coupable du chef no 3 de la plainte amendée pour avoir contrevenu à l’article 58 (14) du Code de déontologie des experts en sinistre;

DÉCLARE l’intimé Martin Veillette coupable du chef no 4 de la plainte amendée pour avoir contrevenu à l’article 2 du Code de déontologie des experts en sinistre;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation nos 2, 3 et 4;

Sur le chef  no2 :

IMPOSE à l’intimé Martin Veillette une amende de 8 000 $;

Sur le chef no3 :

IMPOSE à l’intimé Martin Veillette une amende de 8 000 $;

Sur le chef no4 :

IMPOSE à l’intimé Martin Veillette une réprimande;

CONDAMNE  l’intimé Martin Veillette à payer 75 % des déboursés;

ACCORDE à l’intimé Martin Veillette un délai de 6 mois calculé à compter de la signification de la présente décision pour acquitter le montant des amendes et des déboursés.

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Lise Martin, expert en sinistre

Membre        

 

 

 

____________________________________

Mme Karine S. Correia, expert en sinistre

Membre

 

Me Sylvie Poirier

Partie plaignante

 

Me Cristina Majeau

Procureur de l’intimé

 

 

Date d’audience : 9 juin 2015

 



[1] 2014 CanLII 62659 (QC CDCHAD) ;

[2] 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD);

[3] 2002 QCTP 15 (CanLII);

[4] Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

 

[5] Supra, note 1;

[6]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP);

[7]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[8]  2003 CanLII 32934 (QC CA) aux paragraphes 38 et suivants;

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.