Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Robertson

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2025-016

 

DÉCISION N° :

2025-016-001

 

DATE :

6 novembre 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

 

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES :

CHRISTINE DUBÉ

 

SYLVAIN POIRIER

JOCELYNE CHARLAND

______________________________________________________________________

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

KARL ROBERTSON

Certificat no 196620

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

APERÇU

[1]  La présente affaire fait suite au dépôt, le 5 juin 2025, par l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») d’un acte introductif d’instance dans lequel il est allégué que Karl Robertson aurait commis des manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (« LDPSF ») et au Règlement sur l’exercice des activités des représentants[2] (« Règlement sur l’exercice »).

[2]  Suivant le dépôt de cet acte introductif d’instance, l’Autorité et Karl Robertson ont conclu un accord visant le règlement du dossier (« Accord »)[3].

[3]  L’Autorité s’adresse au Tribunal afin qu’il entérine l’Accord intervenu entre les parties et prononce les ordonnances suggérées par celles-ci. Les parties demandent au Tribunal d’imposer à Karl Robertson une pénalité administrative de 3 500 $ et d’assortir son certificat de diverses conditions (« Mesures administratives »).

[4]  Lors d’une audience tenue le 5 novembre 2025, le procureur de l’Autorité a présenté au Tribunal les modalités de l’Accord. Karl Robertson était présent et il a confirmé consentir à l’Accord.

[5]  Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que l’Accord est « conforme à la loi » et qu’il est dans l’intérêt public qu’il l’entérine et qu’il mette en œuvre les Mesures administratives.

ANALYSE

[6]  En vertu de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[4] (« LESF »), le Tribunal peut « entériner un accord, s’il est conforme à la loi »[5]. Le Tribunal exerce cette discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public[6].

[7]  Le Tribunal doit donc répondre à la question suivante : L’Accord est-il conforme à la loi permettant ainsi au Tribunal de l’entériner en fonction de l’intérêt public et de mettre en œuvre les Mesures administratives ?

[8]  Le cadre juridique applicable dans le contexte d’une demande pour entériner un accord a été énoncé à plusieurs reprises par le Tribunal, notamment dans la décision Moreau[7]. À cet égard, le Tribunal rappelle que « chaque cas doit être évalué et analysé à la lumière des faits et circonstances de chaque affaire »[8].

[9]  Essentiellement, un accord est « conforme à la loi » s’il permet d’établir la compétence du Tribunal notamment par la démonstration d’un manquement ou d’un acte contraire à l’intérêt public qui relève d’une loi sur laquelle il peut statuer[9]. Ensuite, la mesure administrative proposée par les parties, dans les limites des pouvoirs du Tribunal, doit permettre d’atteindre les objectifs poursuivis par la législation applicable[10].

[10]        Le Tribunal joue donc un rôle actif dans l’analyse qu’il effectue pour déterminer si un accord est « conforme à la loi ». Bien qu’il favorise le règlement d’une affaire par la conclusion d’un accord entre les parties, il n’est jamais tenu d’entériner un accord si, par exemple, celui-ci excède sa compétence ou ses pouvoirs, s’il est contraire à l’intérêt public ou qu’il est de nature à déconsidérer l’administration de la justice[11]. En d’autres mots, en raison de ses fonctions et pouvoirs, le Tribunal ne peut pas simplement se contenter d’estampiller un accord. Il doit veiller au maintien de l’intérêt public[12].

[11]        En l’espèce, en vertu de l’Accord, Karl Robertson admet les faits et les pièces dans l’acte introductif d’instance. Essentiellement, selon l’accord, Karl Robertson admet particulièrement qu’il :

Dossier D.L.

         a transmis ou permis que soit transmise au vendeur et à son client une lettre d’approbation finale attestant faussement qu’un dossier hypothécaire était finalisé;

         a négligé de transmettre les documents et renseignements pour l’obtention d’un prêt hypothécaire de son client, et ce, malgré de nombreux rappels;

         a omis d’informer son client de son départ du cabinet et l’a laissé sans prêt hypothécaire à quelques semaines du déboursé;

Dossier K.H. et M.S.

         a certifié verbalement à ses clients qu’un taux d’intérêt était toujours sécurisé alors que la première demande de préapprobation était annulée, que la seconde demande de préapprobation avait été refusée et qu’aucune autre demande n’avait été soumise;

         a confirmé à la courtière immobilière du vendeur que ses clients étaient préapprouvés pour un prêt de 440 000 $ alors qu’il le savait faux;

         a transmis ou permis que soit transmise au vendeur et à son client une lettre d’approbation finale attestant faussement qu’un dossier hypothécaire était finalisé;

         a fait défaut d’expliquer convenablement la nature et les particularités du prêt garanti par hypothèque immobilière proposé à ses clients, et ce, en omettant d’informer ses clients du délai de 90 jours imposés par le créancier hypothécaire pour la réalisation des travaux;

         a fait signer à ses clients le formulaire de consentement à la collecte, l’utilisation et le partage de renseignements personnels alors que le dossier était complété et que l’achat de la maison était notarié.

[12]        Selon ce qui précède, l’Accord permet d’établir que Karl Robertson a commis des manquements à la LDPSF[13] ainsi qu’au Règlement sur l’exercice[14].

[13]        Il convient maintenant d’analyser les Mesures administratives suggérées par les parties. Le Tribunal prend notamment en considération le fait que Karl Robertson admet les manquements qui lui sont reprochés[15]. L’Accord découle de négociations entreprises entre les parties et le Tribunal doit le mettre en œuvre sauf s’il déconsidère l’administration de la justice ou s’il est contraire à l’intérêt public. Karl Robertson en comprend la portée et s’en déclare satisfait[16].

[14]        Les parties soutiennent que les Mesures administratives reflètent les facteurs aggravants et atténuants habituellement pris en considération par le Tribunal[17]. Ces mesures tiennent notamment compte des manquements commis par l’intimé, leur impact sur la réputation de la profession du courtage hypothécaire et sur la confiance du public et celle des institutions financières envers cette profession. D’autre part, les Mesures administratives tiennent également compte de la bonne collaboration de Karl Robertson pour conclure un accord avec l’Autorité. De plus, les risques de récidive sont grandement diminués du fait que M. Robertson n’œuvre plus dans le domaine du courtage hypothécaire.

[15]        Le Tribunal rappelle que la LDPSF et ses règlements visent principalement à assurer la protection du public[18]. De plus, pour maintenir la confiance du public envers l’industrie du courtage hypothécaire, il s’avère essentiel que ses participants respectent les devoirs et obligations qui découlent de la législation applicable[19].

[16]        Dans l’atteinte de ces objectifs, le Tribunal peut exercer certains pouvoirs, dont ceux nécessaires à la mise en œuvre des Mesures administratives proposées par les parties[20]. Comme mentionné précédemment, le pouvoir d’intervention du Tribunal s’exerce en fonction de l’intérêt public et cette intervention est de nature protectrice et préventive[21]. Le Tribunal peut aussi tenir compte de la dissuasion générale et spécifique dans l’exercice de ce pouvoir[22].

[17]        Selon le Tribunal, les Mesures administratives suggérées par les parties sont raisonnables, car elles permettent d’atteindre les objectifs de la législation applicable, soit la protection du public et le maintien de la confiance du public dans l’industrie du courtage hypothécaire.

[18]        En effet, les circonstances de la présente affaire justifient notamment :

         D’imposer à Karl Robertson une pénalité administrative de 3 500 $;

         D’assortir son certificat de conditions visant à ce qu’il :

o   soit rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable pour une période de trois (3) ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide dans la discipline du courtage hypothécaire;

o   exerce ses activités sous la supervision rapprochée d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il sera rattaché pour une période d’un (1) an, alors qu’il a un droit d’exercice valide dans la discipline du courtage hypothécaire;

o   suive deux formations en sus des cours devant être suivis pour satisfaire à ses obligations aux termes de la formation continue obligatoire.

[19]        Les Mesures administratives reflètent les facteurs aggravants et atténuants habituellement pris en considération par le Tribunal[23]. Ces mesures sont aussi dissuasives, car elles ont pour effet de prévenir que les intimés commettent à nouveau les manquements précités et elles visent à décourager ou à empêcher toute personne susceptible de se retrouver dans une situation similaire[24].

[20]        Le Tribunal conclut donc que l’Accord est conforme à la loi permettant ainsi de l’entériner dans l’intérêt public et de mettre en œuvre les Mesures administratives qui y sont consignées.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, dans l’intérêt public et en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6° et 7°) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et Karl Robertson, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE une pénalité administrative de trois mille cinq cents dollars (3 500 $) à Karl Robertson, payable selon les modalités prévues à l’accord;

ASSORTIT le certificat de Karl Robertson portant le numéro 196620 des conditions suivantes :

a)    Le représentant doit, pour une période de trois (3) ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide dans la discipline du courtage hypothécaire, être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable;

 

b)    Le représentant doit, pour une période d’un (1) an, alors qu’il a un droit d’exercice valide dans la discipline du courtage hypothécaire, exercer ses activités sous la supervision rapprochée d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il sera rattaché. Le représentant doit faire parvenir à l’Autorité des marchés financiers, au plus tard dans les trente (30) jours précédant la fin de la période de suspension, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant, à défaut de quoi son droit d’exercer les activités de courtier hypothécaire demeurera suspendu administrativement jusqu’à ce qu’il ait satisfait à cette obligation. Un rapport de supervision devra être transmis à l’Autorité des marchés financiers mensuellement pour la durée de la supervision;

 

c)    Le représentant doit suivre, dans un délai de 90 jours et en sus des cours devant être suivis pour satisfaire à ses obligations aux termes de la formation continue obligatoire, les formations intitulées « Protéger les personnes en situation de vulnérabilité » et « Analyser les préoccupations des clients » ou deux (2) autres formations pertinentes, à défaut de quoi son droit d’exercice dans la discipline du courtage hypothécaire sera suspendu jusqu’à ce que cette obligation soit satisfaite.

 

Si le certificat du représentant est suspendu ou s’il n’est plus détenteur d’un certificat en vigueur au moment de l’exécution de la présente décision, il devra avoir suivi lesdites formations ou toutes autres formations équivalentes accréditées pour obtenir la délivrance ou la remise en vigueur de son certificat.

 

 

 

 

 

__________________________________

Christine Dubé

Juge administrative

 

 

Me Édouard Plante Gagnon et Me Suzie Cloutier

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Karl Robertson, comparaissant personnellement

 

 

 

Date d’audience :

5 novembre 2025

 


 



[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     RLRQ, c. D-9.2, r.10.

[3]     Une copie de l’accord est jointe à la présente décision.

[4]     RLRQ, c. E -6. 1.

[5]     LESF, art. 97 al. 2 (6 o).

[6]     LESF, art. 93 al. 2.

[7]     Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51.

[8]     Autorité des marchés financiers c. Unissa Assurances inc., 2019 QCTMF 42, par. 60.

[9]     LESF, art. 93 al. 1.

[10]    Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 36.

[11]    Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 28, 31, 32 et 36.

[12]    LESF, art. 93 al. 2 ; La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63 et Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178.

[13]    Art. 16.

[14]    Notamment l’article 16.10.

[15]    Accord, par. 3.

[16]    Accord, par. 7.

[17]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[18]    La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 32 et Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, par. 52.

[19]    La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 49.

[20]    LESF, art. 93 et 94 ; LDPSF, art. 115.

[21]    Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2001 CSC 37.

[22]    Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26.

[23]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[24]    Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26, par. 60 et Autorité des marchés financiers c. Moreau, 2021 QCTMF 51, par. 72.

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