Autorité des marchés financiers (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. Coulibaly

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2020-004

 

 

 

DÉCISION N° :

2020-004-005

 

 

 

DATE :

Le 7 mai 2021

 

______________________________________________________________________

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

ADIARATOU COULIBALY

 

Partie intimée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

APERÇU

[1]  L’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers («Tribunal ») une demande visant plusieurs personnes, dont Adiaratou Coulibaly, avec qui un accord a été conclu[1].  

[2]  Adiaratou Coulibaly détient un certificat émis par l’Autorité l’autorisant à agir comme représentante en assurance de dommages des particuliers (courtier) et elle a déjà été inscrite à titre de représentante autonome.

[3]  Adiaratou Coulibaly a, entre le mois de novembre 2014 et le mois d’avril 2018, dans le cadre de son emploi avec Voxdata Solutions inc., offert les produits Protection personnelle et cas d’accident (police no AC4140PH) et Récupaide Plus (police no 910501) émis par la Compagnie d’assurance vie RBC.

[4]  Ces produits étaient notamment offerts par télémarketing selon une méthode de distribution en deux étapes.

[5]  Selon les faits admis à l’accord qu’elle a conclu avec l’Autorité, dans une première étape un agent de télémarketing initiait un appel avec un client de la Banque RBC, décrivait le produit ainsi que les différentes protections, recueillait les renseignements personnels du client, l’informait de la prime, réfutait les objections et obtenait son adhésion.

[6]  Dans une deuxième étape, l’appel était transféré à un représentant certifié, appelé vérificateur, dont le rôle ne consistait qu’à valider les renseignements obtenus du client par l’agent de télémarketing et à lui faire part des exclusions relatives au produit. Tant l’agent de télémarketing que le représentant certifié devaient suivre un script préparé par l’assureur, Compagnie d’assurance vie RBC.

[7]  Adiaratou Coulibaly a agi dans ce cadre à la deuxième étape comme représentante certifiée.

[8]  En suivant ce script, Adiaratou Coulibaly a fait défaut de s’enquérir de la situation de ses clients, d’identifier leurs besoins, de les conseiller adéquatement et de leur décrire le produit proposé, contrairement aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] (« LDPSF »).

[9]  Elle a également fait défaut de se présenter d’une manière conforme aux exigences du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[3] en ne mentionnant pas qu’elle agissait comme représentante autonome ni la discipline dans laquelle elle est autorisée à agir.

[10]        Adiaratou Coulibaly a aussi agi comme représentante certifiée alors qu’elle ne détenait aucun certificat en assurance valide entre novembre 2014 et le 22 juillet 2015 ainsi qu’entre le 18 septembre 2016 et le 31 octobre 2016.

[11]        Elle a également participé à l’émission de certificats d’assurance entre le 22 juillet 2015 et le 18 septembre 2016 alors qu’elle était uniquement rattachée à un cabinet qui n’est pas impliqué dans la distribution de produits offerts par la Compagnie d’assurance vie RBC identifiés précédemment.

[12]        Ainsi, entre novembre 2014 et avril 2018, 421 certificats d’assurance ont été émis par l’entremise d’Adiaratou Coulibaly.

[13]        Le Tribunal doit donc se demander si l’accord conclu entre Adiaratou Coulibaly et l’Autorité est raisonnable et conforme à la loi permettant ainsi au Tribunal de l’entériner, et ce, dans l’intérêt public.

ANALYSE

[14]        Tout d’abord, le Tribunal peut, en vertu de l’article 97 al. 2 (7) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[4], entériner un accord s’il est conforme à la loi.

[15]        Dans cet accord, Adiaratou Coulibaly admet tous les faits contenus à la demande qui la visent et consent au dépôt de toutes les pièces qui la concernent.

[16]        Elle reconnaît les manquements qui lui sont reprochés, soit plus précisément :

         Avoir participé à la vente de produits d’assurance offerts par des personnes non certifiées à cette fin en se limitant à valider les informations personnelles du consommateur et le choix de couverture effectué par celui-ci, après qu’un agent de télémarketing ait décrit le produit au consommateur, ait réfuté ses objections et lui ait donné des conseils en assurance;

         Avoir fait défaut de respecter les obligations qui lui incombaient à titre de représentante certifiée en assurance en :

o   Ne s’enquérant pas de la situation de ses clients afin d’identifier leurs besoins en assurance;

o   Ne les conseillant pas adéquatement et en ne leur offrant pas un produit qui convient à leurs besoins seulement lorsque c'était possible de le faire; et

o   N’indiquant pas à ses clients les exclusions de garanties particulières compte tenu de leurs besoins;

         Ne pas avoir mentionné le fait qu’elle agissait comme représentante autonome ni la discipline dans laquelle elle était  à agir, contrairement aux articles 10 et 12 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

         Avoir participé à l’émission de certificats d’assurance entre le 22 juillet 2015 et le 18 septembre 2016 alors qu’elle était uniquement rattachée à un cabinet qui n’était pas impliqué dans la distribution de produits offerts par la Compagnie d’assurance vie RBC identifiés précédemment, contrevenant ainsi à l’article 14 de la LDPSF;

         Avoir participé à l’émission de certificats d’assurance entre novembre 2014 et le 22 juillet 2015 et entre le 18 septembre 2016 et le 31 octobre 2016 alors qu’elle ne détenait aucun certificat valide en assurance, contrevenant ainsi à l’article 12 de la LDPSF.

[17]        Adiaratou Coulibaly s’engage à payer une pénalité administrative de 5 000 $ selon les modalités décrites dans l’accord pour avoir commis des manquements aux articles 12, 14, 27 et 28 de la LDPSF.

[18]        Adiaratou Coulibaly consent à ce que son certificat portant le numéro 202153 soit assorti de la condition suivante : « la représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable ni l’administratrice, et ce, pour une période de deux ans à compter de la décision à être rendue ».

[19]        Elle consent également à ne pas agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeante responsable de tout cabinet d’assurances pour une période de deux ans.

[20]        Elle consent à ce que son inscription à titre de représentante autonome soit radiée pour une période de deux ans.

[21]        Elle accepte de suivre le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et de réussir l’examen afférent avant de pouvoir s’inscrire à nouveau à titre de représentante autonome.

[22]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[23]        Le Tribunal doit également déterminer si la pénalité administrative ainsi que les autres mesures proposées à l’encontre d’Adiaratou Coulibaly sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[5] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[6].

[24]        Le Tribunal rappelle qu’une recommandation commune consignée dans un accord doit généralement être prise au sérieux, sinon acceptée par le Tribunal, à moins d’être clairement inappropriée dans les circonstances, d’être contraire à l’intérêt public ou de déconsidérer l’administration de la justice.

[25]        Le Tribunal rappelle qu’un accord se basant sur une recommandation commune doit être considéré soigneusement et être entériné s’il est raisonnable selon les circonstances[7].

[26]        En exerçant la discrétion qui lui est conférée en matière de défense de l’intérêt public, le Tribunal a le devoir de s’acquitter pleinement de sa mission, tout comme de s’assurer que l’intérêt des investisseurs et l’ordre public soient pleinement protégés par les mesures qu’il ordonne.

[27]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal a tenu compte des admissions des faits décrits dans la demande faites par Adiaratou Coulibaly. Ces admissions sont consignées dans l’accord intervenu.

[28]        Dans son évaluation, le Tribunal a aussi tenu compte de la collaboration d’Adiaratou Coulibaly afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate au public investisseur et le maintien de l’intégrité de la place financière.

[29]        Le Tribunal a considéré la substance de l’accord qui lui a été présenté par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[30]          Le Tribunal a également examiné des précédents en la matière[8] où des dirigeants responsables, des courtiers et des représentants autonomes ont commis des manquements semblables à ceux décrits et admis par l’intimée dans des circonstances similaires.

[31]        Le Tribunal rappelle que ses ordonnances sont de nature réglementaire[9] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles peuvent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

[32]        Il est espéré d’une pénalité administrative que son effet dissuasif soit suffisant pour permettre d’éviter que de tels manquements soient commis de nouveau par Adiaratou Coulibaly ou par toute autre personne qui serait tentée d’aller dans cette voie.

[33]        Dans la présente affaire, après avoir considéré l’ensemble de la preuve et l’argumentation qui lui a été présentée, le Tribunal en est venu à la conclusion que l’accord intervenu entre Adiaratou Coulibaly et l’Autorité est dans l’intérêt public.

[34]        À cet égard, le Tribunal rappelle que l’article 115 de la LDPSF prévoit le pouvoir d’imposer une pénalité administrative d’un montant pouvant aller jusqu’à 2 millions de dollars pour chaque contravention à une disposition de celle loi ou de ses règlements, ainsi que le pouvoir de suspendre ou d’assortir de restrictions ou de conditions une inscription ou un certificat.

[35]        Le Tribunal a également le pouvoir d’interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un cabinet.

[36]        Selon l’article 146.1 de la LDPSF, les articles 115 et 115.1 de cette loi s’appliquent au représentant autonome.

[37]        Le Tribunal souligne que les représentants autonomes doivent faire preuve d’un degré supérieur de diligence, de professionnalisme et d’habileté, puisqu’ils ne sont pas rattachés à un cabinet et qu’ils sont responsables de veiller eux-mêmes à la conformité de leurs activités.

[38]        Le Tribunal est d’avis que le montant suggéré par les parties à titre de pénalité administrative ainsi que les autres mesures proposées satisfont les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables eu égard aux précédents analysés.

[39]        Le Tribunal a entendu les représentations des parties et est prêt, dans l’intérêt public, à prononcer une décision conforme aux propositions des parties contenues dans l’accord qu’elles ont conclu.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (7) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[10] et des articles 115, 115.1 et 146.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[11] :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et Adiaratou Coulibaly le 3 mai 2021, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE à Adiaratou Coulibaly une pénalité administrative d’un montant de 5 000 $ pour avoir manqué aux articles 10 et 12 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et 12, 14, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, payable selon les modalités prévues dans l’accord;

ASSORTIT le certificat d’Adiaratou Coulibaly portant le numéro 202153 de la condition suivante : la représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable ni l’administratrice, et ce, pour une période de deux ans à compter de la présente décision;

INTERDIT à Adiaratou Coulibaly d’agir directement ou indirectement à titre de dirigeante responsable de tout cabinet d’assurances, et ce, pour une période de deux ans à compter de la présente décision;

INTERDIT à Adiaratou Coulibaly d’agir à titre de représentante autonome, et ce, jusqu’à ce qu’elle suive le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et réussisse l’examen afférent avant d’agir à nouveau à titre de représentante autonome.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Aurélie Gauthier

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Adiaratou Coulibaly, comparaissant personnellement

 

Me Alexander Bayus

(Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.)

Procureur de 515963 N.B. inc. (faisant affaire sous le nom APAC Services financiers) et Service à la clientèle Alorica ltée

 

Me Cynthia Brunet

(Donati Maisonneuve s.e.n.c.r.l.)

Procureure de Compagnie d’assurance vie RBC

 

Me Eric Lemay

(Dussault Lemay Beauchesne s.e.n.c.r.l.)

Procureur de Salia Hema

 

Date d’audience :

6 mai 2021 

 



[1] Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[4]     RLRQ, c. E-6.1.

[5]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[6]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[7]     Autorité des marchés financiers c. Dionne2010 QCBDR 75; Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2018 QCTMF 42; Rankin (Re), 2008 ONSEC 6 (CanLII).

[8]    Autorité des marchés financiers c. Tremblay, 2020 QCTMF 17, Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), 2018 QCTMF 13, Autorité des marchés financiers  c. Yuen, 2020 QCTMF 50; Autorité des marchés financiers c. Cherif-Ouazani, 2021 QCTMF 6.

[9]    Cartaway Resources Corp. (Re)2004 CSC 26.

[10]    RLRQ, c. E-6.1.

[11]    RLRQ, c. D-9.2.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.