Autorité des marchés financiers (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. MWM Assurances inc.

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2013-008

 

DÉCISION N° :

2013-008-001

 

DATE :

Le 20 décembre 2013

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me ALAIN GÉLINAS

Me CLAUDE ST PIERRE

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

MWM ASSURANCES INC.

et

PIERRE MERCIER

Parties intimées

 

 

 

pénalité administrative

[art. 115, Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 et

art. 93, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2]

 

 

Me Marie A. Pettigrew

(Girard et al.)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me André Bois

(Tremblay Bois Mignault Lemay s.e.n.c.r.l. Avocats.)

Procureur de MWM Assurances inc. et de Pierre Mercier

 

Date d’audience :

5 septembre 2013

 

 

DÉCISION

 

[1]   Le 26 février 2013, l’Autorité des marchés financiers (l’ « Autorité ») a saisi le Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») d’une demande d’imposition d’une pénalité administrative à l’encontre du cabinet MWM Assurances inc. (« MWM ») d’un montant de 50 000 $, de mise en place de mesures de contrôle et de surveillance, d’une interdiction d’agir à titre de dirigeant pour une durée de trois ans à l’encontre de Pierre Mercier et d’une ordonnance visant le changement du dirigeant responsable de MWM.

[2]   Le tout a été demandé en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (« LDPSF ») et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[2]. À défaut, l’Autorité demandait la suspension de l’inscription de MWM et une ordonnance ayant pour effet de lui remettre tous ses dossiers clients, livres et registres à l’Autorité.

[3]   Lors de l’audience, l’Autorité a déposé une demande amendée dans laquelle les conclusions demandant une interdiction d’agir à titre de dirigeant, une ordonnance visant le changement du dirigeant responsable et à défaut, une suspension de l’inscription et une ordonnance ayant pour effet de remettre tous ses dossiers clients, livres et registres à l’Autorité, ont été retirées.

LA DEMANDE AMENDÉE

[4]   Voici d’abord les allégués de la demande amendée de l’Autorité :

LES PARTIES

 

1.            La demanderesse est responsable de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2 (« LDPSF ») et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q. c. A-33.2;

2.            MWM Assurances inc. (« MWM ») est une personne morale légalement constituée et inscrite au Registraire des entreprises du Québec, ses activités économiques étant décrites comme : « agences d’assurances — consultant en assurance », tel qu’il appert du rapport Cidreq de MWM allégué comme pièce D-1 a), l’Autorité alléguant en liasse les rapports Cidreq des personnes morales dont il est question aux présentes procédures;

3.           

 

 
MWM fait également affaire sous le nom de Gabriel Mercier ltée, tel qu’il appert du rapport Cidreq;

4.            MWM est un cabinet inscrit auprès de l’Autorité autorisé à exercer dans la discipline de l’assurance de dommages, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique de MWM, les autres attestations de droit de pratique et d’absence de droit de pratique pertinentes aux présentes étant alléguées en liasse;

5.            L’actionnaire majoritaire de MWM est Gestion Élosophe inc., donc l’actionnaire majoritaire est Pierre Mercier (« Mercier »), tel qu’il appert du rapport Cidreq et du rapport Cidreq de Gestion Élosophe inc.;

6.            Le deuxième actionnaire de MWM est 9130-0707 Québec inc. dont Robert Philie (« Philie ») est l’unique actionnaire, tel qu’il appert du rapport Cidreq et du rapport Cidreq de 9130-0707 Québec inc.;

7.            Les administrateurs de MWM sont Mercier (certificat 123 716) et Philie (non-inscrit);

8.            Le dirigeant responsable de MWM est Mercier;

9.            MWM a cinq (5) représentants qui y sont rattachés soit :

a.            Michel Benoît (certificat 144 277)

b.            Pierre Mercier (certificat 123 716)

c.            Raymond Giguère (certificat 114 508)

d.            Guylaine Lepage (certificat 173 413)

e.            John Wintoniak (certificat 134 637)

tel qu’il appert du document attestant des représentants rattachés à MWM;

10.         Aux fins de mieux comprendre le rôle et l’implication des divers intervenants gravitant autour du cabinet MWM, l’enquêteur de l’Autorité a préparé un organigramme, permettant de visualiser le rôle de chacun;

LES FAITS PERTINENTS AU PRÉSENT DOSSIER

11.         La direction des préenquêtes de l’Autorité a été saisie d’un dossier concernant les activités de Gestion Ar-Phi et associés inc. (« Ar-Phi ») et de sociétés lui étant liés;

12.         Ar-Phi est une personne morale légalement constituée ayant son siège social au 224‑A, rue Heriot, Drummondville (Québec) J2C 1K1, dûment inscrite au Registraire des entreprises du Québec et décrivant ses activités comme étant « Bureaux de conseillers en gestion, consultant en gestion d’assurance », tel qu’il appert du rapport Cidreq d’Ar‑Phi;

13.         Ar-Phi a comme actionnaire majoritaire MWM, comme deuxième actionnaire, Michel Benoît (certificat 144 277) et comme administrateurs Philie et Mercier (rapport Cidreq );

14.        

 

 
L’Autorité a obtenu de Philie, représentant d’Ar-Phi, un document de présentation intitulé « L’art et la philosophie de la gestion de risques et d’assurance » par lequel cette dernière précise agir comme « gestionnaire de risques et d’assurance » auprès de PME agricoles, meunières et commerciales, membres du GPA, favorisant les groupes homogènes de l’agro-alimentaire, tel qu’il appert de la demande d’information adressée à Ar-Phi, de la lettre réponse de Philie et des documents qui y étaient joints;

15.         Ce document de présentation de Ar-Phi énumère, en page 6, les divers services d’Ar‑Phi, lesquelles comprennent notamment :

   une étude des régimes de gestion et d’assurance en place, les libellés de contrats des fournisseurs, baux et polices d’assurance I.A.R.D. (Incendie, Accident et Risques Divers) (…) ainsi que la cueillette des informations écrites et chiffrées qui permettront à AR‑PHI de procéder à son mandat,

   une étude de tous les documents accessoires référant à une demande d’assurance spécifique par le client ou pour son compte ou par un tiers impliquant ses engagements, contrats de services, etc,

   un rapport écrit des études précités (…),

   une mise à jour annuelle des informations pertinentes à la souscription des risques (…),

   la rédaction d’un Cahier des Charges au nom du client, (…),

   la négociation auprès de courtiers d’assurance ou assureurs directs ou tout autre intervenant en tout temps durant la durée de la convention et l’analyse écrite des soumissions obtenues pour une approbation expresse du client,

   la demande auprès de courtiers d’assurance ou d’assureurs directs, d’émission de tout document relatif au Régime d’assurance adopté par le client et géré par AR-PHI,

   (…)

   l’assistance technique dans la préparation de la compilation des données utiles à la réclamation dans l’éventualité de la réalisation d’un sinistre SAUF la négociation et l’évaluation du sinistre,

   (…)

16.         Le Groupement des producteurs associés (GPA) dont il est question dans ces documents (pièce D-5) est une association sans but lucratif constituée en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38 domiciliée au 2235, 26e Avenue, Drummondville (Québec) J2B 7A2, dûment inscrite au Registraire des entreprises et décrivant ses activités comme étant « Associations commerciales, association de producteurs agricoles », tel qu’il appert du rapport Cidreq de GPA;

17.         Le GPA a été créée par des producteurs agricoles pour l’achat de services de gestion de risques et d’assurance par son gestionnaire exclusif et privé, Ar-Phi;

18.         Les membres du GPA ainsi regroupés seraient en mesure d’obtenir des primes d’assurance à plus bas prix, notamment en moyennant la franchise dont la différence, en cas de sinistre, serait assumée par le GPA à même les cotisations des membres;

19.         Le GPA n’est pas inscrit auprès de l’Autorité, à quelque titre que ce soit;

20.         L’Autorité a obtenu la version de cinq (5) assurés ayant confirmé que pour souscrire à leur assurance dommages, ils n’avaient traité qu’avec des employés d’Ar-Phi, sans être mis en contact avec un représentant dûment inscrit du cabinet par lequel leur police a été émise, soit MWM;

21.         Il est vrai qu’un des employés d’Ar-Phi, Michel Benoît, est inscrit auprès de l’Autorité (certificat 144 277) à titre de représentant en assurance de dommages, rattaché au cabinet MWM;

22.         Par ailleurs, bien que Michel Benoît soit employé d’Ar-Phi et traite avec certains clients, ces derniers ne seraient pas informés du fait que Michel Benoît est également inscrit et rattaché à MWM;

23.         C’est à titre d’employé d’Ar-Phi que Michel Benoît se présente auprès des assurés, le cas échéant;

24.        

 

 
MWM est le cabinet agissant dans le cadre de l’émission des polices d’assurance émises par les assureurs auprès des clients d’Ar-Phi, du moins pour les cinq (5) assurés dont il est question aux présentes;

25.         MWM et ses représentants (à l’exception de Michel Benoît dans les circonstances ci-haut décrites) n’ont pas de contact avec les assurés aux fins de vérifier leurs besoins et leur expliquer le produit d’assurance, le tout étant complété par Ar-Phi via ses employés, dont Frédéric Russo et Philie, non-inscrits auprès de l’Autorité;

26.         Les assurés ne rencontrent donc pas de représentants de MWM pour discuter de leurs assurances ni pour se faire expliquer la portée des diverses clauses de leurs polices d’assurance;

27.         Les cinq (5) clients d’Ar-Phi avec qui l’enquêteur a communiqué ont tous donné essentiellement une version similaire concernant les circonstances entourant l’émission et le renouvellement de leur police d’assurance;

28.         Les informations et documents obtenus ont permis de comprendre ce qui suit :

 

Modus operandi concernant l’émission et les renouvellements des polices d’assurance

29.         Le client d’Ar-Phi est lié par une convention intitulée : « Convention pour une gestion de risques et d’assurance en prévention » dont le modèle est déjà produit;

30.        

 

 
Les clients mentionnés à l’acte de procédure n’ont pas traité avec les intimés ou leur représentant pour l’émission ou le renouvellement de leurs polices d’assurance;

31.        

 

 
(...)

32.         Ar-Phi représente à ses clients faire affaire avec un réseau de courtiers reconnus et responsables, chacun dans leurs sphères d’expertise et qu’Ar-Phi « fera affaires avec son réseau de courtiers attitrés exclusifs, des courtiers invités par le client ou encore des assureurs directs »;

33.         Pour les cinq (5) clients avec qui l’enquêteur a communiqué, le courtier par l’intermédiaire duquel Ar-Phi avait transigé était MWM;

34.         La convention qui intervient entre Ar-Phi et le client prévoit notamment qu’Ar-Phi fournira les services suivants :

1 01     une étude de régimes de gestion de risques et prévention et, l’achat (assurances contractées par CL) de polices d’assurance (…), l’émission d’un cahier des charges (…), les négociations de renouvellement(s) auprès de courtiers d’assurance ou assureurs directs et l’analyse des soumissions obtenues (…).

[Nous soulignons]

35.         Toutes les discussions avec l’assuré en vue de la souscription de son assurance, l’évaluation de ses besoins et les explications relatives à ses protections n’ont lieu qu’avec Ar-Phi, via ses employés;

36.         De même, l’envoi des documents à l’assuré lors de la souscription initiale et lors des renouvellements est fait par Ar-Phi et non par MWM, tel qu’il apparaît des documents produits ci-après obtenus des clients desquels l’Autorité a obtenu la version;

37.         Sur les factures de MWM produites ci-après et obtenues par l’enquêteur de l’Autorité, il y est inscrit, comme représentant le nom de « Ar-Phi au nom du GPA » et, à titre de chargé de compte, « Raymond Giguère » ou encore « Guylaine Lepage »;

38.        

 

 
Or, les assurés mentionnés à la procédure ont déclaré ne pas connaître ni n’avoir jamais communiqué ni reçu de communication de la part de Raymond Giguère, représentant dûment rattaché à MWM, ou encore de Guylaine Lepage, dûment inscrite également;

39.         Aux fins des présentes, l’enquêteur de l’Autorité a obtenu les informations et les documents des cinq (5) assurés suivants, soit :

    Ferme Jean-Marc Henri inc. (M. Luc Laurin), copie des documents communiqués par ce dernier étant allégués;

    Les Cuisines gaspésiennes de Matane ltée (M. Enrico Carpinteri), copie des documents communiqués par ce dernier étant allégués;

    Benoît Désilets inc. (M. René Désilets), copie des documents communiqués par ce dernier étant allégués;

    Nutri-Expert Bon conseil inc. (M. Robert Désilets), copie des documents communiqués par ce dernier étant allégués;

    Prorec inc. (M. Stéphane Lemoine), copie des documents communiqués par ce dernier étant allégués;

[5]    L’Autorité a soumis les arguments suivants à l’appui de sa demande :

INFRACTIONS

40.         La demanderesse soumet qu’en agissant comme ils l’ont fait, les représentants du cabinet MWM ayant pu agir aux termes des présentes, ont fait défaut de respecter les articles 6, 12, 16, 27, 28 et 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui prévoient :

 

6. Le courtier en assurance de dommages est la personne physique qui offre directement au public un choix de différents produits d’assurance de dommages de plusieurs assureurs ou qui offre à un cabinet, à un représentant autonome ou à une société autonome des produits d’assurance de dommages d’un ou de plusieurs assureurs. Il agit également comme conseiller en assurance de dommages.

12. Sous réserve des dispositions du titre VIII, nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d'être titulaire d'un certificat délivré à cette fin par l'Autorité.

Toutefois, une institution financière peut, par la remise de brochures ou de dépliants, par le publipostage ou par l'utilisation de toute autre forme de publicité, inviter le public à acquérir un produit d'assurance.

Honnêteté.

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Compétence.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

Identification des besoins.

27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux.

Description du produit.

28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d'un contrat d'assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

Exclusions.

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s'il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.

Renouvellement d’une police d’assurance.

39. À l’occasion du renouvellement d’une police d’assurance, l’agent ou le courtier en assurance de dommages doit prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins du client.

[Nous soulignons]

41.         Le cabinet MWM a, quant à lui, fait défaut de respecter les articles 84, 85 et 86 de cette même loi qui prévoient :

Honnêteté.

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Compétence.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

Discipline.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

Agissements.

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

[Nous soulignons]

42.        

 

 
C’est donc en toute connaissance de cause que MWM a (...) toléré (...) cette pratique, ne pouvant ignorer qu’aucun de ses représentants ne veillait personnellement au respect de ses obligations à l’égard des assurés en cause compte tenu du rôle joué par les actionnaires et les administrateurs des parties impliquées et plus particulièrement MWM et Ar-Phi;

43.         En effet, Mercier est à la fois le dirigeant-responsable, le président et représentant rattaché à MWM tout en étant administrateur d’Ar-Phi;

44.         Philie est, quant à lui, deuxième actionnaire de MWM via sa compagnie 9130‑0707 Québec inc., tout en étant président d’Ar-Phi;

45.        

 

 
La structure en place n’est pas conforme aux exigences de la loi;

46.        

 

 
(...)

47.         De même, l’Autorité soutient qu’en tant que dirigeant responsable du cabinet MWM, il est essentiel que Mercier assume toutes les responsabilités que requière ce titre, dont notamment veiller à ce que la LDPSF et ses règlements soient respectés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce;

48.         L’Autorité souligne que les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté, cette fonction étant garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public;

49.         Or, la structure mise en place fait en sorte qu’il est toléré par MWM et son dirigeant responsable que les clients assurés de MWM n’aient pas de contacts directs avec des représentants de cette dernière, n’étant rencontrés et leurs besoins n’étant évalués que par des employés d’Ar-Phi, pour la plupart non inscrits auprès de l’Autorité;

50.        

 

 
De même, Ar-Phi, dont Mercier est administrateur (en plus d’être dirigeant responsable de MWM) a notamment transmis un addenda à la convention d’Ar-Phi à Benoît Désilets inc. prévoyant :

2)         Qu’afin de répondre aux exigences de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en tant que gestionnaire de risques et prévention, les termes de la lettre de mandat ont été modifiés selon la copie jointe, à nous être retournée signée;

51.         Or, en aucun temps l’Autorité n’a laissé comprendre qu’Ar-Phi répondait aux exigences de l’Autorité, surtout qu’elle n’a jamais cautionné la façon de faire des employés d’Ar‑Phi, agissant notamment à titre de conseiller en gestion de risques d’assurance;

52.         D’ailleurs, Ar-Phi et ses employés (à l’exception de Michel Benoît) ne sont pas inscrits auprès de l’Autorité;

53.         Cette affirmation d’Ar-Phi peut laisser comprendre à sa clientèle que la structure en place est d’une certaine façon approuvée par l’Autorité, ce qui n’est aucunement le cas;

54.         Conformément à l’article 184 de la LDPSF, la demanderesse a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l’exercice des activités régies par la LDPSF;

55.         La demanderesse considère que la protection du public exige une intervention de sa part;

56.         Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 93 de la LAMF de demander au Bureau d’exercer, à la demande de l’Autorité, les fonctions et pouvoirs prévus par la loi;

57.         Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 94 de la LAMF de prendre toute mesure propre à assurer le respect des dispositions de la loi;

58.         Considérant les pouvoirs du Bureau conférés par l’article 115 de la LDPSF de radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions l’inscription d’un cabinet ou d’un représentant;

59.         Considérant les pouvoirs du Bureau conférés par l’article 115 LDPSF d’imposer une pénalité administrative jusqu’à concurrence de 2 000 000 $ à un cabinet ayant fait défaut de respecter une disposition de la LDPSF ou ses règlements;

60.         Considérant la possibilité pour la demanderesse, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2 et de l’article 115 de la LDPSF de demander au Bureau d’imposer de telles sanctions et de telles pénalités;

61.         Considérant également que l’article 115 LDPSF prévoit que le Bureau peut ainsi intervenir à l’égard d’un cabinet qui a, par son acte ou omission, aidé à l’accomplissement d’une contravention à une disposition de la présente loi;

62.         En l’espèce, la demanderesse estime qu’une amende de 50 000 $ constitue une pénalité juste et adéquate;

63.         De même, l’Autorité est d’avis qu’il y a lieu de demander le changement de dirigeant responsable de MWM et d’interdire à Mercier d’agir à titre de dirigeant responsable de tout cabinet d’assurance de dommages, dont MWM, pour une durée de trois (3) ans;

 

L’AUDIENCE

[6]   L’audience a eu lieu le 5 septembre 2013 en présence de la procureure de l’Autorité ainsi que du procureur de MWM et de Pierre Mercier. Dès le début de l’audience, la procureure de l’Autorité a indiqué que les parties avaient conclu une transaction.

[7]   Le Bureau reprend ci-après les termes de la transaction intervenue entre les parties, dûment signée par celles-ci et déposée à l’audience :

« 

 

TRANSACTION

ET ENGAGEMENT DE L’INTIMÉE

 

 

ATTENDU QUE l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») est responsable de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D‑9.2 (« LDPSF ») et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q. c. A‑33.2 (« LAMF »);

ATTENDU QUE l’Autorité peut s’adresser au Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») en vertu des articles 93 LAMF et 115 de la LDPSF afin d’obtenir l’imposition de pénalités administratives en cas de défaut de respecter des dispositions de la Loi;

ATTENDU QUE l’Autorité peut également s’adresser au Bureau, en vertu de l’article 94 LAMF, afin qu’il soit ordonné à un cabinet de prendre toute mesure propre à assurer le respect des dispositions de la Loi;

ATTENDU QUE l’Autorité a signifié aux intimés, le 7 mars 2013, une demande auprès du Bureau en vertu des articles 93 et 94 LAMF et 115 LDPSF dans le cadre du dossier portant le numéro 2013-008;

ATTENDU QUE les parties désirent, suite à la signification de cette demande, conclure une transaction visant le règlement du présent dossier;

 

LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

 

1.         Le préambule fait partie des présentes;

2.         L’Autorité a accepté d’amender sa demande afin de tenir compte de l’entente intervenue, considérant les diverses admissions faites et les engagements pris par les intimés, ayant notamment accepté de retirer ses conclusions visant le dirigeant responsable;

3.         Les intimés ont consigné des admissions et représentations à l’égard des faits allégués à la Demande amendée de l’Autorité produite au présent dossier du Bureau, ce document intitulé « Représentations des intimés » étant produit en annexe A de la présente transaction pour en faire partie intégrante;

4.         Les intimés consentent au dépôt de toutes les pièces au soutien de la demande amendée, sans autre formalité, et acceptent que de simples copies soient déposées et s’en remettent à leur document intitulé « Représentations des intimés » en regard des admissions quant à celles-ci.

5.         Les intimés consentent, en vertu de la présente transaction, et dès réception de la décision du Bureau en ce sens, le cas échéant, à :

i.           Payer à l’Autorité une pénalité administrative de 50 000 $, payable à raison de 10 000 $ par mois pendant cinq (5) mois, le premier (1er) paiement de 10 000 $ étant payable dix (10) jours après la réception de la décision du Bureau;

ii.          Appliquer les mesures de contrôle et de surveillance déjà mises en place afin de s’assurer que les représentants qui agissent pour son compte respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, notamment en s’engageant à veiller à ce que les membres du GPA pour le compte desquels ils négocient et obtiennent des polices ou garanties d’assurance reçoivent de représentants dûment certifiés les services et prestations prévus à la LDPSF et plus particulièrement aux articles 6, 27, 28 et 39. De tels services pourront être fournis par des représentants agissant pour le compte de MWM ou agissant pour le compte d’un autre cabinet inscrit auprès de l’Autorité;

6.         Les intimés reconnaissent avoir lu toutes les clauses de la présente transaction et reconnaissent en avoir compris la portée en s’en déclarent satisfaits, d’autant plus qu’ils sont dûment représentés par avocat;

7.         Les intimés consentent donc à ce que le Bureau leur impose, par une décision à être rendue dans le présent dossier, de payer à l’Autorité la pénalité administrative décrite aux présentes et à la demande amendée de l’Autorité et payable selon le paragraphe 5 i) des présentes;

8.         Les intimés reconnaissent que les conditions de la présente transaction constituent des engagements souscrits par ces derniers auprès de l’Autorité, engagements qui seront exécutoires et opposables à leur égard dès signature des présentes;

9.         Les parties conviennent de ne faire aucune déclaration publique incompatible avec les conditions de la présente transaction;

10.      La présente transaction ne saurait être interprétée à l’encontre de l’Autorité à titre de renonciation à ses droits et recours lui étant attribués en vertu de la LAMF, la LDPSF ou de toutes autres lois ou règlement pour toute autre violation passée, présente ou future de la part des intimés;

 

EN FOI DE QUOI, LES PARTIES ONT SIGNÉ :

 

À Québec, ce _3_ août 2013

 

Pierre Mercier

 

À Québec, ce _3_ août 2013

 

Pierre Mercier

MWM ASSURANCES INC.

Par : Pierre Mercier, dirigeant responsable

Dûment autorisé aux fins des présentes

 

PIERRE MERCIER

 


 

À Québec, ce _3_ sept 2013

 

Tremblay Bois Mignault Lemay

TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY S.E.N.C.R.L.

(Me André Bois)

Procureurs des intimés

 

 

À Québec, ce 29 août 2013

 

Girard et al.

GIRARD ET AL.

(Me Marie A. Pettigrew)

Procureurs de l’Autorité des marchés financiers »

 

            L’argumentation de l’Autorité

[8]   La procureure de l’Autorité a demandé d’entériner le document déposé et d’imposer la pénalité convenue. Elle a précisé que les intimés consentent au dépôt des pièces et en admettent le contenu. À cet effet, le procureur des intimés a produit un document intitulé : « Représentations des intimés en réponse à la requête amendée ».

[9]   La procureure a rappelé la mission et le rôle de l’Autorité. Elle a indiqué que la loi applicable est une loi d’ordre public et de protection du public, ce qui implique l’obligation pour tout représentant d’être dûment inscrit auprès de l’Autorité et ceci afin d’être en mesure de bien conseiller les consommateurs. En effet, les courtiers et les représentants sont plus que de simples vendeurs et un courtier qui ne fait qu’intervenir dans le processus de distribution de l’assurance n’est pas suffisant.

[10]    Comme l’a d’ailleurs mentionné la procureure de l’Autorité, « le législateur a voulu empêcher que des personnes ne possédant pas de compétence reconnue en assurance interviennent dans le processus de distribution de l’assurance, en exerçant les activités réservées au représentant en assurance ».

[11]    La procureure de l’Autorité a soumis dans son plan d’argumentation que « La protection du public exige que les activités décrites à la LDPSF, incluant notamment, mais non limitativement le conseil, soient exercées par des personnes inscrites à cette fin ». La procureure a d’ailleurs soumis plusieurs autorités à cet effet.

[12]    Dans le présent dossier, la procureure a soulevé la gravité des manquements, soit qu’au moins cinq (5) consommateurs ont traité avec des représentants n’étant pas dûment inscrits auprès de l’Autorité et sans avoir parlé personnellement aux représentants du cabinet ayant émis leur police d’assurance. La durée du manquement est importante, soit au moins 5 ans.

[13]    Relativement à la pénalité administrative de 50 000 $ demandée, la procureure a rappelé que lors de la modification de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui a accordé des pouvoirs au Bureau, le montant maximal de la pénalité a été augmenté de 100 000 $ à deux millions de dollars, ce qui reflèterait l’intention du législateur de sévir de manière significative.

[14]    Par ailleurs, aucun autre reproche n’aurait été formulé antérieurement à l’encontre du cabinet ou du dirigeant responsable et ces derniers ont offert une bonne collaboration. Elle a plaidé qu’il s’agit d’un cabinet en exercice depuis de nombreuses années, qu’aucune perte financière n’a été répertoriée et qu’il n’y a pas la preuve que ces consommateurs n’ont pas été assurés adéquatement.

[15]    La procureure a indiqué qu’elle ne peut soutenir que les intimés ont agi intentionnellement. Cependant, la structure mise en place contourne la loi et fait en sorte que l’évaluation des besoins des consommateurs se fait par des individus non-inscrits auprès de l’Autorité.

[16]    La procureure a souligné l’importance de la dissuasion générale dans la détermination de la sanction à imposer et d’envoyer un message clair à l’industrie. Elle a soumis quelques exemples jurisprudentiels pour expliquer le montant de 50 000 $ recherché. Elle a soutenu qu’il s’agit d’un montant raisonnable en raison de la durée des manquements, du fait que M. Mercier, dirigeant de MWM, est quelqu’un d’expérience et aurait donc dû savoir que cette pratique en place est illégale et du fait qu’il s’agisse de portefeuilles importants d’assurance.

[17]    Finalement, la procureure de l’Autorité a mentionné que suite au dépôt de la présente procédure, les intimés ont entrepris de sérieuses démarches afin de rectifier la situation illicite en cours. L’Autorité est satisfaite de ces dernières et le montant de la pénalité est suffisamment dissuasif pour justifier le retrait des demandes d’interdiction d’agir à titre de dirigeant et de changement de dirigeant responsable dans sa demande initiale.

Les représentations des intimés

[18]    Le procureur des intimés a mentionné que ses clients ont admis les faits et les pièces. Il a souligné que seulement cinq (5) consommateurs sont visés par la présente procédure parmi tous les clients de MWM.

[19]    Il a souligné qu’il s’agissait de la première infraction de M. Mercier et de MWM, qu’il n’y a pas eu de préjudice financier causé à qui que ce soit, qu’il n’y a pas de preuve de mauvaise foi et qu’aucune preuve de la vulnérabilité des consommateurs impliqués n’a été faite par l’Autorité.

[20]    Il a par ailleurs confirmé que des mesures ont été prises par les intimés afin de régulariser la situation, notamment par des démarches afin d’inscrire auprès de l’Autorité les employés non-inscrits qui négocient avec les consommateurs.

[21]    Finalement, le procureur des intimés a mentionné que, par la publicité faite dans le Bulletin de l’Autorité concernant la présente procédure et par le caractère public du processus de cette dernière, ses clients subissaient un tort énorme et que le tout devait être considéré dans l’évaluation du caractère raisonnable de la transaction. 

LA DÉCISION

[22]    Le Bureau de décision et de révision a pris connaissance de la demande amendée de l’Autorité des marchés financiers ainsi que de la transaction et de l’engagement des intimés qui ont été conclus entre les parties au présent litige. Enfin, il a entendu les représentations des procureurs des parties.

[23]    Le Bureau de décision et de révision prend acte de cette transaction et, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, il rend la décision apparaissant ci-après.

PAR CES MOTIFS, LE BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION :

ACCUEILLE la demande de l’Autorité;

IMPOSE au cabinet MWM Assurances inc. ainsi qu’à Pierre Mercier une pénalité administrative de 50 000 $ pour avoir permis que des personnes n’étant pas dûment inscrites auprès de l’Autorité des marchés financiers et ne possédant pas de compétences reconnues en assurance interviennent dans le processus de distribution de l’assurance, en exerçant des activités réservées au représentant en assurance, et ce, relativement à cinq (5) clients;

[24]    La susdite pénalité sera payable à l’Autorité des marchés financiers à raison de 10 000 $ par mois pendant cinq (5) mois, le premier (1er) paiement de 10 000 $ étant payable dix (10) jours après la réception de la décision du Bureau.

Fait à Montréal, le 20 décembre 2013.

 

 

(S) Alain Gélinas

 

Me Alain Gélinas, président

 

(S) Claude St Pierre

Me Claude St Pierre, vice-président

 



[1]     L.R.Q., c. D-9.2.

[2]     L.R.Q., c. A-33.2.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.