Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. 515963 Nouveau-Brunswick inc. (APAC Services financiers)

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2020-004

 

 

 

DÉCISION N° :

2020-004-006

 

 

 

DATE :

Le 22 octobre 2021

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

515963 N.B. INC. (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM APAC SERVICES FINANCIERS)

 

et

 

SERVICE À LA CLIENTÈLE ALORICA LTÉE

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

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APERÇU

[1]  L’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers («Tribunal ») une demande visant plusieurs personnes, dont 515963 N.B. inc. (faisant affaire sous le nom APAC services financiers) (« APAC ») et Service à la clientèle Alorica Ltée (« Alorica »), avec qui un accord a été conclu[1].

[2]  APAC est une personne morale inscrite à titre de cabinet en assurance collective de personnes et en assurance de personnes auprès de l’Autorité et Alorica est une personne morale exerçant des activités de centre d’appels et elle ne détient aucune inscription auprès de l’Autorité.

[3]  APAC et Alorica sont des sociétés détenues par le même groupe financier.

[4]  Entre janvier 2014 et avril 2018, APAC et Alorica ont offert par l’entremise d’agents de télémarketing d’Alorica et des représentants certifiés d’APAC les produits d’assurances Protection personnelle et cas d’accident (police no AC4140PH) et Récupaide Plus (police no 910501) émis par la Compagnie d’assurance vie RBC.

[5]  Ces produits étaient notamment offerts par télémarketing selon une méthode de distribution en deux étapes.

[6]  Dans une première étape, un agent de télémarketing initiait un appel avec un client de la Banque RBC, décrivait le produit ainsi que les différentes protections, recueillait les renseignements personnels du client, l’informait de la prime, réfutait les objections et obtenait son adhésion.

[7]  Dans une deuxième étape, l’appel était transféré à un représentant certifié, appelé vérificateur, dont le rôle ne consistait qu’à valider les renseignements obtenus du client par l’agent de télémarketing et à lui énumérer les exclusions relatives au produit. Tant l’agent de télémarketing que le représentant certifié devaient suivre un script préparé par l’assureur, Compagnie d’assurance vie RBC.

[8]  Cette procédure en deux étapes faisait en sorte que les agents de télémarketing offraient les produits d’assurance, alors qu’il s’agit d’une activité réservée exclusivement aux représentants certifiés en assurance.

[9]  Alorica admet qu’en offrant des produits d’assurance par l’entremise de ses agents de télémarketing, elle a agi comme cabinet d’assurances alors qu’elle n’était pas inscrite à ce titre auprès de l’Autorité.

[10]        APAC admet, pour sa part, avoir toléré que ses représentants certifiés ne s’acquittent pas des obligations de conseil qui leur incombent.

[11]        APAC reconnaît qu’en agissant de la sorte, elle a fait défaut d’agir avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec ses clients, de veiller à la discipline de ses représentants et de veiller à ce que ses employés agissent conformément à la loi et à ses règlements.    

[12]        Entre janvier 2014 et avril 2018, 45 122 certificats d’assurance ont ainsi été émis par l’entremise d’APAC et Alorica.

[13]        Selon la documentation échangée entre APAC, Alorica et l’Autorité, le total des gains réalisés par suite de la vente de ces produits d’assurance s’élèvent à 117 000 $ dont environ 99 450 $ sont attribuables aux seules activités d’Alorica.

[14]        Depuis ce temps, Alorica a cessé la distribution de tout produit d’assurance au Québec et APAC s’est engagée au respect de la LDPSF dans un autre dossier l’impliquant auprès du Tribunal[2] concernant des faits similaires survenus simultanément aux faits du présent dossier.

[15]        Le Tribunal doit donc se demander si l’accord conclu entre Alorica et APAC avec l’Autorité est raisonnable et conforme à la loi permettant ainsi au Tribunal de l’entériner, et ce, dans l’intérêt public.

ANALYSE

[16]        Tout d’abord, le Tribunal peut, en vertu de l’article 97 al. 2 (6) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[3], entériner un accord s’il est conforme à la loi.

[17]        Dans l’accord que les parties ont présenté au Tribunal, APAC et Alorica admettent tous les faits contenus à la demande qui les visent et consentent au dépôt de toutes les pièces qui les concernent et en admettent le contenu.

[18]        APAC reconnaît les manquements qui lui sont reprochés, soit d’avoir fait défaut d’agir avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec ses clients, de veiller à la discipline de ses représentants et de veiller à ce que ses employés agissent conformément à la loi et à ses règlements, contrairement aux articles 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[4] (« LDPSF »).

[19]        Alorica reconnaît le manquement qui lui est reproché, soit d’avoir agi à titre de cabinet sans être inscrite à ce titre auprès de l’Autorité, contrairement aux articles 70 et 71 de la LDPSF.

[20]        En conséquence, dans l’accord soumis au Tribunal et en raison de ces manquements, APAC s’engage à payer à l’Autorité un montant de 32 550 $ à titre de pénalité administrative pour avoir commis ces manquements et Alorica s’engage à remettre à l’Autorité la somme de 99 450 $ correspondant aux gains réalisés par suite du manquement qu’elle a commis.

[21]        De plus, Alorica s’engage à se conformer à la LDPSF, notamment en s’engageant à ne pas reprendre la distribution de produits d’assurance au Québec sans inscription auprès de l’Autorité.

[22]        Pour sa part, APAC réaffirme son engagement à respecter la LDPSF qu’elle a déjà pris dans un autre dossier du Tribunal[5] concernant des faits similaires survenus simultanément avec ceux du présent dossier.

[23]        Dans cet autre dossier, APAC avait également consenti à payer une pénalité administrative de 90 000 $ pour ces manquements.

[24]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[25]        Le Tribunal doit également déterminer si les mesures proposées à l’encontre d’APAC et d’Alorica sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[6] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[7].

[26]        Le Tribunal rappelle qu’une recommandation commune consignée dans un accord doit généralement être prise au sérieux, sinon acceptée par le Tribunal, à moins d’être clairement inappropriée dans les circonstances, d’être contraire à l’intérêt public ou de déconsidérer l’administration de la justice.

[27]        Le Tribunal rappelle qu’un accord se basant sur une recommandation commune doit être considéré soigneusement et être entériné s’il est raisonnable selon les circonstances[8].

[28]        En exerçant la discrétion qui lui est conférée en matière de défense de l’intérêt public, le Tribunal a le devoir de s’acquitter pleinement de sa mission, tout comme de s’assurer que l’intérêt des investisseurs et l’ordre public soient pleinement protégés par les mesures qu’il ordonne.

[29]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal a tenu compte des admissions des faits décrits dans la demande faites par APAC et Alorica. Ces admissions sont consignées dans l’accord intervenu.

[30]        Dans son évaluation, le Tribunal a aussi tenu compte de la collaboration d’APAC et d’Alorica afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate au public investisseur et le maintien de l’intégrité de la place financière.

[31]        Le Tribunal a considéré la substance de l’accord qui lui a été présenté par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[32]        Le Tribunal a également examiné des précédents en la matière[9] où des entreprises offrant des services de centre d’appels ainsi que des cabinets d’assurance ont commis des manquements semblables à ceux décrits et admis par les intimées Alorica et APAC dans des circonstances similaires.

[33]        Le Tribunal rappelle que ses ordonnances sont de nature réglementaire[10] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles peuvent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

[34]        Ainsi, il est espéré d’une mesure administrative que son effet dissuasif soit suffisant pour permettre d’éviter que de tels manquements soient commis de nouveau par APAC et Alorica ou par toute autre personne qui serait tentée d’aller dans cette voie.

[35]        Dans la présente affaire, après avoir considéré l’ensemble de la preuve et l’argumentation qui lui a été présentée, le Tribunal en est venu à la conclusion que l’accord intervenu entre APAC et Alorica avec l’Autorité est dans l’intérêt public.

[36]        À cet égard, le Tribunal rappelle que l’article 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoit le pouvoir d’enjoindre à toute personne ou entité de remettre à l’Autorité les montants obtenus par suite d’un manquement à une obligation prévue à la LDPSF.

[37]        Le Tribunal a également le pouvoir d’imposer à l’encontre notamment d’un cabinet une pénalité administrative d’un montant allant jusqu’à deux millions de dollars (2 000 000 $) pour chaque contravention à la loi.

[38]        Le Tribunal est d’avis que les mesures proposées par les parties satisfont les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables eu égard aux précédents analysés.

[39]        Le Tribunal a entendu les représentations des parties et est prêt, dans l’intérêt public, à prononcer une décision conforme aux propositions des parties contenues dans l’accord qu’elles ont conclu.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[11] et des articles 115 et 115.9 (7) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[12] :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et 515963 N.B. inc. (faisant affaire sous le nom APAC services financiers) le 23 septembre 2021, ainsi que les engagements qu’il contient, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et Service à la clientèle Alorica Ltée le 23 septembre 2021, ainsi que les engagements qu’il contient, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE à l’encontre de 515963 N.B. inc. (faisant affaire sous le nom APAC services financiers) une pénalité administrative de 32 550 $, payable selon les modalités prévues à l’accord, pour avoir manqué aux articles 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ENJOINT à Service à la clientèle Alorica Ltée de remettre à l’Autorité des marchés financiers la somme de 99 450 $ qui a été obtenue par suite du manquement constaté d’avoir contrevenu aux articles 70 et 71 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, laquelle somme est payable selon les modalités prévues à l’accord.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Aurélie Gauthier

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Alexander Bayus

(Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.)

Procureur de 515963 N.B. inc. (faisant affaire sous le nom APAC services financiers) et Service à la clientèle Alorica ltée

 

 

 

 

Date d’audience :

6 octobre 2021

 

 



[1] Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[2]     Autorité des marchés financiers c. 515963 NB inc. (APAC), 2018 QCTMF 117.

[3]     RLRQ, c. E-6.1.

[4]     RLRQ, c. D-9.2.

[5]     Dossier portant le numéro 2017-040.

[6]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[7]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[8]     Autorité des marchés financiers c. Dionne2010 QCBDR 75; Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2018 QCTMF 42; Rankin (Re), 2008 ONSEC 6 (CanLII).

[9]     Autorité des marchés financiers c. Gexel Telecom International inc., 2018 QCTMF 62; Autorité des marchés financiers c. 515963 NB inc. (APAC), 2018 QCTMF 117; Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), 2019 QCTMF 13; Autorité des marchés financiers c. Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd., 2016 QCTMF 43; Autorité des marchés financiers c. Rochefort, Perron, Billette et Associés inc., 2015 QCBDR 18.

[10]    Cartaway Resources Corp. (Re)2004 CSC 26.

[11]    RLRQ, c. E-6.1.

[12]    RLRQ, c. D-9.2.

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