Autorité des marchés financiers (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. Baillargeon Bouchard

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2020-002

 

DÉCISION N° :

2020-002-001

 

DATE :

Le 28 janvier 2021

EN PRÉSENCE DE :

Me ANTONIETTA MELCHIORRE

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

FRANÇOIS BAILLARGEON BOUCHARD

et

9347-6760 QUÉBEC INC.

Parties intimées

et

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

et

FÉDÉRATION DES CAISSES DESJARDINS DU QUÉBEC

Parties intervenantes

DÉCISION

aperçu

[1]          Des millions de Québécois, clients de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec (« Desjardins ») ont été victimes d’une fuite de leurs renseignements personnels. Cette fuite de renseignements personnels aurait été commise par un employé de Desjardins qui aurait communiqué les données à des tiers[1].

[2]          L’intimé, M. François Baillargeon Bouchard (« M. Baillargeon Bouchard »), représentant en assurance de personnes et en épargne collective, a admis avoir acheté en 2017 des listes contenant des renseignements sur des clients de Desjardins[2] et de les avoir utilisées jusqu’en septembre 2019 afin de solliciter les personnes mentionnées aux listes dans le but de leur vendre des produits d’assurance.

[3]          Puisque les listes contenant des renseignements personnels de clients de Desjardins achetées et utilisées par M. Baillargeon Bouchard ont possiblement été confectionnées avec des renseignements illégalement obtenus auprès de Desjardins, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a institué une enquête afin de faire la lumière sur cette affaire.

[4]          Avant même de conclure son enquête, l’Autorité demande au Tribunal administratif des marchés financiers (« Tribunal ») d’empêcher de façon provisoire, M. François Baillargeon Bouchard d’exercer sa profession en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective. Selon l’Autorité, il existe des motifs raisonnables et probables de croire que M. Baillargeon Bouchard aurait commis des manquements aux lois et qu’il n’aurait plus la probité ni les compétences requises pour continuer d’exercer sa profession sans compromettre la protection du public.

[5]          Même si M. Baillargeon Bouchard a admis avoir acheté et utilisé les listes contenant des renseignements sur des clients de Desjardins, il prétend que les circonstances entourant leur achat ne laissaient rien présager de suspect ou d’anormal.  Il n’avait aucune raison de se méfier du caractère illégal de la provenance des renseignements contenus aux listes.

[6]          D’après M. Baillargeon Bouchard, puisqu’il a cessé d’utiliser les listes en question, la protection du public n’exige pas la suspension de ses droits d’exercice, qui serait une sanction déraisonnable et excessive.

[7]          Le Tribunal devra répondre à la question en litige suivante :

La protection du public exige-t-elle une suspension provisoire des droits d’exercice de M. Baillargeon Bouchard en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective et le cas échéant, quelles autres mesures sont nécessaires dans les circonstances ?

 

[8]          Selon le Tribunal, la protection du public exige que, pendant la durée de l’enquête de l’Autorité ou jusqu’à une décision à être rendue soit par le Tribunal et/ou par le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« CSF »), M. Baillargeon Bouchard ne devrait pas être autorisé à agir comme représentant en assurance de personnes et en épargne collective. D’autres mesures provisoires qui découlent de la suspension sont également requises afin d’assurer la protection du public.

[9]          Pour conclure que la protection du public exige une suspension immédiate au droit de M. Baillargeon Bouchard d’exercer ses activités en assurance de personnes et en épargne collective, le Tribunal a tenu compte des éléments suivants :

a)            Les circonstances entourant l’achat des listes contenant des renseignements personnels sur des clients de Desjardins;
b)            Les circonstances entourant l’utilisation de ces listes par M. Baillargeon Bouchard, et ce, même après l’annonce de Desjardins sur la fuite des renseignements personnels de ses clients; et
c)             Les circonstances entourant les informations données aux enquêteurs de l’Autorité et de la CSF en ce qui concerne les dates auxquelles M. Baillargeon Bouchard a acheté les listes et les mises à jour des listes.

[10]       D’après la preuve présentée devant le Tribunal, M. Baillargeon Bouchard apparaît ne plus posséder les qualités essentielles requises pour exercer des fonctions de représentant dans le secteur financier. De plus, la probité de M. Baillargeon Bouchard apparaît sérieusement affectée, justifiant, dans l’intérêt public, le prononcé des ordonnances demandées par l’Autorité.

CONTEXTE

[11]       M. Baillargeon Bouchard exerce dans le secteur financier depuis près de 10 ans.

[12]       Il détient un certificat émis par l’Autorité lui permettant d’agir à titre de représentant en assurance de personnes depuis septembre 2011 et en tant que représentant en épargne collective depuis juillet 2015[3].

[13]       M. Baillargeon Bouchard a obtenu un baccalauréat en administration des affaires en 2013[4].

[14]       Avant le 12 mai 2020, M. Baillargeon Bouchard exerçait ses activités en assurance de personnes par l’entremise de l’intimée, le cabinet 9347‑6760 Québec inc., faisant affaire sous la raison sociale « Groupe financier Bouchard »[5] (« Groupe financier Bouchard »). M. Baillargeon Bouchard en est l’actionnaire majoritaire ainsi que son seul administrateur et dirigeant[6].  L’inscription de Groupe financier Bouchard, à titre de cabinet dans la discipline de l’assurance de personnes, a été suspendue par l’Autorité en date du 30 avril 2020, en raison de son défaut de maintenir en vigueur une assurance responsabilité[7].

[15]       Le Curriculum vitae de M. Baillargeon Bouchard fait état de plusieurs prix et mentions honorables, dont finaliste au « prix de la relève de la Chambre de la sécurité financière en 2014 »[8] - un prix décerné à un jeune représentant membre de la CSF ayant démontré une grande aptitude dans sa nouvelle profession. Le lauréat de ce prix manifeste déjà des signes d’excellence dans l’essor de sa carrière[9].

[16]       Dans le formulaire de mise en candidature pour ce prix complété par M. Baillargeon Bouchard[10], il indique qu’il a noué des relations professionnelles solides avec divers professionnels : comptables, gestionnaires de portefeuille et courtiers hypothécaires.  Il appert que plus de 90 % des contrats qu’il a conclus avec ses clients tirent leur origine de références faites par ces professionnels.  Il explique que son modèle d’affaires se concentre sur la prospection de sources de référencement plutôt que sur la prospection directe de clients.

[17]       Il explique que le succès qu’il a eu malgré son jeune âge lui a permis de bénéficier de revenus personnels dans les six chiffres.

[18]       M. Baillargeon Bouchard est choisi parmi les finalistes du Prix de la relève de la CSF, édition 2014[11].

[19]       En 2016 – 2017, M. Baillargeon Bouchard cherche à développer une nouvelle façon de faire de la prospection de clients dans le but d’aider les courtiers à développer leur clientèle et d’aider les clients avec l’achat de produits financiers[12].

[20]       M. Baillargeon Bouchard est intéressé par l’achat de listes de prospection ou de démarchage qui lui permettrait de faire de la prospection de clientèle.  Il admet qu’il avait une connaissance limitée de ce marché, n’ayant jamais acheté ni utilisé ces listes auparavant[13].

[21]       Au début de l’année 2017, M. Jean-Loup Leullier Masse (« M. Leullier Masse ») communique avec M. Baillargeon Bouchard pour lui offrir des listes comportant des informations lui permettant de faire de la prospection de clients pour le marché de l’assurance hypothécaire[14].

[22]       M. Baillargeon Bouchard a connu M. Leullier Masse en 2016 alors que ce dernier était un employé de M. Mathieu Joncas ou de l’une de ses compagnies.  M. Joncas est un partenaire d’affaires de M. Baillargeon Bouchard. Les bureaux de M. Joncas étaient contigus aux bureaux de M. Baillargeon Bouchard. M. Leullier Masse faisait de la prospection pour des prêts privés et pour des hypothèques[15].

[23]       M. Baillargeon Bouchard est particulièrement intéressé par de l’information concernant des clients de Desjardins, car d’après lui, Desjardins est la seule institution à inclure l’assurance dans son taux d’intérêt, ce qui a comme conséquence d’augmenter le prix payé par le client et faciliter par le fait même, la vente d’une nouvelle assurance[16].

[24]       M. Baillargeon Bouchard demande donc à M. Leullier Masse d’obtenir exclusivement de l’information sur des clients détenant un prêt hypothécaire accordé par Desjardins[17], ce que M. Leullier Masse s’engage à lui fournir.

[25]       Pour permettre à M. Baillargeon Bouchard d’effectuer un essai sur le potentiel de réussite de prospection en utilisant les informations contenues aux listes, M. Leullier Masse lui offre gratuitement un échantillon d’une centaine de clients de Desjardins[18].

[26]       Bien que cette liste comportant une centaine de clients de Desjardins offerte par M. Leullier Masse en tant qu’échantillon, ne soit pas déposée au dossier du Tribunal, M. Baillargeon Bouchard n’étant plus en possession de cette liste, il s’agissait d’une liste similaire à celles remises à l’Autorité durant l’enquête et déposées en tant que pièce sous scellés au dossier du Tribunal[19].

[27]       Ces listes, encore en possession de M. Baillargeon Bouchard, comportent 500 pages et contiennent des informations personnelles et confidentielles sur approximativement 18 000 clients de Desjardins.  Plus particulièrement, ces listes sont composées de 14 colonnes différentes dans lesquelles on retrouve le nom, le prénom, l’adresse, l’appartement, la ville, le numéro de téléphone, l’âge, le solde du prêt hypothécaire, le montant total de la prime d’assurance vie et invalidité, le montant de la prime d’assurance invalidité, le montant de la prime d’assurance vie, le taux d’intérêt global des primes assurance vie et assurance invalidité sur le prêt, le coût d’intérêt ainsi que le taux d’intérêt des membres de Desjardins (les « Listes de clients de Desjardins »).

[28]       Les Listes de clients de Desjardins ne contiennent ni titres, ni description des colonnes. C’est M. Leullier Masse qui a fourni à M. Baillargeon Bouchard la description de chaque colonne lorsqu’il lui a présenté son échantillon[20].

[29]       Les Listes de clients de Desjardins contiennent des données précises. Par exemple, la colonne 7 contient le solde du prêt hypothécaire et non le montant du prêt hypothécaire initial. Les montants indiqués dans cette colonne comportent des cents et non des chiffres arrondis. D’ailleurs, dans la colonne 7, aucun montant n’est un chiffre entier[21]

[30]       L’essai effectué par M. Baillargeon Bouchard s’avère concluant, celui-ci décide d’ajouter ce créneau de service complémentaire à ceux déjà offerts par son cabinet[22].

[31]       M. Baillargeon Bouchard admet que son cabinet, Groupe financier Bouchard, a payé une somme approximative de 40 000 $ pour acheter sept Listes de clients de Desjardins comportant des informations sur 40 000 clients de Desjardins, ayant tous souscrit un prêt hypothécaire assuré[23].

[32]       Ces listes ont été achetées en 2017 par l’entremise de la compagnie de M. Leullier Masse, 9348-7486 Québec inc. Cette dernière a émis sept factures, lesquelles sont datées des 7 février, 9 février, 23 juin, 18 juillet, 21 août, 2 octobre et le ou vers le 22  décembre 2017[24]. Groupe financier Bouchard a payé un montant de 41 813,07 $ pour l’acquisition des listes, montant payé par chèque[25].

[33]       M. Baillargeon Bouchard admet qu’il n’a jamais pris le temps d’analyser les factures transmises par M. Leullier Masse[26].  D’ailleurs, il ne s’est jamais rendu compte que pour les premières factures, M. Leullier Masse ne facturait pas les taxes[27].

[34]       M. Baillargeon Bouchard reçoit directement de M. Leullier Masse les Listes de clients de Desjardins, soit en format Excel ou en format papier[28].

[35]       M. Baillargeon Bouchard transmettait une copie des Listes de clients de Desjardins à un téléphoniste, dont il avait retenu les services, lequel prenait des rendez-vous en communiquant avec les personnes apparaissant sur les listes. Une fois le rendez‑vous pris, M. Baillargeon Bouchard avait recruté un jeune représentant financier, lequel rencontrait les clients potentiels[29].

[36]       Entre février 2017 et septembre 2019, le jeune représentant avait réussi à vendre des assurances vie et/ou assurances invalidité à 200 ou 300 personnes apparaissant sur les Listes de clients de Desjardins[30].

[37]       Le 20 juin 2019, Desjardins publie un communiqué de presse dans lequel elle informe le public qu’un de ses employés, congédié depuis, aurait illégalement communiqué à des tiers des renseignements personnels appartenant à 2.9 millions de ses membres. Les renseignements personnels qui ont fait l’objet de la fuite consistent en le nom, prénom, date de naissance, numéro d’assurance sociale, adresse, numéro de téléphone, courriel ainsi que certains renseignements au sujet d’habitudes transactionnelles et de produits détenus chez Desjardins[31].

[38]       En novembre 2019, Desjardins annonce que finalement, ce sont tous ses membres particuliers qui ont été touchés par la fuite de leurs renseignements personnels[32].  En d’autres mots, l’ensemble des 4.2 millions de personnes qui détiennent un compte chez Desjardins ont vu leurs renseignements personnels compromis.

[39]       D’après le rapport annuel de Desjardins pour l’année 2019, la fuite de données personnelles appartenant aux membres particuliers de Desjardins a été causée par un employé qui avait des intentions malveillantes et qui, de par ses fonctions, avait accès non seulement à des renseignements personnels de membres qui avaient un compte auprès des Caisses Desjardins, mais aussi à ceux de détenteurs de cartes de crédit ou de produits de financement. Cette fuite a eu un impact financier pour Desjardins de l’ordre de 108 millions de dollars en coûts, dont certains engendrés afin, notamment, de mettre sur pied des mesures de protection des renseignements personnels[33].

[40]       Bien que cela ne fasse pas preuve de son contenu et uniquement abordé pour  mettre en contexte l’enquête menée par l’Autorité, certains médias ont relaté que des renseignements personnels des clients de Desjardins auraient été transmis par l’ex-employé de Desjardins soupçonné d’être responsable de la fuite des informations confidentielles à M. Leullier Masse, qui serait un de ses amis[34].

[41]       M. Leullier Masse aurait vendu des données personnelles et confidentielles des clients de Desjardins non seulement à M. Baillargeon Bouchard mais à d’autres professionnels[35].

[42]       M. Baillargeon Bouchard admet connaître l’existence du communiqué de presse de Desjardins en juin 2019. M. Baillargeon Bouchard admet également avoir connu l’existence d’articles médiatiques qui ont suivi le communiqué de presse de Desjardins[36].

[43]       M. Baillargeon Bouchard a continué d’utiliser les informations contenues aux Listes de clients de Desjardins afin de solliciter des rendez-vous avec des clients potentiels jusqu’à la perquisition par les autorités policières de son téléphone cellulaire en septembre 2019 en lien avec le vol de données de Desjardins[37].

[44]       Desjardins confirme que les informations contenues à la dernière version des Listes de clients de Desjardins en possession de M. Baillargeon Bouchard sont de nature confidentielle et qu’il s’agit d’informations auxquelles seules des personnes travaillant pour Desjardins ou les clients eux-mêmes ont accès.

[45]       Sur les 18 000 personnes apparaissant sur les Listes de clients de Desjardins, 17 379 personnes ont été retrouvées par Desjardins dans ses bases de données. Ces personnes faisaient affaire ou avaient déjà fait affaire avec Desjardins dans le passé. 

[46]       La qualité du fichier « PDF » des Listes de clients de Desjardins n’a pas permis de confirmer si d’autres personnes faisaient affaire ou avaient déjà fait affaire avec elle.

[47]       Desjardins a également confirmé que pour 3 personnes apparaissant sur les Listes de clients de Desjardins, elle a été en mesure de retracer toute l’information apparaissant dans les 14 colonnes des Listes de clients de Desjardins et a confirmé que ces informations étaient à jour en novembre 2018.  En d’autres mots, selon Desjardins, les informations en ce qui concerne les 3 clients pour lesquels elle a effectué une vérification, ne peuvent avoir été présentes avant novembre 2018 dans quelque registre que ce soit détenu auprès de Desjardins[38].

[48]       Les activités professionnelles exercées par M. Baillargeon Bouchard en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective sont soumises à un encadrement par l’Autorité, qui a comme mission, notamment, de veiller à la protection du public[39].

[49]       Afin de s’assurer que les intervenants du secteur financier se conforment aux obligations qui leur incombent, après la publication notamment de l’article du Journal de Montréal en date du 10 septembre 2019[40], l’Autorité a débuté une enquête afin de faire la lumière sur l’implication de M. Baillargeon Bouchard dans la fuite de données personnelles de Desjardins.

[50]       En tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective, M. Baillargeon Bouchard est aussi membre de la CSF, qui a également pour mission, notamment, d’assurer la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres[41].

[51]       La CSF a, elle aussi, fait enquête sur cette affaire. En juin 2020, le Syndic de la CSF a déposé une plainte disciplinaire contre M. Baillargeon Bouchard devant le Comité de discipline de la CSF lui reprochant notamment l’utilisation des Listes de clients de Desjardins[42].

[52]       Il n’est pas demandé au Tribunal de déterminer comment le vol des données personnelles des clients de Desjardins a été perpétré, pendant combien de temps, par qui, ni comment ce vol aurait pu être évité.

[53]       Le Tribunal n’a pas à conclure de manière définitive si effectivement M. Baillargeon Bouchard a fait défaut de respecter ses obligations légales.  Le Tribunal, à ce stade-ci, doit déterminer si la protection du public justifie le retrait des droits d’exercice de M. Baillargeon Bouchard pendant l’enquête ou jusqu’à une décision à être rendue, soit par le Tribunal et/ou par le Comité de discipline de la CSF.

[54]       Le Tribunal tient d’emblée à dire qu’aucune preuve n’a démontré que M. Baillargeon Bouchard a participé personnellement au vol de données de Desjardins.  Il n’existe aucune preuve d’utilisation des renseignements contenus aux Listes de clients de Desjardins par M. Baillargeon Bouchard à des fins autres que pour la vente des produits d’assurance.  Aucune preuve ne permet d’associer directement M. Baillargeon Bouchard à l’employé de Desjardins qui serait responsable de la fuite des données. Il semble que M. Baillargeon Bouchard a utilisé les Listes de clients de Desjardins sans mauvaise intention et dans le but de rendre un meilleur service aux clients.

[55]       Cependant, le Tribunal est d’avis qu’il dispose d’une preuve suffisante pour conclure que l’intérêt public exige la suspension immédiate de ses certificats d’exercice, de même que les autres mesures provisoires qui en découlent pour la durée et les motifs exposés ci-après.

analyse

[56]       Le Tribunal devra répondre à la question en litige suivante :

La protection du public exige-t-elle une suspension provisoire des droits d’exercice de M. Baillargeon Bouchard en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective et le cas échéant, quelles autres mesures sont nécessaires dans les circonstances ?

[57]       Avant même la conclusion de son enquête, l’Autorité s’adresse au Tribunal afin d’empêcher M. Baillargeon Bouchard de continuer l’exercice de sa profession en demandant la suspension immédiate de ses certificats d’exercice.

[58]       Selon l’Autorité, en raison des informations qu’elle a obtenues durant son enquête, il existe des motifs raisonnables et probables de croire que M. Baillargeon Bouchard a commis plusieurs contraventions à la législation en matière de distribution de produits et services financiers.

[59]       Selon l’Autorité, la protection du public exige le retrait immédiat de M. Baillargeon Bouchard du secteur financier dont la probité est sérieusement mise en doute et les compétences affectées.

[60]       Plus particulièrement, l’Autorité reproche à M. Baillargeon Bouchard :

a)            D’avoir acheté et utilisé des Listes de clients de Desjardins qu’il savait ou aurait dû savoir comportaient des renseignements confidentiels appartenant à Desjardins;
b)            D’avoir omis de remettre en question la légalité des Listes de clients de Desjardins acquises de la part de M. Leullier Masse et d’avoir continué à les utiliser et ce, même après la conférence de presse de Desjardins en juin 2019 et la couverture médiatique qui a suivi;
c)             De ne pas avoir été d’une franchise sans réserve envers elle en ayant fourni des informations incomplètes et/ou erronées :

         en affirmant avoir acquis les Listes de clients de Desjardins uniquement en 2017, alors que les dernières versions des listes en possession de M. Baillargeon Bouchard étaient à jour en novembre 2018; l’Autorité a d’ailleurs procédé à la signification, en date du 1er septembre 2020, d’un Constat d’infraction comportant un chef d’accusation pour entrave à une enquête[43]; et

         en omettant de l’avoir informée que les Listes de clients de Desjardins qu’il avait acquises étaient apparemment mises à jour par M. Leullier Masse, sans frais.

d)            D’avoir fait défaut de s’assurer que M. et Mme Gosselin-Cormier, à qui il a vendu des produits d’assurance, n’étaient pas visés par le vol de données de Desjardins, alors même que ces clients ont été référés par M. Joncas, son partenaire d’affaires perquisitionné lui aussi en septembre 2019 dans le cadre de l’enquête policière sur le vol de données de Desjardins[44]; et
e)            D’avoir fait défaut d’évaluer correctement les besoins de M. et Mme Gosselin-Cormier et de suivre leurs instructions dans le cadre de la souscription d’une police d’assurance vie[45].

[61]       En conséquence de ce qui précède, l’Autorité demande à ce que le Tribunal :

a)            Suspende les certificats d’exercice de M. Baillargeon Bouchard, et ce, pendant la durée de l’enquête de l’Autorité ou jusqu’à décision au mérite à être rendue sur toute demande de radiation ou de levée de suspension qui pourrait être présentée devant le Tribunal jusqu’à une décision finale du Comité de discipline de la CSF sur la plainte disciplinaire; 
b)            Ordonne à M. Baillargeon Bouchard de cesser d’agir dans toutes les disciplines pour lesquelles il est certifié;
c)             Ordonne au cabinet Groupe financier Bouchard de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de M. Baillargeon Bouchard, lequel devra avoir été préalablement approuvé par l’Autorité et ce, dans les quarante-cinq (45) jours de la signification de la décision à intervenir;
d)            Ordonne au cabinet Groupe financier Bouchard, d’informer l’Autorité dans les quinze (15) jours de la signification de la décision à intervenir, des démarches qu’il entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable;
e)            Interdit à M. Baillargeon Bouchard d’exercer toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs;
f)              Enjoint à M. Baillargeon Bouchard de se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[46] (« LDPSF »), de cesser d’agir comme représentant au sens de cette loi ou de se présenter comme tel;
g)            Ordonne à M. Baillargeon Bouchard ainsi qu’au cabinet Groupe financier Bouchard de remettre à l’Autorité toutes listes de clients obtenues de M. Leullier Masse ou de toutes autres personnes physiques ou morales, comportant les informations personnelles de clients de Desjardins, y compris toute copie, et ce, sous quelque forme que ce soit[47].

[62]       Même si M. Baillargeon Bouchard, par l’entremise du cabinet Groupe financier Bouchard, a admis avoir acheté de la compagnie de M. Leullier Masse les Listes de clients de Desjardins contenant des renseignements sur des prêts hypothécaires, il affirme que les circonstances entourant leur achat ainsi que les informations y apparaissant ne laissaient rien présager de suspect ou d’anormal[48].

[63]       M. Baillargeon Bouchard prétend avoir acquis les Listes de clients de Desjardins dans le cours normal de ses affaires[49].

[64]       M. Baillargeon Bouchard soumet qu’au moment où il s’est porté acquéreur des listes, il n’avait aucune raison de se méfier du caractère illégal de la provenance des listes ou des informations y-contenues. D’ailleurs, la fuite de renseignements personnels des clients de Desjardins n’avait pas encore été médiatisée au moment de son achat des listes[50].

[65]       D’après M. Baillargeon Bouchard, qui connaissait très peu le marché de la vente de listes de prospection, M. Leullier Masse œuvrait dans ce marché, qui n’est pas un marché illicite ou illégal[51].

[66]       Finalement, d’après M. Baillargeon Bouchard, les renseignements se retrouvant sur les listes qu’il a achetées ne sont pas confidentiels, car ils sont déjà disponibles, sinon retraçables par la consultation de différents sites Internet, tel que celui du Registre foncier du Québec ou par l’entremise d’entreprises spécialisées dans ce secteur d’activité économique[52].

[67]       Sur l’existence des données personnelles, M. Baillargeon Bouchard relève l’utilisation répandue de robots informatiques permettant de recueillir et d’assembler divers types de données comme celles contenues aux listes qu’il a acquises[53].

[68]       D’après M. Baillargeon Bouchard, le fait qu’il ait continué d’utiliser les Listes de clients de Desjardins après la diffusion du communiqué de presse de Desjardins, s’explique par sa conviction qu’il n’y avait aucun lien entre les Listes de clients de Desjardins en sa possession et le vol de données dont Desjardins a été victime.  D’ailleurs, M. Baillargeon Bouchard prétend qu’avant la perquisition de son téléphone cellulaire en septembre 2019, les médias ne faisaient mention ni de M. Leullier Masse ni de sa compagnie 9348-7486 Québec inc. en lien avec le vol chez Desjardins.

[69]       M. Baillargeon Bouchard affirme avoir immédiatement cessé d’utiliser les listes au moment où il a appris que les listes acquises étaient possiblement liées au vol de données de Desjardins, c’est-à-dire lors de la perquisition de son téléphone cellulaire en septembre 2019[54].

[70]       De plus, il rappelle qu’il a souscrit un engagement auprès du Tribunal de ne plus utiliser les Listes de clients de Desjardins[55].

[71]       En ce qui concerne la transmission d’informations fausses ou incomplètes aux enquêteurs de l’Autorité et de la CSF, il soumet qu’il n’y a aucune preuve d’achat de listes après l’émission de la dernière facture émise par la compagnie 9348-7486 Québec inc. de M. Leullier Masse le ou vers le 22 décembre 2017, ce qui corrobore son témoignage qu’il n’a pas acheté de nouvelles listes après 2017.

[72]       En ce qui concerne le fait que les Listes de clients de Desjardins étaient à jour en novembre 2018, il soumet ne jamais avoir été questionné à ce sujet, ni par l’Autorité ni par la CSF et que de toute façon, les mises à jour des Listes de clients de Desjardins qu’il a candidement admis lors de son témoignage à l’audience, n’avaient pas pour objet d’ajouter le nom de nouvelles personnes sur les listes.

[73]       Il soutient qu’il n’y a aucun risque pour le public à ce qu’il lui soit permis de continuer d’exercer sa profession. Les conclusions recherchées par l’Autorité sont draconiennes.

[74]       Selon M. Baillargeon Bouchard, à supposer même qu’il ait commis une erreur de bonne foi en achetant les Listes de clients de Desjardins, une fois que l’on considère les circonstances ainsi que son comportement, il serait déraisonnable de conclure à la suspension immédiate de ses certificats d’exercice même de façon provisoire.

[75]       Finalement, M. Baillargeon Bouchard déplore l’absence de recours contre Desjardins, son ex-employé, apparemment responsable du vol des données ainsi que contre M. Leullier Masse ou sa compagnie de qui il a acheté les listes.  M. Baillargeon Bouchard considère que les procédures intentées contre lui par l’Autorité constituent de « l’acharnement ».

Le droit applicable

[76]       Le Tribunal est saisi d’une demande de l’Autorité visant à prononcer diverses ordonnances provisoires à l’égard de M. Baillargeon Bouchard et du cabinet Groupe financier Bouchard pendant la durée de l’enquête menée par l’Autorité ou jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le Tribunal et/ou jusqu’à une décision finale du Comité de discipline de la CSF suite à l’institution par le Syndic de la CSF de la plainte disciplinaire contre M. Baillargeon Bouchard.

[77]       Le Tribunal peut prononcer des mesures provisoires en vertu de l’article 97 (al. 2, par. 3o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[56] (« LESF ») qui est ainsi libellé :

« Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence.

En outre des pouvoirs que lui attribue la loi, le Tribunal peut: 

[…]

3. rendre toute ordonnance, y compris une ordonnance provisoire, qu’il estime propre à sauvegarder les droits des parties ou lorsque la protection du public l’exige. »

[78]       De plus, l’article 115 de la LDPSF prévoit spécifiquement que le Tribunal peut, après l’établissement de faits portés à sa connaissance, suspendre un certificat lorsqu’il existe notamment une contravention à une disposition de la LDPSF ou lorsque la protection du public l’exige.

[79]       De la même façon, l’article 152 de la Loi sur les valeurs mobilières[57] (« LVM ») prévoit que le Tribunal peut suspendre des droits d’inscription lorsque l’intérêt public le justifie.

[80]       La notion fondamentale de ces ordonnances est la protection du public qui est au centre de l’exercice de la compétence du Tribunal. Le Tribunal doit toujours exercer sa discrétion en fonction de l’intérêt public[58]

[81]       La protection du public comme objectif fondamental de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi que de la Loi sur les valeurs mobilières a été confirmée notamment par la Cour d’appel du Québec à maintes reprises[59].

[82]       Le Tribunal doit se questionner à savoir si le public serait en danger si on laissait M. Baillargeon Bouchard poursuivre ses activités en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective pendant l’enquête de l’Autorité et essentiellement jusqu’à une décision finale du Tribunal suivant le dénouement des procédures disciplinaires par le Comité de discipline de la CSF.

[83]       L’Autorité peut entreprendre une enquête lorsqu’elle a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu un manquement à une loi[60]. Dans le cadre de son application de la LDPSF, l’Autorité a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l’exercice des activités régies par cette loi[61]. En cours d’enquête, conformément à l’article 97 (al. 2, par. 3o) de la LESF, si elle est d’avis, par exemple, que la protection du public peut être mise en péril, elle peut saisir à tout moment le Tribunal d’une demande visant à sauvegarder le droit des parties ou visant à prononcer des ordonnances provisoires dans le but de protéger le public.

[84]       Puisque la protection de l’intérêt public peut exiger parfois que le Tribunal intervienne à des étapes différentes d’une enquête, incluant au début de celle-ci, la preuve de l’Autorité pourra atteindre différents degrés selon l’état d’avancement de son enquête. Le moment de son intervention sera généralement déterminé en fonction de la gravité des faits reprochés et de leur impact sur la protection du public.

[85]       D’ailleurs, si on revient à l’article 97 (al. 2, par. 3o) de la LESF, le Tribunal peut rendre toute ordonnance incluant une ordonnance provisoire dans deux conditions. La première, nécessaire à sauvegarder les droits des parties et la deuxième, lorsque la protection du public l’exige.  Clairement, dans le cas qui nous occupe, le Tribunal doit se satisfaire de la nécessité de protéger le public afin de déterminer si oui ou non il rendra les ordonnances provisoires requises.

[86]       Les parties ne sont pas d’accord avec la preuve nécessaire permettant au Tribunal de rendre les ordonnances provisoires.  Les parties ne s’entendent pas sur la qualification de la preuve ni sur la façon dont on prouve des faits sur lesquels reposent leurs prétentions ni sur le fardeau ou degré de preuve. L’Autorité prétend qu’elle n’a pas à démontrer factuellement la commission de contraventions de manière prépondérante tel que le soumettent les intimés, qui prétendent qu’une preuve prima facie des contraventions n’est pas suffisante.

[87]       Puisqu’il s’agit d’ordonnances « provisoires » qui sont demandées au Tribunal afin de protéger le public, en principe, l’Autorité n’est pas nécessairement en position de présenter toute sa preuve. Autrement, le Tribunal pourrait être saisi d’une demande pour l’obtention de mesures administratives. Afin de justifier l’émission d’ordonnances provisoires, le fardeau de preuve exigé est une démonstration prima facie de l’existence de manquements ou d’actes contraires à l’intérêt public justifiant l’intervention immédiate du Tribunal. 

[88]       Forcément, le Tribunal doit se satisfaire d’une preuve prima facie qui repose en grande partie sur les faits allégués dans l’acte introductif d’instance.  Essentiellement, l’Autorité doit établir prima facie les faits justifiant la nécessité pour le Tribunal de rendre les ordonnances provisoires dans l’intérêt public. 

[89]       La Cour d’appel dans l’affaire récente Ville de St-Constant c. Succession de Pépin[62] qualifie la preuve prima facie de « démonstration sommaire, superficielle et d’apparence, qui n’a pas à faire l’objet d’un examen substantiel et approfondi ».  Le Tribunal fait siens ses propos pour qualifier la nature de la preuve à l’étape des mesures provisoires.

[90]       Au stade des mesures provisoires, le Tribunal n’est pas saisi du fond de l’affaire, à savoir si des manquements ont effectivement été commis ni si les moyens de défense sont recevables[63].  Le Tribunal doit déterminer si « en apparence » des manquements ont été commis ou s’il existe « en apparence » des actes contraires à l’intérêt public qui justifieraient son intervention immédiate. D’ailleurs, dans plusieurs décisions du Tribunal, on réfère aux termes « manquements apparents »[64].

[91]       De plus, dans le cadre de mesures provisoires, le Tribunal doit se garder de trancher le fond du litige et de procéder à un examen approfondi sur le fond.  Nécessairement, il y aura un débat final sur l’affaire qui lui obéira à un fardeau et/ou degré de preuve différent.

[92]       La gravité des gestes allégués aura un impact sur le niveau de preuve qui sera requis pour justifier une ordonnance provisoire immédiate. La nature de l’ordonnance demandée et son impact sur la personne inscrite seront également à prendre en considération.

[93]       De plus, la preuve prima facie de l’existence de manquements ou d’actes contraires à l’intérêt public doit être suffisamment convaincante pour permettre au Tribunal de rendre des ordonnances provisoires.

[94]       Il devra être démontré que les gestes reprochés sont suffisamment graves et sérieux et que la protection du public risque d’être compromise si l’on permet à la personne inscrite de poursuivre ses activités.

[95]       À l’étape d’une demande d’ordonnance provisoire, le fardeau de preuve qui incombe à la partie intimée est le même que celui de l’Autorité. L’intimé doit, sur la base de faits établis prima facie, démontrer que la protection du public ne serait pas en danger s’il continue à exercer ses fonctions en tant que représentant en assurance de personnes et en épargne collective.

[96]       Sur la base des deux preuves prima facie, celle de l’Autorité et celle de M. Baillargeon Bouchard et du cabinet Groupe financier Bouchard, le Tribunal retiendra celle qui est la plus probable des deux ou celle qui est « prépondérante » et donc qui convaincra le Tribunal de la nécessité ou non de prononcer les mesures provisoires pour protéger le public[65].

[97]       La compétence du Tribunal d’intervenir dans l’intérêt public doit s’apprécier en fonction des objectifs de la législation. La LDPSF est une loi d’ordre public[66] ayant pour objectif d’assurer la protection du public dans le secteur de la distribution de produits et de services financiers[67]. Les mesures mises en place pour atteindre cet objectif s’articulent principalement autour du contrôle de l’exercice des activités des représentants et des cabinets et par le maintien rigoureux de la conformité et de la discipline[68].

[98]       Dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. FD de Leeuw & associés inc., le Tribunal a qualifié la nature du rôle des représentants financiers de la façon suivante : 

« [36] … les personnes inscrites agissent auprès du public à titre de première ligne de défense des marchés et leur conduite doit viser à protéger les intérêts de leurs clients et contribuer à maintenir l’intégrité des marchés. »[69]

[99]       En vertu de la LDPSF, un représentant doit exercer ses activités avec honnêteté et loyauté et agir avec compétence et professionnalisme[70].

[100]    En vertu du Code de déontologie de la CSF, la conduite d’un représentant doit être empreinte de dignité, de discrétion, d’objectivité et de modération  Le représentant doit également faire preuve de diligence à l’égard de son client ou de tout client éventuel[71]. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité[72]. Il doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux[73] et ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente[74].

[101]    En vertu du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[75], le représentant doit faire preuve de diligence dans l’exercice de ses activités de représentant[76].

[102]    La probité d’un représentant est également une qualité essentielle à l’exercice de sa profession[77]

[103]    La probité constitue « une vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l’honnêteté et la justice et par la loi »[78].

[104]    Cette qualité est si cruciale à l’exercice des activités de représentant dans le secteur financier, qu’il est prévu à l’article 220 de la LDPSF qu’une inscription peut être refusée par l’Autorité ou ne pas être renouvelée par elle sur le fondement qu’une personne ne possède pas ou ne posséderait plus cette qualité :

« [97]           Tout cela étant considéré, il va de soi que la mission de protection confiée à l'intimée comporte un volet préventif, qui s'incarne pour partie dans l'article 220 L.d.p.s.f. : si, de l'avis de l'intimée, un représentant ne possède pas — ou ne possède plus — la probité nécessaire à l'exercice de ses fonctions ou présente un risque à cet égard, elle peut refuser de délivrer ou de renouveler un certificat. Cette fonction préventive est essentielle et on ne peut certes pas imposer à l'intimée de n'agir qu'après le fait, c'est-à-dire après un verdict ou un plaidoyer de culpabilité. »[79]

[105]    La Cour d’appel, toujours dans l’affaire Bruni, a d’ailleurs affirmé que l’article 220 de la LDPSF qui réfère à la probité « fait écho à l’article 16 de la même loi », qui prévoit l’obligation du représentant d’agir avec honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme[80].

[106]    L’exercice d’activités dans un secteur protégé et hautement réglementé est un privilège qui implique que les personnes qui s’y engagent acceptent de se soumettre à des règles strictes encadrant leurs activités[81]. Il revient donc à celui qui exerce une activité réglementée de connaître les règles qui s’appliquent à sa pratique et de maintenir à jour ses connaissances selon l’évolution de ses activités.

[107]    Considérant le rôle important des personnes inscrites dans le secteur financier, le respect des dispositions d’ordre public l’emportera généralement sur les inconvénients causés par une suspension provisoire[82], dans un contexte où la protection du public serait mise en péril par la poursuite des activités pendant l’enquête ou jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue.

Les raisons qui justifient l’intervention du Tribunal

[108]    Selon le Tribunal, la protection du public exige une suspension provisoire aux droits de M. Baillargeon Bouchard d’exercer ses activités de représentant en assurance de personnes et en épargne collective en raison : a) des circonstances entourant l’achat des Listes de clients de Desjardins, b) des circonstances entourant l’utilisation des Listes de clients de Desjardins et c) des informations données aux enquêteurs de l’Autorité et de la CSF relativement aux dates auxquelles il a acheté les listes et aux mises à jour des listes.

a)            Circonstances entourant l’achat des Listes de clients de Desjardins

[109]    Somme toute, la preuve permet au Tribunal de conclure que M. Baillargeon Bouchard en connaissait très peu sur M. Leullier Masse au moment où ce dernier lui offre d’acheter les listes de prospection et alors qu’il prend la décision d’ajouter ce nouveau créneau à sa pratique.

[110]    À l’audience, M. Baillargeon Bouchard témoigne qu’il avait la perception que la compagnie de M. Leullier Masse œuvrait dans le domaine de la prospection.  Cependant, il a admis n’avoir posé aucune question sur M. Leullier Masse ni sur sa compagnie.  Il n’a effectué aucune démarche afin d’en savoir davantage sur M. Leullier Masse, sur ses méthodes de confectionner des listes de prospection, sur les services qu’il offrait, les prix, ni même sur ses clients.

[111]    Aucune preuve n’a été faite sur la nature de la prospection effectuée par M. Leullier Masse en 2016 alors qu’il travaillait pour M. Mathieu Joncas ou pour une de ses compagnies et combien de temps il aurait travaillé pour lui. Aucune preuve n’a été faite quant aux activités professionnelles de M. Leullier Masse après son départ de la compagnie de M. Mathieu Joncas. Aucune preuve n’a été faite sur les activités commerciales de la compagnie de M. Leullier Masse, 9348-7486 Québec inc., qui a vendu les listes à M. Baillargeon Bouchard.

[112]    On ignore si M. Leullier Masse travaille seul ou s’il bénéficiait d’une force de travail.  On ignore où sont situés ses locaux. On ignore s’il possédait un site Internet. M. Leullier Masse et sa compagnie ne semblent pas être des joueurs dans l’industrie de la confection et la vente de listes de prospection.

[113]    M. Baillargeon Bouchard n’a posé aucune question à M. Leullier Masse sur la façon dont il était en mesure de lui offrir une liste composée de clients détenant un prêt hypothécaire accordé par Desjardins ni sur la provenance des informations comprises dans ces listes, notamment sur la précision de certaines données.  M. Baillargeon Bouchard n’a posé aucune question à savoir si les clients de Desjardins avaient consenti à la divulgation de leurs renseignements personnels[83].

[114]    D’emblée, le Tribunal a de la difficulté à justifier comment un conseiller financier peut se lancer dans l’utilisation de listes de prospection sans poser aucune question, sans effectuer aucune démarche, sans intérêt pour en connaître davantage sur cette nouvelle façon de faire du développement de la clientèle qui fait appel à l’utilisation d’informations personnelles.

[115]    D’après le Tribunal, M. Baillargeon Bouchard se devait de confirmer la légitimité de M. Leullier Masse dans le domaine de la confection et de la vente de listes de prospection.  M. Baillargeon Bouchard se devait tout autant de poser des questions, devant la nature des informations inscrites sur les listes, afin de s’assurer de la légalité des Listes de clients de Desjardins et afin de s’assurer que les clients de Desjardins avaient consenti à la divulgation de leurs renseignements.

[116]    L’absence de questionnement de la part de M. Baillargeon Bouchard est d’autant plus déplorable, car il reconnaît l’ampleur du travail requis et les effectifs nécessaires afin de confectionner une liste comme celles qu’il a achetées de M. Leullier Masse[84].

[117]    De plus, il est important de noter que M. Leullier Masse fournissait des listes contenant des secteurs géographiques du Québec précis demandées par M. Baillargeon Bouchard. Comment faisait M. Leullier Masse pour être capable de confectionner, sur demande, une liste de clients hypothécaires de Desjardins situés dans plusieurs villes du Québec.

[118]    Selon le Tribunal, il est invraisemblable que M. Baillargeon Bouchard n’ait posé aucune question à M. Leullier Masse sur réception de l’échantillon contenant de l’information appartenant à une centaine de clients de Desjardins.

[119]    Le Tribunal a eu l’opportunité de réviser les Listes de clients de Desjardins, encore en possession de M. Baillargeon Bouchard, et déposées en tant que pièce sous scellés, lesquelles totalisent 500 pages et comportent approximativement 18 000 entrées et informations personnelles et confidentielles de clients et a été choqué, voire même indigné, de cette intrusion chez des clients de Desjardins.

[120]    Pourquoi M. Baillargeon Bouchard ne s’est pas questionné sur le fait que les Listes de clients de Desjardins ne contenaient ni titres, ni description des différentes colonnes.

[121]    Il s’agit pour M. Baillargeon Bouchard d’un nouveau marché dont il ne connaissait aucunement les paramètres, autres que sa perception qu’il s’agissait d’une pratique commerciale courante dans l’industrie d’utiliser des listes de prospection[85]. Dans cette perspective, il se devait de confirmer la légalité des listes et son droit d’utiliser les informations y-contenues.

[122]    D’après M. Baillargeon Bouchard, les renseignements se trouvant sur les Listes de clients de Desjardins ne sont pas confidentiels, car ils étaient accessibles publiquement sur différents sites Internet tel celui du Registre foncier du Québec ou par l’entremise d’entreprises spécialisées dans ce secteur d’activité économique.

[123]    Tout d’abord, le Tribunal note que c’est uniquement après la perquisition de son téléphone cellulaire que M. Baillargeon Bouchard a commencé à faire des recherches pour vérifier s’il était possible de retrouver les renseignements inclus dans les Listes de clients de Desjardins sur les registres publics[86].

[124]    Même si la preuve a démontré que certaines informations apparaissant sur les Listes de clients de Desjardins étaient accessibles au public non sans d’importantes démarches, dont certaines coûteuses[87], selon le Tribunal, cela ne justifie pas l’achat et l’utilisation de ces listes par M. Baillargeon Bouchard dans les circonstances ci-dessus mentionnées.  Le Tribunal considère que M. Baillargeon Bouchard devait se poser des questions notamment sur la provenance et sur la précision des informations contenues aux listes ainsi que sur le consentement des personnes y-apparaissant.

[125]    D’après le Tribunal, eu égard à la preuve requise afin d’émettre les ordonnances provisoires demandées par l’Autorité, il n’est pas nécessaire d’analyser les tenants et aboutissants du marché des listes de prospection, ni de faire un débat exhaustif sur la confection et l’accessibilité publique des renseignements contenus aux Listes de clients de Desjardins.

[126]    L’inexpérience de M. Baillargeon Bouchard et ses connaissances limitées du marché de la prospection ne justifient pas son comportement. Au contraire, son inexpérience et ses connaissances limitées confirment la nécessité pour M. Baillargeon Bouchard de poser des questions en agissant à titre de représentant compétent, consciencieux et diligent.

[127]    D’après M. Baillargeon Bouchard, en ne questionnant pas M. Leullier Masse, il aurait fait preuve de naïveté et de candeur qui ne sauraient justifier les ordonnances demandées.  Le Tribunal est en désaccord.  L’omission de questionner M. Leullier Masse sur les Listes de clients de Desjardins ainsi que sur le consentement de ces derniers a persisté pendant presque trois ans et ne saurait justifier le comportement de M. Baillargeon Bouchard qui est une personne inscrite dans un secteur hautement réglementé.

[128]    Dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. FD de Leeuw & Associés inc.[88], le Tribunal avait retenu que l’intimé avait fait preuve d’aveuglement volontaire en n’effectuant aucune vérification et qu’ainsi il n’avait pas respecté ses obligations de compétence :

« [73]        Ce faisant M. De Leeuw n’a pas respecté ses obligations de compétence qui sont continues tout au long de son inscription et a fait preuve d’aveuglement volontaire devant des faits qui auraient pu lui laisser croire que certains clients étaient des résidents du Québec. Par ailleurs, il a admis avoir été délibérément évasif et qu’il aurait dû répondre de manière plus précise à l’Autorité.»

[Notre emphase]

[129]    Tout comme dans cette affaire, le Tribunal est d’avis que M. Baillargeon Bouchard aurait aussi fait preuve d’aveuglement volontaire.

b)            Circonstances entourant l’utilisation des Listes de clients de Desjardins

[130]    M. Baillargeon Bouchard a admis avoir utilisé les informations contenues aux Listes de clients de Desjardins à compter approximativement de février 2017 et ce, jusqu’à la perquisition de son téléphone cellulaire en septembre 2019. Encore une fois, pendant tout le temps dont il s’est servi des informations contenues aux Listes de clients de Desjardins, il ne s’est posé aucune question quant à la légalité des informations contenues aux listes ni quant au consentement des clients de Desjardins à la divulgation de leurs renseignements personnels.

[131]    Aucune preuve n’a permis de confirmer que M. Baillargeon Bouchard ainsi que ses représentants, tant son téléphoniste que le représentant qui rencontrait les clients potentiels, ont informé les clients potentiels qu’ils étaient en possession d’une liste contenant des informations personnelles à leur égard, et ce, même après l’annonce de la fuite de données par Desjardins.

[132]    À l’audience, afin d’expliquer pourquoi les informations contenues aux Listes de clients de Desjardins étaient à jour en novembre 2018, alors qu’il avait affirmé à l’Autorité ainsi qu’à la CSF qu’il ne s’était pas porté acquéreur de listes en 2018, M. Baillargeon Bouchard a témoigné que M. Leullier Masse offrait même un service de mise à jour des listes et que celui-ci aurait mis à jour la Liste des clients de Desjardins en 2018.

[133]    Dans l’éventualité où effectivement M. Leullier Masse offrait un service gratuit de mises à jour, de l’avis du Tribunal, M. Baillargeon Bouchard se devait de poser des questions sur la capacité de M. Leullier Masse de mettre à jour des Listes de clients de Desjardins qui à l’origine contenaient 40 000 noms de clients de Desjardins détenant un prêt hypothécaire accordé par cette dernière.

[134]    M. Baillargeon Bouchard a admis qu’il connaissait l’existence du communiqué de presse de Desjardins en juin 2019 dans lequel Desjardins informe le public qu’un de ses employés aurait illégalement communiqué à des tiers des renseignements personnels appartenant à 2.9 millions de ses membres. M. Baillargeon Bouchard a également admis connaître l’existence d’articles médiatiques qui ont suivi.  Il admet qu’en juin 2019, la nouvelle liée à la fuite de données chez Desjardins était un sujet « sur toutes les lèvres » qui a eu une grande importance dans le milieu financier[89].

[135]    Nonobstant ces admissions, il ne s’est pas posé de questions sur la légalité des listes en sa possession. À l’audience, il dit qu’il n’avait pas « l’ombre d’un soupçon » quant à la légalité des listes en sa possession. Il n’y voyait aucun lien entre le vol de données confidentielles chez Desjardins et les Listes de clients de Desjardins.

[136]    Or, selon le Tribunal, il est très difficile de justifier pourquoi M. Baillargeon Bouchard ne se soit posé aucune question sur la légalité des Listes de clients de Desjardins en sa possession après la conférence de presse de Desjardins et du chaos médiatique qui s’en est suivi.

[137]    Desjardins a fait spécifiquement référence à des actes illégaux perpétrés par un employé qui aurait remis à des tiers des renseignements personnels appartenant à ses clients. Il est invraisemblable que cette déclaration n’ait créé aucun doute dans l’esprit de M. Baillargeon Bouchard. Cette absence de doute et cette omission de questionner la légalité des listes, une fois que Desjardins a dévoilé la fuite des renseignements personnels appartenant à ses membres, justifient à elle seules l’intervention immédiate du Tribunal dans le but de protéger le public.

[138]    Même s’il était convaincu que les Listes de clients de Desjardins avaient été confectionnées de façon légitime (notamment avec le consentement des clients de Desjardins), un conseiller financier se devait de questionner la légalité des Listes afin, à tout le moins, de confirmer qu’il n’y avait aucun lien entre le vol chez Desjardins et les listes qu’il avait acquises, sachant que ces listes ne contenaient, à sa demande, que des clients de Desjardins.

[139]    Le Tribunal réfère aux témoignages d’autres professionnels qui eux se sont interrogés sur la légalité des listes vendues par M. Leullier Masse immédiatement après la conférence de presse de Desjardins[90].

[140]    Le Tribunal tient à souligner que M. Baillargeon Bouchard a manqué à plusieurs occasions de se questionner sur la légalité des Listes de clients de Desjardins en sa possession, lequel questionnement aurait pu contribuer, à tout le moins, à exposer la situation entourant le vol de données chez Desjardins beaucoup plus tôt. 

[141]    D’après le témoignage de M. Baillargeon Bouchard, c’est uniquement après la perquisition de son téléphone cellulaire qu’il a commencé à avoir des doutes sur la légalité des Listes de clients de Desjardins en sa possession.  D’après M. Baillargeon Bouchard, c’est à ce moment qu’il a décidé d’arrêter d’utiliser les Listes de clients de Desjardins afin de faire de la prospection de clients.

[142]    Cependant, à première vue, la preuve semble révéler que même s’il appert qu’aucun nouveau rendez-vous n’a été fixé suite aux appels faits par le téléphoniste à partir de l’information contenue aux Listes de clients de Desjardins, M. Baillargeon Bouchard aurait autorisé ou à tout le moins permis que le travail initié avant la perquisition de son téléphone cellulaire continue dans le but de finaliser la vente des contrats d’assurance aux clients de Desjardins, et ce, sans en informer de quelque façon que ce soit les clients de Desjardins.

[143]    Encore une fois, d’après le Tribunal, M. Baillargeon Bouchard aurait manqué une autre occasion de cesser d’utiliser toute information sur les Listes de clients de Desjardins dans le but de vendre des produits d’assurance.

[144]    M. Baillargeon Bouchard aurait pris plusieurs décisions qui dénotent un manque de jugement qui est difficilement réconciliable avec les obligations qui incombent à un représentant financier tel que l’honnêteté, la loyauté, la compétence, la diligence, le professionnalisme, la probité, l’intégrité, la dignité, la discrétion, l’objectivité ainsi que la modération[91].

[145]    De plus, son absence de questionnement sur la légalité des Listes de clients de Desjardins et ce, même après la conférence de presse de Desjardins, et sa persistance à finaliser la vente de produits d’assurance aux clients qui apparaissaient sur les Listes de clients de Desjardins, laisseraient présager l’existence d’un goût du lucre démesuré.

[146]    M. Baillargeon Bouchard et/ou son cabinet Groupe financier Bouchard auraient, par l’entremise du représentant, vendu entre 200 et 300 contrats d’assurance en utilisant les informations contenues aux Listes de clients de Desjardins et ce, sans jamais dévoiler aux clients qu’ils étaient en possession d’informations personnelles leur appartenant.

[147]    Le Tribunal réfère à la décision rendue dans Autorité des marchés financiers c. Filiatreault[92] dans laquelle il note l’importance des comportements éthiques pour l’intégrité des marchés financiers :

« [122] Le Tribunal souligne que la performance à une valeur fort relative si elle est dépourvue d’éthique.  Pour le système financier en particulier, l’absence d’éthique est un véritable poison qui mine la confiance des investisseurs. »[93]

[148]    La recherche de profit avec avidité ne devrait pas constituer la pierre angulaire des activités des représentants du milieu financier.

c)            Les circonstances entourant les informations données aux enquêteurs de l’Autorité et de la CSF relativement aux dates auxquelles M. Baillargeon Bouchard a acheté des listes et les mises à jour des listes

[149]    Dans le cadre de l’enquête, M. Baillargeon Bouchard a déclaré à plusieurs reprises qu’il avait uniquement acheté des listes de M. Leullier Masse et sa compagnie en 2017.  Aucune liste n’a été achetée en 2018 ni en 2019[94].  En 2017, M. Baillargeon Bouchard aurait acheté sept listes à sept occasions différentes.  Chaque achat a fait l’objet d’une facture provenant de la compagnie de M. Leullier Masse, 9348-7486 Québec inc.[95].

[150]    À aucun moment durant l’enquête de l’Autorité et de la CSF, M. Baillargeon Bouchard n’aurait fourni quelque explication que ce soit afin de justifier que les Listes de clients de Desjardins (toutes acquises apparemment en 2017) contenaient des informations à jour en novembre 2018.

[151]    C’est uniquement lors de son témoignage devant le Tribunal que M. Baillargeon Bouchard a affirmé que les Listes de clients de Desjardins étaient mises à jour par M. Leullier Masse.  Ce dernier offrait gracieusement un service de mises à jour à titre de service à la clientèle[96].

[152]    Dans l’éventualité où effectivement les Listes de clients de Desjardins faisaient l’objet d’une mise à jour de la part de M. Leullier Masse, le Tribunal considère tout d’abord que M. Baillargeon Bouchard aurait dû informer l’Autorité et la CSF de cette mise à jour.  Le Tribunal considère aussi que M. Baillargeon Bouchard aurait encore une fois manqué une belle opportunité de se questionner sur la façon dont M. Leullier Masse était capable de mettre à jour des informations personnelles et confidentielles appartenant à 40 000 clients de Desjardins.

[153]    L’omission d’avoir informé les enquêteurs de l’Autorité et de la CSF que les Listes de clients de Desjardins étaient mises à jour par M. Leullier Masse, constitue un autre motif justifiant la suspension immédiate des certificats d’exercice de M. Baillargeon Bouchard dans le but de protéger le public.

[154]    Le Tribunal ne considère pas nécessaire de traiter des reproches de l’Autorité relatifs au traitement par M. Baillargeon Bouchard du dossier de ses clients M. et Mme Gosselin-Cormier à ce stade-ci, puisque l’ensemble des circonstances ci-haut relatées suffit à justifier les ordonnances provisoires demandées.

CONCLUSION

[155]    La preuve prima facie des faits présentés devant le Tribunal est considérée sérieuse, convaincante et de haute qualité. La preuve de l’Autorité n’a pas été réfutée par M. Baillargeon Bouchard et le cabinet Groupe financier Bouchard et ils n’ont pas réussi à convaincre le Tribunal que la protection du public ne serait pas mise en danger si M. Baillargeon Bouchard continue d’exercer ses activités.

[156]    Plusieurs des faits les plus importants sur lesquels le Tribunal s’appuie afin de rendre les ordonnances demandées par l’Autorité ont été admis par M. Baillargeon Bouchard ou n’ont pas été contestés par lui.

[157]    En effet, M. Baillargeon Bouchard a admis avoir acheté les Listes de clients de Desjardins de M. Leullier Masse sans poser aucune question ni sur les activités commerciales de M. Leullier Masse ou sa compagnie, ni sur la façon dont les Listes de clients de Desjardins ont été confectionnées, ni sur la provenance des informations et ni sur le consentement des personnes incluses dans les Listes de clients de Desjardins.

[158]    M. Baillargeon Bouchard a admis avoir utilisé les Listes de clients de Desjardins pendant presque trois ans sans jamais s’interroger et ce, même après la conférence de presse de Desjardins.

[159]    M. Baillargeon Bouchard aurait permis à ce que les ventes des produits d’assurance soient finalisées même après la perquisition de son téléphone cellulaire en septembre 2019, moment auquel, de sa propre admission, il a commencé à avoir des doutes sur la légalité des listes. 

[160]    D’après la preuve, M. Baillargeon Bouchard apparaît ne plus posséder les qualités essentielles requises pour exercer les fonctions d’un représentant financier telles que la compétence, l’honnêteté, l’intégrité, la loyauté et le professionnalisme au sens de l’article 16 de la LDPSF. Le Tribunal réfère également au Code de déontologie de la CSF qui impose aux représentants d’adopter une conduite empreinte de dignité, de discrétion, d’objectivité et de modération[97]. Finalement, l’ensemble des circonstances énoncées dans la présente décision, amène le Tribunal à considérer que la probité de M. Baillargeon Bouchard apparaît sérieusement mise en doute.

[161]    Même si M. Baillargeon Bouchard aurait agi de bonne foi et qu’il a eu l’honnête conviction qu’il n’agissait pas contrairement à la loi, en raison de l’obligation du Tribunal de protéger le public, le Tribunal ne peut permettre à M. Baillargeon Bouchard de continuer d’exercer sa profession dans les circonstances, et ce, de manière provisoire.

[162]    Cet état de fait est de nature à compromettre la protection du public et justifie les ordonnances provisoires demandées par l’Autorité, dont la suspension immédiate des droits d’exercice de M. Baillargeon Bouchard.

[163]    L’Autorité demande au Tribunal non seulement la suspension du certificat en assurance de personnes, mais également la suspension de l’inscription de M. Baillargeon Bouchard en épargne collective. Elle demande également de l’interdire d’effectuer des opérations sur valeurs[98].

[164]    L’article 152 de la LVM permet au Tribunal de prononcer une suspension des droits d’inscription lorsque l’intérêt public le justifie. L’article 265 de la LVM prévoit quant à lui que le Tribunal peut interdire à toute personne d’effectuer des opérations sur des valeurs mobilières au sens de cette loi.

[165]    Tel que mentionné par la Cour d’appel dans l’affaire Marston, lorsqu’il est question de protection du public, il faut éviter de cloisonner les activités qui relèvent de l’encadrement du régulateur intégré du secteur financier québécois qu’est l’Autorité des marchés financiers :

« [54]  À mon avis, c'est le cas. Même si les activités des courtiers sont régies par la LVM et que celles des représentants dans les disciplines de l'assurance de personnes et de la planification financière relèvent de la LDPSF, il faut éviter un cloisonnement indu de leur application qui ne tiendrait pas compte de l'objectif de la LDPSF, notamment celui de protéger le public. L'exercice des activités des différents acteurs concernés, qu'ils agissent à titre de courtiers en valeurs mobilières ou encore à titre de représentants, est soumis au contrôle de l'AMF et repose, dans tous les cas, sur des exigences de loyauté, d'honnêteté, de compétence et de professionnalisme. Je précise que l'AMF est chargée par sa loi constitutive de prêter assistance aux consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers et aussi d'assurer l'encadrement des marchés de valeurs mobilières. Ces éléments témoignent du souci du législateur de protéger le public par un contrôle de la qualité de l'exercice des activités et cela par la même entité. Ces éléments militent en faveur d'une interprétation qui permet une certaine convergence des législations plutôt que leur exclusion mutuelle.

[55]  Autrement dit, dans la mesure où le manque de compétence ou de professionnalisme de l'appelant comme courtier régi par la LVM se répercute nécessairement sur la compétence ou le professionnalisme auxquels il est tenu comme représentant autonome en assurance ou comme planificateur financier, les mêmes qualités étant requises pour l'exercice de toutes ces activités, l'AMF pouvait intervenir en vertu de l'article 115 LDPSF, et ce, afin de protéger l'intérêt public de manière préventive. »[99] 

[Nos soulignements]

[166]    Ainsi, si les qualités essentielles requises afin d’exercer à titre de représentant financier en vertu de la LDPSF sont remises en doute par des allégations graves de gestes posés dans une discipline, ces mêmes qualités pourront être remises en doute dans une autre discipline qui relève du même régulateur et sur laquelle le Tribunal a compétence pour intervenir dans l’intérêt public.

[167]    Le Tribunal rappelle qu’il peut intervenir en fonction de l’intérêt public, même en l’absence de manquements spécifiques à la Loi sur les valeurs mobilières afin de protéger le public et les marchés financiers[100]. Cette intervention en fonction de l’intérêt public est également possible en vertu de l’article 115 de la LDPSF relativement à des mesures touchant l’inscription d’une personne.

[168]    Par conséquent, puisque la protection du public exige que le certificat de M. Baillargeon Bouchard en vertu de la LDPSF soit suspendu, il en va de même pour son inscription en vertu de la LVM, et ce, durant l’enquête ou jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue. De plus, son inscription étant suspendue, le Tribunal lui enjoint de se conformer à la loi en cessant d’agir comme représentant au sens de la LDPSF ou de se présenter comme tel[101].

[169]    Relativement à la demande visant à interdire à M. Baillargeon Bouchard d’effectuer toute opération sur valeurs, le Tribunal considère important de préciser que M. Baillargeon Bouchard aura néanmoins le droit d’effectuer toute opération sur ses propres comptes. Cette interdiction va de pair avec la suspension de son inscription en épargne collective et est nécessaire afin de protéger l’intégrité des marchés financiers.

[170]    De plus, puisque la probité de l’intimé est remise en doute et que son inscription à titre de représentant est suspendue de manière provisoire, il ne peut agir pendant ce temps à titre de dirigeant responsable du cabinet. Le cabinet intimé Groupe financier Bouchard devra donc procéder au changement de son dirigeant responsable et aviser l’Autorité des démarches qu’il compte entreprendre en vue d’effectuer ce changement. Le Tribunal rappelle à cet égard que « [l]es responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public »[102].

[171]    À titre de mesure propre à assurer le respect de la loi[103], l’Autorité demande au Tribunal d’ordonner la remise des listes comportant des informations personnelles des clients de Desjardins que les intimés auraient obtenues de M. Leullier Masse ou de toute autre personne physique ou morale.

[172]    Dans une lettre datée du 7 novembre 2019, en réponse à une demande de renseignements par l’Autorité, M. Baillargeon Bouchard confirme transmettre en annexe copie des listes de prospection obtenues de M. Leullier Masse retracées[104]. M. Baillargeon Bouchard confirme à l’audience qu’il est toujours en possession de listes qu’il détruira suivant les instructions de ses avocats.

[173]    Puisque M. Baillargeon Bouchard semble encore être en possession de telles listes, et que leur utilisation est remise en question par de graves allégations, il convient, pour protéger les renseignements personnels qui y sont contenus, d’ordonner à M. Baillargeon Bouchard et au cabinet financier Groupe financier Bouchard de remettre à l’Autorité toutes listes, y compris l’original, toutes copies, versions et mises à jour, sous quelque forme que ce soit, comportant des informations personnelles de clients de Desjardins.

[174]    Les intimés ont également soulevé un argument que l’Autorité a failli à démontrer l’urgence de prononcer les mesures qu’elle recherche, car il se serait écoulé près de treize mois entre le début de l’enquête de l’Autorité en septembre 2019 et la fin de l’audition de cette affaire à la fin octobre 2020.

[175]    L’acte introductif de l’Autorité a été déposé au dossier du Tribunal en date du 28 janvier 2020.  Le 2 mars 2020, le Tribunal a fixé l’audition de cette affaire au 31 mars et 1er avril 2020.  En raison de la pandémie de la COVID-19 et de l’état d’urgence décrété par le Gouvernement du Québec, cette audition a été remise aux 29 et 30 juin 2020. En raison de motifs personnels invoqués par les avocats des intimés, le Tribunal a accordé une remise de l’audition aux 15 et 16 septembre 2020, moment auquel l’audition a débuté. L’audition s’est continuée les 17, 24 et 25 septembre 2020 ainsi que les 9 et 27 octobre 2020. Le Tribunal considère que le délai qui s’est écoulé entre le début de l’enquête de l’Autorité et de la CSF et l’audition de la demande de l’Autorité est raisonnable dans les circonstances.

[176]    Le Tribunal tient à souligner que les présentes ordonnances sont des mesures provisoires prononcées dans l’intérêt public, le temps que la lumière soit faite sur cette affaire. Les présentes ordonnances seront donc en vigueur jusqu’à qu’elles soient modifiées ou révoquées par le Tribunal à la suite d’une demande d’une partie, si l’intérêt public le justifie, notamment suivant une décision finale du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière sur la plainte disciplinaire instituée contre M. Baillargeon Bouchard.

[177]    Finalement, bien que le Tribunal ait décrit certains éléments de preuve dans la présente décision qu’il jugeait nécessaire d’évaluer eu égard à la protection du public, le Tribunal souligne qu’il n’a pas rendu de décision définitive concernant les reproches formulés par l’Autorité à l’encontre de M. Baillargeon Bouchard.

dispositif

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (3o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier, 115 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 152 et 265 de la Loi sur les valeurs mobilières :

SUSPEND immédiatement les certificats d’exercice portant les numéros 192620 et 3292951 de M. François Baillargeon Bouchard;

ENJOINT à M. François Baillargeon Bouchard de se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de cesser d’agir comme représentant au sens de cette loi et de se présenter comme tel;

INTERDIT à M. François Baillargeon Bouchard toute activité en vue d’effectuer directement ou indirectement une opération sur valeurs au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, à l’exception de toute opération sur valeurs effectuée pour son propre compte, par l’entremise d’un courtier dûment inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers;

ORDONNE au cabinet 9347-6760 Québec inc. faisant affaires sous le nom « Groupe financier Bouchard » de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de M. Baillargeon Bouchard, lequel devra avoir été préalablement approuvé par l’Autorité des marchés financiers, et ce, dans les quarante-cinq (45) jours de la notification de la présente décision;

ORDONNE à 9347-6760 Québec inc., faisant affaire sous le nom « Groupe financier Bouchard », d’informer l’Autorité des marchés financiers, dans les quinze (15) jours de la notification de la présente décision, des démarches qu’elle entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable;

ORDONNE à M. François Baillargeon Bouchard et au cabinet 9347-6760 Québec inc. de remettre à l’Autorité des marchés financiers l’original, de même que toute copie, version et mise à jour, sous quelque forme que ce soit, de listes de clients obtenues de M. Jean-Loup Leullier Masse ou de toute autre personne physique ou morale, comportant des informations personnelles de clients de « Desjardins » et ce, dans les sept (7) jours de la notification de la présente décision.

Les présentes ordonnances seront en vigueur jusqu’à qu’elles soient modifiées ou révoquées par le Tribunal à la suite d’une demande d’une partie, si l’intérêt public le justifie, notamment suivant une décision finale du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière sur la plainte disciplinaire instituée contre M. Baillargeon Bouchard.

 

 

 

 

__________________________________

Me Antonietta Melchiorre,
juge administratif

 

 

 

 

 

 

Me Éric Blais

Me Sylvie Boucher

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureurs de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Serge Létourneau

Me Audrey Létourneau

Me Julien Delisle

(LLB Avocats s.e.n.c.r.l.)

Avocats de François Baillargeon Bouchard et 9347-6760 Québec inc.

 

Me Julie Piché

Avocate de la Chambre de la sécurité financière

 

Me Karine Chênevert

Me Gabrielle Tremblay

(Borden Ladner Gervais)

Avocates de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec

 

Dates des audiences :

 

 

Date de la décision sur la demande d’ajout de représentations :

15, 16, 17, 24 et 25 septembre et 9 et 27 octobre 2020

 

5 novembre 2020

 

 



[1]    Pièces D-15 et D-47.

[2]    Pièce D-18 sous scellés.

[3]    Pièce D‑1.

[4]    Pièce I-14.

[5]    Pièce D‑1.

[6]    Pièce D‑2.

[7]    Pièces D‑3 et D-44.

[8]    Pièce I-14.

[9]    Pièce I-15.

[10] Ibid.

[11]  Pièces I-16 et I-17.

[12]  Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[13] Ibid.

[14]  Notes sténographiques de l’interrogatoire de M. Baillargeon Bouchard en date du 29 octobre 2019, pièce D-28, p. 47, 49 et 50 (« Notes sténographiques du 29 octobre 2019 »).

[15]  Id., p. 40, 41 et 46.

[16]  Id., p. 51 et 138.

[17]  Id., p.130.

[18] Id., p. 65.

[19] Pièce D-18 sous scellés.

[20] Notes sténographiques de l’interrogatoire de M. Baillargeon Bouchard du 16 décembre 2019, pièce D‑29-1, p. 9 à 12 (« Notes sténographiques du 16 décembre 2019 »).

[21] Pièce D-18 sous scellés et témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[22]  Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[23] Ibid.

[24]  Pièces D‑19, D‑45, I‑6 et I-9.

[25]  Ibid.

[26] Notes sténographiques du 16 décembre 2019, p. 31.

[27]  Id., p. 36.

[28] Notes sténographiques du 29 octobre 2019, p. 61.

[29]  Id., p. 50, 52, 53 et 62.

[30]  Id., p. 63.

[31] Pièce D-15.

[32] Pièce D-47.

[33] Pièce D-46.

[34]  Pièce D-17, bien que le Tribunal réfère à cette pièce qui est constituée d’un article du Journal de Montréal publié en ligne en date du 10 septembre 2019, cette pièce ne fait pas preuve de son contenu. Le Tribunal tient à souligner que l’existence ou non d’un lien entre l’ex-employé de Desjardins et M. Leullier Masse n’a aucune incidence sur la présente décision.

[35]  Interrogatoire, pièce I-4 et I-4.1 : dans lequel le témoin mentionne avoir fait l’acquisition « des leads » auprès de M. Leullier Masse et Notes sténographiques du 29 octobre 2019, p. 107.

[36] Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[37] Ibid.

[38] Témoignage de M. Jérôme Pelletier à l’audience.

[39]  Art. 184, Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (« LDPSF »).

[40] Pièce D-17, preuve contextuelle des démarches d’enquête de l’Autorité.

[41] Art. 312, LDPSF.

[42] Pièce CSF-1.

[43]  Pièce D‑52.

[44] Pièce D-30, p. 113 et ss. et pièce I-4 entre 29.00 et 31.00.

[45] Acte introductif modifié de l’Autorité des marchés financiers daté du 22 juillet 2020.

[46] Préc., note 39.

[47] Ibid.

[48]  Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[49] Ibid.

[50] Pièce D-15.

[51] Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[52] Ibid.

[53] Notes sténographiques du 16 décembre 2019, p. 126.

[54] Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[55] Engagement souscrit auprès du Tribunal de ne plus utiliser les listes en question lors de l’audience pro forma du 6 février 2020 réitéré lors de l’audience pro forma du 7 mai 2020.

[56] RLRQ, c. E-6.1.

[57] RLRQ, c. V-1.1.

[58] Art. 93 (2e al.), LESF.

[59] Bruni c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 994; Murphy c. Autorité des marchés financiers 2016 QCCA 878; Agence nationale d’encadrement du secteur financiers (Autorité des marchés financiers) c. Conseillers de placements Tip ltée, 2007 QCCQ 11176 confirmé en appel : 2008 QCCA 1566; Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QC CA). Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178.

[60] Art. 12, LESF.

[61] Art. 184, LDPSF.

[62] Ville de St-Constant c. Succession de Pépin, 2020 QCCA 1292, par. 66.

[63] Autorité des marchés financiers c. Baazov, 2017 QCTMF 103, par. 81; Autorité des marchés financiers c. Levett, 2017 QCTMF 113, par. 122.

[64] Id.; Autorité des marchés financiers c. Dean Evans Services au client privé inc., 2019 QCTMF 20; Autorité des marchés financiers c. Évolution Québec inc., 2019 QCTMF 9.

[65] À titre d’exemple sur l’évaluation d’une preuve prima facie : Itanium Corporation c. Banque Royale du Canada, 2016 QCCA 92; Ducros c. Rolland REJB 1998-09368 (C.S.); Atlas Telecom inc. c. El Hachem REJB 2000-19603 (C.S.).

[66] Formule Pontiac Buick GMC inc. c. Bureau de services financiers, 2004 CanLII 7239 (QC CS), confirmée en appel, 2005 QCCA 1027.

[67] Marston c. Autorité des marchés financiers, préc., note 59.

[68] Id., par. 52.

[69]  Autorité des marchés financiers c. FD de Leeuw & associés inc., 2012 QCBDR 135, référant à Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.

[70] Art. 16, LDPSF.

[71] RLRQ, c. D-9.2, r. 3, art. 6 et art. 23 (« Code de déontologie de la CSF »).

[72] Art. 11, Code de déontologie de la CSF.

[73] Art. 12, Code de déontologie de la CSF.

[74] Art. 35, Code de déontologie de la CSF.

[75] RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[76] Id., art. 4, par. 1.

[77] Mastrocola c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 995, par. 14.

[78] Bruni c. Autorité des marchés financiers, préc., note 59, par. 101.

[79] Ibid.

[80] Id., par. 62.

[81] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, [2013] R.C.S. 756, 2013 CSC 63, par. 49.

[82] Autorité des marchés financiers c. Péloquin, 2011 QCBDR 34, par. 34; Marston c. Autorité des marchés financiers, préc., note 59, par. 68 et 69.

 

[83] Notes sténographiques du 29 octobre 2019, p. 58, 61 et 133.

[84] Notes sténographiques du 16 décembre 2019, p. 33, 249 et 254.

[85]  Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[86]  Notes sténographiques du 16 décembre 2019, p. 86 et suivantes.

[87] Témoignage de M. Christian Boivin de JLR.

[88] Préc., note 69, par. 73.

[89] Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[90] Pièces I-2 et I-4.1.

[91] Art. 16, LDPSF et art. 6, 11, 12, 23 et 35, Code de déontologie de la CSF.

[92] Autorité des marchés financiers c. Filiatreault, 2016 QCTMF 8 (confirmée en appel 2020 QCCA 401, demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada rejetée).

[93] Ibid.

[94]  Notes sténographiques du 29 octobre 2019 et pièce D‑45, p. 4.

[95] Pièces D-19, D-45, I-6 et I-9.

[96] Témoignage de M. Baillargeon Bouchard à l’audience.

[97]  Art. 6, Code de déontologie de la CSF.

[98] Art. 265, LVM.

[99] Marston c. Autorité des marchés financiers, préc., note 59.

[100] AbitibiBowater inc. (Produits forestiers Résolu) c. Fibrek inc., 2012 QCCA 569.

[101] Art. 115.9 LDPSF combiné à 94 et 97 al. 2 (par. 3o) LESF.

[102] Autorité des marchés financiers c. 9190-4995 Québec inc., 2018 QCTMF 82, par. 59.

[103] Art. 94, LESF.

[104] Pièce D-18 sous scellés.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.