Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Murphy

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2014-029

 

DÉCISION N° :

2014-029-001

 

DATE :

Le 20 juin 2014

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me CLAUDE ST PIERRE

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, personne morale légalement constituée, ayant un établissement situé au 2640, boulevard Laurier, 3e étage, Place de la Cité, Tour Cominar, Québec (Québec) G1V 5C1;

Partie demanderesse

c.

DONALD MURPHY, domicilié et résidant au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec) [...];

et

DIANE BEAUCHAMP, domiciliée et résidant au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec) [...];

et

SERVICES FINANCIERS D.D.A. et ASSOCIÉS INC., personne morale légalement constituée ayant une place d'affaires au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec) [...];

et

LES SERVICES FINANCIERS DONALD MURPHY ET ASSOCIÉS INC., personne morale légalement constituée ayant une place d'affaires au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec) [...];

Parties Intimées;

et

BANQUE LAURENTIENNE DU CANADA, personne morale légalement constituée ayant une place d’affaires au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2;

Parties mises-en-cause;

 

 

 

Ordonnances ex parte de blocage, de suspension d’inscription et de certificat, de se conformer à la loi et mesures propres à assurer le respect de la loi

[art. 93, 94 et 115.9, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2, art.115, 115.3 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D‑9.2]

 

 

 

Me Sylvie Boucher

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Date d’audience :

17 juin 2014

 


 

 

DÉCISION

 

[1]    L’Autorité des marchés financiers (l’ « Autorité ») a, le 16 juin 2014, saisi le Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») d’une demande d’audience ex parte visant à obtenir les conclusions suivantes :

Ordonnances de blocage en vertu des articles 115.3, 115.4 et 115.8 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1], et des articles 249 et 256 de la Loi sur les valeurs mobilières[2] :

                Une ordonnance à l’encontre des intimés Donald Murphy et Diane Beauchamp l’enjoignant de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens qu’ils ont en leur possession ou qui leur ont été confiés et de ne pas retirer ou s’approprier des fonds, titres ou autres biens des mains d’une autre personne qui les a en dépôt ou qui en a la garde ou le contrôle pour eux, y compris les contenus des coffrets de sûreté, à quelque endroit que ce soit, et, sans limiter la généralité de ce qui précède, le bien suivant :

           L’immeuble situé au [...] à Pointe-aux-Trembles, [...], portant le numéro de lot [...] du Cadastre du Québec, dans la circonscription foncière de Montréal;

                Une ordonnance à l’encontre de la mise en cause Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Donald Murphy dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans les comptes bancaires portant les numéros [1], [2] et [3] ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté au nom de Donald Murphy;

                Une ordonnance à l’encontre de la mise en cause Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc. dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans le compte bancaire portant le numéro 049310-9 ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc.;

                Une ordonnance à l’encontre de la mise en cause Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Les Services financiers Donald Murphy & Associés inc. dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans les comptes bancaires portant les numéros 0495783-01 et 0495783-02 ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc.;

                Une ordonnance à l’encontre de toute personne qui recevra signification de la décision à intervenir l’enjoignant de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens appartenant à Donald Murphy et qu'elle a en sa possession, qui lui ont été confiés, qu’elle a en dépôt ou dont elle a, directement ou indirectement, la garde ou le contrôle, y compris dans tout coffre de sureté;

                Une ordonnance à l’encontre de toute personne qui recevra signification de la décision à intervenir lui enjoignant de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens appartenant à Diane Beauchamp et qu'elle a en sa possession, qui lui ont été confiés, qu’elle a en dépôt ou dont elle a, directement ou indirectement, la garde ou le contrôle, y compris dans tout coffre de sureté;

                Une ordonnance à l’encontre de toute personne qui recevra signification de la décision à intervenir l’enjoignant de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens appartenant à Services financiers D.D.A & Associés inc. ou à Les Services financiers Donald Murphy et associés inc. et qu'elle a en sa posses-sion, qui lui ont été confiés, qu’elle a en dépôt ou dont elle a, directement ou indirectement, la garde ou le contrôle, y compris dans tout coffre de sureté;

                Une ordonnance à l’encontre du mis en cause Officier du Bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Montréal de procéder à la publication de l’ordonnance de blocage et de la décision à être rendue dans le présent dossier relativement à l’immeuble situé au [...] à Pointe-aux-Trembles, [...], portant le numéro de lot [...], dans la circonscription foncière de Montréal ;

Suspensions de certificat et d’inscription, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

                Une suspension du certificat d’exercice portant le numéro 124 708 de Donald Murphy dans toutes les disciplines pour lesquelles il est inscrit pendant la durée de l’enquête de l’Autorité des marchés financiers;

                Une suspension de l’inscription portant le numéro 502 222 du cabinet Services financiers D.D.A. & associés inc. dans toutes les disciplines pour lesquelles il est inscrit, avec les conséquences de l’application de l’article 127 de la LDSPF et ce, pendant la durée de l’enquête de l’Autorité des marchés financiers ou jusqu’à décision au mérite à être rendue sur toute demande de radiation ou de levée de la suspension qui pourrait être présentée devant le Bureau de décision ou de révision;

Ordonnances et mesures propres à assurer le respect de la loi, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[3] :

                Une autorisation pour que toute personne désignée par l’Autorité des marchés financiers puisse se présenter sans délai et sans préavis sur les lieux d’affaires connus du cabinet, situés au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec), ou à toute autre adresse où se trouveraient les dossiers, livres et registre du cabinet, y compris celle ou pourrait résider l’intimé Donald Murphy, afin de prendre possession de tous les dossiers clients, liste de clients, livres et autres registres comptables nécessaires pour l’inscription des transactions effectuées dans le cadre des activités du cabinet intimé, y incluant le registre du compte séparé, et ce, qu’ils soient sur support papier ou informatique;

                Une ordonnance pour que tous les dossiers, livres et registres trouvés soient déplacés dans les bureaux de l’Autorité des marchés financiers, afin que cette dernière puisse aviser les assureurs impliqués de la reprise des dossiers clients;

                Une ordonnance pour que la décision à être rendue sur la présente ne soit signifiée qu’au moment de l’entrée initiale de l’équipe de l’Autorité des marchés financiers sur les lieux, qui sera effectuée entre 7h00 am et 22h00 pm, à la date qu’elle aura convenu la plus rapprochée possible de la décision à intervenir sur les présentes;

                Toute mesure propre à assurer le respect des dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers à l’encontre du cabinet intimé, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers;

                Une ordonnance en vertu de l’article 265 de la Loi sur les valeurs mobilières à l’encontre de Donald Murphy l’interdisant d’exercer toute activité en vue d’effectuer directement ou indirectement toute opération sur valeurs;

                Une ordonnance en vertu de l’article 266 à l’encontre de Donald Murphy l’interdisant d’exercer l’activité de conseiller ou d’agir à titre de gestionnaire de fonds d’investissement;

                Une ordonnance en vertu de 115. 9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers enjoignant Donald Murphy à se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de cesser d’agir comme représentant au sens de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ou de se présenter comme tel;

                Que le Bureau déclare, par une ordonnance rendue en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité que sa décision entre en vigueur sans audition préalable et donner à l’intimé l’occasion d’être entendu dans un délai de quinze (15) jours.

[2]    La demande de l’Autorité a été présentée en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, selon lequel il est loisible au Bureau de prononcer une décision affectant défavorablement les droits d’une personne sans audition préalable, lorsqu’un motif impérieux le requiert.

[3]    L’Autorité a déposé avec sa demande l’affidavit requis par l’article 19 du Règlement sur les règles de procédure du Bureau de décision et de révision[4], en vertu duquel une demande fondée sur des motifs impérieux doit être accompagnée d’une déclaration sous serment écrite à l’appui des faits de la demande et des motifs impérieux. Une copie de la demande et de l’affidavit est jointe à la présente.

[4]    Une audience ex parte a eu lieu le 17 juin 2014 au siège du Bureau, afin que l’Autorité puisse présenter sa demande.

LA DEMANDE

[5]    Le Bureau reproduit ci-après les allégations de l’Autorité, telles que décrites à sa demande :

L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS SOUMET RESPECTUEUSEMENT AU BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION CE QUI SUIT :

 

I.              LES PARTIES

 

L’Autorité des marchés financiers

 

1.         La demanderesse (l’« Autorité ») est l’organisme chargé notamment de l’administration de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 (la « LDPSF ») et de la Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2 (« Loi sur l’Autorité »);

 

Donald Murphy

 

2.         Donald Murphy possède un certificat de l’Autorité portant le numéro 124708 lui permettant d’agir dans la discipline de l’assurance de personnes, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique de Donald Murphy produite comme pièce D-1;

 

3.         Son droit de pratique en assurance de personnes est actuellement suspendu depuis le 5 février 2014 en raison d’une non-conformité de ses unités de formation continue (« UFC »), tel qu’il appert de l’extrait de la base de données MISA de l’Autorité, produit comme pièce D‑2 ;

 

4.         Ainsi, le 9 janvier 2014, le Directeur de la certification et de l’inscription transmettait à Donald Murphy une correspondance intitulée « défaut de respecter votre obligation en matière de formation – avis préalable à l’émission d’une décision de suspension de votre droit de pratique », tel qu’il appert d’une copie de la correspondance produite comme pièce D-3 ;

 

5.         Aux termes de ladite correspondance, Donald Murphy disposait de 15 jours pour transmettre ses observations écrites à l’Autorité tel qu’il appert de D-3 ;

 

6.         Par ailleurs, le 5 février 2014, l’Autorité rendait la décision no 2014-CONF-1007907 aux termes de laquelle elle suspendait le droit de pratique de Donald Murphy dans la discipline de l’assurance de personnes, tel qu’il appert d’une copie de la décision produite comme pièce D-4 ;

 

7.         Cette décision lui a été transmise par poste certifiée, tel qu’il appert d’une copie de la lettre de transmission de la décision produite comme pièce D-5 ;

 

8.         Le 11 mars 2014, un avis de la suspension de Donald Murphy a été transmis au cabinet Les Services financiers D.D.A. & Associés inc., auquel M. Murphy était rattaché à titre de représentant, tel qu’il appert d’une copie de l’avis produite comme pièce D-6 ;

 

Services financiers D.D.A. & Associés inc.

 

9.         Le cabinet Services financiers D.D.A & Associés inc. (« D.D.A. ») est une personne morale légalement constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Québec dont les activités économiques sont celles de sociétés d'investissement et services financiers, tel qu'il appert de l'état du renseignement d'une personne morale au registre des entreprises (« REQ ») produit comme pièce D-7;

 

10.      Donald Murphy est le président et premier actionnaire de D.D.A., tel qu'il appert du REQ D-7;

 

11.      D.D.A. est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité, portant le numéro 502222, lui permettant d’agir dans la discipline de l’assurance de personnes, tel qu’il appert de l’attestation d’inscription du cabinet produite comme pièce D-8 ;

 

12.      Donald Murphy est le seul représentant rattaché au cabinet D.D.A. et agit à titre de dirigeant responsable du cabinet, le tout tel qu'il appert d'un extrait de la base de données MISA de l'Autorité produit au soutien des présentes comme pièce D-9;

 

13.      Par ailleurs, il appert que le cabinet D.D.A. ne détient plus d’assurance de responsabilité professionnelle depuis le 26 mai 2014, tel qu’il appert d’une copie de l’avis transmis au cabinet comme pièce D-10 ;

 

14.      À ce titre, le cabinet D.D.A et son unique représentant et dirigeant responsable, Donald Murphy, sont régis par la LDPSF;

 

Les services financiers Donald Murphy et associés inc. (« SFDM »)

 

15.      SFDM est une compagnie légalement constituée dont la principale activité est : autres, services de comptabilité et de tenue de livres – services de comptabilité et tenue de livres, tel qu’il appert d’une copie de l’état des renseignements d’une personne morale (« REQ ») produit comme pièce D-24 ;

 

16.      Diane Beauchamp agit à titre de présidente et d’actionnaire majoritaire de SFDM, tel qu’il appert de la pièce D-24 ;

 

Diane Beauchamp

 

17.      Diane Beauchamp est l’épouse de Donald Murphy et travaille pour l’une des compagnies de ce dernier, tel qu’il sera démontré lors de l’audition ;

 

II.            LES FAITS

 

Appropriation de sommes d'argent et falsification de documents

 

18.      Le ou vers le 6 juin 2014, la Direction des pré-enquêtes a reçu une dénonciation à l'égard de Donald Murphy, aux termes de laquelle il était indiqué que ce dernier se serait approprié sans droit des sommes d'argent et aurait falsifié des documents;

 

19.      La preuve recueillie par les enquêteurs de l'Autorité démontre que le ou vers le 28 février 2014, Donald Murphy s'est présenté chez sa cliente, J-A C. afin de lui proposer un placement;

 

20.      Il est à noter que la cliente J-A C. avait fait affaire avec Donald Murphy entre 2008 et 2014 pour ses impôts et pour des conseils fiscaux d'ordre général, notamment via SFDM, en plus d'avoir souscrit par son entremise une police d'assurance-vie pour un capital de 100 000 $ auprès d'Axa assurances inc. (maintenant SSQ Société d’assurance-vie) en novembre 2011, laquelle police n'est toutefois pas visée par la présente demande;

 

21.      Le placement alors proposé par Murphy en était un à rendement garanti auprès de La Capitale assurances générales inc. (« La Capitale ») offrant des rendements dont le taux d'intérêt variaient entre 4% la première année et 9% la cinquième année;

 

22.      Donald Murphy avait également représenté à la cliente J-A C. que les intérêts se cumulaient à l'abri de l'impôt, et qu'elle pourrait racheter le placement à l'expiration des 3 premières années;

 

23.      La cliente J-A C. a alors remis à Donald Murphy un chèque au montant de 50 000 $ afin de procéder à l'investissement qu'il lui avait proposé auprès de la Capitale, tel qu'il appert d'une copie recto-verso du chèque produite comme pièce D-11;

 

24.      Le chèque remis par la cliente était libellé à l'ordre personnel de Donald Murphy, à sa demande, ce dernier lui ayant représenté que ce serait plus facile et plus rapide de procéder de cette façon, tel qu'il appert du chèque D-11;

 

25.      Ce chèque fut débité du compte personnel de la cliente J-A C. le même jour, tel qu’il appert d’un extrait du relevé bancaire de la cliente, produit comme pièce D-12 ;

 

26.      N'ayant eu aucun document à cette occasion, J-A C. a effectué un suivi auprès de Donald Murphy au cours des mois de mars et avril afin d'obtenir une confirmation de son placement;

 

27.      Ce n'est que le 5 juin 2014 que Donald Murphy s'est présenté au domicile de J-A C. afin de lui remettre sa confirmation de placement auprès de La Capitale, tel qu'il appert d'une copie du document remis par Murphy produite comme pièce D-13;

 

28.      Elle a remarqué que l'adresse de résidence inscrite sur le relevé remis par Murphy comportait une erreur et en a fait part à ce dernier, ajoutant qu'elle ferait le suivi auprès de La Capitale afin de faire corriger le tout;

 

29.      Donald Murphy lui a alors mentionné qu'il s'en occuperait avant de changer de discussions;

 

30.      À la suite du départ de Donald Murphy, J-A C. a constaté que la date indiquée pour le placement était le 2 décembre 2013 et non le 28 février 2014, tel qu'il appert du document D‑13;

 

31.      J-A C. a alors contacté Donald Murphy qui lui a indiqué qu'il s'agissait d'une erreur de La Capitale et qu'elle aura donc des intérêts à compter de décembre 2013 plutôt qu'à compter de la fin février 2014;

 

32.      Après avoir consulté le site internet de La Capitale, et constaté qu'il n'y avait aucun placement comparable au sien, J-A C. a constaté qu'il y avait plusieurs fautes d'orthographe sur le document lui ayant été remis par Donald Murphy;

 

33.      Ayant des doutes sur l'intégrité du document remis le même jour par Donald Murphy, J-A C. a contacté le service à la clientèle de La Capitale, où elle a été informée que le numéro de client indiqué sur le document n'est pas un numéro de La Capitale, que le numéro de contrat indiqué ne correspond pas à ceux utilisés par La Capitale et que le numéro de compte inscrit existe mais au nom d'un autre client, tel qu'il sera démontré lors de l'audition;

 

34.      D’ailleurs, le document remis par Donald Murphy à la cliente J-A C. ne correspond en rien aux certificats de placements émis par La Capitale, tel qu’il appert d’une copie d’un certificat de placement émis par La Capitale produite comme pièce D-14 ;

 

35.      Lorsqu'elle a confronté Donald Murphy à ce sujet le ou vers le 9 juin 2014, ce dernier lui a mentionné qu'il y avait des erreurs de la part de La Capitale, avant de lui admettre qu'il s'était « fait pogner les culottes à terre », tel qu'il sera démontré lors de l'audition;

 

36.      Donald Murphy lui aurait alors expliqué qu'il avait contracté un prêt auprès d'une famille liée au crime organisé, qu’il avait eu une relation avec une proche d’un membre d’un groupe lié au crime organisé, et que des collecteurs de fonds lui auraient proféré des menaces de mort au cours du temps des fêtes 2013;

 

37.      Le ou vers le 10 juin 2014, Donald Murphy a mentionné a J-A C. que sa femme accepterait de refinancer sa résidence afin qu'il puisse la rembourser, avant de lui dire qu'il avait trouvé un autre prêteur privé afin de la rembourser d'ici le 13 juin 2014;

 

38.      L'enquête de l'Autorité a révélé que Donald Murphy aurait échangé le chèque remis par J-A C. contre une traite bancaire de la Banque Nationale, tel qu'il appert d'une copie de la traite bancaire produite comme pièce D-15;

 

39.      Cette traite bancaire a été déposée au compte bancaire détenu auprès de la Banque Laurentienne, portant le numéro de transit 00461-039 et le numéro de compte 21-022-701;

 

40.      Ce compte appartient à Donald Murphy, tel qu'il appert d'une copie du formulaire d'ouverture de compte produite comme pièce D-16;

 

41.      Il appert qu’à la suite de l’encaissement de cette traite bancaire dans son compte bancaire personnel, plusieurs retraits ont été effectués en espèces et 3 chèques libellés à des tiers ont été faits à partir du compte, à savoir :

 

                un chèque au montant de 5 000$ en date du 14 mars 2014 à l’ordre de Michel Leblanc ;

                un chèque au montant de 7 500$ en date du 19 mars 2014 à l’ordre de Lyne Chaumont ;

                un chèque au montant de 8 500 $ en date du 1er avril 2014 à l’ordre de Jacques Thouin ;

 

le tout tel qu’il appert d’une copie du relevé bancaire et des pièces justificatives transmises par La Banque Laurentienne produites en liasse comme pièce D-17

 

42.      En date du 16 juin 2014, le solde de ce compte bancaire était de 4 113,93 $, tel qu’il appert d’une copie d’un extrait du dossier client relatif à ce compte produite comme pièce D-18 et d’une confirmation écrite de la Banque Laurentienne produite comme pièce D-25 ;

 

43.      Une enquête est actuellement en cours relativement aux activités de Donald Murphy et à d'autres sommes qu'il aurait pu s'approprier de clients, et sur l’utilisation faite de la somme de 50 000 $ provenant de la plaignante J-A C.;

 

Comptes bancaires et autres actifs

 

44.      L'Autorité a notamment constaté l'existence de comptes bancaires ouverts au nom de Donald Murphy, du cabinet D.D.A., du cabinet SFDM ou conjointement au nom de Donald Murphy et d'un tiers, à savoir:

 

                Un compte bancaire portant le numéro [2] détenu par Donald Murphy auprès de La Banque Laurentienne, succursale no 046 et dont le solde en date du 16 juin 2014 était de 84.22 $, tel qu’il appert d’une copie d’un extrait du dossier client et du relevé bancaire relatif à ce compte transmise par la Banque Laurentienne et produits en liasse comme pièce D-19 et de la pièce D-25;

 

                Deux comptes bancaires portant le numéro 0495783-01 et 0495783-02 détenus par SFDM auprès de La Banque Laurentienne, succursale 046, et dont les soldes en date du 16 juin 2014 sont respectivement de 3 890.10 $ (compte 01) et 20 473.89 $ (compte 02), tel qu’il appert d’un extrait du dossier client relatif à ces comptes produit comme pièce D-20 et de la pièce D-25;

 

                Un compte bancaire portant le numéro 049310-9 détenu par DDA auprès de la Banque Laurentienne, succursale 046, et dont le solde en date du 16 juin 2014 est de 112.45 $, tel qu’il appert d’un extrait du dossier client relatif à ce compte produit comme pièce D-21 et de la pièce D-25 ;

 

                Un compte bancaire portant le numéro [3] détenu conjointement par Donald Murphy et Diane Beauchamp auprès de La Banque Laurentienne, succursale no 046 et dont le solde en date du 16 juin 2014 est de 3 727.34 $ tel qu’il appert de la pièce D-25 ;

 

45.      Il appert par ailleurs que la femme de Donald Murphy est propriétaire unique d'une résidence sise au [...] à Pointe-aux-Trembles, [...], portant le numéro de lot [...], dans la circonscription foncière de Montréal, tel qu'il appert d'un extrait de l'index aux immeubles relatif à cet immeuble et d’une copie contrat d’acquisition de cet immeuble produits en liasse comme pièce D-22;

 

46.      Cet immeuble est celui identifié comme étant le lieu de résidence de Donald Murphy et également le lieu d'affaires du cabinet D.D.A., tel qu'il appert des attestations de droit de pratique et d'inscription D-1 et D-8;

 

47.      Cet immeuble est grevé d’une hypothèque immobilière en faveur de Industrielle Alliance, dont la seule débitrice est la conjointe de Donald Murphy, tel qu’il appert d’une copie de l’acte hypothécaire produite comme pièce D-23 ;

 

48.      L'enquête est en cours afin de déterminer si des versements hypothécaires ou autres transferts d’argent ont été effectués à partir du compte bancaire personnel de Donald Murphy vers ceux des autres intimés ;

 

49.      Par ailleurs, le ou vers le 16 juin 2014, lors d’une conversation téléphonique, Diane Beauchamp a indiqué à la plaignante qu’elle s’engageait personnellement à rembourser les sommes appropriées par Donald Murphy et ce, dès la vente de la résidence ;

 

50.      Des démarches sont actuellement en cours afin de confirmer l'existence de d'autres comptes bancaires ou coffrets de sûretés liés à Donald Murphy ou à ses compagnies ;

[6]    L’Autorité a soumis les arguments suivants à l’appui de sa demande :

III.      DEMANDE DE BLOCAGE, DE SUSPENSION, D'INTERDICTION, D'ORDONNANCE DE RESPECTER LES DISPOSITIONS DE LA LDPSF ET DE REMISE DES DOSSIERS CLIENTS

 

51.      Compte tenu de ce qui précède, il est raisonnable d'affirmer et de conclure que:

 

         Donald Murphy s'est approprié sans droit des sommes d'argent appartenant à J-A C. en lui faisant croire qu'elle effectuait un placement auprès de La Capitale;

 

         La remise de la somme d'argent de 50 000$, le 28 février 2014, résulte des sollicitations et représentations effectuées par Donald Murphy auprès de J-A C.;

 

         La somme de 50 000$ a été détournée par l'intimé Donald Murphy à des fins personnelles et n'a pas été utilisée ou placée selon les représentations effectuées;

 

         Cet investissement a été effectué en contravention aux dispositions de la LDPSF ou de la Loi sur les valeurs mobilières (« LVM»)  et de ses règlements;

 

Ordonnances de blocage

 

52.      L'Autorité soumet que des ordonnances de blocage et d'interdiction sont nécessaires, notamment pour assurer la protection du public pour les motifs suivants:

 

a)           Afin d'éviter que les sommes d'argent obtenues sans droit par Donald Murphy et ses biens ne soient dilapidés pendant la durée de l'enquête;

 

b)           Afin que l'Autorité poursuive son enquête pour retracer les sommes d'argent appartenant à J-A C.;

 

c)           Afin que l'Autorité poursuive son enquête pour déterminer si d'autres clients investisseurs ont été lésés par Donald Murphy;

 

Ordonnances d’interdiction, de suspension du certificat de Donald Murphy et de suspension de l'inscription du cabinet D.D.A, ordonnances de respecter les dispositions de la LDPSF et de remise des dossiers clients

 

53.      En vertu de l'article 84 de la LDPSF, un cabinet et ses dirigeants sont tenus d'agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients, en plus d'agir avec soin et compétence;

 

54.      L'article 85 de la LDPSF prévoit quant à lui que le cabinet et ses dirigeants doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s'assurer que ces derniers agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

 

55.      Par ailleurs, l'article 82 de la LDPSF prévoit qu'un cabinet ne peut agir dans une discipline que par l'entremise d'un représentant;

 

56.      L'Autorité a pour responsabilité de voir à l'application des dispositions de la LDPSF et de ses règlements, auxquels sont assujettis le cabinet intimé et Donald Murphy;

 

57.      L'Autorité ne peut permettre à un cabinet de continuer à bénéficier d'une inscription à titre de cabinet en assurances lorsque son seul représentant et dirigeant responsable s'est vraisemblablement prêté à la fabrication d'un faux document, en plus de s'approprier les sommes provenant d'une cliente investisseuse;

 

58.      L'Autorité souligne que, de manière intrinsèque, les responsabilités assumées par un dirigeant responsable d'un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d'habileté, d'autant plus que cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et par conséquent de la protection du public;

 

59.      L'Autorité rappelle que le certificat de représentant de Donald Murphy est actuellement suspendu en raison d'une non-conformité au niveau de ses UFC et il est primordial, compte tenu des faits ci-hauts mentionnés et de la protection du public, que ce certificat ne puisse être réactivé suivant la réception de la preuve que les heures de formation obligatoires ont été complétées;

 

60.      À l'heure actuelle, il n'y a donc aucun représentant pouvant desservir la clientèle du cabinet D.D.A., dont il est impossible d'évaluer l'ampleur;

 

61.      Compte tenu de ce qui précède, l'Autorité soumet qu'une ordonnance de suspension du certificat no 124 708 de Donald Murphy et de l'inscription no 502 222 du cabinet Les Services financiers D.D.A & Associés inc. est nécessaire afin d'assurer la protection du public;

 

62.      Par ailleurs, puisqu'il n'existe aucun autre représentant rattaché au cabinet, et en raison de la demande de suspension de l'inscription du cabinet, l'Autorité est justifiée de demander à ce que le Bureau prononce une ordonnance permettant à toute personne désignée par l'Autorité à se présenter à l'adresse actuelle du cabinet afin de prendre possession de tous les dossiers clients, livres et autres registres comptables nécessaires pour l'inscription des transactions effectuées dans le cadre des activités du cabinet et des intimés y incluant le registre du compte séparé, et ce qu'ils soient sur support papier ou informatique, afin notamment de permettre à l'Autorité d'aviser rapidement les clients concernés de la suspension du cabinet;

 

63.      D'ailleurs, l'article 127 de la LDPSF prévoit qu'un cabinet dont l'inscription est radiée ou suspendue doit céder les dossiers, livres et registres afférents aux disciplines du cabinet doivent être cédés;

 

64.      L'Autorité indique que les assureurs concernés par les dossiers clients seront également avisés afin qu'ils puissent attribuer temporairement ces dossiers à un autre représentant dûment inscrit afin que les clients puissent être desservis;

 

65.      Par ailleurs, l'Autorité demande à ce qu'une ordonnance soit prononcée en vertu de l'article 115.9 de la LDPSF ordonnant à Donald Murphy de se conformer à la LDPSF et à ne pas agir ou se présenter à titre de représentant sans être dûment inscrit à ce titre auprès de l'Autorité et donc, jusqu'à ce que la suspension demandée aux présentes soit levée;

 

66.      Sans l'émission de ces ordonnances, il est à craindre que Donald Murphy continuera à effectuer ou à tenter d'effectuer des représentations et sollicitations en contravention aux dispositions de la LVM et de ses règlements;

 

IV.        URGENCE ET ABSENCE D'AUDITION PRÉALABLE

 

67.      Vu l'importance des faits reprochés à Donald Murphy, l'Autorité considère que la protection du public exige une intervention immédiate de sa part;

 

68.      Conformément aux articles 184 de la LDPSF et 276 de la LVM, l'Autorité a notamment pour mission de veiller à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par ces lois;

 

69.      L'Autorité demande, pour la protection du public et des investisseurs que le Bureau de décision et de révision prononce immédiatement et sans audition préalable les ordonnances demandées, à savoir:

 

         une suspension du certificat portant le numéro 124 708 de Donald Murphy;

 

         une suspension de l'inscription portant le numéro 502 222 du cabinet D.D.A.;

 

         une ordonnance d'interdiction d'opération sur valeurs et d'exercice de l'activité de conseiller en valeurs à l'encontre de Donald Murphy;

 

         une ordonnance de blocage à l'encontre des comptes bancaires et autres actifs de Donald Murphy, de D.D.A., de Diane Beauchamp et de SFDM ;

 

         une ordonnance en vertu de l'article 115.9 de la LDPSF ordonnant à Donald Murphy de se conformer à la loi et de ne pas agir ou se présenter à titre de représentant sans être inscrit auprès de l'Autorité;

 

         une ordonnance en vertu de l'article 127 de la LDPSF visant la remise des dossiers clients, livres et autres registres du cabinet D.D.A à l'Autorité ou à toute personne mandatée par elle pour prendre possession desdits dossiers clients, livres et registres

 

70.      Il est impérieux pour la protection du public que le Bureau de décision et de révision prononce sa décision sans audition préalable, conformément à l'article 115.9 de la Loi sur l'Autorité;

 

71.      En effet, sans une décision immédiate du Bureau de décision et de révision, il est à craindre, entre autres, que Donald Murphy sollicite d'autres épargnants, clients ou qu'il continue ses activités illégales;

 

72.      Sans une décision immédiate du Bureau de décision et de révision, il est également à craindre que les sommes détenues dans les comptes ci-haut mentionnés soient transférées ou dilapidées, que Donald Murphy ou les autres intimés disposent ou grèvent de toute dette ses biens, rendant ainsi illusoire tout recours que les épargnants ou que l'Autorité pourraient intenter contre ce dernier;

 

73.      La vente de la résidence de Diane Beauchamp est d’ailleurs actuellement en vente ;

 

74.      Il est finalement à craindre que Donald Murphy utilise les dossiers clients, livres et autres registres du cabinet afin de contacter d'autres investisseurs potentiels, qu'il détruise ou dispose de tout ou partie des dossiers clients, empêchant ainsi les clients d'être adéquatement renseignés dans l'éventualité d'une réclamation;

L’AUDIENCE

[7]   L’audience ex parte a eu lieu le 17 juin 2014 au siège du Bureau. La procureure de l’Autorité a d’abord fait entendre le témoignage d’une enquêteuse à l’emploi de la demanderesse en l’instance. Cette dernière a témoigné des faits décrits dans la demande de l’Autorité. Elle a également déposé la preuve documentaire à l’appui de ses dires. Le tout visait à établir le bien-fondé des allégations de l’Autorité.

[8]   Les éléments de preuve réunis par cette dernière ont entre autres permis de constater que Diane Beauchamp, intimée en l’instance, est l’épouse de Donald Murphy. Elle est à l’emploi de la société Les Services financiers Donald Murphy et associés inc., société qui a le même numéro de téléphone que la société Services financiers D.D.A. et Associés inc.

[9]       Elle est également la seule propriétaire de l’immeuble dans lequel elle-même et Donald Murphy travaillent et habitent. Cet immeuble est actuellement hypothéqué. La procureure de l’Autorité a ensuite fait entendre un second témoin, à savoir une investisseuse qui est venue expliquer au Bureau comment l’intimé Donald Murphy l’aurait amené à acheter un prétendu produit d’investissement qu’elle a payé 50 000 $.

[10]    Elle a dit connaître cet intimé depuis six ou sept ans. Elle le présente comme un comptable qui préparait son rapport d’impôts personnel annuel ainsi que celui de son entreprise. Elle lui faisait donc grandement confiance. Il lui a précédemment vendu une police d’assurance-vie d’un montant de 100 000 $ qu’elle aurait acheté surtout comme placement. Elle croyait ainsi pouvoir payer moins d’impôt à sa retraite. Ce témoin a ensuite déclaré, qu’après le Temps des Fêtes 2013-2014, elle recherchait un REER.

[11]    C’est à ce moment que Donald Murphy lui aurait proposé un produit de placement auprès de la société La Capitale Assurances et services financiers. Celui-ci devait lui permettre, semble-t-il, d’obtenir un rabais d’impôt. En février 2014, elle en a effectué l’achat pour un montant de 50 000 $. À la demande de l’intimé, elle lui a remis un chèque pour cette somme, rédigé à son ordre personnel; elle y a libellé que c’était pour un placement auprès de La Capitale.

[12]    Ce chèque fut débité le lendemain dans le compte de ce témoin; l’intimé l’a fait convertir en traite bancaire qu’il a déposée dans un compte personnel. Le temps passant et n’ayant pas reçu de document constatant l’achat de son produit, elle a appelé Donald Murphy qui, en juin 2014, lui remettait un document à cet égard. Constatant qu’il y avait des erreurs sur ce document et ne pouvant recevoir des explications plausibles de l’intimé, elle commença à avoir la puce à l’oreille quant à sa véracité et finira par appeler La Capitale.

[13]    Son interlocutrice lui indiquera alors que le document qu’elle décrit semble n’avoir rien en commun avec les procédures suivies habituellement par cette compagnie avec ses clients. Ainsi le numéro de compte était erroné. Le témoin finit donc par constater qu’il s’agit d’un faux document et en viendra à confronter Donald Murphy qui aurait fini par reconnaître qu’il lui aurait dérobé cette somme de 50 000 $. Il lui fournira des explications oiseuses quant à des relations avec le monde interlope à qui il devrait des sommes importantes et qui lui aurait fait des menaces de mort.

[14]    Mais il lui a ensuite donné des assurances qu’elle serait intégralement remboursée, soit avec le prix d’un investissement qu’il liquiderait, soit avec un emprunt sur la maison de son épouse, soit avec le fruit de la vente de cette même maison. L’investisseuse a ajouté avoir parlé avec Diane Beauchamp, épouse de Donald Murphy; celle-ci l’aurait assuré qu’elle rembourserait elle-même la dette de 50 000 $ avec l’argent de la vente de sa maison.

[15]    Le 17 juin 2014, l’investisseuse a également reparlé avec Donald Murphy qui lui a parlé d’un portefeuille de 62 500 $ qu’il posséderait et qui lui servirait à la rembourser. Dans cette conversation récente, iI aurait même ajouté qu’il avait intérêt à la rembourser, sinon elle pourrait dire à tout le monde ce qu’il avait fait et porter plainte auprès de l’Autorité des marchés financiers.

[16]    Ce témoin a enfin expliqué au Bureau que ce qu’elle recherchait au départ était l’achat d’un placement garanti avec un bon taux d’intérêt, un bon taux de rendement.

[17]    L’Autorité a enfin fait entendre le témoignage d’une chef de service de la société La Capitale. Celle-ci a expliqué que sa compagnie avait reçu en juin 2014 l’appel téléphonique de l’investisseuse qui a témoigné devant le Bureau; elle s’informait du certificat de placement garanti qui lui avait été remis par Donald Murphy. Elle a alors constaté qu’il n’y avait pas de dossier au nom de cette investisseuse auprès de son employeur. Prenant connaissance du document remis par Donald Murphy, elle l’a comparé au modèle utilisé par La Capitale, qu’elle a déposé en preuve[5].

[18]    Elle a témoigné de l’absence de concordance entre le certificat de l’investisseuse et le modèle de La Capitale. Les numéros ne sont pas les mêmes et les taux de rendement actuellement offerts par La Capitale sont inférieurs à ceux apparaissant sur le certificat de l’investisseuse. Elle a conclu en déclarant que le « Certificats de placement garanti – Contrat de rente-épargne » de La Capitale sont associés à des contrats de rente, un produit d’assurance de cette compagnie.

[19]    La procureure de l’Autorité a ensuite plaidé que le Bureau devait accueillir la demande ex parte de l’Autorité et prononcer les décisions demandées. Elle souligne que dans ce dossier, on assiste à une opération faite par l’intimé Donald Murphy qui n’a correspondu à aucun placement offert par La Capitale, contrairement à ce qu’il a laissé entrevoir à l’investisseuse. Le document qu’il lui a remis ne correspondait en rien au présumé investissement pour lequel il aurait soutiré 50 000 $ à cette personne. Il s’agit manifestement d’un faux certificat de placement de La Capitale.

[20]    Elle révise les opérations bancaires qui sont survenus à partir des comptes dont la preuve a fait état. Elle constate que ces comptes font état du dépôt du 50 000 $ reçus de l’investisseuse, puis des retraits prélevés à même cette somme. Mais elle déclare qu’on ignore encore où certaines des sommes prélevées sont allées. L’Autorité ne connaît pas non plus le rôle des personnes aux noms de qui des chèques ont été faits. L’avocate de l’Autorité a ajouté qu’il existe une conjonction de date entre un retrait de 5 000 $ fait dans le compte de l’intimé et un dépôt de 1 450 $ dans le compte de son épouse Diane Beauchamp.

[21]    Elle souligne que l’immeuble où résident et travaillent Diane Beauchamp et Donald Murphy appartient en propre à cette dernière et qu’elle a un lien d’emploi avec les sociétés Services financiers D.D.A. et Associés inc. et Les Services financiers Donald Murphy et Associés inc. Elle traite des comptes de banque personnels de Diane Beauchamp : ils sont parfois identifiés comme des comptes conjoints avec son mari et les sociétés intimées. Il y a incertitude à cet égard. Elle demande le blocage de ces comptes.

[22]    Elle demande aussi à ce que le Bureau prononce des interdictions en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[6] à l’encontre de Donald Murphy. Elle soumet enfin qu’existent les motifs impérieux justifiant que la décision du Bureau soit prononcée ex parte. Donald Murphy a changé plusieurs fois de versions lorsqu’il fournissait des renseignements à l’investisseuse. Il aurait subtilisé cet argent à cette dernière pour éponger ses besoins pécuniaires. Il faut agir rapidement pour éviter que ces fonds soient dilapidés.

L’ANALYSE

[23]    La preuve que l’Autorité a présentée au Bureau est claire. Elle porte surtout sur un fait capital, à savoir que l’intimé Donald Murphy, seul et unique représentant dûment inscrit d’un cabinet d’assurance ainsi que son dirigeant responsable, aurait offert à une personne, avec laquelle il traitait depuis de nombreuses années, de lui trouver un investissement qui lui permettrait d’obtenir de bons rendements et de sauver de l’impôt.

[24]    Jouant de ses bonnes relations de longue date avec cette investisseuse, il en aurait profité pour lui refiler ce qui s’est avéré être un investissement bidon, ce qui lui aurait permis de soutirer à cette femme un montant de 50 000 $. Cette somme lui a été remise sous la forme d’un chèque fait à son ordre personnel pour un montant de 50 000 $. Il a converti cette somme en traite bancaire puis l’a déposée dans un compte de banque ouvert à son nom.

[25]    Cette somme a servi à couvrir une série de dépenses que l’Autorité n’a pu encore complètement identifier, tout comme elle ne sait pas encore pourquoi certaines sommes ont été remises à certaines personnes. Lorsque l’investisseuse a commencé à avoir la puce à l’oreille et lui poser des questions, Donald Murphy s’est contredit. Feignant d’abord la surprise, il en viendra ensuite à lâcher le morceau, affirmant qu’il aurait détourné cette somme pour payer des dettes au monde interlope.

[26]    Donald Murphy aurait remis à l’investisseuse, qui a témoigné à cet égard, un document constatant l’achat de son « Certificat de placement garanti - Contrat de rente-épargne ». Mais la preuve de l’Autorité a permis de démontrer que ce document est un faux. Au-delà des fausses représentations de Donald Murphy, du détournement de fonds, des faux étonnements, de la production d’un document entièrement forgé et finalement des explications embarrassées fournies à l’investisseuse, se dessine le fait le plus grave qui aurait été commis par cet intimé.

[27]    Il aurait rompu le lien de confiance que sa victime avait établi avec lui au cours d’une relation d’affaires qui s’étendait sur plusieurs années. Ce faisant, il a mis en péril la confiance que les épargnants en général doivent pouvoir avoir en leurs intermédiaires de marché, lien obligatoire entre eux et les marchés. Cette perte de confiance met en péril l’intégrité des marchés.

[28]    Le Bureau a, à maintes reprises, évoqué les motifs pour lesquels des ordonnances doivent parfois être rendues. Sa décision dans l’arrêt Métivier[7] est un bon exemple de ces motifs, surtout en ce qui a trait aux intermédiaires de marché, qu’ils soient en valeurs mobilières ou en assurances :

Le marché des valeurs mobilières est basé sur la confiance des investisseurs vis-à-vis des bourses, des firmes et des organismes de réglementation ou d’autoréglementation. La première ligne de défense des marchés financiers repose cependant sur l’intégrité des professionnels agissant auprès des investisseurs. L’honorable juge Iacobucci de la Cour suprême rappelait ainsi, dans l’arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), l’importance de l’encadrement des personnes inscrites au sein de la structure réglementaire de l’industrie des valeurs mobilières au Canada :

« Comme je l'ai déjà mentionné, les lois sur les valeurs mobilières visent avant tout à protéger le public investisseur. Dans l'arrêt (Brosseau), notre Cour a reconnu l'importance de cet objectif lorsqu'il faut procéder à l'examen de décisions prises par des commissions des valeurs mobilières; le juge L'Heureux-Dubé, s'exprimant au nom de notre Cour, dit, à la p. 314:

D'une manière générale, on peut dire que les lois sur les valeurs mobilières visent à réglementer le marché et à protéger le public. Cette Cour a reconnu ce rôle dans l'arrêt Gregory & Co. v. Quebec Securities Commission, [1961] R.C.S. 584, dans lequel le juge Fauteux a fait remarquer à la p. 588:

[TRADUCTION] L'objet prépondérant de la loi est d'assurer que les personnes qui, dans la province, exercent le commerce des valeurs mobilières ou qui agissent comme conseillers en placement, sont honnêtes et de bonne réputation et, ainsi, de protéger le public, dans la province ou ailleurs, contre toute fraude consécutive à certaines activités amorcées dans la province par des personnes qui y exercent ce commerce.

Ce rôle protecteur, qui est commun à toutes les commissions des valeurs mobilières, donne à ces organismes un caractère particulier qui doit être reconnu lorsqu'on examine la manière dont leurs fonctions sont exercées aux termes des lois qui leur sont applicables. »

À titre de personne inscrite et conformément à la législation sur les valeurs mobilières, le demandeur se devait, dans l’exercice de son mandat, d’agir comme un professionnel avisé placé dans les mêmes circonstances. Le Code civil du Québec nous enseigne qu’en plus de la diligence et de la prudence, le mandataire doit faire preuve d’honnêteté, de loyauté et éviter de se placer en situation de conflits d’intérêts. »[8]

[références omises]

[29]    Il en a été de même dans le dossier Carole Morinville[9] :

« [16]    Le Bureau après avoir révisé la preuve consistante qui lui a été présentée par l’Autorité des marchés financiers, réalise que la présente cause le ramène vers le cœur même des intérêts qui sont défendus par la Loi sur les valeurs mobilières et des moyens qui sont mis en oeuvre pour assurer cette défense. Il y est prévu que tout placement doit être accompagné d’une documentation complète permettant aux épargnants à qui on offre de faire un tel de placement de bien connaître ce dans quoi on les invite à investir.

[17]    Cela les met en état de faire un choix éclairé, avec les yeux grands ouverts, mais aussi de pouvoir suivre la progression de leurs intérêts financiers au fur et à mesure. De plus, il est clairement prévu par la loi que les personnes qui agissent comme intermédiaire pour présenter ces investissements aux épargnants doivent présenter toutes les garanties qui leur inspirent confiance.

[18]    Elles doivent donc être inscrites auprès de l’Autorité, soit à titre de courtier, soit à titre de conseiller, pour pouvoir agir comme intermédiaire auprès des épargnants. Cela donne à ces derniers l’assurance que les personnes auxquelles elles s’adressent sont dûment autorisées à agir comme intermédiaire parce qu’elles sont compétentes, solvables et probes.

[19]    C’est aux articles 11 et 148 de la Loi sur les valeurs mobilières[13] qu’on retrouve le libellé des deux grands axes autour desquels s’articule le fonctionnement de cette loi, à savoir la gestion de l’information et l’inscription des intermédiaires du marché.

[…]

[25]    Ces placements ont eu lieu auprès d’investisseurs qui, selon l’enquêteur de l’Autorité, ne possédaient pas d’expérience en matière financière. Il s’agit de ces gens que l’affaire Thorne Riddell[14] qualifiait de « ‘’monde ordinaire’’, i.e. ces individus dépourvus d’expérience des abris fiscaux et qu’il fallait protéger contre l’exploitation de certains promoteurs trop gourmands ». Il était important que les garanties dont la loi entoure les placements soient rigoureusement respectées.

[26]    Une de ces garanties est la présence d’un intermédiaire inscrit dont la présence devrait rassurer ces gens qui sont décrits au paragraphe précédent. C’est une des garanties les plus importantes de la loi et Carole Morinville semble ne pas avoir hésité à la bafouer en jouant ce rôle en l’absence de toute inscription l’autorisant à agir ainsi. Ce faisant, elle outrepassait le second axe auquel le tribunal a fait référence plus haut dans sa décision. »[10]

[30]    Le Bureau s’est déjà prononcé au même égard dans le dossier Kègle[11] :

« 17]      Le Bureau a été amené à constater que les diverses activités décrites plus haut tout au long de la présente décision et qu’on reproche aux intimés d’avoir exercées illégalement, nous ramènent aux objectifs fondamentaux de la Loi sur les valeurs mobilières, soit de protéger les épargnants et d’assurer le bon fonctionnement des marchés. […]

[…]

[20]     Dans le présent dossier, le Bureau constate qu’aucune de ces protections n’était présente. Les intimés n’étaient inscrits en aucune manière auprès de l’Autorité et les placements de titres qu’ils auraient effectué auprès des épargnants n’auraient fait l’objet ni d’un prospectus visé ni d’une dispense d’un tel prospectus. En agissant ainsi, ils auraient privé les investisseurs des informations auxquelles ils ont normalement droit avant et après le placement, infirmations qui doivent de plus être présentées dans un format prévus à la réglementation.

[21]     Ils ont pu distribuer certains renseignements aux investisseurs au moment du placement et en fournir d’autres après, mais ceux-ci sont parcellaires, incomplets, insuffisants et nous ajouterions même, rudimentaires. Ceux-ci ne suffisent pas à répondre aux paramètres de la loi et de la réglementation adoptée pour son application. De plus, la structure adoptée par les intimés DPP et Kègle fait craindre au tribunal que ces investissements soient à risque et qu’il soit important d’agir pour protéger les intérêts des épargnants du mieux que nous le pouvons.

[22]      Dans l’optique de pourvoir à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, il est prévu aux articles 265 et 266 de la Loi sur les valeurs mobilières que le Bureau peut interdire à une personne toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeur et d’exercer l’activité de conseiller.»[12]

            Les commentaires

[31]    Donald Murphy aurait failli à son devoir d’intermédiaire de marché, en trompant une cliente pour s’approprier d’un montant de 50 000 $. En aucun moment, n’aurait-il envisagé de placer cette somme au bénéfice de sa cliente. Bien que l’enquête à cet égard se poursuive, il est clair que ce montant a plutôt pris le chemin de son compte de banque personnel et, selon la preuve offerte par l’Autorité, il semblerait qu’il l’a utilisé à des fins personnelles.

[32]    Ce faisant, il aurait fait défaut de respecter les devoirs de sa charge, tant à titre de représentant que de dirigeant responsable de la société Services financiers D.D.A. et Associés inc. Comme il est le seul représentant, dirigeant et actionnaire majoritaire de cette société, son geste en affecte toute la structure et la crédibilité. D’où la nécessité pour l’Autorité de demander au Bureau de les suspendre, lui et sa société, de bloquer ses fonds et d’adopter d’autres mesures, pour le mettre hors d’état de nuire, s’il lui prenait l’envie de vendre d’autres faux placements à d’autres épargnants.

[33]    À titre de dirigeant responsable d’un cabinet inscrit, Donald Murphy avait le devoir d’assurer la conformité des activités de celui-ci avec les prescriptions de la loi et des règlements adoptés pour leur application. Manquer à ce devoir est lourd de conséquences et doit entraîner l’intervention du Bureau.

[34]    L’Autorité estime aussi qu’il est nécessaire que lui soient remis ses dossiers, afin de vérifier si Donald Murphy n’a pas fait d’autres victimes et, le cas échéant, pour prendre les mesures correctrices qui s’imposeraient. La procureure de la demanderesse a également invoqué qu’il y avait des motifs impérieux de prononcer une décision ex parte. Des fonds pourraient être dilapidés si le Bureau n’agit pas. L’Autorité a besoin de continuer son enquête afin de déterminer si Donald Murphy n’aurait pas fait d’autres victimes avec les mêmes méthodes.

[35]    Le Bureau est en accord avec une bonne partie de la demande de l’Autorité. Il est donc prêt à l’accueillir et à prononcer les mesures susceptibles de mettre l’intimé hors d’état de nuire, tout en adoptant les mesures les mieux à même de protéger les intérêts de ses clients et ceux des épargnants en général, afin d’assurer la protection de l’intégrité des marchés. Le Bureau reconnaît également que les motifs impérieux invoqués par l’Autorité pour justifier le prononcé d’une décision ex parte doivent être retenus. La protection des épargnants l’exige.

[36]    Pour ce qui est des dossiers, livres et registres du cabinet Services financiers D.D.A & Associés inc., le Bureau est prêt à prononcer une décision en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers ordonnant que soient remis à l’Autorité les dossiers et registres de ce cabinet. Comme il l’a déjà déterminé dans le dossier Jérome Hallé[13], « Le pouvoir qu’exerce ainsi le Bureau en vertu de cette disposition est ancillaire à sa décision de radier ce cabinet et en accord avec l’esprit de la loi qui prescrit que l’Autorité peut d’une manière ou d’une autre prendre possession de tels documents dans l’exécution de sa mission. Le Bureau estime que cela est en accord avec les principes qui ont été développés par la jurisprudence »[14].

[37]    Le Bureau met cependant certains bémols à la demande de l’Autorité. Cette dernière demande que le tribunal prononce des interdictions en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières à l’encontre de l’intimé. Le Bureau estime que point n’est besoin d’aller si loin. C’est dans le cadre de ses activités en assurances que Donald Murphy a rencontré l’investisseuse. Le produit qu’il lui a vendu, quoique faux, s’apparente aux produits d’investissement qu’un représentant en assurances peut vendre à ses clients, faisant même référence à une date d’échéance au décès du preneur.

[38]    Si on compare le faux document remis à l’investisseuse par l’intimé, il se compare au modèle déposé en preuve par la représentante de La Capitale et qui est un produit d’assurances, selon le témoignage de cette dernière. Le tribunal estime également que les attentes du témoin-investisseuse par rapport au produit que lui vendait faussement l’intimé désignent un produit d’assurance.

[39]    Dans ces circonstances, le Bureau estime qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer la Loi sur les valeurs mobilières en la présente instance. Il croit plutôt que le périmètre dessiné par la Loi sur la distribution des services et produits financiers[15] est assez large pour lui permettre d’agir efficacement et de prononcer les décisions qui sont les mieux à même de protéger les intérêts des épargnants[16].

[40]    Le Bureau croit également que l’Autorité n’a pas présenté une preuve prépondérante permettant d’impliquer directement Diane Beauchamp avec ce qui est reproché à son mari. De l’aveu même de l’enquêteuse de l’Autorité, rien ne prouve que celle-ci soit mêlée aux agissements de ce dernier. Le fait qu’elle est la seule propriétaire de l’immeuble où ils habitent et travaillent ou qu’elle ait à son nom des comptes de banque dont on ne sait pas encore s’ils sont ou non conjoints avec son mari ou avec les entreprises intimées ne suffit pas à convaincre le Bureau d’agir à son encontre.

[41]    Il n’est donc point besoin de bloquer ses avoirs et surtout l’immeuble dont elle est l’unique propriétaire. Cela fait évidemment tomber la demande de publier quoi ce soit sur cet immeuble au registre des immeubles de Montréal. Et le simple fait que la date d’un dépôt dans un de ses comptes coïncide avec la date d’un retrait d’un compte de son mari ne constitue pas, de l’avis du Bureau, une preuve prépondérante. Le Bureau n’est donc pas prêt à prononcer une décision visant Diane Beauchamp.

LA DÉCISION

[42]    Le Bureau de décision et de révision a pris connaissance de la demande de l’Autorité des marchés financiers. Il a entendu le témoignage de l’enquêteuse qui fait partie de son personnel, le témoignage d’une épargnante ayant déposé une plainte auprès de l’Autorité et celui d’une chef de service de la société La Capitale, témoignages qu’il a analysés. Il a également pris connaissance de la preuve déposée par ces témoins et a entendu les représentations de la procureure de l’Autorité. Il est prêt à accueillir en partie les diverses demandes de l’Autorité et à prononcer ces décisions ex parte.

[43]    Le tout est prononcé en vertu des articles 93, 94 et 115.9 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[17] et des articles 115, 115.3, 115.8 et 115.9 de la Loi sur la distribution des services et produits financiers[18].


Le Bureau de décision et de révision, par ces motifs:

ACCUEILLE en partie la demande de l`Autorité;

o        Ordonnance de blocage, en vertu de l’article 115.3 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

ORDONNE à Donald Murphy, intimé en l’instance, de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens qu’il a en sa possession ou qui lui ont été confiés et de ne pas retirer ou s’approprier des fonds, titres ou autres biens des mains d’une autre personne qui les a en dépôt ou qui en a la garde ou le contrôle pour lui, y compris les contenus des coffrets de sûreté, à quelque endroit que ce soit ;

ORDONNE à la Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Donald Murphy dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans les comptes bancaires portant les numéros [1], [2] et [3] ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté ouvert au nom de Donald Murphy;

ORDONNE à la Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc. dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans le compte bancaire portant le numéro 049310-9 ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté ouvert au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc.;

ORDONNE à la Banque Laurentienne du Canada, sise au 8595, rue Hochelaga, Montréal (Québec), H1L 2M2, de ne pas se départir des fonds, titres ou autres biens qu’elle a en dépôt dans tout compte au nom de Les Services financiers Donald Murphy et Associés inc. dont elle a la garde ou le contrôle, notamment dans les comptes bancaires portant les numéros 0495783-01 et 0495783-02 ou dans tout autre compte ou coffret de sûreté ouvert au nom de Services financiers D.D.A. & Associés inc.;

ORDONNE à toute personne qui recevra signification de la présente décision du Bureau de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens appartenant à Donald Murphy qu'elle a en sa possession, qui lui ont été confiés, qu’elle a en dépôt ou dont elle a, directement ou indirectement, la garde ou le contrôle, y compris dans tout coffre de sureté;

ORDONNE à toute personne qui recevra signification de la présente décision du Bureau de ne pas se départir de fonds, titres ou autres biens appartenant à Services financiers D.D.A & Associés inc. ou à Les Services financiers Donald Murphy et Associés inc. et qu'elle a en sa possession, qui lui ont été confiés, qu’elle a en dépôt ou dont elle a, directement ou indirectement, la garde ou le contrôle, y compris dans tout coffre de sureté;

o        Ordonnance de suspension d’une inscription et d’un certificat, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

SUSPEND le certificat d’exercice portant le numéro 124 708 de Donald Murphy, intimé en l’instance, dans toutes les disciplines pour lesquelles il est inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers pendant la durée de l’enquête de cet organisme;

SUSPEND l’inscription portant le numéro 502 222 du cabinet Services Financiers D.D.A. & associés inc. dans toutes les disciplines pour lesquelles il est inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers pendant la durée de l’enquête de cet organisme ou jusqu’à la décision au mérite à être rendue sur toute demande de radiation ou de levée de la suspension qui pourrait être présentée devant le Bureau de décision et de révision;

o        Mesures propres à assurer l’application de la loi, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

AUTORISE toute personne désignée par l’Autorité des marchés financiers à se présenter sans délai et sans préavis sur les lieux d’affaires connus du cabinet Services Financiers D.D.A. & associés inc., situés au [...], Pointe-aux-Trembles (Québec), ou à toute autre adresse où se trouveraient les dossiers, livres et registre dudit cabinet, y compris celle où pourrait résider l’intimé Donald Murphy, afin de prendre possession de tous les dossiers clients, liste de clients, livres et autres registres comptables nécessaires pour l’inscription des transactions effectuées dans le cadre des activités du cabinet intimé, y incluant le registre du compte séparé, et ce, qu’ils soient sur support papier ou informatique;

ORDONNE que tous les dossiers, livres et registres trouvés soient déplacés dans les bureaux de l’Autorité des marchés financiers afin que cette dernière puisse aviser les assureurs impliqués de la reprise des dossiers clients ;

ORDONNE que la présente décision ne soit signifiée qu’au moment de l’entrée initiale de l’équipe de l’Autorité des marchés financiers sur les lieux, qui sera effectuée entre 7h00 et 22h00, à la date qu’elle aura convenu et qui sera la plus rapprochée possible de la présente décision ;

o        Ordonnance de conformité à la loi adressée à un représentant, en vertu de l’article 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENJOINT Donald Murphy, intimé en l’instance, de se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de cesser d’agir comme représentant au sens de la susdite loi ou de se présenter comme tel, en conformité avec les prescriptions de la présente décision.

[44]    En application du second alinéa de l’article 115.9 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, le Bureau informe les intimés qu’ils ont une période de quinze jours pour déposer au Bureau un avis de contestation, afin que puisse être tenue une audience relativement à la présente décision, le cas échéant.

[45]    Il appartient alors aux intimés de communiquer avec le Secrétariat du Bureau, au 1‑877-873-2211, afin d’informer le tribunal qu’ils entendent déposer un avis de contestation, le cas échéant. L’intimé est aussi invité à prendre note qu’une partie a le droit de se faire représenter par un avocat. Le Bureau indique que les personnes morales et les entités qui n’ont pas de personnalité juridique qui désirent être entendues dans le cadre du présent dossier sont tenues de se faire représenter par un avocat.

[46]    Conformément à l’article 115.3 de la Loi sur la distribution des services et produits financiers, la présente ordonnance de blocage entre en vigueur à la date à laquelle elle est prononcée et le restera pour une période de 120 jours, à moins qu’elle ne soit modifiée ou abrogée avant l’échéance de ce terme.

[47]    Les autres ordonnances du Bureau entrent en vigueur à la date à laquelle elles sont prononcées et le resteront jusqu’à ce qu’elles soient abrogées ou modifiées.

Fait à Montréal, le 20 juin 2014.

 

(S) Claude St Pierre

 

Me Claude St Pierre, vice-président

 

 

 

(S) Jean-Pierre Cristel

 

Me Jean-Pierre Cristel, vice-président

 

 

 

COPIE CONFORME

 

 

PAR___________________________

Bureau de décision et de révision

 



[1]    R.L.R.Q., c. D-9.2.

[2]    R.L.R.Q., c. V-1.1.

[3]     R.L.R.Q., c. A-33.2.

[4]     (2004) 136 G.O. II, 4695.

[5]     Pièce D-14.

[6]     Précitée, note 2.

[7]     Métivier c. Association des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM), 2005 QCBDRVM 6.

[8]     Id., 31-32.

[9]     Autorité des marchés financiers c. Morinville, 2010 QCBDR 61.

[10]    Id., par. 16 à 19, 25 et 26.

[11]    Autorité des marchés financiers c. Kègle, 2012 QCBDR 79.

[12]   Id., par. 17 et 22 à 22.

[13]    Autorité des marchés financiers c. Hallé, 2011 QCBDR 67.

[14]    Id., par. 33.

[15]    Précitée, note 1.

[16]    Le Bureau a suivi le même raisonnement dans l’arrêt Autorité des marchés financiers c. DBSG Fonds d’investissement inc., 2013 QCBDR 111, aux paragraphes 151 et ss.

[17]    Précitée, note 3.

[18]    Précitée, note 1.

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