Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Paquet

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2022-017

 

 

 

DÉCISION N° :

2022-017-001

 

 

 

DATE :

9 février 2023

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

JEAN-PIERRE CRISTEL

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

JACQUES PAQUET

 

Partie intimée

 

 

 

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DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

APERÇU

[1]  L’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») est l’organisme responsable de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1]. L’Autorité exerce les fonctions et pouvoirs qui sont prévus à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[2], et ce, de la manière prévue à l’article 8 de cette loi.

[2]  Au moment des faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la présente affaire, soit en 2018 et 2019, l’intimé Jacques Paquet détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui lui permet d’agir à titre de représentant dans la catégorie de l’assurance de dommages (courtier) en tant que représentant autonome[3]. Il fait alors notamment affaire sous la dénomination sociale « Assurances Camionnage J. Paquet » et est membre de la bannière Courtiers d’assurances Unis inc., un cabinet agissant pour lui à titre de cabinet grossiste[4]. L’intimé Jacques Paquet ne détient plus actuellement d’inscription auprès de l’Autorité.

[3]  L’Autorité reproche à l’intimé Jacques Paquet d’avoir commis en 2019, à titre de représentant en assurance de dommages, un grave manquement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en s’appropriant illégalement des sommes d’argent qui appartenaient à trois sociétés clientes assurées et en utilisant celles-ci pour payer ses dépenses personnelles. Ces sommes d’argent avaient été remboursées par une compagnie d’assurance à ces sociétés clientes, et ce, à titre de remboursement de primes d’assurance et divers autres ajustements[5].

[4]  Lors de l’audience qui s’est tenue les 23 janvier et 7 février 2023, les parties ont informé le Tribunal qu’elles ont conclu un accord contenant une recommandation commune à l’égard de l’intimé Jacques Paquet. Cette recommandation commune suggère au Tribunal de lui imposer une pénalité administrative de 52 000 $. 

[5]  La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner cet accord et ainsi mettre en œuvre les recommandations communes des parties qu’il contient ?

[6]  Dans la présente affaire, le Tribunal répond « oui » à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après exposés.

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner l’accord conclu entre les parties et ainsi mettre en œuvre la recommandation commune des parties qu’il contient ?

[7]  Après avoir pris connaissance de l’accord conclu entre les parties, le 12 janvier 2023, le Tribunal décide qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner et de mettre en œuvre la recommandation commune des parties qu’il contient. Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[8]  Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes qui lui sont proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[9]  Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer si la pénalité administrative suggérée à l’encontre de l’intimé Jacques Paquet est raisonnable afin d’assurer la protection du public[6] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[7].

[10]        Le Tribunal a notamment considéré que l’intimé a consenti au dépôt de toutes les pièces[8] présentées au soutien de la demande de l’Autorité et en a admis le contenu. Il a aussi admis tous les faits et manquement décrits dans l’acte introductif d’instance de l’Autorité, et ce, tels que stipulé aux articles 3 et 4 de l’accord susmentionné.

[11]        L’intimé Jacques Paquet a ainsi admis avoir commis, en 2019, un manquement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en s’appropriant illégalement des sommes d’argent qui appartenaient à trois sociétés clientes assurées et en utilisant ces sommes à des fins personnelles. Ces sommes provenaient d’un assureur et devaient être versées à ces sociétés clientes à titre de remboursement de primes d’assurance et de divers autres ajustements[9].

[12]        À cet égard, le Tribunal rappelle qu’au moment où ce manquement a été commis l’intimé Jacques Paquet détenait un certificat de courtier en assurance de dommages, qu’il était dûment inscrit auprès de l’Autorité et qu’il avait l’obligation - en vertu de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers - d’agir avec honnêteté, équité et loyauté dans ses relations avec ses clients.

[13]        En s’appropriant et en utilisant pour satisfaire des besoins personnels de l’argent qui était remboursable à trois de ses clientes, en l’occurrence une société mère et deux sociétés affiliées à celle-ci, l’intimé Jacques Paquet a, de l’avis du Tribunal, manifestement gravement manqué d’honnêteté et de loyauté envers ces clientes.

[14]        Le Tribunal rappelle que le secteur des assurances est un secteur stratégique essentiel au bon fonctionnement de la Place financière ainsi que de l’ensemble de notre société. Il est donc important de veiller à son bon fonctionnement et au maintien de la confiance du public dans tous les intermédiaires qui sont autorisés à y offrir des services.

[15]        Au regard de ces considérations, le Tribunal considère inacceptable le comportement démontré par l’intimé Jacques Paquet dans le cadre de la présente affaire et indique que, dans l’intérêt public, il ne saurait être toléré. 

[16]        Fort heureusement, la procureure de l’Autorité a indiqué au Tribunal que les sociétés lésées par ce grave manquement de l’intimé Jacques Paquet ont obtenu une indemnité équivalente à la perte nette subie, soit une somme de 116 919,71 $, et ce, à la suite d’une décision rendue, le 17 mars 2022, par le Fonds d’indemnisation des services financiers[10].

[17]        L’Autorité étant subrogée dans les droits reliés au paiement de cette indemnité, elle a entrepris des procédures juridiques à l’encontre de l’intimé Jacques Paquet, et ce, en vue d’obtenir le remboursement de cette indemnité en plus des intérêts légaux accumulés.

[18]        Ces procédures se sont poursuivies devant d’autres tribunaux et, à la suite d’un acquiescement total de l’intimé Jacques Paquet, le 21 décembre 2022, à la demande de remboursement susmentionnée de l’Autorité, un jugement[11] a été rendu par la Chambre civile de la Cour du Québec, le 7 février 2023, le condamnant solidairement avec deux appelées en garantie à payer à l’Autorité la somme de 116 919,71$ avec intérêts au taux légal depuis l’assignation, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code de procédure civile.   

[19]        Dans ces circonstances, le Tribunal accepte d’entériner l’accord qui lui a été présenté par les parties, en particulier parce que l’intimé Jacques Paquet ne détient plus aucune inscription auprès de l’Autorité.

[20]        À cet égard, après avoir tenu compte de la gravité du manquement commis par l’intimé Jacques Paquet et des décisions susmentionnées rendues par d’autres instances, le Tribunal considère raisonnable la recommandation commune des parties d’imposer à cet intimé - à titre de mesure dissuasive - une pénalité administrative au montant de 52 000 $, laquelle permet d’assurer la protection du public en rencontrant les objectifs de dissuasion spécifique et générale.

[21]        Par conséquent, après avoir dûment considéré la preuve, l’argumentation, l’accord et les recommandations que lui ont présentés les parties, le Tribunal est prêt, dans l’intérêt public, à entériner cet accord et à mettre en œuvre la recommandation qui lui a été conjointement suggérée.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 97 al. 2 (6° et 7°) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[12] ainsi que de l’article 115 de Loi sur la distribution de produits et services financiers[13] :

ACCUEILLE, dans l’intérêt public, la demande de l’Autorité des marchés financiers;

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et l’intimé Jacques Paquet, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE une pénalité administrative de cinquante-deux mille dollars (52 000 $) à l’intimé Jacques Paquet;

AUTORISE l’Autorité des marchés financiers à percevoir la pénalité administrative imposée.

 

 

 

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Me Jean-Pierre Cristel

Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Suzie Cloutier

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Jacques Paquet, comparaissant personnellement

 

 

 

Date d’audience :

23 janvier et 7 février 2023

 


 



[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     RLRQ, c. E-6.1.

[3]     Pièce D-1.

[4]     Pièce D-2.

[5]     Pièces D-11 à D-13.

[6]     Notamment Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[7]     Notamment Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[8]     D-1 à D-14.

[9]     Pièces D-11 à D-13.

[10]    Pièce D-11.

[11]    Numéro de dossier 350-17-000145-196.

[12]    RLRQ, c. E-6.1.

[13]    RLRQ, c. D-9.2.

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