Autorité des marchés financiers (Québec)

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BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION CANADA PROVINCE DE QUÉBEC MONTRÉAL

DOSSIER : 2010-043 DÉCISION : 2010-043-001 DATE : Le 29 décembre 2011 ______________________________________________________________________

EN PRÉSENCE DE : M e ALAIN GÉLINAS ______________________________________________________________________

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS Partie demanderesse c. 9135-2799 QUEBEC INC., faisant affaires sous la dénomination sociale ASSURANCES CÉLINE ÉMOND Partie intimée

______________________________________________________________________ DÉCISION SUR L’IMPOSITION DE CONDITIONS À L’INSCRIPTION D’UN CABINET [art. 115, Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et art. 93, Loi sur l’Autorité des marchés financiers (L.R.Q., c. A-33.2)] ______________________________________________________________________

M e Julie Brosseau (Girard et al.) Procureure de l’Autorité des marchés financiers, demanderesse

M e Marc Lapointe (Lapointe Beaulieu Avocats) Procureur de 9135-2799 Québec inc., faisant affaires sous la dénomination sociale Assurances Céline Émond, intimée

Date d’audience : 10 mars 2011

2010-043-001 PAGE : 2 ______________________________________________________________________ DÉCISION ______________________________________________________________________

[1] Le Bureau de décision et de révision Bureau ») a été saisi, le 25 novembre 2010, d’une demande de l’Autorité des marchés financiers Autorité ») visant l’imposition de conditions à l’inscription du cabinet intimé 9135-2799 Québec inc., faisant affaires sous la dénomination sociale Assurances Céline Émond cabinet intimé »), à savoir le remplacement de sa dirigeante responsable madame Céline Émond.

[2] À défaut par le cabinet intimé de procéder à ce remplacement à la satisfaction de l’Autorité, cette dernière demande au Bureau de prononcer la radiation de l’inscription du cabinet intimé, le tout en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers 1 LDPSF ») et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers 2 . [3] Une audience s’est tenue le 10 mars 2011 en présence de la procureure de l’Autorité et du procureur du cabinet intimé.

LES FAITS [4] 9135-2799 Québec inc. détient une inscription auprès de l’Autorité, portant le numéro 510923, dans la discipline de l’assurance de dommages, en vertu de la LDPSF. Madame Céline Émond est présidente, administratrice et dirigeante responsable du cabinet intimé. En date de la demande de l’Autorité, deux représentantes étaient rattachées auprès du cabinet intimé, à savoir Céline Émond et Lise Santerre. Au moment des faits reprochés, à savoir entre le 4 décembre 2009 et le 6 avril 2010, la seule représentante rattachée au cabinet intimé était Céline Émond.

[5] Le cabinet intimé détient une inscription en assurance de dommages depuis le 15 avril 2004 et en assurance de personnes depuis le 3 octobre 2005. Il y a eu un retrait de la discipline de l’assurance de personnes le 19 avril 2010. L’inscription du cabinet a été suspendue du 4 décembre 2009 au 5 avril 2010.

1 L.R.Q., c. D-9.2. 2 L.R.Q., c. A-33.2.

2010-043-001 PAGE : 3 [6] Le 4 décembre 2009, l’Autorité rendait une décision à l’endroit du cabinet intimé, par laquelle elle ordonnait la suspension de ce cabinet et lui imposait le paiement d’une pénalité globale de 2 000 $ 3 . Cette pénalité a été répartie comme suit : o 500 $ pour le défaut d’acquitter les droits prescrits par règlement; o 500 $ pour le défaut d’avoir un ou des représentant(s) rattaché(s) et de fournir les documents prescrits par règlement;

o 500 $ pour le défaut de maintenir une assurance de responsabilité conforme aux exigences déterminées par règlement;

o 500 $ pour le défaut de transmettre son rapport de plaintes. [7] Voici les manquements qui étaient reprochés, tels que mentionnés aux paragraphes 21 à 26 de la décision du 4 décembre 2009 :

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 81 de la LDPSF en omettant d’acquitter les droits prescrits par règlement;

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 82 de la LDPSF, en omettant d’avoir un ou des représentant(s) rattaché(s);

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 83 de la LDPSF en omettant de produire à l’Autorité une copie attestant qu’il maintient une assurance de responsabilité conforme aux exigences déterminées par règlement;

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 103.1 de la LDPSF en omettant de transmettre son rapport de plaintes;

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 29 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome en omettant de fournir un contrat d’assurance qui couvre la responsabilité du cabinet et qui répond à ces exigences;

o 9135-2799 Québec inc. a fait défaut de respecter l’article 10 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome en omettant de fournir les documents prescrits par règlement.

[8] Ainsi, l’Autorité suspendait l’inscription du cabinet jusqu’à ce qu’il se soit conformé à la décision en acquittant les droits prescrits, en fournissant les documents

3 Décision 2009-PDIS-0298, 4 décembre 2009, M distribution.

e Yan Paquette, Directeur des pratiques de

2010-043-001 PAGE : 4 prescrits et une assurance responsabilité conforme et en transmettant son rapport de plaintes. Il était aussi inscrit que le cabinet cesse d’exercer ses activités tant qu’il ne se sera pas conformé à cette décision.

[9] Suivant le paiement de la pénalité et suivant la démonstration que le cabinet s’était conformé aux manquements reprochés, l’Autorité a levé la suspension de l’inscription le 6 avril 2010.

[10] Dans l’intervalle, soit le 5 mars 2010, la Direction de la certification et de l’inscription de l’Autorité a reçu une demande de remise en vigueur du certificat de madame Lise Santerre, une représentante qui désirait se rattacher au cabinet intimé alors que l’inscription de ce cabinet était suspendue. Le Service de la conformité a alors contacté le cabinet intimé et a constaté que, malgré la suspension du cabinet en vigueur depuis le 4 décembre 2009, celui-ci avait continué d’exercer ses activités en assurance de dommages.

[11] Afin de valider ces informations, l’Autorité a demandé à l’assureur La Capitale de lui fournir une liste et une copie des contrats souscrits par l’intermédiaire du cabinet intimé entre le 4 décembre 2009 et le 6 avril 2010. Selon l’Autorité, il appert de la preuve fournie par l’assureur La Capitale que le cabinet intimé a continué ses activités en offrant des polices d’assurance de dommages, et ce, malgré la suspension de son inscription.

[12] Plus particulièrement, allègue l’Autorité, la preuve recueillie révèle que le cabinet intimé a continué ses activités en offrant des polices d’assurance de dommages à au moins huit clients.

[13] L’Autorité soumet au Bureau que la preuve recueillie démontre que le cabinet intimé a agi à titre de cabinet en assurance de dommages sans détenir d’inscription valide auprès de l’Autorité entre le 4 décembre 2009 et le 6 avril 2010. L’Autorité a intenté, le 22 novembre 2010, une poursuite pénale à l’encontre du cabinet intimé, ainsi qu’à l’encontre de sa dirigeante responsable.

[14] L’Autorité considère que madame Céline Émond n’est plus apte à agir comme dirigeante responsable du cabinet intimé. L’Autorité tient à souligner que les responsabilités assumées par le dirigeant d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté et que cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et par conséquent, de la protection du public.

[15] Par conséquent, l’Autorité demande au Bureau d’assortir l’inscription du cabinet intimé aux conditions suivantes :

o Le cabinet intimé devra procéder au remplacement de sa dirigeante responsable;

2010-043-001 PAGE : 5 o Madame Céline Émond ne pourra dorénavant agir, directement ou indirectement, comme dirigeante du cabinet intimé;

o Le cabinet devra fournir à l’Autorité, dans les trente jours de la date de signification de la décision à intervenir sur les présentes, le nom du dirigeant responsable qu’il entend nommer en remplacement de Céline Émond, lequel devra satisfaire aux conditions imposées à un dirigeant de cabinet;

o Le dirigeant proposé devra faire l’objet de l’approbation écrite préalable de l’Autorité.

[16] À défaut de produire dans les 30 jours de la signification de la décision à intervenir, le nom du dirigeant responsable que le cabinet entend nommer en remplacement de madame Émond, l’Autorité demande au Bureau de radier l’inscription du cabinet intimé dans toutes les disciplines dans lesquelles il est inscrit, et ce, avec les conséquences découlant de l’application de l’article 127 de la LDPSF, à savoir de céder les dossiers, livres et registres afférents à un cabinet inscrit dans les mêmes disciplines.

L’AUDIENCE [17] Lors de l’audience du 10 mars 2011, la procureure de l’Autorité a fait entendre une enquêteuse de l’Autorité qui a relaté les faits susmentionnés et déposé les documents au soutien de la demande. Le procureur du cabinet intimé a fait entendre madame Céline Émond.

[18] L’enquêteuse de l’Autorité a analysé les activités en assurance qui ont eu lieu pendant la suspension de l’inscription du cabinet. Son enquête ne portait que sur l’exercice illégal. Elle n’a pas vérifié auprès de madame Émond les raisons expliquant cet exercice illégal. Elle ne s’occupe pas de la conformité ni de l’inscription. Elle a indiqué qu’elle ne peut pas rattacher les manquements à leur correction respective, c’est le service de la conformité qui s’occupe de cela.

[19] C’est l’attestation de droit de pratique qui mentionne que la suspension a été levée le 6 avril 2010 puisque toutes les conditions qui avaient été imposées ont été respectées à cette date.

[20] Madame Céline Émond a témoigné à l’audience. Elle a expliqué qu’elle pratique dans le domaine de l’assurance depuis 23 ans et depuis 10 ans elle est à son compte. Durant les premières années de sa pratique, elle a été rattachée à titre de représentante pour La Capitale et Wawanesa. Avant les présentes procédures, elle n’avait jamais eu de plainte relativement à sa pratique.

[21] À l’automne 2009, elle a reçu un avis de l’Autorité mentionnant des manquements auxquels elle devait se conformer et qui ont été corrigés en novembre

2010-043-001 PAGE : 6 2009. Les faits reprochés sont reliés à l’inscription de Pierre Berry qui pratiquait sous son cabinet. Elle ne savait pas qu’elle devait le retirer comme représentant pour son cabinet, car La Capitale l’avait fait. Elle a annulé l’assurance responsabilité rattachée à sa pratique et ensuite le rapport de plaintes n’avait pas été complété, mais monsieur Berry le faisait par lui-même. Lorsqu’il a cessé de pratiquer en mai, il n’y a eu qu’un seul rapport de plainte qui n’a pas été transmis à l’Autorité. Pour la période du mois de mai à juillet 2009 le rapport de plainte n’a pas été transmis, car il avait cessé de pratiquer. Elle a corrigé cela et le rapport a été enregistré le 9 décembre 2009.

[22] Le 29 octobre 2009, le cabinet recevait un avis en vertu de l’article 117 de la LDPSF préalablement à l’émission d’une décision en vertu de l’article 115 de cette loi. Cet avis établissait des manquements. Après en avoir pris connaissance, elle s’est occupée de se conformer aux manquements allégués. Les manquements ont été corrigés dès la réception de l’avis avant le 13 novembre 2009. Elle a répondu par une lettre à l’Autorité expliquant chaque fait reproché et elle a indiqué que les corrections avaient été faites.

[23] Lorsqu’elle a transmis une lettre à l’Autorité le 13 novembre 2009 expliquant les corrections aux manquements, elle a demandé à monsieur Berry si tout était correct maintenant, il lui a répondu que tout était beau.

[24] Pierre Berry était son conjoint. Elle avait confiance en ce dernier et les faits reprochés étaient en lien avec son inscription. Le 2 décembre 2009, elle l’a désigné comme représentant pour discuter, transiger et négocier tout enjeu relatif avec l’Autorité, elle en a informé l’Autorité.

[25] Elle a été mise au courant uniquement le 6 avril 2010 de la décision du 4 décembre 2009. Elle ne savait pas que l’inscription de son cabinet était suspendue. Le 6 avril 2010, elle a contacté une personne de l’Autorité pour rattacher une représentante à son cabinet. Elle a fait deux demandes de rattachement pour madame Santerre les 13 novembre 2009 et 1 er mars 2010. [26] On l’a alors informée que l’inscription du cabinet était suspendue depuis le 4 décembre 2009. La personne de l’Autorité l’a aussi informée qu’elle avait eu une conversation verbale en janvier 2010 avec monsieur Berry, ce dernier ne l’a jamais informée de cela. Pour une somme de 2 000 $, elle n’aurait jamais mis son cabinet en péril. Elle a aussitôt effectué le paiement de cette somme afin de régulariser la situation.

[27] Le manquement corrigé le 6 avril 2010 est le paiement de la pénalité de 2 000 $. Les autres manquements ont été corrigés le 13 novembre 2009, elle croyait que par cette lettre elle répondait aux manquements allégués. Par la suite, elle n’a pas eu d’autres nouvelles avant le 6 avril, lorsqu’elle apprend par téléphone que son inscription a été suspendue. Elle a pris connaissance de la décision du 4 décembre 2009 lorsqu’elle a reçu les pièces au soutien de la présente demande.

2010-043-001 PAGE : 7 [28] En mars 2010, elle a repris les guides du cabinet et elle a congédié monsieur Berry. Depuis, elle n’a pas retracé la décision de l’Autorité dans le bureau de ce dernier. Elle s’est engagée auprès de La Capitale à faire preuve de tous permis, renouvellements, rattachements ou rapports de plaintes. Toutes ses obligations sont envoyées en copies conformes à La Capitale afin d’être la plus transparente possible. Elle ne veut pas que cela puisse se reproduire et elle souhaite maintenir sa relation d’affaires avec La Capitale. L’Autorité demande de déléguer ses responsabilités à une autre personne, madame Émond précise que La Capitale est déjà dans son dossier et qu’ils vont faire un suivi du respect de ses obligations.

[29] De plus, elle a vécu une mauvaise expérience lorsqu’elle a délégué ses responsabilités à monsieur Berry et elle ne souhaite pas qu’une telle situation se reproduise. Elle n’aurait jamais mis l’inscription de son cabinet en péril pour le paiement d’un montant de 2 000 $. Elle précise qu’elle aurait payé immédiatement la pénalité si elle avait su.

[30] La procureure de l’Autorité a déposé un relevé de Postes Canada confirmant la réception de la lettre du 4 décembre 2009 reçue le 8 décembre 2009 par madame Gauvreau qui est la réceptionniste de l’entreprise. Selon madame Émond, à ce moment, tout ce qui arrivait de l’Autorité était remis à monsieur Berry. Elle avait donné la procuration à monsieur Berry puisqu’elle estimait que ce dernier était en meilleure position pour répondre aux questions de l’Autorité qui avait trait à son inscription.

Représentations [31] La procureure de l’Autorité a souligné qu’une décision a été rendue par l’Autorité suspendant l’inscription du cabinet et que durant cette suspension au moins huit polices ont été vendues et La Capitale a fourni une liste de plus de 80 polices.

[32] Elle a ajouté que des accusations pénales ont été déposées contre madame Émond pour ces faits et l’Autorité demande au Bureau d’ordonner le changement du dirigeant responsable, puisque cette dernière a fait fi d’une décision de l’Autorité et elle a continué d’exercer ses activités.

[33] Ainsi, la procureure de l’Autorité plaide que madame Émond a failli à ses obligations de dirigeante responsable du cabinet puisqu’elle doit s’assurer que le cabinet est conforme à la loi et elle soutient que madame Émond n’a pas la probité requise pour demeurer dirigeante responsable du cabinet.

[34] Le procureur du cabinet intimé mentionne que madame Émond n’a pas fait fi de la décision de l’Autorité, puisqu’elle n’avait pas la connaissance de cette suspension avant le 6 avril 2010. De plus, madame Émond a témoigné à l’effet qu’elle avait corrigé les manquements reprochés après avoir reçu l’avis du 29 octobre 2009. Le seul manquement non corrigé était la pénalité de 2 000 $, et madame Émond l’a corrigé le 6

2010-043-001 PAGE : 8 avril 2010 lorsqu’elle a appris son existence. Le procureur du cabinet intimé souligne que l’enquêteur de l’Autorité n’a pas contredit ces faits.

[35] Madame Émond a communiqué avec La Capitale pour dénoncer la situation, et on ne lui a pas fait de reproches. Elle a pris des mesures pour s’assurer qu’une autre personne effectue des vérifications quant à ses permis, renouvellements ou rattachement.

[36] Le procureur de l’intimé demande le rejet de la demande de l’Autorité, nonobstant le fait que des polices d’assurance aient été vendues alors que l’inscription était suspendue par l’Autorité, il demande de croire la version de madame Émond qui n’avait pas eu connaissance de la décision avant le 6 avril 2010.

DROIT [37] Voici les articles pertinents au présent dossier, tels qu’en vigueur au moment des faits reprochés :

115. L'Autorité peut radier une inscription pour une discipline donnée, la suspendre ou l’assortir de restrictions ou de conditions, lorsqu’elle estime qu’un cabinet ne respecte pas les dispositions de la présente loi ou de ses règlements ou que la protection du public l’exige.

Elle peut imposer, en plus, au cabinet une pénalité pour un montant qui ne peut excéder 100 000 $.

117. L'Autorité signifie au cabinet un avis d’au moins 15 jours de la date à laquelle il pourra présenter ses observations.

L’avis mentionne les faits qui sont reprochés au cabinet. [38] Voici l’article en vigueur au moment du dépôt de la demande de l’Autorité conférant la compétence au Bureau en matière de cabinet inscrit sous la LDPSF :

115. L'Autorité peut, lorsqu'elle estime qu'un cabinet ne respecte pas les dispositions de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l'exige, demander au Bureau de décision et de révision de radier son inscription, de la suspendre ou de l'assortir de restrictions ou de conditions. Elle peut, en plus, demander au Bureau d'imposer au cabinet une pénalité pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $.

Toutefois, l'Autorité peut suspendre l'inscription d'un cabinet, l'assortir de restrictions ou de conditions ou lui imposer une sanction administrative pécuniaire pour un montant qui ne peut excéder 5 000 $, lorsque celui-ci ne respecte pas les dispositions des articles 81, 82, 83 et 103.1 de la présente loi ou ne se conforme pas à une obligation de dépôt de document prévue par règlement. Elle peut également radier l'inscription d'un cabinet lorsque celui-ci ne respecte pas les dispositions de l'article 82 ou des articles 81, 83 ou 103.1, lorsqu'il s'agit de récidive dans ces derniers cas.

2010-043-001 PAGE : 9 ANALYSE [39] Le manquement reproché par l’Autorité au cabinet intimé est assez simple. On reproche au cabinet d’avoir agi à titre de cabinet en assurance de dommages alors que son inscription était suspendue par une décision de l’Autorité du 4 décembre 2009. On lui reproche d’avoir agi sans inscription du 4 décembre 2009 au 6 avril 2010.

[40] Le cabinet intimé, par sa dirigeante madame Céline Émond, admet que des polices d’assurance ont été vendues dans cet intervalle, mais elle soutient qu’elle n’a été mise au courant de cette suspension et de la pénalité de 2 000 $ que le 6 avril 2010, et qu’à ce moment, elle a régularisé la situation en payant la pénalité demandée et c’est pourquoi la suspension a été levée à cette date.

[41] En raison de ce manquement, l’Autorité demande au Bureau en vertu de l’article 115 de la LDPSF d’imposer des conditions à l’inscription, à savoir le remplacement du dirigeant responsable soit madame Céline Émond. À défaut, de procéder à ce remplacement, l’Autorité demande au Bureau de radier l’inscription du cabinet intimé.

[42] La décision de suspension et de pénalité du 4 décembre 2009 faisait suite à un avis du 29 octobre 2009 mentionnant des manquements reprochés au cabinet à savoir, avoir omis d’acquitter des droits prescrits par règlement, ne pas avoir de représentant rattaché à la discipline de l’assurance de personnes, avoir omis de transmettre un rapport de plaintes, ne pas avoir d’assurance responsabilité pour la discipline de l’assurance de personnes. L’Autorité donnait au cabinet jusqu’au 13 novembre 2009 pour transmettre ses observations.

[43] Madame Émond a transmis ses observations à l’effet que monsieur Berry n’était plus rattaché à la discipline de l’assurance de personnes et que c’était la raison pour laquelle elle n’avait pas maintenu d’assurance responsabilité à cet égard. Elle avait omis d’effectuer le retrait de la discipline pour son cabinet, car La Capitale avait avisé l’Autorité du retrait de monsieur Berry comme représentant en assurance de personnes. Elle croyait que cela était suffisant. Pour les rapports de plaintes, elle a réalisé qu’elle devait aussi soumettre ces rapports et qu’ils le seront dorénavant. Elle indiquait que cette lettre représentait pour elle une demande de retrait de monsieur Berry de son cabinet comme représentant en assurance de personnes et de dommages.

[44] Le 4 décembre 2009, après avoir reçu les observations de madame Émond, l’Autorité a rendu sa décision et a suspendu l’inscription du cabinet jusqu’à ce qu’il se soit conformé à la décision, a imposé une pénalité de 2 000 $ et a ordonné que le cabinet cesse d’exercer ses activités tant qu’il ne se sera pas conformé à la décision.

[45] Le soussigné croit la version de madame Émond selon laquelle elle n’aurait pas été avisée de la décision de l’Autorité concernant la pénalité de 2 000 $ et la suspension de l’inscription du cabinet avant le 6 avril 2010. Aussitôt qu’elle en a été

2010-043-001 PAGE : 10 informée, elle a agi avec célérité pour s’y conformer souhaitant le plus rapidement rétablir la situation et l’inscription de son cabinet. Il serait difficile d’imaginer qu’elle aurait été informée de la suspension de son cabinet et de la pénalité de 2 000 $, et qu’elle aurait continué d’exercer ses activités en mettant ainsi en péril l’inscription de son cabinet et en faisant fi de la décision de l’Autorité.

[46] Il appert de la preuve de l’Autorité que la réceptionniste a reçu le 8 décembre 2009 la décision du 4 décembre 2009. Il est probable que la réceptionniste du cabinet ait reçu cette décision et qu’elle l’ait remise à monsieur Berry qui était alors la personne responsable des communications avec l’Autorité, tel que madame Émond l’avait désigné en date du 2 décembre 2009. Ceci est conforme au témoignage de madame Émond qui n’est pas contredit par la preuve de l’Autorité.

[47] Monsieur Berry n’a pas informé madame Émond et lui avait mentionné que suivant la lettre du 13 novembre 2009, tout était correct et qu’elle avait répondu aux manquements reprochés par l’Autorité. Madame Émond a donc poursuivi sa pratique sans se douter que l’inscription du cabinet avait été suspendue. Il est raisonnable de croire que si elle avait été informée dès le 4 décembre 2009 de la décision de l’Autorité, elle se serait assurée de corriger la situation et de payer la pénalité afin d’éviter toutes ces procédures et la mise en péril de l’inscription de son cabinet. Madame Émond pratique dans le domaine de l’assurance depuis 23 ans et depuis 10 ans à son compte et elle avait un dossier sans taches avant de recevoir les présentes procédures.

[48] De plus, il ressort de la preuve que le seul manquement qu’il restait à corriger en date du 6 avril 2010 était le paiement de la pénalité de 2 000 $, puisqu’aussitôt ce paiement effectué à cette date, la suspension a été levée. L’Autorité n’a pas contredit ce fait et l’enquêteuse de l’Autorité n’a pas été en mesure d’expliquer à quel moment les manquements ont été corrigés, son enquête ne portait pas sur cet aspect. Elle a mentionné que c’était le service de la conformité qui s’occupait de cela. Or, personne de l’Autorité n’est venu expliquer quoi que ce soit à ce sujet.

[49] Il appert du témoignage de madame Émond qu’elle a compris l’importance du rôle de dirigeante responsable d’un cabinet inscrit en vertu de la LDPSF et il ne serait pas raisonnable d’imposer à cette dernière de se trouver un nouveau dirigeant responsable à défaut de quoi l’inscription de son cabinet serait radiée. Elle a déjà tenté l’expérience de déléguer ses fonctions à quelqu’un d’autre et cela l’a menée aux présentes procédures. Il s’agit d’un petit cabinet ayant deux représentantes inscrites comprenant madame Émond. Lui ordonner de désigner un autre dirigeant responsable sans lui donner une autre chance de diriger son cabinet, risquerait de mettre un terme à la pratique du cabinet de madame Émond laquelle exerce ses activités depuis 10 ans à son compte.

[50] De plus, il appert que madame Émond a pris des mesures auprès de La Capitale afin que ces derniers effectuent des vérifications quant à ses renouvellements,

2010-043-001 PAGE : 11 rattachements et rapports de plaintes. Selon un courriel déposé par madame Émond et provenant de La Capitale on peut constater les mesures de contrôle intérimaires suivantes :

6) Mesures de contrôles intérimaires Il a été convenu que vous alliez faire le nécessaire afin de transmettre à La Capitale assurances générales inc. ce qui suit :

- Preuve de l’inscription et date d’échéance de ladite inscription auprès de l’AMF de votre cabinet;

- Preuve de votre inscription comme agent en assurance de dommages et date d’échéance de ladite inscription auprès de l’AMF;

- Preuve de l’inscription comme agent en assurance de dommages et date d’échéance de ladite inscription auprès de l’AMF de tout employé ou agent rattaché à votre cabinet;

- Confirmation que votre déclaration bisannuelle de plainte a été faite auprès de l’AMF;

- Aviser La Capitale assurances générales inc. de la réception de tout constat d’infraction ou réclamation en relation avec la non-conformité des opérations de votre Cabinet et/ou de ses agents.

[51] Bien que rendus dans un contexte différent, le Bureau tient compte des facteurs suivants pour prononcer sa décision, lesquels sont tirés du dossier Steven Demers Critères Le type et le nombre de sanctions ainsi Le manquement reproché est d’avoir agi à que la gravité des gestes posés par le titre de cabinet alors que l’inscription était contrevenant

La conduite antérieure du contrevenant Le cabinet intimé et madame Émond n’ont pas eu de condamnation antérieure. Elle avait un dossier sans taches depuis 23 ans de pratique.

La vulnérabilité des clients Les polices d’assurance des clients souscrites auprès de La Capitale par

4 Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

4 : Commentaires suspendue. Cette suspension a été levée lorsque le paiement de la pénalité a été complété.

2010-043-001 PAGE : 12 l’intermédiaire du cabinet intimé n’ont pas été mises en péril par le manquement reproché.

Les pertes subies par les clients Les profits réalisés par le contrevenant

L’expérience du contrevenant Madame Émond pratique dans le domaine de l’assurance depuis 23 ans, et depuis 10 ans elle pratique à son compte.

La position et le statut du contrevenant Madame Émond avait délégué la lors de la perpétration des faits reprochés représentation du cabinet auprès de l’Autorité à monsieur Berry, son conjoint de l’époque, qui avait été rattaché à son cabinet en assurance de dommages et de personnes.

L’importance des activités du Les activités du cabinet intimé sont contrevenant au sein des marchés réduites. financiers

Le caractère intentionnel des gestes Aucun élément intentionnel. posés

Le risque que le contrevenant fait courir Madame Émond ne constitue pas un aux clients et aux marchés financiers si on risque pour ses clients ni pour les lui permet de continuer ses activités Les dommages causés à l’intégrité des Aucun dommage n’a été causé et marchés par la conduite du contrevenant

Le fait que la sanction peut, selon la Madame Émond semble avoir bien saisi gravité du geste posé, constituer un l’importance de respecter ses obligations facteur dissuasif pour le contrevenant et les décisions de l’Autorité et il s’agit mais également à l’égard de ceux qui d’un cas d’espèce qui se prête mal à seraient tentés de l’imiter l’imitation. Le degré de repentir du contrevenant Madame Émond a démontré une volonté réelle de se conformer à la loi et aux

Aucun client n’a subi de pertes. Un profit a été réalisé en raison du manquement reproché.

marchés. l’incident est un cas isolé qui provient du comportement d’une personne qui a été congédiée depuis.

2010-043-001 PAGE : 13 règlements en vigueur. Elle a démontré son regret face à la situation.

Les facteurs atténuants Aussitôt qu’elle a appris pour la pénalité de 2 000 $, elle s’est empressée de corriger ce manquement afin de régulariser la situation. Elle a pris des mesures supplémentaires avec La Capitale pour éviter qu’une telle situation se reproduise.

[52] Par conséquent, le Bureau rejette la demande de l’Autorité et considère que madame Émond est apte à poursuivre ses activités au sein de son cabinet et qu’il n’y a pas lieu de lui ordonner de procéder au remplacement du dirigeant responsable du cabinet.

DÉCISION [53] Après avoir pris connaissance de la demande de l’Autorité et après avoir entendu les témoignages et les représentations des procureurs à l’audience du 10 mars 2011 et pour les motifs susmentionnés, le Bureau de décision et de révision, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers rejette la demande de l’Autorité dans le présent dossier.

Fait à Montréal, le 29 décembre 2011. _(S) Alain Gélinas ___________________ M e Alain Gélinas, président

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