Autorité des marchés financiers (Québec)

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BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION CANADA PROVINCE DE QUÉBEC MONTRÉAL

DOSSIER : 2010-033 DÉCISION : 2010-033-001 DATE : Le 4 novembre 2011 ______________________________________________________________________

EN PRÉSENCE DE : M e ALAIN GÉLINAS M e CLAUDE ST PIERRE ______________________________________________________________________

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS Partie demanderesse c.

CAILLOUX, DAGORT ET ASSOCIÉS INC. Partie intimée

______________________________________________________________________ PÉNALITÉ ADMINISTRATIVE ET MESURES DE CONTRÔLE ET DE SURVEILLANCE [art. 115, Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 et art. 93 et 94, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2] ______________________________________________________________________

M e Julie Brosseau (Girard et al.) Procureure de l’Autorité des marchés financiers

M e Jo-Anne Demers (Nicholl Paskell-Mede s.e.n.c.r.l.) Procureure de Cailloux, Dagort et associés inc.

Date d’audience : 30 novembre 2010

2010-033-001 PAGE : 2 DÉCISION [1] L’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « Autorité ») a, le 9 septembre 2010, saisi le Bureau de décision et de révision (ci-après le « Bureau ») d’une demande d’imposition d’une pénalité administrative de 10 000 $ et de mise en place de mesures de contrôle et de surveillance à l’encontre de Cailloux, Dagort et associés inc. (ci-après l’ « intimée »), le tout en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers 1 (ci-après la « LDPSF ») et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers 2 . [2] Au soutien de sa demande de pénalité administrative, l’Autorité allègue que l’intimée a toléré la pratique illégale de Shelley Sirois, contrairement à ce qui est prévu aux articles 12, 86 et 461 de la LDPSF. L’Autorité demande également au Bureau d’ordonner à l’intimée de mettre en place, à la satisfaction de l’Autorité, des mesures de contrôle et de surveillance afin de s'assurer que l’intimée, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la LDPSF et ses règlements, plus particulièrement en ce qui a trait au maintien de la certification des représentants, et ce, dans les 30 jours de la date de la signification de la décision du Bureau.

L’AUDIENCE LA PREUVE DES PARTIES [3] L’intimée est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité, portant le numéro 500213, dans les disciplines de l’assurance de personnes et de l’assurance de dommages, en vertu de la LDPSF. André Cailloux est le président, administrateur et dirigeant responsable de l’intimée. Il est courtier d’assurance depuis près de 50 ans et le cabinet intimé existe depuis une trentaine d’années.

[4] André Cailloux détient un certificat portant le numéro 105696, lui permettant d’agir à titre de représentant dans la discipline de l’assurance de personnes et de l’assurance de dommages. En date de la demande de l’Autorité, deux représentants étaient rattachés auprès de l’intimée.

[5] Le 26 août 2009, le Service du traitement des plaintes de l’Autorité recevait une dénonciation concernant l’intimée et Shelley Sirois. Cette dernière a été à l’emploi de l’intimée à compter du 26 mai 2009, à titre de représentante en assurance de dommages, alors qu’elle ne détenait pas de certificat à ce titre émis par l’Autorité.

1 L.R.Q., c. D-9.2. 2 L.R.Q., c. A-33.2.

2010-033-001 PAGE : 3 [6] L’Autorité a procédé à une demande formelle de documents auprès de l’intimée, pour obtenir les informations sur les activités de Shelley Sirois. Les informations suivantes étaient demandées :

o La date d’emploi de Shelley Sirois pour le cabinet intimé; o La nature exacte des tâches effectuées par Shelley Sirois; o À savoir si Shelley Sirois offre des produits et services-conseils relatifs à l’assurance de dommages;

o La copie des contrats souscrits par l’intermédiaire de Shelley Sirois; o La copie du registre des commissions à l’égard de Shelley Sirois. [7] En réponse à la demande de renseignements de l’Autorité, l’intimée répondait par lettre du 21 octobre 2009, pour indiquer que Shelley Sirois avait commencé son emploi auprès de l’intimée le 25 mai 2009 et qu’elle est courtier en assurance de dommages des particuliers. Pour attester de ce fait, une copie du certificat émis par le Registered Insurance Brokers of Ontario était jointe à la lettre. Quant aux tâches effectuées par Shelley Sirois, André Cailloux fournissait la réponse suivante :

« En ce qui a trait aux contrats souscrits, Madame Sirois effectue les soumissions et j’approuve l’émission des contrats, également tous les contrats sont facturés, car nous payons les assureurs selon notre facturation, et nous n’avons jamais eu de plainte à cet effet. En ce qui a trait à un registre des commissions, aucun montant n’a été versé à Madame Sirois, elle est rémunérée par un salaire fixe à tous les quinze jours. » 3 [8] Par cette même lettre, André Cailloux invitait l’Autorité à se déplacer au cabinet pour une inspection générale de tous les dossiers. À la suite de cette lettre, l’Autorité demandait au cabinet de transmettre à l’Autorité une copie complète de 20 dossiers clients dans lesquels Shelley Sirois a agi à titre de représentante en assurance de dommages, une copie de sa carte professionnelle et une liste des codes alphabétiques ou numériques des employés 4 . [9] L’intimée répondait le 13 novembre 2009 que Shelley Sirois ne détenait pas encore de carte professionnelle, car « nous attendons qu’elle termine son examen « droit et lois » qui aura lieu le 15 décembre 2009 » 5 . André Cailloux répondait qu’il était impossible de faire parvenir tous les documents demandés, mais il invitait

3 Lettre du 21 octobre 2009, Pièce D-10. 4 Lettre du 27 octobre 2009, Pièce D-11. 5 Lettre du 13 novembre 2009, Pièce D-12.

2010-033-001 PAGE : 4 l’Autorité à venir consulter les dossiers. L’enquêteuse de l’Autorité s’est effectivement déplacée au cabinet pour consulter les dossiers.

[10] L’enquête de l’Autorité a permis d’obtenir un échantillonnage de cinq dossiers clients qui avaient été confiés à Shelley Sirois par l’intimée. Ces dossiers démontrent que cette dernière a agi à titre de représentante en assurance de dommages pour le compte du cabinet intimé, alors qu’elle ne détenait pas de certificat délivré à cette fin par l’Autorité.

[11] L’enquêteuse de l’Autorité a indiqué que des poursuites pénales ont été entamées à l’encontre de Shelley Sirois pour avoir utilisé le titre de courtier en assurance de dommages sans être titulaire du certificat nécessaire à cette fin. L’enquêteuse a souligné que Shelley Sirois a été déclarée coupable sur les trois chefs d’accusation et condamnée au paiement d’une amende de 3 000 $.

[12] L’enquêteuse de l’Autorité a reconnu que lorsqu’elle s’est déplacée dans les locaux du cabinet, on a mis à sa disposition tous les documents nécessaires. Une bonne collaboration a été offerte à ce moment.

[13] En contre-interrogatoire, l’enquêteuse de l’Autorité a mentionné qu’elle n’avait pas communiqué avec l’intimée pour l’informer que le cabinet ne pouvait pas retenir les services de Shelley Sirois tant qu’elle n’avait pas de certificat délivré par l’Autorité. Cela n’a pas été dénoncé au cabinet, car les vérifications faites par l’enquêteuse portaient sur la nature des activités de Shelley Sirois au sein du cabinet. Le but était de déterminer s’il y avait infraction ou non.

[14] Linda Mahoney, adjointe administrative du cabinet, est venue témoigner à l’audience. Cette dernière s’est occupée de vérifier auprès de l’Autorité les exigences à remplir par Shelley Sirois pour obtenir son certificat au Québec. Elle a contacté l’Autorité et leur a mentionné qu’un courtier de 5 ans d’expérience en Ontario viendrait travailler pour le cabinet et elle voulait savoir quelles étaient les exigences.

[15] On l’a alors informée que Shelley Sirois devait réussir l’examen « droit et lois » pour obtenir son certificat auprès de l’Autorité, qu’elle n’avait pas de stage à effectuer et que son examen lui permettrait d’obtenir son titre. Linda Mahoney a informé A. Cailloux de cela.

[16] Linda Mahoney a mentionné à l’audience que personne à l’Autorité ne lui avait mentionné que jusqu’à ce que Shelley Sirois réussisse son examen, elle n’avait pas le droit de pratiquer au Québec. Ainsi, Linda Mahoney et A. Cailloux ne savaient pas que Shelley Sirois ne pouvait pas pratiquer au Québec, tant qu’elle n’avait pas obtenu son certificat auprès de l’Autorité après avoir réussi son examen.

[17] Le 31 juillet 2009, Shelley Sirois envoie un courriel à Linda Mahoney lui expliquant qu’elle a appelé à l’Autorité afin de recevoir ses livres en vue de la

2010-033-001 PAGE : 5 préparation à l’examen et qu’on lui a alors dit qu’elle devait recommencer au début et faire les autres examens parce que son permis en Ontario était inactif. Elle a donc demandé à Linda Mahoney de recontacter l’Autorité pour obtenir ses livres et clarifier la situation.

[18] En août 2009, Linda Mahoney a recontacté l’Autorité et on lui a reconfirmé que Shelley Sirois devait réussir uniquement son examen « droit et lois » pour obtenir son certificat. Shelley Sirois s’est inscrite à cet examen et l’a effectué en décembre 2009, mais elle ne l’a pas réussi. En date de la demande de l’Autorité, Shelley Sirois n’avait toujours pas réussi l’examen requis afin de se voir émettre un certificat par l’Autorité.

[19] Shelley Sirois a mentionné à l’audience qu’il était inscrit sur son résultat d’examen qu’elle ne pouvait pas parler aux clients. Elle en aurait informé A. Cailloux et, selon elle, ce dernier lui aurait mentionné que tout était beau et qu’il avait une entente avec l’Autorité pour qu’elle puisse continuer ses activités.

[20] Elle a mentionné à l’audience qu’elle souhaite intenter des procédures contre le cabinet intimé, puisqu’elle a été engagée comme courtier et qu’à aucun moment elle n’a été avisée qu’elle ne pouvait pas travailler à ce titre et qu’elle ne pouvait pas parler aux clients. Elle a mentionné qu’André Cailloux lui avait dit qu’il paierait son amende mais qu’ensuite, il a changé d’idée. De plus, elle a logé une plainte à l’Autorité contre le cabinet intimé.

[21] André Cailloux a témoigné qu’il avait bien vérifié à l’embauche de Shelley Sirois que celle-ci détenait un certificat en Ontario. Il savait que les lois des autres provinces ne sont pas les mêmes que celles du Québec, et qu’en conséquence, Shelley Sirois devait suivre un cours de nature juridique. Il était certain que Shelley Sirois pouvait exercer ses activités entretemps, puisque personne ne l’avait informé d’une quelconque interdiction pour cette dernière de pratiquer ses activités à titre de courtier au Québec.

[22] De plus, il a souligné qu’il supervisait le travail de cette dernière et qu’elle faisait du bon travail. Aucune plainte n’a été déposée relativement à ses tâches exercées pour le cabinet. Shelley Sirois a même suivi certains cours pour utiliser les systèmes informatiques des différents assureurs.

[23] André Cailloux a affirmé qu’il ne pensait pas être dans l’illégalité en utilisant les services de Shelley Sirois à titre de représentante en assurance de dommages. Il était satisfait que son employé des ressources humaines et adjointe administrative avait fait les démarches nécessaires pour se renseigner.

[24] Sa compréhension était qu’on reconnaissait son certificat de l’Ontario en attendant qu’elle réussisse son examen. Enfin, le cabinet intimé n’avait pas de

2010-033-001 PAGE : 6 politique écrite relativement à l’obtention ou au renouvellement des certificats des représentants.

LES REPRÉSENTATIONS DES PROCUREURES Les représentations de l’Autorité [25] La procureure de l’Autorité a plaidé que pour agir à titre de représentant en assurance de dommages, une personne doit détenir un permis à ce titre. Shelley Sirois n’a pas réussi l’examen nécessaire à l’obtention de son permis au Québec et, par conséquent, elle ne pouvait agir à ce titre. La procureure de l’Autorité a mentionné qu’en vertu de l’article 12 de la LDPSF, nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité.

[26] Or, il appert des cinq dossiers clients de l’intimée que Shelley Sirois s’est présentée et a agi à titre de représentante en assurance de dommages, alors qu’elle ne détenait pas l’autorisation nécessaire pour agir en ce sens. Le cabinet a permis à Shelley Sirois d’agir comme représentante en assurance de dommages sans détenir le certificat nécessaire auprès de l’Autorité. L’Autorité soutient que l’intimée a fait défaut de veiller à ce que Shelley Sirois agisse conformément à la LDPSF et à ses règlements.

[27] L’Autorité allègue que la protection du public exige une intervention du Bureau, afin qu’il prononce les conclusions recherchées dans la présente demande. En l’espèce, l’Autorité estime qu’une pénalité de 10 000 $ constitue une pénalité juste et adéquate. L’Autorité demande également au Bureau d’imposer des mesures de contrôle pour éviter qu’une telle situation ne se produise à nouveau.

Les représentations de l’intimée [28] La procureure de l’intimée a apporté les précisions qui suivent. Il s’agit d’un cabinet qui a retenu les services d’une représentante détenant un permis en Ontario avec 5 ans d’expérience. Aucune preuve d’insouciance n’a été démontrée relativement au travail de Shelley Sirois. Cette dernière a rempli ses fonctions et André Cailloux était de bonne foi en retenant ses services.

[29] Il avait l’impression qu’il pouvait retenir ses services et il savait qu’elle devait réussir son examen « droit et lois ». Il croyait que son permis en Ontario lui permettait d’agir à tire de représentante pour le cabinet. La procureure a ajouté qu’à aucun moment lors de discussions avec l’Autorité, on a informé le cabinet que Shelley Sirois ne pouvait pas agir comme représentante, tant qu’elle n’avait pas réussi son examen.

2010-033-001 PAGE : 7 [30] La procureure de l’intimée souligne qu’André Cailloux a veillé à ce que Shelley Sirois agisse de manière compétente à l’égard des clients, une vérification de son travail étant effectuée. Cette procureure fait une distinction avec les autres dossiers soumis par la procureure de l’Autorité des pénalités avaient été imposées par l’Autorité pour la pratique sans certificat d’un représentant.

[31] La procureure de l’intimée souligne qu’il ne s’agit pas d’une représentante qui n’avait pas d’expérience, mais d’une personne qui avait un permis d’exercice en Ontario et qui possédait une expérience de 5 ans. De plus, la pratique de Shelley Sirois au cabinet a été de courte durée. Elle souligne qu’il n’y a eu aucune plainte disciplinaire quant aux tâches accomplies par Shelley Sirois et que le cabinet intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[32] Elle ajoute qu’André Cailloux possède 50 ans d’expérience dans le domaine et qu’il n’a aucun antécédent disciplinaire. Il n’a pas sciemment cherché à éviter les conséquences de la loi. Elle ajoute donc qu’il s’agit d’un cas unique et que le Bureau doit prendre en considération tous les facteurs pertinents pour rendre sa décision.

[33] Elle demande donc au Bureau de rejeter la demande de pénalité contre le cabinet et elle suggère qu’une simple réprimande serait suffisante. Elle souligne que si le Bureau décide d’imposer au cabinet qu’il établisse une procédure écrite cela ne sera pas un problème pour celui-ci. Finalement, si le Bureau décide d’imposer une pénalité au cabinet, elle propose que celle-ci ne soit pas plus élevée que 3 000 $, ce qui représente le même montant que Shelley Sirois s’est vue imposer comme amende dans son dossier pénal.

L’ANALYSE [34] L’article 115 de la LDPSF confère des pouvoirs au Bureau à l’égard des cabinets inscrits dans les disciplines prévues à cette loi. Le Bureau peut, à la demande de l’Autorité, radier l’inscription d’un cabinet, la suspendre ou l’assortir de conditions ou de restrictions. De plus, le Bureau peut imposer une pénalité d’un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ à un cabinet qui ne respecte pas les dispositions de la LDPSF ou de ses règlements ou lorsque la protection du public l'exige.

[35] Dans le présent dossier, l’Autorité demande au Bureau de sanctionner la conduite de la société intimée, un cabinet d’assurance inscrit à ce titre auprès de l’Autorité. Or, ce dernier a employé les services d’une personne à titre de représentante, alors qu’elle ne détenait pas un certificat valide auprès de l’Autorité. Ce faisant, cette personne contrevenait à l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[36] Cette disposition prévoit que nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité. Or, l’article 86 de la susdite loi prévoit qu’un cabinet et ses dirigeants

2010-033-001 PAGE : 8 agissent conformément à cette loi et à ses règlements, ce que l’intimée n’aurait pas fait en employant Shelley Shelley Sirois comme représentante, en l’absence d’une inscription à ce titre.

[37] Voici les définitions prévues à la LDPSF relativement au représentant en assurance de dommages :

« 2. Sont des représentants en assurance, le représentant en assurance de personnes, le représentant en assurance collective, l’agent en assurance de dommages et le courtier en assurance de dommages.

6. Le courtier en assurance de dommages est la personne physique qui offre directement au public un choix de différents produits d’assurance de dommages de plusieurs assureurs ou qui offre à un cabinet, à un représentant autonome ou à une société autonome des produits d’assurance de dommages d’un ou de plusieurs assureurs. Il agit également comme conseiller en assurance de dommages. »

[38] L’échantillonnage des dossiers clients démontre que Shelley Sirois a agi pour le cabinet à titre de représentante en assurance de dommages et qu’elle s’est présentée comme telle auprès de la clientèle, alors qu’elle ne détenait pas de certificat délivré par l’Autorité.

[39] Shelley Sirois détenait un certificat en Ontario émis par le Registered Insurance Brokers of Ontario, du 13 juillet 2004 au 30 septembre 2009. Son certificat était cependant inactif en date du 2 octobre 2009, puisqu’elle n’était plus rattachée à un cabinet. Shelley Sirois a donc détenu pendant au moins 5 ans un certificat lui permettant d’agir à titre de représentante en assurance de dommages dans une autre province.

[40] En vertu de l’article 72 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (nº 1) 6 , une exemption de stage est prévue si le représentant qui désire agir dans une discipline correspondante réussit l’examen sur les notions de droit et de lois applicables à la discipline:

« 72. Un postulant qui est autorisé à agir comme représentant dans une discipline ou une catégorie de discipline depuis au moins cinq ans dans une autre province du Canada ayant conclu une entente avec l’Autorité et qui désire être autorisé à agir comme représentant dans une discipline ou une catégorie de discipline correspondante, par certificat de l’Autorité, est exempté du stage prévu à la section 7 du présent chapitre s’il réussit l’examen ayant trait aux notions de droit et de lois applicables à cette discipline ou catégorie de discipline. »

6 Adopté par la résolution de l’Autorité 99.07.08 du 6 juillet 1999. Ce règlement a été remplacé le 1 er mars 2010 par le Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, (2010) G.O. 2, 832.

2010-033-001 PAGE : 9 [41] Il appert de cette disposition que l’Autorité peut délivrer un certificat à une personne qui détient déjà un permis depuis au moins 5 ans dans une discipline dans une autre province, sujet à la réussite d’un examen « droit et lois » applicable à cette discipline. Ce certificat permettra à cette personne d’agir comme représentant au Québec.

[42] La réussite de cet examen dispense le représentant d’effectuer le stage prévu à la section 7 du susdit règlement. Cette mesure permet de reconnaître l’expérience acquise dans une autre province, tout en assurant que le représentant possède les notions juridiques applicables dans la juridiction d’accueil afin de servir les clients avec compétence et professionnalisme.

[43] Il appert que Shelley Sirois, qui a détenu un permis pendant plus de 5 ans en Ontario, a commencé à agir à titre de représentante en assurance de dommages avant d’avoir réussi son examen. Elle a été embauchée en mai 2009 par le cabinet intimé et, en décembre 2009, elle a effectué son examen, mais elle ne l’a pas réussi. Shelley Sirois ne détenant pas de certificat valide délivré par l’Autorité, elle ne pouvait pas, en vertu de l’article 12 de la LDPSF 7 , se présenter ni agir comme représentante en assurance de dommages.

[44] Pour démontrer l’importance qu’accorde le législateur à l’obtention d’un certificat pour agir à titre de représentant dans une discipline prévue à la LDPSF, il a constitué en infraction pénale le fait d’agir à titre de représentant sans y être autorisé par l’Autorité 8 . Shelley Sirois a d’ailleurs été sanctionnée pour avoir agi à ce titre et s’est vue condamnée à une amende de 3 000 $.

[45] Mais demeure la responsabilité du cabinet inscrit en vertu de la LDPSF de s’assurer que les personnes qu’il engage détiennent les permis requis pour pratiquer leurs activités au Québec. En vertu de l’article 86 de la LDPSF, le cabinet doit veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent en conformité avec la LDPSF et ses règlements.

[46] On peut constater en l’espèce que le cabinet a failli à son devoir de surveillance, en retenant les services d’une personne, alors que le dirigeant responsable du cabinet savait qu’elle ne détenait pas de certificat délivré par l’Autorité. La preuve indique qu’André Cailloux savait que Shelley Sirois n’avait pas de certificat de l’Autorité et il savait également qu’elle devait effectuer un examen sur les notions juridiques applicables au Québec.

7 Précitée, note 1, art. 12. Sous réserve des dispositions du titre VIII, nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d'être titulaire d'un certificat délivré à cette fin par l'Autorité. 8 Id., précitée, note 1. art. 461.

2010-033-001 PAGE : 10 [47] Même si le dirigeant responsable croyait agir en toute légalité en utilisant les services de Shelley Sirois, cela n’affranchit pas le cabinet de sa responsabilité de veiller à ce que ses employés agissent en conformité avec la LDPSF et ses règlements. En tant que dirigeant responsable du cabinet, A. Cailloux devait se renseigner convenablement pour s’assurer de retenir les services d’un représentant détenant le certificat requis pour agir à titre de représentant au Québec.

[48] Il appert qu’il s’est renseigné auprès de l’Autorité Cependant, il semble ne pas avoir compris les implications des renseignements fournis par celle-ci. La procureure de l’intimée a souligné le fait que personne n’a avisé le cabinet qu’il ne pouvait pas retenir les services de Shelley Sirois tant qu’elle n’avait pas réussi son examen.

[49] Lorsque des communications ont eu lieu avec l’Autorité, l’adjointe administrative du cabinet n’a pas posé directement la question aux agents d’information de l’Autorité, à savoir si Shelley Sirois pouvait agir comme représentante pour le cabinet avant d’avoir réussi son examen. A. Cailloux et son adjointe semblent avoir supposé que cela allait de soi et qu’elle pouvait agir ainsi puisqu’elle détenait un permis en Ontario.

[50] L’adjointe a contacté l’Autorité et leur a mentionné qu’un courtier de 5 ans d’expérience en Ontario viendrait travailler pour le cabinet et elle voulait savoir quelles étaient les exigences. On l’a alors informée que Shelley Sirois devait réussir l’examen « droit et lois » pour obtenir son certificat auprès de l’Autorité, qu’elle n’aurait alors pas de stage à effectuer et que son examen lui permettrait d’obtenir son titre. Linda Mahoney a informé A. Cailloux de cela.

[51] Par conséquent, ils étaient avisés que la réussite de l’examen permettait à Shelley Sirois d’obtenir son certificat sans qu’elle effectue un stage. Ils auraient être alertés qu’elle ne détiendrait pas de certificat l’autorisant à agir comme représentante tant qu’elle ne réussirait pas son examen et que sans certificat délivré par l’Autorité, nul ne pouvait agir à titre de représentant.

[52] Ce n’est pas parce que l’Autorité ne les a pas avisés en autant de mots à l’effet que le cabinet ne pouvait pas retenir les services de Shelley Sirois tant qu’elle n’aurait pas réussi l’examen, que le cabinet se voit soustrait de son obligation de veiller à ce que ses représentants agissent en conformité avec la loi.

[53] Il ressort plutôt du témoignage de Linda Mahoney que les agents de l’Autorité l’avaient informée convenablement que la représentante devait avoir réussi son examen pour obtenir son certificat. Le dirigeant responsable du cabinet aurait comprendre qu’il ne pouvait pas utiliser les services de Shelley Sirois puisqu’elle ne détiendrait pas de certificat tant qu’elle n’aurait pas réussi son examen.

2010-033-001 PAGE : 11 [54] Le fait que les services rendus par Shelley Sirois n’aient pas fait l’objet de plaintes de la part des clients ne justifie pas que cette dernière ait agi à titre de représentante en assurance de dommages alors qu’elle ne détenait pas de certificat délivré à ce titre par l’Autorité.

[55] Ainsi, le Bureau conclut que le cabinet a manqué à son devoir de veiller à ce que ses employés agissent en conformité avec la LDPSF et ses règlements. Le Bureau est d’avis qu’une pénalité d’un montant de 8 000 $ est justifiée dans le présent dossier. Les facteurs suivants sont pris en considération dans le montant de la pénalité imposée :

- La gravité objective des manquements reprochés Le manquement reproché est d’avoir retenu les services d’une personne ne détenant pas de certificat valide pour agir à titre de représentant en assurance de dommages au Québec. Le fait d’agir à titre de représentant sans détenir d’autorisation délivrée par l’Autorité constitue une infraction pénale. Ceci dénote de l’importance fondamentale qu’accorde le législateur à l’obtention d’un certificat auprès de l’Autorité afin de vérifier la compétence, l’honnêteté, la loyauté et le professionnalisme des personnes offrant des produits d’assurance aux consommateurs.

- La durée des manquements reprochés Le manquement reproché a été de courte durée. - La conduite antérieure du cabinet et de son dirigeant responsable Le cabinet intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire. - L’expérience du cabinet et de son dirigeant responsable Le cabinet existe depuis une trentaine d’années et André Cailloux possède une expérience de près de 50 ans. Le Bureau estime que cette longue expérience aurait être mieux mise à contribution par l’intimée et ses dirigeants pour prévenir la commission d’une faute plutôt élémentaire.

- Les pertes subies par les épargnants Il n’y a pas eu de pertes subies par les épargnants. - La vulnérabilité des clients Les clients ont fait affaires avec une représentante du cabinet ne détenant pas de certificat délivré par l’Autorité lui permettant d’agir à ce titre au Québec. La

2010-033-001 PAGE : 12 représentante n’avait pas effectué ni réussi son examen « droit et lois » applicables à la discipline de l’assurance dommages au Québec. Cela place les clients dans une situation de vulnérabilité puisqu’ils croient faire affaires avec un représentant détenant un permis valide auprès de l’Autorité et habilité à donner des conseils en matière d’assurance et à offrir des produits d’assurance aux clients du Québec.

- Le caractère intentionnel des gestes posés Bien qu’il n’y ait pas d’élément intentionnel dans les gestes posés, le cabinet n’a pas fait preuve d’une grande perspicacité.

- Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter

Les cabinets inscrits en vertu de la LDPSF doivent être informés que le fait de retenir les services d’une personne non-détentrice d’un certificat valide auprès de l’Autorité pour agir à titre de représentante peut faire l’objet d’une sanction imposée par le Bureau. Ceci est dans le but de les inciter à se renseigner sur les règles de délivrance et de renouvellement des certificats des représentants qui agissent pour leur compte et à éviter qu’une telle situation se produise. L’inscription vise à assurer le professionnalisme dans l’industrie.

- La collaboration du cabinet Une bonne collaboration a été offerte à l’enquêteuse de l’Autorité lors de l’inspection des dossiers du cabinet relativement aux activités de Shelley Sirois.

- Le degré de repentir Le dirigeant responsable n’a pas vraiment démontré de repentir. [56] La procureure de l’Autorité a soumis certains précédents prononcés par l’Autorité à ce sujet 9 . Il s’agit toutes de décisions relatives à des cabinets d’assurances ayant employé des personnes à titre de représentants, alors qu’elles ne détenaient pas de certificats valides auprès de l’Autorité. Dans ces diverses décisions, l’Autorité a démontré toute l’importance qu’elle attachait à ce qu’une cabinet d’assurances emploie des représentants dûment inscrits.

9 Voir par exemple, Groupe Lyras inc., Autorité des marchés financiers, décision 2020-PDG-0159, 1 er octobre 2010, J. St-Gelais, 11 pages; Denis Beauregard inc., Autorité des marchés financiers, décision 2009-PDG-0173, 23 novembre 2009, J. St-Gelais, 8 pages; 9081-8048 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Tremblay Assurance Ltée, Autorité des marchés financiers, décision 2009-PDG-0134, 17 septembre 2009, J. St-Gelais, 6 pages.

2010-033-001 PAGE : 13 [57] Puis, le fait d’agir comme représentant sans certificat valide à cet effet peut entraîner une sanction pénale, ce qui est d’ailleurs arrivé à Shelley Sirois. Comme l’a déclaré l’Autorité, « il était de son devoir de s’assurer qu’elle ne pose pas d’actes réservés aux représentants certifiés. » 10 L’intimé ayant failli à cet égard, il devient maintenant de la responsabilité du Bureau « de voir à sanctionner, le cas échéant, les cabinets, les société autonomes et les représentants autonomes qui ne respectent pas la LDSPF ou ses règlements. » 11 [58] Dans les circonstances, le Bureau estime que l’amende demandée dans la présente cause, qui s’apparente à celles des précédents cités, se situe dans une échelle raisonnable. Cailloux, Dagort et associés inc. est un courtier d’expérience, inscrit de longue date. Son dirigeant principal, qui a témoigné en audience, a de nombreuses années d’expérience à son actif.

[59] La faute commise par l’intimé est presqu’incompréhensible, eu égard aux longues années d’expérience qui auraient lui permettre d’éviter une faute somme toute élémentaire. Les explications fournies sont insuffisantes. L’intimée aurait pu facilement empêcher ces actes de survenir en ne se contentant pas de croire que Shelley Sirois pouvait travailler.

[60] Une vérification un peu suivie par ses dirigeants aurait facilement réglé le problème. Dans ces circonstances, la pénalité administrative demandée, d’un montant de 10 000 $ serait justifiable. Mais en même temps, le Bureau est prêt à considérer le fait que le manquement reproché s’est étalé sur une courte période de temps, que l’intimée a bien collaboré avec l’Autorité, que le cabinet n’a pas d’antécédents et qu’aucun épargnant n’a subi de pertes suite aux actes reprochés.

[61] Pour les raisons exprimées tout au long de la présente décision, le Bureau entend imposer une pénalité administrative de 8 000 $ à l’intimée. Enfin, il a été mentionné à l’audience qu’aucune procédure écrite ne permettait au cabinet de faire le suivi sur le renouvellement ou l’obtention des certificats des représentants. Le Bureau estime qu’une telle procédure s’avère nécessaire au sein du cabinet afin d’éviter qu’un tel manquement ne se produise de nouveau et entend en ordonner l’adoption.

LA DÉCISION [62] Après avoir pris connaissance de la demande de l’Autorité et après avoir entendu les témoignages et pris connaissance de la preuve déposée et après avoir écouté les représentations des procureures des parties, le Bureau est d’avis qu’il y a lieu d’imposer une pénalité et la mise en place de mesures de contrôle, le tout en

10 Groupe Lyras inc., précité note 9, 7. 11 Ibid.

2010-033-001 vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers IL IMPOSE à Cailloux, Dagort et associés inc., intimée, une pénalité au montant de huit mille dollars (8 000 $), pour ne pas avoir veillé à ce que leur employée agisse conformément aux prescriptions de l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, en agissant à titre de représentante, sans détenir un certificat délivré par l’Autorité, contrairement aux prescriptions de l’article 86 de la susdite loi.

IL ORDONNE à Cailloux, Dagort et associés inc. la mise en place, à la satisfaction de l’Autorité, de mesures de contrôle et de surveillance afin de s'assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la LDPSF et ses règlements, plus particulièrement en ce qui a trait au maintien de la certification des représentants, et ce, dans les 30 jours de la date de la signification de la présente décision.

Fait à Montréal, le 4 novembre 2011. (S) Alain Gélinas  M e Alain Gélinas, président (S) Claude St Pierre  M e Claude St Pierre, vice-président COPIE CONFORME PAR_________________________ Bureau de décision et de révision

12 Précitée, note 1. 13. Précitée, note 2.

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