Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Simard

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2024-029

 

 

 

DÉCISION N° :

2024-029-001

 

 

 

DATE :

14 novembre 2025

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

JEAN-NICOLAS BOUTIN-WILKINS

 

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES :

JOCELYNE CHARLAND

STÉPHANIE POTVIN

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

OLIVIER SIMARD

Certificat no 219670

 

Partie intimée

 

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DÉCISION

(demande d’entériner un accord)

 

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APERÇU

[1]  Le Tribunal est saisi d’une demande pour entériner un accord visant le règlement de la présente affaire (« Accord »)[1] entre l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») et Olivier Simard (« Intimé »).

[2]  Dans l’Accord, l’Intimé admet tous les faits énoncés à l’acte introductif, consent à la production des pièces à son soutien et reconnaît des manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] et au Règlement sur l’exercice des activités des représentants[3].

[3]  Essentiellement, à l’occasion d’une opération de courtage hypothécaire pour un client, l’Intimé admet avoir fait des représentations fausses ou trompeuses relativement à une lettre d’approbation hypothécaire et s’être placé en situation de conflits d’intérêts en offrant différentes formes de financement, manquant ainsi à certaines obligations déontologiques.

[4]  C’est dans ce contexte que l’Intimé consent à ce que le Tribunal prononce une série de mesures administratives pouvant se résumer ainsi :

         L’imposition d’une pénalité administrative de 5 000 $;

         La suspension de son certificat pour une période de 7 mois;

         L’assortiment de conditions à son certificat soit : une interdiction d’agir comme dirigeant responsable pour une période de 3 ans, un rattachement à un cabinet pour lequel il n’est pas un dirigeant responsable pour une période de 2 ans, une supervision de ses activités pour une période de 30 mois et le suivi de 2 formations pertinentes.

(« Mesures administratives »)

[5]  Le Tribunal conclut que l’Accord est conforme à la loi et qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner pour mettre en œuvre les Mesures administratives.

ANALYSE

[6]  Essentiellement, un accord est « conforme à la loi »[4] s’il permet d’établir la compétence du Tribunal, notamment par la démonstration d’un manquement ou d’un acte contraire à l’intérêt public[5] relevant d’une loi sur laquelle il peut statuer[6]. Ensuite, la mesure administrative suggérée par les parties, dans les limites des pouvoirs du Tribunal, doit permettre d’atteindre les objectifs poursuivis par la législation applicable[7].

[7]  Bien que le Tribunal favorise la conclusion d’un accord pour régler une affaire, il n’est pas tenu de l’entériner si, par exemple, celui-ci excède sa compétence ou ses pouvoirs, s’il est contraire à l’intérêt public ou s’il déconsidère l’administration de la justice[8].

[8]  Pour ces raisons, le Tribunal doit procéder à une analyse active d’un accord qui lui est soumis, laquelle est tributaire des faits et circonstances de chaque affaire[9].

[9]  Qu’en est-il en l’espèce?

[10]        Les faits pertinents à cette affaire se déroulent en 2021.

[11]        L’Intimé est titulaire d’un certificat lui permettant d’agir dans la discipline du courtage hypothécaire avec rattachement au cabinet Multi-Prêts hypothèques (« Multi-Prêts »). Il est aussi administrateur, dirigeant et actionnaire de la société Placements SGC inc.

[12]        Pendant cette période, un client communique avec Multi-Prêts pour obtenir de l’assistance dans la recherche d’un prêt hypothécaire et l’Intimé devient responsable de ce dossier.

[13]        Peu de temps après, le client fait une promesse d’achat sur une propriété pour un montant de 254 750 $ conditionnelle à l’obtention d’un financement hypothécaire. Malgré ses démarches, l’Intimé ne parvient pas à obtenir un financement pour son client, car celui-ci n’a pas les ressources financières pour faire une mise de fonds de 20 % et il ne satisfait pas non plus aux exigences requises pour obtenir une assurance prêt hypothécaire.

[14]        Pour améliorer le dossier de son client et bénéficier d’un délai supplémentaire dans ses recherches, l’Intimé lui propose d’emprunter à sa mère (celle de l’Intimé) une somme d’argent servant à atteindre une mise de fonds de 20 %. L’Intimé propose également d’emprunter à la société Placements SGC inc. un montant de 203 800 $.

[15]        Tout cela mène l’Intimé à transmettre au vendeur une lettre d’autorisation hypothécaire avec l’en-tête de Multi-Prêts indiquant l’obtention par le client d’un financement privé auprès de Placements SGC inc. Le vendeur refuse toutefois cette preuve de financement.

[16]        À l’échéance du délai pour fournir une preuve de financement, l’Intimé transmet cette fois-ci au vendeur une lettre avec l’en-tête de la Banque Scotia faisant état de l’approbation hypothécaire du client.

[17]        Or, cette lettre s’avère fabriquée par l’Intimé, ce que le vendeur ignore à ce moment. L’Intimé doit donc rapidement trouver une source de financement hypothécaire pour son client avant la clôture de la transaction.

[18]        Quelques jours avant celle-ci, l’Intimé avise le vendeur de certaines difficultés dans le dossier du client. Il propose ensuite au client de lui prêter personnellement la somme nécessaire pour obtenir une mise de fonds de 20 %. Les discussions se poursuivent, la clôture de la transaction est repoussée, mais ultimement, les propositions faites au client ne correspondent pas à sa situation financière.

[19]        Ce dernier communique alors avec l’Autorité et le dirigeant responsable de Multi-Prêts. Son dossier est ensuite pris en charge par un autre courtier hypothécaire. En fin de compte, l’Intimé indemnise le vendeur, acquiert personnellement la propriété et la revend au client quelques mois plus tard au même prix que la promesse d’achat initiale.

[20]        Selon le Tribunal, l’Accord permet d’établir sa compétence par la démonstration de manquements sur lesquels il peut statuer. En effet, l’Intimé a notamment fait des représentations fausses ou trompeuses relativement à une lettre d’approbation hypothécaire[10] et s’est placé en situation de conflits d’intérêts en offrant différentes formes de financement à un client[11].

[21]        Il convient maintenant d’analyser les Mesures administratives suggérées par les parties. À cet égard, le Tribunal constate que l’Intimé consent à celles-ci, qu’il en comprend la portée et s’en déclare satisfait[12]. Lors de l’audience, l’Autorité réfère aussi le Tribunal à certaines décisions pour motiver ces mesures.

[22]        Il faut noter que la LDPSF et ses règlements ont pour objectif de protéger le public en encadrant ce secteur d’activités et ses participants. Pour maintenir la confiance du public envers ce secteur, il s’avère essentiel que ses participants respectent les devoirs et obligations découlant de cette législation[13].

[23]        Pour atteindre ces objectifs, le Tribunal peut exercer ses fonctions et pouvoirs prévus par la législation, dont ceux nécessaires à la mise en œuvre des Mesures administratives proposées par les parties[14]. Ces pouvoirs d’intervention, qui s’exercent en fonction de l’intérêt public, sont de nature protectrice et préventive[15].

[24]        Le Tribunal est d’avis que les Mesures administratives reflètent certains des facteurs habituellement analysés[16] dont le caractère isolé des manquements, la collaboration de l’Intimé et son absence d’antécédent.

[25]        De plus, le Tribunal constate que la pénalité administrative suggérée représente la totalité de celle réclamée dans l’acte introductif et que les autres mesures suggérées qui concernent le certificat de l’Intimé s’en rapprochent également.  

[26]        Dans l’ensemble, les Mesures administratives s’avèrent dans l’intérêt public, car elles permettent d’atteindre les objectifs de la législation applicable, soit la protection du public et le maintien de la confiance de celui-ci dans le secteur financier tout en étant suffisamment dissuasives[17]. Elles ne sont pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[27]        Par conséquent, le Tribunal conclut que l’Accord est conforme à la loi et qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner pour mettre en œuvre les Mesures administratives.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et Olivier Simard, PREND ACTE des engagements qu’il contient, le REND exécutoire et ORDONNE aux parties de s’y conformer;

IMPOSE à Olivier Simard une pénalité administrative au montant de 5 000 $, payable selon les modalités prévues à l’accord;

SUSPEND le certificat d’Olivier Simard, portant le numéro 219670, pour une période de sept (7) mois;

ASSORTIT le certificat d’Olivier Simard, portant le numéro 219670, des conditions suivantes:

          I.       Interdiction d'agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable d'un cabinet, et ce, pour une période de trois (3) ans alors qu'il a un droit d'exercice en vigueur;

        II.       Le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n'est pas le dirigeant responsable pour une période de deux (2) ans alors qu'il a un droit d'exercice en vigueur;

       III.       Le représentant doit, pour une période de trente (30) mois, alors qu'il a un droit d'exercice en vigueur dans la discipline du courtage hypothécaire, exercer ses activités sous la supervision rapprochée d'une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il sera rattaché et approuvée au préalable par l’Autorité des marchés financiers. Le représentant doit faire parvenir à l’Autorité des marchés financiers, au plus tard dans les trente (30) jours précédant la fin de la période de suspension, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant, à défaut de quoi son droit d'exercer les activités de courtier hypothécaire demeurera suspendu administrativement jusqu'à ce qu'il ait satisfait à cette obligation;

      IV.       Le représentant doit compléter et réussir, dans les 120 jours de la présente décision, les formations Analyser les préoccupations des clients et Règle de pratique professionnelle et déontologie en courtage hypothécaire ou deux (2) autres formations pertinentes, lesquelles ne pourront être comptabilisées dans le calcul des unités de formation continue obligatoire à être complétées par ce dernier.

 

 

 

 

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Jean-Nicolas Boutin-Wilkins

Juge administratif

 

 

 

 

Me Édouard Plante-Gagnon

Me Vanessa J. Goulet

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Me Martin Courville

(Ad Litem Avocats s.e.n.c.r.l.)

Pour Olivier Simard

 

 

Date d’audience :

6 novembre 2025

 


 



[1]     Une copie de l’Accord est jointe à la présente décision.

[2]     RLRQ, c. D-9.2 (« LDPSF »), art. 16.

[3]     RLRQ, c. D-9.2, r. 10 (« Règlement sur l’exercice »), art. 16.2, 16.5, 16.6, 16.13 et 16.14.

[4]     RLRQ, c. E-6.1 (« LESF »), art. 97 al. 2 (6o).

[5]     LESF, art. 93 al. 2.

[6]     LESF, art. 93 al. 1.

[7]     Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 36.

[8]     Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 28, 31, 32 et 36.

[9]     Autorité des marchés financiers c. Unissa Assurances inc., 2019 QCTMF 42, par. 60.

[10]    Règlement sur l’exercice, art. 16.13.

[11]    Règlement sur l’exercice, art. 16.6.

[12]    Accord, par. 4 et 6.

[13]    La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, [2013] 3 R.C.S.

756, par. 32 et 49.

[14]    LESF, art. 93, 94 et 97; LDPSF, art. 115.

[15]    Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), [2001] 2 R.C.S. 132.

[16]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[17]    Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, par. 60; Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 72.

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