Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-12-08 (C)

 

DATE :

  17 avril 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

SÉBASTIEN PICARD, courtier en assurance de dommages des entreprises

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PIÈCE P-2 EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS[1].

 

[1]          En date des 13 juin, 3 et 4 septembre ainsi que les 16, 20 et 21 octobre 2014, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire logée à l’encontre de l’intimé Sébastien Picard.

[2]          Lors de l’audition, Me Karine Lizotte, syndic adjoint, était représenté par Me Julien Poirier-Falardeau et l’intimé était présent et représenté par Me Marc-Aurèle Ouellette.   

[3]          Le 4 avril 2014, l’intimé présentait une requête pour précisions relativement à la plainte logée contre M. Picard. Le 28 avril 2014, le Comité, alors présidé par Me Patrick de Niverville, accueillait en partie ladite requête[2] et la plainte fut amendée le 14 mai 2014.

[4]          Lors de l’audition du 13 juin 2014, le procureur de la partie plaignante a requis un amendement au chef no 1e. Considérant l’absence de contestation à ce sujet, le Comité a permis l’amendement sollicité.

[5]          La plainte dont le Comité sera saisie se lit donc comme suit : 

 

« SÉBASTIEN PICARD, courtier en assurance de dommages des entreprises (4C), ayant une adresse professionnelle au 7777, boulevard Louis-H. Lafontaine, Montréal (Québec) H3Z 3B8, alors qu’il était dûment certifié auprès de l’Autorité des marchés financiers à titre de courtier en assurance de dommages des entreprises, a commis à Montréal des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages, à savoir :

1) Du mois de juin 2010 au mois de juin 2013, à titre de représentant et/ou de gestionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc., a utilisé ou toléré des politiques ou usages ou façons de faire par lesquels lui-même, son cabinet, ses employés, mandataires et/ou représentants en assurance de dommages (…) ont manqué à leurs obligations professionnelles envers les clients, faisant en sorte :

a. que dans le cas des cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., ce ne soit pas un représentant en assurance de dommages qui recueille personnellement les renseignements nécessaires permettant d’identifier les besoins des clients;

b. que ne soit pas décrit aux cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., le produit d’assurance proposé en relation avec les besoins identifiés, ni à ce que la nature de la garantie offerte leur soit précisée, omettant ainsi d’agir en conseiller consciencieux, professionnel et compétent;

c. que ne soit pas fourni aux  cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., l’adresse où ils auraient pu consulter la police maîtresse de leur assurance, et que les assurés aient accès à leur police d’assurance ni à ce qu’ils soient éclairés sur leurs droits et obligations, agissant ainsi avec négligence et omettant d’agir en représentant consciencieux et professionnel;

d. (…)

e. à partir du 19 juillet 2012 seulement, que ne soit pas divulgué aux cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., les liens d’affaire qui l’unissaient à l’assureur Intact Compagnie d’assurance, qui était actionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc.;

f. qu’il a permis dans le cas des cinq assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur, omettant d’agir avec compétente et professionnalisme et agissant de manière négligente, en indiquant que la couverture pour la responsabilité civile et professionnelle étaient d’étendue mondiale, alors que l’étendue territoriale dans la police est limitée au Québec;

g. qu’il a permis que des représentations fausses et trompeuses soient faites auprès des (…) assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., quant à son niveau de compétence, en étant identifié à titre de courtier en assurance de dommages dans la correspondance de renouvellement que son cabinet a fait parvenir à ses clients pour les années 2010, 2011 et 2012, alors qu’il était titulaire d’un certificat l’autorisant à agir comme courtier en assurance de dommages des entreprises;

le tout en contravention avec les articles 12, 16, 26, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 4.8 et 4.10 du Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur, 6, 7 et 8 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, et 2, 15, 16, 25, 37(1), 37(4), 37(6), 37(7) et 37(10) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

2) Du mois de juin 2010 au mois de juin 2012, à titre de représentant et/ou gestionnaire du cabinet 9168-4043 Québec inc., a manqué à ses obligations professionnelles envers les clients en mettant en place un programme d’assurance visant environ 1669 professionnels de la massothérapie membres de l’association professionnelle Mon réseau plus qui pouvaient obtenir un contrat d’assurance professionnelle sans jamais être conseillés par un courtier, faisant en sorte :

a. que ce ne soit pas un représentant en assurance de dommages qui recueille personnellement les renseignements nécessaires permettant d’identifier les besoins des clients;

b. que ne soit pas décrit aux clients le produit d’assurance proposé en relation avec les besoins identifiés, ni à ce que la nature de la garantie offerte leur soit précisée, omettant ainsi d’agir en conseiller consciencieux, professionnel et compétent;

c. qu’il a exercé ses activités de représentant en assurances de dommages avec une personne qui n’est pas autorisée à exercer de telles activités, soit Mme Annabelle Carrier;

le tout en contravention avec les articles 16, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 2, 37(1), 37 (6) et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

[6]          L’intimé, par l’entremise de son procureur, informera le Comité qu’il entend plaider coupable au chef no 1e. de la plainte amendée. Questionné par le Comité, l’intimé reconnaît les faits mentionnés au chef no 1e.

[7]        Considérant le plaidoyer de culpabilité et les représentations du procureur de l’intimé, séance tenante, le Comité a déclaré l’intimé coupable du chef no 1e.

[8]          Les parties procéderont donc à l’instruction du dossier sur les chefs restants de la plainte amendée.

I.          La preuve au soutien de la plainte amendée

 

[9]          Me Poirier-Falardeau déclare au Comité que les pièces P-1 à P-2 seront déposées en preuve de consentement des parties, à l’exception des pages 339 à 416 inclusivement, soit la transcription « maison » ainsi que le CD de l’audio de la rencontre du 19 septembre 2013 entre l’intimé, Mme Joanne Bélanger et Mme Carole Chauvin.

[10]       La pièce P-3 est déposée de consentement. Toutefois, Me Ouellette émet une réserve à ce sujet en mentionnant que la pièce est déposée de consentement sujet à ce que la véracité de cette pièce soit établie.

[11]       La pièce P-4 sera déposée de consentement et la pièce P-5 retirée du dossier. Quant à la pièce P-6, elle sera déposée de consentement, sous réserves des objections que l’intimé pourrait faire valoir quant à la pertinence des documents se retrouvant dans la liasse.

[12]       Les pièces P-7 et P-8 sont produites de consentement et sans réserve.

 

 

II.         Le voir-dire sur la preuve recueillie le 19 septembre 2013

 

[13]        Me Ouellette prend la parole et explique au Comité qu’il s’objecte quant au dépôt en preuve de l’entrevue, que ce soit sur support papier ou audio.

[14]        Sur le voir-dire, Me Ouellette fera entendre M. Picard sur les circonstances entourant sa convocation par Mme Joanne Bélanger, enquêteur au bureau du syndic de la ChAD.

[15]        Dûment assermenté, M. Picard a témoigné. Voici ce que le Comité retient de sa version :

         Il relate généralement qu’il s’est fait dire à deux reprises qu’il n’avait rien à préparer pour la rencontre et qu’il n’avait pas de dossiers ni de documents à apporter;

         La rencontre devait initialement se tenir à Drummondville mais l’endroit fut changé pour le bureau de la ChAD;

         Il explique qu’il aurait été beaucoup plus précis et juste lors de cette rencontre s’il avait été préparé;

         Quant à la rencontre du 19 septembre 2013, dès le départ, il a été pris par surprise parce qu’il n’avait pas ses dossiers avec lui;

         Il croyait que cette rencontre se voulait informelle et en quelque sorte amicale;

         Considérant qu’il avait à l’époque environ 6000 clients, il ne pouvait être plus précis;

         Il dépose en preuve la pièce VD-1, soit un résumé de conversation téléphonique que Mme Bélanger a préparé de sa conversation avec M. Picard en date du 30 août 2013; ce résumé de quatre (4) lignes fait l’exposé d’une conversation qui aurait duré quatre (4) minutes;

         Il s’agirait du premier entretien téléphonique entre les deux; 

         Généralement, il considère qu’il s’est fait induire en erreur par le bureau du syndic sur les raisons qui motivaient la tenue de cette rencontre et qu’on aurait dû lui dire les véritables motifs pour lesquels cette rencontre avait lieu;

         S’il avait eu ses dossiers, il aurait pu répondre correctement, ce qu’il n’a pas fait.

[16]        Par la suite le procureur de la partie plaignante fera entendre Mme Joanne Bélanger. Elle explique qu’elle ne voyait pas l’utilité de demander à M. Picard d’apporter d’autres documents à la rencontre.

[17]        En argumentation sur le caractère inadmissible de la transcription de la rencontre, Me Ouellette plaide essentiellement le jugement du Tribunal des professions dans l’affaire Fernandez[3].

[18]        Il fonde son objection au dépôt en preuve de la transcription et de l’audio en se référant aux principes émis par le tribunal dans cette affaire. À cette fin, il réfère le Comité aux paragraphes 13, 17, 29, 47, 59 et 64 de ladite décision.

[19]        Quant à Me Poirier-Falardeau, il plaide que c’est l’affaire Feldman[4] qui s’applique à la présente situation puisque chaque cas est un cas d’espèce.

[20]        Il réfère de son côté le Comité aux paragraphes 16, 54, 55 et 60 de cette décision du Comité de discipline du Collège des médecins du Québec.

[21]        Dans cette décision, le Comité de discipline du Collège des médecins du Québec expose quels sont les principes que l’on doit retenir de la décision Fernandez.

[22]        Ci-après un extrait de cette décision[5] :

« [34] En somme, les principes que le comité doit retenir de cette décision sont les suivants :

  sous réserve des adaptations que peuvent requérir les particularismes du droit disciplinaire, les règles de preuve et d’administration de la preuve applicables aux instances disciplinaires sont celles prévues au Code civil et au Code de procédure civile;

  on ne peut affirmer de manière catégorique et absolue que les règles de preuve applicables en matière disciplinaire interdisent de déposer un document faisant état du contenu d’une entrevue ou d’un interrogatoire;

  la règle applicable dépend souvent du but poursuivi par la partie qui présente la preuve;

  la réforme du Code civil a assoupli les règles visant les dépositions prises par écrit (voir notamment les articles 2870-2874 C.c.Q. et 294.1 C.p.c.);

  on ne peut mettre en preuve une déclaration extrajudiciaire pour valoir comme témoignage (c’est-à-dire pour faire preuve de son contenu) si elle n’est ni un aveu, ni une exception à la règle de prohibition du ouï-dire;

  l’exception prévue à l’article 2871 C.c.Q. ne s’applique qu’une fois que l’auteur de la déclaration extrajudiciaire est appelé comme témoin;

  il serait souhaitable que le professionnel soit expressément informé de l’allégation d’un aveu extrajudiciaire que l’on entend lui opposer;

  l’intention du plaignant d’opposer à l’intimé un aveu extrajudiciaire pourrait être manifestée par une dénonciation écrite de sa part, transmise au professionnel dans un délai suffisamment long avant l’audition;

  si l’entrevue au cours de laquelle a été formulé l’aveu extrajudiciaire a été enregistrée, il y aurait lieu, dans le cadre de la communication de la preuve, d’indiquer les passages qui constituent un aveu;

  la preuve d’un aveu extrajudiciaire de l’intimé formulé au cours d’une entrevue avec le syndic peut être faite par le témoignage de ce dernier ou par la transcription sténographique de la version donnée par l’intimé (dont la fiabilité sera laissée à l’appréciation du comité) ou encore, par les deux moyens; »

(nos soulignements)

[23]       Confronté à cette situation, le Comité, séance tenante a pris l’objection de l’intimé sous réserve et a ordonné notamment à la partie plaignante d’indiquer au procureur de l’intimé, dans un délai de dix (10) jours, quels sont les extraits précis de la transcription de la rencontre du 19 septembre 2013 qu’il entend invoquer comme des aveux faits par l’intimé et quel est le but poursuivi par la présentation de cette preuve.

[24]       Conformément à l’ordonnance rendue tel que susdit, le 23 juin 2014, par lettre adressée au Comité et au procureur de l’intimé, le procureur de la partie plaignante soumettait la position suivante au Comité :

« Conformément à ce qui a été demandé lors de l’audition du 13 juin dernier concernant le dossier mentionné en objet, vous trouverez ci-joint une procédure dans laquelle nous identifions les extraits de la transcription où l’intimé avoue, selon nous, des faits qui lui sont défavorables.

 

Après réflexion, le Bureau du syndic juge préférable de ne plus présenter l’argument selon lequel les parties de la transcription qui ne seront pas considérés comme des aveux échappent à la règle du ouï-dire parce qu’ils sont déposés pour faire la preuve que les propos qu’ils contiennent ont effectivement été tenus, et non pas pour faire preuve de leur véracité. Par conséquent, nous comprenons que le Comité n’aura pas à se prononcer sur cette question dans la décision qu’il rendra sur l’admissibilité en preuve de la transcription.

 

Cela dit, nous soumettons, de manière préliminaire à cette procédure, que l’ensemble de la transcription qui contient les passages identifiés devrait pouvoir être déposée en preuve. La règle de l’indivisibilité de l’aveu, prévue à l’article 2853 du Code civil du Québec, prévoit que la partie qui invoque l’aveu « ne peut en extraire ce qui lui est favorable et écarter ce qui ne lui convient pas ». En l’espèce, la partie plaignante est inconfortable avec l’idée de ne déposer en preuve que certaines parties de la transcription d’une rencontre lors de laquelle les propos tenus par les participants à un moment donné de la rencontre pourraient venir qualifier les extraits que nous identifions comme étant des aveux ou, à tout le moins, servir à leur interprétation.

 

L’interrogatoire de M. Sébastien Picard mené par son procureur lors du voir-dire nous conforte d’ailleurs dans cette position. En effet, il nous apparaît clair qu’advenant que les extraits identifiés puissent être déposés, il sera allégué en défense que ces aveux ont été faits à l’occasion d’une rencontre à laquelle son client n’était pas préparé, et que les réponses qu’il a fournies doivent être sujettes à caution.(…)

 

Nous proposons donc au Comité d’accepter en preuve l’ensemble de la transcription pour valoir comme aveux de l’intimé.

 

(…)

 

Julien Poirier Falardeau, Avocat »

 

 

[25]       Suite à cette lettre du procureur de la partie plaignante, le Comité n’a reçu aucune réplique écrite de la part du procureur de l’intimé. Toutefois, lors de la reprise de l’instruction en date du 3 septembre 2014, Me Ouellette avisera le Comité qu’il s’objecte toujours au dépôt de la transcription au complet et qu’il conteste également sa fiabilité puisque ce n’est pas un sténographe officiel qui a procédé à la transcription de l’audio contenu au CD.

[26]       Me Ouellette s’objectera également au dépôt en preuve du CD.

[27]       Pour les motifs, ci-après exposés, le Comité ne permettra pas d’introduire en preuve la transcription du témoignage. En effet, aucune preuve n’a été présentée par la partie plaignante quant à la fiabilité de ladite transcription.

[28]       Considérant qu’il ne s’agit pas d’une transcription exécutée par un sténographe officiel, le syndic-adjoint avait le fardeau de démontrer de quelle manière la transcription a été effectuée. Or, Mme Eléna Crête, soit la personne qui aurait préparé la transcription, n’a pas témoigné sur la méthodologie qu’elle a utilisée pour préparer le compte rendu de la rencontre.

[29]       De plus, l’intimé n’a pas eu l’opportunité de contre-interroger Mme Crête sur l’exercice qu’elle a fait. Dans un tel contexte, le Comité est d’avis que la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.

[30]       D’ailleurs, lors de la preuve au fond de la partie plaignante, Mme Joanne Bélanger, lorsque questionnée sur la transcription, a déclaré qu’elle n’avait pas pris connaissance du document. Quant à Me Lizotte, comme elle n’était pas présente à ladite rencontre, elle ne pouvait pas elle non plus confirmer la fiabilité de son contenu.

[31]       En conséquence, le Comité ne permettra pas au syndic-adjoint d’introduire en preuve cette transcription.

[32]       Qu’en est-il du CD audio qui contient l’enregistrement de ladite rencontre?

[33]       Vu la décision du Comité de discipline du Collège des médecins dans l’affaire Feldman précitée, le Comité considère que cet enregistrement pourra être introduit en preuve. En effet, suivant l’ordonnance rendue par le Comité, les aveux que la partie plaignante entend invoquer ont tous été identifiés le 23 juin 2014. Ainsi, à la reprise des auditions le 3 septembre 2014, la partie intimée est avisée et a bénéficié de suffisamment de temps pour préparer sa défense à ce sujet.

[34]       Bref, l’ordonnance rendue par le Comité le 13 juin 2014 a fait en sorte que l’intimé ne pouvait plus être pris par surprise.

[35]       Toutefois, comme l’a souligné le procureur de la partie plaignante, le contenu de cet enregistrement pourra être sujet à caution considérant qu’il appert de la preuve présentée lors du voir-dire que l’intimé n’était pas suffisamment préparé et documenté pour répondre à toutes les questions qui lui ont été posées le 19 septembre 2013.

III.        La preuve au fond en demande

[36]       Comme premier  témoin, le Comité a entendu Me Karine Lizotte, soit la partie plaignante qui relatera  en particulier au Comité ce qui suit :

         Elle est avocate depuis 2002 et courtier en assurance de dommages des particuliers depuis 2005;

         Elle a commencé comme enquêteur au bureau du syndic de la ChAD et occupe le poste de syndic-adjoint depuis 2012;

         Elle explique qu’au mois de mars 2012, M. Ghislain Lévesque du cabinet de l’intimé est congédié par ce dernier et qu’il dépose alors une plainte contre Sébastien Picard;

         À ce moment, M. Ghislain Lévesque est lui-même visé par une plainte disciplinaire et il sera radié provisoirement par le Comité[6];

         Par la suite, M. Lévesque sera radié pour une période totale de trois (3) ans et sera également condamné à payer une amende de 3 000 $[7] ;

         C’est en traitant la plainte contre M. Lévesque que le bureau du syndic a obtenu des renseignements concernant l’intimé Sébastien Picard;

         M. Lévesque mentionne que la réceptionniste du cabinet s’occupe des nouvelles affaires et que c’est elle qui émettait des polices d’assurance alors qu’elle n’était pas autorisée à le faire;

         M. Lévesque lui révèle aussi que M. Picard aurait selon lui modifié les descriptions de tâches des employés du cabinet puisque les descriptions de tâches qu’il avait à l’époque ne sont pas les mêmes que celles remises par l’intimé au bureau du syndic;

         Par la suite, Me Lizotte réfère le Comité à la preuve documentaire et commente les divers manquements, qui selon elle, auraient été commis par l’intimé, d’où la plainte disciplinaire contre lui;

         Elle sera contre-interrogé par Me Ouellette sur son enquête et sur ses commentaires et les manquements qu’elle considère commis par l’intimé;

         Le témoignage de Me Lizotte se poursuivra et sera interrompu lorsque le Comité maintiendra une objection sur des questions relatives à la rencontre du 19 septembre 2013 et ce, au motif qu’elle n’y a pas participé.

[37]       Par la suite, Mme Joanne Bélanger, enquêteur au bureau du syndic, sera entendue. Ci-après, l’essentiel de son témoignage :

         Elle témoigne sur les circonstances entourant la convocation de M. Picard et elle était présente lors de la rencontre du 19 septembre 2013;

         Elle n’a pas pris connaissance de la transcription de cette rencontre préparée par Mme Crête;

         Elle fait la lecture des paragraphes pertinents de la transcription, le tout évidemment sous réserve de l’objection formulée par le procureur de l’intimé.

         En contre-interrogatoire, elle relate qu’avant une rencontre avec un représentant en assurance, il y a toujours un plan de match qui est envisagé et que le but d’une telle rencontre est de permettre à la personne visée par l’enquête de s’expliquer.

[38]       Sous réserve de l’objection sur l’admissibilité de la transcription de la rencontre du 19 septembre 2013, Me Lizotte témoignera de nouveau sur les contraventions déontologiques qu’elle a constatées à partir de la transcription. Elle déclare que chaque client n’est pas contacté personnellement par un courtier pour que celui-ci recueille les renseignements et lui explique les produits d’assurance.

[39]       Elle remarque que le contenu du contrat d’assurance (le « mot-à-mot ») n’est pas transmis aux assurés et que pour l’obtenir, l’assuré doit en faire la demande. Un courtier en assurance de dommages ne parle pas au client potentiel, on lui envoi uniquement le formulaire d’adhésion. Aucune explication est donnée sur la différence entre une police basée sur un événement et une police sur la présentation d’une réclamation (« claims made ») De plus, l’adresse civique de Mon réseau +, où l’on peut consulter la police maîtresse, serait inexacte.

[40]       Bref, il n’y aurait pas de contact entre l’assuré et un courtier en assurance de dommages avant l’émission de la police.

[41]       Elle termine en disant que dans le cadre de son enquête, aucune question n’a été posée aux assurés. En conséquence, les assurés de Mon réseau + n’ont pas été rencontrés dans le cadre de l’enquête visant l’intimé. 

[42]       Le prochain témoin de la poursuite sera Mme Michèle Ferland, courtier en assurance de dommages.

[43]       Elle exprime ce qui suit au Comité :

         Elle a commencé à travailler pour le cabinet Lexor de l’intimé le 1er octobre 2007 et a quitté pour un autre cabinet au mois de juillet – août 2011;

         Elle a été responsable du programme des massothérapeutes Mon réseau + de 2009 à 2011 qui s’adressait aux membres de l’Association professionnelle des massothérapeutes spécialisés du Québec;

         Elle a quitté ses fonctions chez Lexor principalement au motif que M. Picard était toujours absent;

         Selon le témoin, Mme Annabelle Carrier, qui agissait comme réceptionniste a débuté son travail chez Lexor en 2010;

         À la question : « Qui émettait les certificats, elle répond Annabelle Carrier et Alexandra Houle;

         Mme Houle était certifiée en assurance. Mme Carrier, non;

         Elle explique de quelle façon le programme Mon réseau + fonctionnait;

         Elle déclare que c’est le membre qui remplissait la proposition d’assurance, document qu’il pouvait télécharger sur le site de l’Association professionnelle des massothérapeutes spécialisés du Québec;

         Que c’était le membre qui choisissait les garanties d’assurance, i.e. limite de 1 000 000 $ ou de 2 000 000 $ pour l’assurance responsabilité professionnelle ou civile générale;

         Si la proposition était bien remplie, elle ne communiquait pas avec le client; Mme Carrier émettait le certificat d’assurance; elle ne révisait pas les certificats une fois ceux-ci émis;

         Si le proposant exerçait d’autres activités que la massothérapie, elle les téléphonait;

         Si les clients avaient besoin d’informations, ils appelaient et elle les informait;

         Quant aux questions d’assurances qui pouvaient être posées par de clients, c’est Mme Carrier qui décidait quelles questions étaient transmises à Mme Ferland;

         Annabelle Carrier ne pouvait pas prendre la décision de répondre à des questions d’assurance puisqu’elle n’était pas certifiée;

 

[44]       Contre-interrogé par Me Ouellette, elle révélera au Comité ce qui suit :

         Qu’à sa connaissance, Mme Carrier ne traitait pas d’assurance avec les clients;

         Les postes de travail chez Lexor étant de type aire ouverte, elle entendait Mme Carrier au téléphone lorsque celle-ci parlait au téléphone et ne l’a jamais entendu parler de questions d’assurance;

         Elle sera ensuite questionnée sur le Manuel de procédures pour Lexor et Akor (D-1) et confirme que les tâches mentionnées aux paragraphes 4.1 et 4.2, page 9 de l’onglet 2 de ce manuel étaient suivis;

         Elle confirme par la suite que la procédure prévue à l’onglet 2, page 11, au paragraphe 6.1, soit que seul un représentant certifié peut répondre aux questions « concernant des protections », constituait l’une des consignes à l’époque;

         Elle émet l’opinion que la description du produit d’assurance que l’on retrouve à la pièce P-2, page 87, constitue un bon résumé des garanties offertes;

         Elle a collaboré à l’élaboration de ce document; Mme Carrier, non;

         Avant qu’Annabelle Carrier se joigne à l’équipe, c’est elle qui faisait tout; c’est elle qui a formé Mme Carrier;

         Lorsqu’Annabelle Carrier a été engagée, elle exerçait une supervision directe sur le travail de celle-ci;

         Elle réitère que c’est lorsqu’il y avait un problème avec la proposition transmise qu’elle entrait en contact avec le client; lorsque le problème n’impliquait pas une question d’assurance, c’est Mme Carrier qui communiquait avec le client;

         Elle estime que Mme Carrier ne faisait que du travail clérical.

 

 

[45]       Le prochain témoin du syndic-adjoint sera M. Ghislain Lévesque. Son témoignage se résume comme suit :

         Il est à l’origine de la plainte contre l’intimé;

         Il a été courtier producteur pour le compte de l’entreprise de l’intimé du mois d’octobre 2010 au mois de février 2012; il travaillait à partir de sa résidence à Montréal; au mois de février 2012, il est congédié par M. Picard et son associé Me Charles Lambert;

         Me Poirier-Falardeau lui exhibe la pièce P-3 et lui pose des questions sur les pages 1 à 3 de cette pièce, laquelle est constitué d’une demande de plainte auprès du bureau du syndic de la ChAD et un extrait du manuel de procédures de Akor et Lexor;

         Dans sa plainte (P-3), M. Lévesque écrit : « Mois après mois, depuis quelques années, le cabinet Lexor émet des contrats en resp. professionnelle pour massothérapeutes sans qu’un courtier ne voit ni la proposition ni les contrats émis. »;

         Un peu plus loin dans sa plainte il rajoute : « Il se vantait (M. Picard) à moi de vendre des contrats en R/P comme des petits pains chauds et faire beaucoup d’argent parce que c’est sa réceptionniste qui fait tout le travail : 1- reçoit les propositions remplies par le client 2- vérifie que les infos sont bonnes et 3- émet le contrat sans qu’un courtier ne vérifie ni la propo. ni le contrat… »;

         Il termine sa plainte en disant qu’un courtier prenait connaissance de la proposition ou du contrat uniquement lorsque Mme Carrier trouvait une erreur, soit moins de 20 % du temps;

         Il dépose un document intitulé Description des tâches Annabelle Carrier  dans lequel on peut notamment y lire : « Mon réseau + : Vérifier les nouvelles affaires si toutes les infos sont complétées, sinon appeler les clients. »;

         Il déclare que c’était Annabelle Carrier qui faisait tout;

         Il réfère le Comité à la pièce P-9, pages 4 et 7, soit le manuel de procédures pour Lexor et Akor, où l’on décrit les tâches d’Annabelle Carrier et Geneviève Leclair;

         En contre-interrogatoire, il explique dans quelles circonstances il a porté plainte au Barreau contre Me Charles Lambert (D-4) et pourquoi il a demandé à Mme Carrier, par Facebook, de lui remettre une copie d’une convention d’actionnaires intervenue avec M. Picard qu’il avait peine à obtenir;

         Il précise aussi que sa présence était minime au bureau de Lexor et Akor à Drummondville.

[46]       Le Comité a entendu par la suite Mme Annabelle Carrier qui relate en particulier au Comité ce qui suit :

         Elle déclare qu’elle travaille chez Lexor depuis le mois de novembre 2010;

         Elle s’occupe du programme Mon réseau +;

         Ses tâches sont essentiellement cléricales;

         Elle explique que la proposition qui est transmise par la poste est vérifiée par un courtier; bref, elle ouvre le courrier et le remet au courtier;

         Sans préciser à quelles dates, elle explique qu’il y a eu des changements dans la procédure depuis le début du programme;

         Au début, Mme Ferland regardait tout; quant aux certificats d’assurance, le document était créé par elle-même et mis à la poste avec une lettre de couverture du type standard signée par M. Picard;

         Au début, elle était supervisée par Mme Ferland; par la suite c’était M. Picard et Mme Gratton;

         Me Poirier-Falardeau lui exhibe la page 2 de la pièce P-2, soit une note créée dans le dossier de l’assurée M.B. par Mme Carrier, laquelle confirme qu’une lettre de couverture et un certificat d’assurance ont été transmis à M.B. le 13 mai 2013; la personne qui a exécuté ces tâches est Annabelle Carrier selon la note;

         Lorsque questionné sur le territoire de la couverture d’assurance, elle répond qu’elle ignore l’étendue du territoire;

         Elle explique que si l’adhérent voulait des protections accessoires, « ça devait nécessairement passer par un courtier. »;

         Elle s’occupait aussi de facturer les clients du programme;

         Elle déclare que si un client posait une question relativement à l’assurance, l’appel était transféré à un courtier;

         Elle dit aussi que de toute façon, elle n’était pas capable de répondre à une question d’assurance;

         En contre-interrogatoire, elle déclare que Mme Gratton vérifie les documents sur une base journalière contrairement à Mme Ferland;

         Elle confirme que le manuel de procédures de Lexor et Axor a évolué au cours des années;

         Elle déclare que la majorité des appels logés par les massothérapeutes sont transférés aux courtiers;

[47]         Le prochain témoin de la partie plaignante sera Mme Louise Gratton, courtier en assurance de dommages :

         Depuis le mois de janvier 2012, elle travaille pour Lexor;

         Son patron est M. Picard;

         Elle s’occupe principalement du programme Mon réseau + et elle supervise Annabelle Carrier;

         Mme Carrier lui remet les documents qu’elle reçoit;

         Elle prend connaissance de toutes les propositions;

         C’est Mme Carrier qui entre les données dans le système;

         Sur le choix de la limite d’assurance, elle relate que de façon habituelle, les assurés communiquent avec elle;

         Elle déclare qu’environ 9 sur 10 assurés communiquent avec Lexor lorsqu’ils présentent la proposition;

         Elle reçoit de nombreux appels relativement à la garantie « Remboursement des frais pour allégations d’abus » au motif que le client ne sait pas de quoi il s’agit;

         Elle dit que dans tous les dossiers de nouvelles affaires, elle parle aux clients depuis environ un an, un an et demi; auparavant, elle attendait que les clients communiquent avec Lexor;

         En ce qui a trait aux renouvellements, elle ne parle pas à tous les clients;

         Elle relate qu’auparavant, si la proposition avait été bien complétée, on ne rappelait pas le client;

         Depuis janvier 2014, Stéphanie Marleau travaille également au niveau du programme Mon réseau +;

         On retrouve la signature de M. Picard sur les certificats mais ce dernier ne les vérifie pas;

         En contre-interrogatoire, elle précise qu’elle a 40 ans d’expérience en assurance et qu’à sa connaissance, dans les autres cabinets de courtage les réceptionnistes exécutent l’entrée de données sur des documents qui sont ensuite imprimés et transmis aux assurés;

         Elle déclare qu’elle a vu M. Ghislain Lévesque uniquement 2 fois au bureau de Drummondville;

         C’est elle qui a découvert que M. Lévesque avait négligé de s’occuper convenablement de ses assurés;

         Relativement au document explicatif des garanties offertes préparé par Lexor (P-2, pages 86 et 87), elle considère que les informations sont correctes et pertinentes;

         Elle est catégorique que Mme Carrier ne rappelle pas les clients;

         En ré-interrogatoire, elle précise à Me Poirier-Falardeau que le nouveau manuel de procédures (D-1) est utilisé depuis un an, un an et demi;

         Sur le territoire de l’assurance ou la couverture « claims made », elle dit que c’est au client à voir s’il comprend, puisqu’elle n’a pas à l’appeler;     

IV.       La preuve en défense

[48]       En défense, le Comité a entendu comme premier témoin Mme Geneviève Leclair, courtier en assurance de dommages, qui relate au Comité ce qui suit :

         Elle travaille pour Lexor et Akor depuis le mois de janvier 2011; elle est toujours à l’emploi de M. Picard;

         Elle a 12 ans d’expérience en assurance et auparavant elle travaillait chez Marsh & McLennan;

         Elle est certifiée en entreprises depuis le mois d’août 2012;

         C’est elle qui a mis sur pied une ligne personnelle (auto et habitation) pour les membres du programme Mon réseau +;

         Depuis le mois de mai 2011, elle sollicite les assurés de Mon réseau + pour l’auto et l’habitation et elle répond à toutes les questions des assurés;

[49]       Comme deuxième témoin en défense, Mme Alexandra Houle, attachée politique et autrefois courtier en assurance de dommages pour Lexor, a déclaré ce qui suit au Comité :

         Elle débute ses fonctions au mois de mai 2009;

         C’est au mois de novembre 2009 qu’a débuté le programme Mon réseau +;

         À cette époque, elle déclare que le cabinet recevait des propositions des massothérapeutes;

         Elle expliquait les protections aux assurés et déclare que 95 % des gens téléphonaient pour avoir des renseignements;

         En contre-interrogatoire, elle dit qu’elle a obtenu sa certification en entreprises à la fin du mois de janvier 2011 et, qu’avant sa certification en entreprises, qu’elle faisait plutôt des entrées de données dans le système pour les polices du programme Mon réseau +;

         De 2009 à 2010, elle était supervisée par Mme Ferland et il n’y avait pas de réceptionniste à cette époque.  

 

[50]       Le troisième témoin en défense est Mme Marie-Josée Blouin, courtier en assurance de dommages. Elle relate ce qui suit :

         Elle débute chez Lexor comme courtier en assurance de dommages le 4 janvier 2011 et quitte au mois de juin 2011;

         Son maître de stage est Mme Michèle Ferland;

         Les deux derniers mois de son emploi chez Lexor, elle a été responsable du programme Mon réseau +;

         Parmi ses tâches, elle s’occupait des nouvelles affaires, elle expliquait les diverses couvertures aux clients, elle émettait les certificats, etc.;

         Elle explique qu’environ 90 % des clients téléphonaient au bureau pour obtenir des renseignements sur l’assurance;

         Elle précise que la partie qu’elle qualifie de cléricale du travail du programme était exécuté par Mme Carrier, soit s’occuper du courrier;

         Elle relate que c’était elle qui émettait les certificats et qui répondait aux questions;

         Elle déclare que la procédure prévue à l’onglet 2, page 11, paragraphe 6.1, du manuel des procédures D-1 était mis en application lorsqu’elle travaillait;

         Il s’agit de la mention suivante : « Seul un représentant certifié peut répondre aux assurés lorsque ces derniers demandent de l’information concernant des protections ainsi Annabelle doit transférer l’appel à SP-MF-GL-GEL »;

         En contre-interrogatoire, elle dira qu’elle vérifiait toutes les propositions avant l’émission des certificats;

         Elle élabore sur le travail d’Annabelle Carrier en déclarant que ses fonctions consistaient notamment à vérifier si les propositions étaient bien remplies et de les transférer à un courtier s’il y avait un problème.

 

[51]       Comme prochain témoin, la défense fera entendre M. Martin Vallée, président et directeur général de l’Association professionnelle des massothérapeutes spécialisés du Québec.

[52]       Sans reprendre de façon exhaustive sa déposition, précisons qu’il explique dans quelles circonstances la soumission de Lexor a été retenue (D-9) et il nous décrit aussi le travail qui a été exécuté par M. Picard pour offrir un produit d’assurance qui répond aux besoins des membres de son association.

[53]       L’intimé Sébastien Picard témoignera par la suite pour sa défense.

[54]       Voici les faits importants qu’il révèle au Comité :

         Il explique le « travail en amont » qu’il a effectué pour le groupe homogène qu’est l’Association professionnelle des massothérapeutes spécialisés du Québec;

         Il témoigne sur le contrat avec Lloyd’s et le travail qu’il a effectué pendant plusieurs mois pour évaluer les besoins des membres;

         À cette fin, il relate qu’il a eu plusieurs échanges avec les dirigeants de Mon réseau +;

         Il nous décrit qu’il a fait un exercice exhaustif afin de déterminer quels sont les besoins en assurance des membres de l’association;

         Il a obtenu les renseignements pertinents sur les membres de Mon réseau + et a bâti la proposition d’assurance en fonction des besoins qu’il a identifiés;

         Dans le cadre de cet exercice, il a fait l’inventaire  de ce qui existait déjà sur le marché (D-12) et il s’est inspiré de documents élaborés par Intact et Invessa;

         Il s’est servi également de documents émanant de l’Ordre des comptables agréés du Québec relativement à la garantie d’assurance responsabilité professionnelle dont bénéficie les comptables agréés pour monter le programme;

         Quant au manuel des procédures de Lexor et Akor, que le bulletin d’information de l’AMF du mois d’octobre 2010 a servi à l’élaboration du manuel; dans ce bulletin, l’AMF donne des exemples d’actes qui sont interdits pour une personne qui n’est pas un représentant au sens de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

         Il explique pourquoi il y a plusieurs versions du manuel des procédures (P-9 et D-1)  et pour quelles raisons ce manuel a été créé;

         Il précise que le manuel D-1 a été conçu à l’été 2011;

         Il s’explique sur sa relation avec M. Lévesque et exprime l’opinion que cet homme n’est pas une personne fiable;

         Quant aux fonctions d’Annabelle Carrier, il nous dit que ses tâches étaient cléricales et qu’elles se limitaient à la transcription d’information;

         Il déclare aussi que Mme Carrier a le profil d’une adjointe, n’est pas une personne qui prend les devants, bref qu’elle est une exécutante;

         Relativement aux assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., il déclare qu’il a communiqué avec ceux-ci pour obtenir des renseignements;

         Lesdits assurés lui ont confirmé que personne de la ChAD avait communiqué avec eux; de plus, ceux-ci lui ont mentionné qu’ils avaient parlé à un courtier; ils étaient tous satisfaits; on avait répondu à leurs besoins;

         Par la suite, l’intimé commentera chacun des chefs de la plainte amendée en expliquant pour quels motifs il n’est pas coupable; quant au chef no 1b., il réfère le comité à la pièce P-2, page 53 et mentionne que la nature de la garantie offerte est précisée dans ce document transmis à chacun des clients;

         En contre-interrogatoire, M. Picard mentionne que l’important c’est que les massothérapeutes soient convenablement couverts;

         Quant aux autres activités qu’un massothérapeute pourrait exercer, ces besoins ne sont pas vérifiés, ni précisés, c’est au membre à communiquer avec le courtier;

         Il admet que ce sont seulement les adhérents qui téléphonent au bureau qui se font questionner sur leurs besoins;

         Questionné sur le manuel de procédures D-1, il est forcé de concéder qu’il n’est pas prévu que Michèle Ferland et Louise Gratton devaient vérifier l’ensemble des propositions reçues;

         Selon M. Picard, il n’était pas clair qu’il fallait absolument parler à chacun des clients qui présentait une proposition;

         M. Picard considère que son obligation en vertu de l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers est remplie par le travail qui a été exécuté en amont et la proposition et les documents transmis aux membres de l’association.       

 

V.         Les plaidoiries

[55]       Me Poirier-Falardeau fait remarquer au Comité qu’il a été prouvé en l’espèce que les clients remplissaient les propositions, que celles-ci étaient transmises à Lexor où elles étaient traitées par Mme Carrier. Selon le procureur, Mme Carrier se chargeait dans un délai relativement court d’inscrire les informations contenues dans les propositions sur les certificats qui étaient transmis aux assurés.

[56]       Il a aussi été démontré que les propositions ne faisaient pas l’objet d’une révision systématique de la part d’un courtier. Ainsi, suivant ce procédé, avant la conclusion du contrat d’assurance, il était possible qu’un client ne parle jamais à un courtier.

[57]       Me Poirier-Falardeau nous soumet que pour satisfaire à ses obligations en vertu de l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, un courtier ne peut se contenter de recueillir personnellement, auprès d’une association à laquelle adhèrent les assurés, les renseignements qui lui permettent de faire une estimation à première vue des besoins premiers d’une majorité d’assurés.

[58]       Le courtier doit recueillir directement auprès de chacun des assurés les renseignements qui lui permettront de bien identifier les besoins propres à ce client.

[59]       Ainsi, le procureur de la partie plaignante est d’avis que l’intimé ne remplit pas ses obligations déontologiques lorsque la proposition présentée par un client est traitée par une personne non-certifiée, que cette personne émet le certificat d’assurance et que tout ce processus puisse se faire sans aucune intervention du courtier.

[60]       Relativement aux assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., Me Poirier-Falardeau plaide aussi la règle élaborée par la Cour d’appel dans l’arrêt Bérubé c. Hôpital Hôtel-Dieu-de-Lévis[8] qui prévoit que « ce qui n’a pas été noté, n’a pas en principe été fait » s’applique dans le présent cas. Ainsi, aucun courtier n’aurait communiqué avec lesdits assurés puisque la preuve documentaire déposée ne comporte aucune mention ou note à ce sujet.

[61]       En défense, Me Ouellette plaide notamment qu’il y a absence de preuve directe quant aux assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., et que dans de telles circonstances, le syndic-adjoint est incapable de se décharger de son fardeau de preuve quant aux chef nos 1a., 1b., 1c., 1f. et 1g.

[62]       Le procureur de l’intimé prétend aussi que rien dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers ne prohibe l’obtention des renseignements nécessaires à la détermination des besoins du client auprès d’une association professionnelle et rien n’empêche le courtier de décrire le produit d’assurance proposé par le biais d’une communication écrite transmise au client avant la conclusion du contrat d’assurance.

[63]       Me Ouellette soutient que la partie plaignante a fait défaut d’établir la norme applicable en l’espèce, c’est-à-dire que la manière utilisée par M. Picard pour obtenir les renseignements et décrire aux clients le produit proposé de même que la nature de la garantie offerte, va à l’encontre des pratiques de la profession.

[64]       Quant aux chefs nos 1f. et 1g., il souligne que la rédaction des chefs et l’utilisation des termes « des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur » font en sorte que le syndic-adjoint avait l’obligation de prouver une intention malicieuse de la part de M. Picard, une mens rea coupable, ce qui n’a pas été fait.

[65]       Par ailleurs, M. Picard aurait fait preuve de diligence raisonnable en établissant un manuel de procédures à l’attention des employés de Lexor dans lequel les tâches de Mme Carrier sont encadrées et qui stipule que les questions d’assurance doivent être traitées par un courtier.

[66]       Ce qui précède résume la position des parties quant aux véritables enjeux de cette affaire.

 

VI.        Analyse et décision

 

A.            Le droit applicable

[67]       Ce dossier met en cause les articles 16, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q., c. D-9.2) (ci-après « la Loi ») qui prévoient ce qui suit :

« Art. 12. Sous réserve des dispositions du titre VIII, nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité.

 

Toutefois, une institution financière peut, par la remise de brochures ou de dépliants, par le publipostage ou par l’utilisation de toute autre forme de publicité, inviter le public à acquérir un produit d’assurance.

 

Art. 16.  Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

Art. 27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux. 

 

Art. 28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

 

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s'il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.»

 

(nos soulignements)

[68]       Le Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur[9] stipule notamment ce qui suit :

« Art. 4.8.  Le courtier en assurance de dommages doit, avant d'offrir un produit d'assurance, divulguer verbalement à la personne avec laquelle il transige le nom des assureurs avec lesquels lui-même, la société autonome ou le cabinet pour le compte duquel il agit a des liens d'affaires définis au deuxième alinéa de l'article 26 de la Loi et à l'article 4.10, en précisant la nature de ces liens, de la façon prévue à l'annexe 4.

 

(…)

 

Art. 4.10.  Constitue un lien d'affaires aux fins du deuxième alinéa de l'article 26 de la Loi, l'octroi, par l'assureur qui est une institution financière, autre qu'un assureur qui pratique exclusivement la réassurance, le groupe financier ou la personne morale liée à cette institution financière ou à ce groupe financier, au sens de l'article 147 de la Loi, d'un avantage sous forme de prêt d'argent ou de toute autre forme de financement à un cabinet, à une société autonome ou à un représentant autonome, ou, selon le cas, à leur dirigeants, administrateurs, actionnaires ou associés ou à d'autres personnes morales ou sociétés pour lesquelles ces derniers sont également dirigeants, administrateurs, actionnaires ou associés.

 

Il y a également un tel lien d'affaires et octroi par un assureur d'un intérêt à un cabinet, à une société autonome ou à représentant autonome lorsque l'ensemble des risques placés auprès de l'assureur ou d'autres assureurs membres du même groupe financier représentait 60% et plus du volume total des risques placés en assurance de dommages des particuliers par le cabinet, la société autonome ou le représentant autonome, calculé sur la base de valeur de primes souscrites, annualisées au 31 décembre de chaque année. »

 

 

[69]       Le Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[10] prévoit :

« Art. 6.  Le représentant autorisé à agir dans la discipline de l'assurance de dommages utilise le titre d'«agent en assurance de dommages» ou celui de «courtier en assurance de dommages», selon le cas.

 

Les catégories «assurance de dommages des particuliers» et «assurance de dommages des entreprises» sont celles autorisées pour cette discipline.

 

Art. 7.  Le représentant autorisé à agir dans la catégorie «assurance de dommages des particuliers» ne peut offrir que des produits et services conseils portant:

 

  1°    sur les biens et sur la responsabilité civile de nature domestique d'une personne physique ou d'un travailleur autonome à sa résidence;

 

 2°    sur les immeubles d'habitation d'au plus 6 logements.

 

Il utilise le titre d'«agent en assurance de dommages des particuliers» ou celui de «courtier en assurance de dommages des particuliers», selon le cas.

 

8.  Le représentant autorisé à agir dans la catégorie «assurance de dommages des entreprises» ne peut offrir que des produits et services conseils en assurance de dommages des entreprises, y compris à des travailleurs autonomes.

 

Il utilise le titre d'«agent en assurance de dommages des entreprises» ou celui de «courtier en assurance de dommages des entreprises», selon le cas. »

 

[70]       Les dispositions du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages[11] applicables à la présente affaire sont les suivantes :

« Art. 2.  Le représentant en assurance de dommages doit s’assurer que lui-même, ses mandataires et ses employés respectent les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et celles de ses règlements d’application.

 

Art. 15. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

 

Art. 16. Le représentant en assurance de dommages doit éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou à l’efficacité de ses services ou quant à ceux de son cabinet ou de sa société autonome.

 

 Art. 25.  Le représentant en assurance de dommages doit exécuter avec transparence le mandat qu'il a accepté.

 

Art. 37.   Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

 1°    d'exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

 

(…)

 

 4°    de faire défaut de rendre compte de l'exécution de tout mandat;

 

(…)

 

 6°     de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles;

 

 7°    de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur;

(…)

 

 10°  de cacher ou d’omettre sciemment de divulguer ce qu’une disposition législative ou règlementaire l’oblige à révéler;  » 

 

(nos soulignements)

 

[71]       C'est à la lumière de ces différentes règles déontologiques que devra être examiné le comportement que l’on reproche à l’intimé.

 

B.           Le fardeau de la preuve et les chef nos 1a. et 1b.  

[72]       Le fardeau de preuve qui repose sur la partie poursuivante requiert une preuve claire, sérieuse et sans ambiguïté.

[73]       Ce principe jurisprudentiel a été bien défini par le Tribunal des professions dans l’affaire Osman c. Médecins[12], où l’on peut lire :

 «Le procureur du Docteur Osman a raison lorsqu’il affirme la nécessité d’une preuve claire, convaincante et de haute qualité, pour asseoir un jugement de culpabilité relativement à une plainte disciplinaire de la gravité de celle qui pèse contre son client.

(…)

Il n’y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts (sic) par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. »

[74]       Dans Vaillancourt c. Avocats[13], le Tribunal des professions réitère ce principe qu’il imposait dans l’affaire Osman.

[75]       Après avoir délibéré, le Comité considère que la preuve présentée par la partie poursuivante à l’appui des violations alléguées aux chefs nos 1a. et 1b. ne démontre pas de manière suffisamment concluante la commission par l’intimé desdites infractions.

[76]       En fait, après une analyse rigoureuse de la preuve, le Comité vient à la conclusion que la partie poursuivante avait l’obligation de faire témoigner chacun des assurés mentionnés auxdits chefs afin d’être en mesure de prouver la commission des actes dérogatoires allégués.

[77]       Dans le cas des assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., la plainte reproche à l’intimé le fait que ce n’est pas un représentant en assurance de dommages qui a recueilli personnellement les renseignements nécessaires permettant d’identifier les besoins de ceux-ci et que le produit d’assurance proposé en relation avec les besoins identifiés, ni à ce que la nature de la garantie offerte leur soit précisée.

[78]       En rédigeant le chef de cette manière, la partie poursuivante s’est imposé le fardeau de démontrer clairement et sans ambiguïté ce qui précède à l’égard de chacun de ces assurés. En l’absence d’une preuve positive établissant les faits spécifiquement décrits aux chefs en question, le Comité est d’avis qu’il n’a d’autre choix que de conclure que la preuve n’a pas été faite au niveau de ces deux chefs.

[79]       Bien plus, lors de son témoignage, l’intimé a déclaré qu’il avait lui-même communiqué par téléphone avec les assurés en question[14] et qu’il s’était fait confirmer par chacun des assurés à qui il a parlé, qu’un courtier avait communiqué avec eux au moment de la proposition d’assurance. Ce témoignage n’a pas été contredit.

[80]       Quant à l’absence de notes à ce sujet au dossier, la règle émise par la Cour d’appel qui stipule que « ce qui n’a pas été noté, n’a pas en principe été fait »[15] ne constitue pas une présomption irréfragable. En conséquence, cette règle peut être repoussée par une preuve contraire.

[81]       Or, le témoignage de M. Picard vient contredire la preuve documentaire relativement à ces assurés. De plus, il a été démontré en défense que les conversations téléphoniques entre un courtier et un proposant n’étaient pas notées de façon systématique dans le système du cabinet avant que le certificat d’assurance soit émis.

[82]       Ainsi, en l'absence d'une preuve concrète du syndic-adjoint démontrant par des faits et gestes précis que les renseignements de ces assurés n’ont pas été recueillis par un représentant et que le produit d’assurance proposé ne leur a pas été décrit, le Comité ne peut conclure à la culpabilité de l'intimé sur la base d’une simple supposition.

C.           La gravité de la faute et le chef no 1c.

[83]       Il est vrai que l’adresse donnée aux assurés comme endroit où ils auraient pu consulter la police maîtresse est erronée.

[84]       Par contre, la preuve en défense a démontré que le siège social de l’association Mon réseau + est déménagé au 2285, rue St-Pierre, à Drummondville J2C 5A7, en date du 22 novembre 2010 et que le 924A, rue St-Pierre, à Drummondville n’était plus la bonne adresse pour consulter la police maîtresse à compter de cette dernière date.

[85]       Selon le Comité, cette infraction est le résultat d’une erreur commise de bonne foi par l’intimé.

[86]        De l'avis du Comité, cette erreur ne cause pas de préjudice réel au public. En effet, tout assuré voulant consulter la police aurait facilement et rapidement réalisé que le siège de Mon réseau + est dorénavant au 2285, rue St-Pierre, tel que susdit.

[87]        Bien plus, le Comité est d’opinion que cette erreur n'est pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique.

[88]        À ce sujet, il convient de référer à un arrêt récent de la Cour d’appel rendu dans l’affaire Prud’Homme c. Gilbert[16], et plus particulièrement aux passages suivants :

 

« [33]  Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée,   même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

 

[34]  Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

 

[28]  La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35]  Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 :

[72]  La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité. »                                          

 

[89]        Pour ces motifs et considérant la gravité insuffisante de la faute reprochée, l'intimé sera acquitté du chef no 1c. de la plainte amendée.

D.           La preuve d’une intention et le chef no 1f.

[90]       Le chef no 1f. prévoit que l’intimé aurait permis que des « représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur » soient effectuées en indiquant dans le dépliant préparé par Lexor que la couverture pour la responsabilité civile et professionnelle était mondiale alors que l’étendue territoriale était uniquement limitée à des poursuites intentées au Québec. De plus, la preuve a révélé que le territoire des États-Unis d’Amérique était complètement exclu.

[91]       Pour les motifs exprimés par le tribunal des professions dans l’affaire Renaud c. Barreau du Québec[17], le Comité en vient à la conclusion que ce chef nécessite la preuve d’une intention coupable de la part de l’intimé, c’est-à-dire que celui-ci aurait voulu ce faisant induire en erreur les membres de l’association à qui il adressait sa correspondance.

[92]       Or, de l’avis du Comité, il s’agit tout simplement d’une erreur, l’intimé n’ayant jamais eu l’intention d’induire en erreur qui que ce soit. Ainsi, la preuve d’une intention coupable visant à induire en erreur n’a pas été faite en l’espèce.

[93]       En conséquence, l’intimé sera acquitté de ce chef.

E.           Le chef no 1g.   

[94]       Il est opportun ici de reproduire encore une fois le chef no 1g. :

« 1g. qu’il a permis que des représentations fausses et trompeuses soient faites auprès des (…) assurés A.A., J.G., M.G. Institut C.C. et M.B., et J.L., quant à son niveau de compétence, en étant identifié à titre de courtier en assurance de dommage dans la correspondance de renouvellement que son cabinet a fait parvenir à ses clients pour les années 2010, 2011 et 2012, alors qu’il était titulaire d’un certificat l’autorisant à agir comme courtier en assurance de dommages des entreprises; »

[95]       À l’égard de ce chef, le syndic adjoint n’a aucune obligation de démontrer une intention coupable de la part de l’intimé. L’utilisation de l’expression « représentations fausses et trompeuses » est superfétatoire.

[96]       Il s’agit d’une faute technique puisqu’en vertu des articles 7 et 8 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant,  le représentant autorisé à agir dans la catégorie « assurance de dommages des entreprises », comme c’est le cas de l’intimé Sébastien Picard, doit utiliser le titre de « courtier en assurance de dommages des entreprises ».     

[97]       La preuve que l’intimé s’est mal identifié, notamment dans les lettres de renouvellement et dans ses lettres de bienvenue ou de couverture aux nouveaux assurés, est concluante.

[98]       En conséquence, l’intimé sera trouvé coupable sous ce chef d’avoir contrevenu à l’article 7 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant et un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé sur les autres dispositions législatives et règlementaires à l’appui de de chef.

F.           La position des parties sur les chefs nos 2a., 2b., et 2c.

[99]       Voici ce que le Comité comprend des chefs susdits et des prétentions respectives.

[100]    Au chef no 2, la partie plaignante reproche de façon générale à l’intimé d’avoir mis en place un programme qui permettait aux professionnels membres de Mon réseau + d’obtenir un contrat d’assurance sans jamais être conseillés personnellement par un courtier en assurance de dommages.

[101]    Ainsi, contrairement à ce qui est prévu au chef no 1, dans le cas du chef no 2, le syndic adjoint ne vise pas des cas spécifiques mais critique plutôt l’absence de démarches individuelles faites auprès des adhérents ou des membres de Mon réseau + et ce, pour qu’il soit permis à un courtier d’identifier les besoins spécifiques de chacun des membres avant que ceux-ci obtiennent l’assurance proposée par écrit.

[102]    Le chef no 2a. reproche plus précisément  le fait «  que ce ne soit pas un représentant en assurance de dommages qui recueille personnellement les renseignements nécessaires permettant d’identifier les besoins des clients. » Ce chef reprend presqu’entièrement le libellé de l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[103]    Essentiellement, le syndic adjoint prétend que l’intimé ne pouvait pas identifier les besoins des clients comme il l’a fait, c’est-à-dire en se documentant et en obtenant les  renseignements pertinents aux membres auprès de la direction de Mon réseau +. M. Picard devait communiquer avec chacun des membres pour identifier leurs besoins spécifiques. 

[104]     Quant au chef no 2b., il reprend en partie le libellé de l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, c’est-à-dire que l’intimé aurait agi de manière à ce « que ne soit pas décrit aux clients le produit d’assurance proposé en relation avec les besoins identifiés, ni à ce que la nature de la garantie offerte leur soit précisée, omettant ainsi d’agir en conseiller consciencieux, professionnel et compétent. »

[105]     Finalement, le chef no 2c. vise le fait que l’intimé Sébastien Picard aurait exercé ses activités en assurance de dommages avec une personne qui n’est pas autorisée à le faire. Évidemment, ce chef intéresse le cas de la réceptionniste Annabelle Carrier dont il a été longuement question au cours de l’instruction. Suivant la prétention du syndic adjoint, celle-ci exécutait des travaux et des opérations qui sont réservés à un représentant certifié en assurance de dommages. 

[106]    En défense, l’intimé soumet qu’il n’a pas contrevenu au libellé de l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers puisqu’il a recueilli personnellement auprès de la direction de l’association tous les renseignements utiles et nécessaires lui permettant d’identifier les besoins des membres de l’association afin de bâtir spécifiquement pour eux une proposition d’assurance sur mesure.

[107]    Quant à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’intimé prétend que la documentation transmise aux membres de l’association Mon réseau + satisfait aux exigences de cette disposition puisqu’elle décrit le produit proposé en relation avec les besoins identifiés et obtenus auprès de la direction de ladite association. De plus, la pièce P-2, page 53, précise chacune des garanties d’assurance offertes aux membres.

[108]    Relativement à Mme Annabelle Carrier, l’intimé est d’avis qu’il a agi avec diligence raisonnable en prévoyant de façon spécifique dans le manuel de procédures de Lexor les tâches que Mme Carrier devait exécuter. De plus, à son avis, la preuve n’est pas concluante sur cette question et comporte beaucoup de zones grises.

[109]    Bien plus, il plaide que les témoignages de Mme Michèle Ferland, Mme Louise Gratton et de Mme Carrier elle-même viennent plutôt confirmer le contraire, c’est-à-dire qu’elle ne répondait pas à des « questions d’assurance » et que son travail se limitait à des tâches cléricales. En conséquence, l’intimé demande d’être acquitté de ce chef.

G.           Décision quant aux chefs nos 2a., 2b., et 2c.

[110]    Selon le Comité, les chefs nos 2a. et 2b. soulèvent dans l’ordre les deux questions suivantes :

1.         Pour proposer un produit d’assurance, est-ce qu’un courtier en assurance de dommages doit communiquer directement avec le membre d’une association professionnelle pour identifier ses besoins ou peut-il, afin de proposer un produit d’assurance aux membres d’une telle association, recueillir les renseignements lui permettant d’identifier les besoins de ceux-ci auprès de leur association professionnelle?

2.         Afin de satisfaire à son devoir de conseil face à son client, est-ce qu’un courtier en assurance de dommages peut limiter ses communications avec le client et lui décrire le produit proposé ainsi que lui préciser la nature de la garantie offerte uniquement par écrit?

Question 1 : Auprès de qui les renseignements doivent-ils être recueillis?

[111]    Le Comité considère que le libellé de l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers n’est pas restrictif quant à la manière d’identifier les besoins d’un client et qu’il permet à un représentant en assurance de dommages de bâtir un produit d’assurance s’adressant aux membres d’une association et de le proposer à ceux-ci sans nécessairement communiquer avec chacun des membres avant que le produit leur soit effectivement proposé.

[112]    Cela étant, dans le présent dossier, la preuve a révélé que l’intimé a effectué un exercice sérieux et réfléchi pour identifier les besoins en assurance des membres de l’association Mon réseau + et leur offrir un produit, qui selon M. Picard, leur convenait le mieux.

[113]    Dans les circonstances de la présente affaire, et considérant que le produit d’assurance s’adressait spécifiquement et exclusivement aux membres d’une association professionnelle, il était tout à fait logique que l’intimé obtienne les renseignements lui permettant d’identifier les besoins de la direction de l’association. 

[114]    Bref, le Comité est d’avis que l’homogénéité du groupe de massothérapeutes lui permettait d’agir ainsi.

[115]    Conséquemment, le Comité vient à la conclusion que pour offrir un produit d’assurance aux membres de l’association Mon réseau +, l’intimé n’avait pas le devoir d’entrer en contact avec chacun des membres comme le prétend la partie poursuivante.

[116]    L’intimé sera donc acquitté sur le chef no 2a.

[117]    Toutefois, nous verrons plus loin que la situation est complètement différente une fois que le membre fait parvenir au courtier la proposition d’assurance qu’il a complétée.  

 Question 2 : De quelle manière doit-on décrire le produit et préciser la garantie?

[118]    Dans le présent dossier, la preuve non contredite a permis d’établir qu’un courtier d’assurance entrait en contact avec le membre de l’association uniquement lorsque ce dernier téléphonait au bureau de Lexor et qu’il avait des questions ou besoin de renseignements relativement à la couverture.

[119]    La preuve présentée en défense révèle aussi que c’était le membre qui avait rempli la proposition qui communiquait le plus souvent avec le bureau de Lexor.

[120]     Mme Michèle Ferland, responsable du programme des massothérapeutes Mon réseau + de 2009 à 2011, de même que Mme Louise Gratton, à partir du mois de janvier 2012, ont déclaré que si la proposition transmise était bien remplie, elles ne communiquaient pas avec le client. Par la suite, Mme Carrier émettait le certificat d’assurance. Mme Ferland ne révisait pas les certificats une fois ceux-ci émis.

[121]    Le Comité considère qu’une telle façon de procéder va à l’encontre de l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[122]    En effet, l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule clairement qu’avant la conclusion d’un contrat d’assurance, le représentant en assurance doit décrire le produit « au client » et lui préciser la nature de la garantie offerte.

[123]    De plus, à son dernier alinéa, cette disposition importante prévoit également que le courtier doit « indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s'il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions

[124]     Le Comité est d’avis que cette obligation doit être lue conjointement avec l’article 37 (6°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui stipule :

« Art. 37 Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

(6°)     de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles; »

 

 

 

[125]     Le Comité est d’avis que le devoir de conseil est au cœur de la profession de courtier en assurance de dommages.

[126]     En tant que spécialiste en assurance de dommages, le courtier doit expliquer au client le contrat d’assurance auquel le client veut souscrire et lui détailler les garanties offertes.

[127]     Inutile de dire qu’un contrat d’assurance est un document complexe qui nécessite plusieurs explications tant sur les garanties que sur les exclusions. De plus, la garantie d’assurance responsabilité professionnelle basée sur la présentation d’une réclamation (« claims made ») implique un éclairage particulier de la part du courtier.

[128] Le contenu de cette obligation de conseil et surtout son importance furent analysés par la Cour suprême dans l’arrêt Fletcher[18]:

55  À mon avis, l'arrêt Fine's Flowers permet d'affirmer que les agents d'assurances privés ont envers leurs clients l'obligation de fournir non seulement des renseignements sur la couverture disponible, mais encore des conseils sur les formes de protection dont ils ont besoin.  Je remarque que, dans "Liability of Insurance Agents for Failure to Obtain Effective Coverage:  Fine's Flowers Ltd. v. General Accident Assurance Co." (1979), 9 Man. L.J. 165, le professeur Snow résume ainsi l'incidence de l'arrêt Fine's Flowers, à la p. 169:

[TRADUCTION]  L'incidence de cet arrêt et de bien d'autres décisions semblables rendues au cours des dernières années semble claire.  Les consommateurs qui font confiance aux agents d'assurances soi‑disant compétents, et qui voient leur confiance trahie, pourront souvent se pourvoir contre leur agent...   [L]'obligation de l'agent d'assurances, telle qu'énoncée en l'espèce, pour ce qui est de négocier une assurance et d'indiquer à l'assuré les risques couverts et ceux qui ne le sont pas est assez stricte.  De surcroît, étant donné qu'en général le commettant se fie énormément à la compétence de l'agent, il ne semble pas déraisonnable d'imposer cette obligation à un agent d'assurances.  [Je souligne.]

56   Dans l'affaire G.K.N. Keller Canada Ltd. v. Hartford Fire Insurance Co. (1983), 1 C.C.L.I. 34 (H.C. Ont.) (conf. en appel (1984), 4 C.C.L.I. xxxvii (C.A. Ont.)), la cour a explicité davantage la nature de l'obligation de diligence de l'agent d'assurances.  Elle y a décidé que, si le client décrit adéquatement à l'agent la nature de ses activités, ce dernier a alors l'obligation d'étudier les besoins en assurances du client et de lui fournir la protection complète demandée.  Si un sinistre non assuré survient, l'agent est responsable à moins qu'il n'ait signalé à son client les lacunes dans la couverture et qu'il ne l'ait conseillé sur la façon de combler ces lacunes.

57   Il est évident, tant dans le milieu des assurances que devant les tribunaux, que l'on considère que les agents et courtiers d'assurances sont plus que de simples vendeurs.  Les actes du colloque de 1985 sur le droit des assurances tenu par la Continuing Legal Education Society de la Colombie‑Britannique mettent l'accent sur les services qu'ils fournissent (à la p. 6.1.03):

[TRADUCTION]  Les services d'un agent ou d'un courtier compétent incluent, outre les conseils sur les assurances et le courtage ou la négociation de polices pour le compte du client, un intérêt et une participation concrets dans la prévention des sinistres, ainsi qu'un contrôle des demandes de règlement destiné à aider le client à obtenir un règlement satisfaisant.

58   Il est tout à fait légitime, à mon sens, d'imposer aux agents et aux courtiers d'assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils.  Ils sont, après tout, des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l'évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées.  Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client.  La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes.  Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu.  Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l'obligation non seulement de fournir des renseignements mais encore de conseiller les clients. »

(nos soulignements)

 

[129]    Ainsi, le Comité est d’opinion qu’une fois la proposition reçue, le courtier se doit de donner des conseils personnalisés qui sont adaptés et conformes à la situation de ce client non plus en tant que membre d’une association mais en tant qu’assuré. En d’autres mots, il doit conseiller ce nouveau client de façon complète et lui fournir les renseignements nécessaires et utiles à sa propre situation.

[130]    Ainsi, lorsque la proposition est complétée, signée et transmise chez Lexor, le client qui la fait parvenir n’est plus celui qui est mentionné à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers mais bien celui indiqué à l’article 28 cette même loi. Ce dernier a alors le droit à des conseils personnalisés dont notamment le droit de se faire indiquer clairement les exclusions de garantie qui peuvent être pertinentes à sa situation et, le cas échéant, de se faire également fournir des explications sur ces exclusions.

[131]    De l’avis du Comité, les documents explicatifs[19] transmis par l’intimé aux assurés dans le présente affaire ne sauraient satisfaire complètement à l’obligation de conseil d’un courtier envers ses clients ni aux dispositions susdites de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[132]     La partie plaignante a donc raison lorsqu’elle nous dit qu’il découle du système mis en place par l’intimé qu’il était possible qu’un client ne parle jamais à un courtier en assurance de dommages avant la conclusion du contrat d’assurance le tout contrairement à ses obligations déontologiques.

[133]     Vu ce qui précède, l’argument soulevé par le procureur de l’intimé que la partie plaignante avait l’obligation de prouver la norme applicable ne sera pas retenu. Le syndic adjoint n’avait pas la responsabilité de faire cette preuve[20] puisque l’intimé a clairement transgressé une norme écrite, claire et non équivoque, prévue par les dispositions de l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[134]     En regard du chef no 2b., l’intimé sera donc trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 37 (6°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[135]    Quant au dernier chef restant, soit le chef no 2c., le Comité vient à la conclusion que la preuve offerte par la partie plaignante ne comporte pas le degré de persuasion requise pour conclure à la culpabilité de l’intimé.   

[136]    Eu égard à l’ensemble des témoignages rendus sur cette question, le Comité croit que le travail effectué par Mme Carrier était plus de nature cléricale qu’autre chose.

[137]    Tout comme dans l’affaire précitée de Osman, afin de se décharger de son fardeau de preuve sur ce chef, la partie plaignante devait présenter une preuve claire, sérieuse et sans ambiguïté.

[138]    Considérant que la preuve sur ce chef n’est pas convaincante, l’intimé sera donc acquitté de l’infraction alléguée au chef no 2c.    

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur le chef no 1e. de la plainte amendée no 2013-12-08(C) et DÉCLARE l’intimé Sébastien Picard coupable de ce chef pour avoir contrevenu à l’article 4.8 du Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur;

 

DÉCLARE l’intimé Sébastien Picard coupable du chef no 1g. de la plainte amendée no 2013-12-08(C) pour avoir contrevenu à l’article 7 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant;

 

DÉCLARE l’intimé Sébastien Picard coupable du chef no 2b. de la plainte amendée no 2013-12-08(C) pour avoir contrevenu à l’article 37 (6°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1e., 1g. et 2b. ;

 

ACQUITTE l’intimé Sébastien Picard sur les chefs nos 1a., 1b., 1c., 1f., 2a. et 2c. de la plainte amendée no 2013-12-08(C);

 

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels permettant d’identifier les assurés mentionnés à la pièce P-2 en vertu de l’article 142 du Code des professions suivant la décision rendue par le Comité dans le présent dossier;

 

DEMANDE au Secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julien Poirier-Falardeau

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Marc-Aurèle Ouellette

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

13 juin 2014, 3 et 4 septembre 2014 et les 16, 20 et 21 octobre 2014

 



[1] Voir la décision rendue par le Comité sur cette question dans le présent dossier;

[2] ChAD c. Picard 2014 CanLII 22645 (QC CD CHAD);

[3] 2005 QCTP 134 (CanLII);

[4] 2008 CanLII 88699 (QC CDCM);

[5] Idem., au paragraphe 34;

[6] 2012 CanLII 31116 (QC CDCHAD);

[7] 2013 CanLII 46532 (QC CDCHAD);

[8] 2003 CanLII 55071 (QCCA);

[9] R.L.R.Q., ch.D-9.2, r.18;

[10] R.L. R.Q., ch.D-9.2, r.7;

[11] R.L.R.Q., ch.D-9.2, r.5;

[12] 1994 D.D.C.P. 257. (T.P.)

[13] 2012 QCTP 126, aux paragraphes 62 et suivants;

[14] L’intimé a déclaré qu’il avait rejoint 4 assurés sur 5; Cette partie du témoignage de l’intimé n’a pas fait l’objet d’une objection de la part de la partie plaignante;

[15] Idem., note 7;

[16]   2012 QCCA 1544 (CanLII);

[17] 2003 QCTP 111 (CanLII);

 

[18]   Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba1990 CanLII 59 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 191; Sur le devoir de conseil du courtier, voir aussi Groupe Aquazone c. Villemure, 2014 QCCQ 495 (CanLII), au paragraphe 55;

[19] Voir notamment la pièce P-2, aux pages 52 et 53;

[20] Acupuncteurs c. Jondeau 2006 QCTP 86 (CanLII);

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