Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Duclos Assurances inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2020-008

 

 

 

DÉCISION N° :

2020-008-001

 

 

 

DATE :

11 décembre 2020

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me NICOLE MARTINEAU

 

Me CHANTAL DENOMMÉE

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

DUCLOS ASSURANCES INC., personne morale ayant son siège social au 35, route 255, Asbestos (Québec) J1T 3M7

et

GHISLAIN DUCLOS, domicilié et résidant au [...], Asbestos (Québec) [...]

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

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APERÇU

[1]  L’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (« le Tribunal ») une demande, datée du 26 juin 2020, afin d’obtenir à l’encontre des intimés des ordonnances d’imposition de pénalités administratives, de nomination d’un nouveau dirigeant responsable, d’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable, d’imposition de conditions à l’inscription et de mesures propres à assurer le respect de la loi.

[2]  L’Autorité est l’organisme responsable de l’application de Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (« LDPSF »). Elle exerce les fonctions et les pouvoirs qui y sont prévus, et ce, conformément à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier [2](« LESF »).

[3]  Le cabinet intimé Duclos Assurances inc. (« le cabinet intimé ») est une personne morale dont le siège est situé au Québec [3].

[4]  Le cabinet intimé détient une inscription auprès de l’Autorité lui permettant d’agir dans les disciplines de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de l’assurance de dommages, le tout en vertu de la LDPSF[4].

[5]  L’intimé Ghislain Duclos détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la LDPSF, lequel lui permet d’agir à titre de représentant dans la discipline de l’assurance de personnes et à titre de courtier en assurance de dommages[5].  

[6]  L’intimé Ghislain Duclos est président, administrateur, actionnaire et dirigeant responsable du cabinet intimé[6].

[7]  Lors du dépôt de la demande de l’Autorité, 30 représentants étaient rattachés au cabinet intimé[7].

[8]  L’Autorité allègue que plusieurs manquements à la LDPSF et à ses règlements d’application ont été constatés à la suite d’une inspection du cabinet intimé effectuée les 27 et 30 mai 2019. Cette inspection visait la période du 1er janvier au 31 décembre 2018.

[9]  Lors d’une audience tenue le 2 décembre 2020, les parties informent le Tribunal qu’un accord a été conclu et qu’elles désirent le présenter au Tribunal pour qu’il soit entériné.

[10]        Dans cet accord, les intimés admettent les faits allégués dans la demande de l’Autorité et ils admettent plusieurs manquements à la LDPSF et à ses règlements.

[11]        Les intimés consentent au dépôt de toutes les pièces alléguées au soutien de la demande et ils admettent le contenu de ces pièces.

[12]        L’accord conclu entre les parties contient des suggestions communes relativement à diverses ordonnances à l’égard des intimés.

[13]        Les ordonnances suggérées visent l’imposition de pénalités administratives aux intimés, le remplacement du dirigeant responsable du cabinet intimé, une interdiction d’agir comme dirigeant responsable d’un cabinet à l’égard de l’intimé Ghislain Duclos et la mise en place de procédures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que la LDPSF et ses règlements soient respectés.

[14]        Les parties suggèrent également au Tribunal de prendre acte d’engagements de la part de l’intimé Ghislain Duclos, dont celui d’être rattaché à un cabinet auprès duquel il n’agit pas comme dirigeant responsable, et ce, pour une période de 18 mois, et celui de compléter et réussir des formations particulières, dispensées par la Chambre de l’assurance de dommages.

[15]        Une copie de l’accord conclu est jointe à la présente décision.

ANALYSE

Question en litige

[16]        Dans le cadre de son analyse, le Tribunal doit répondre à la question en litige suivante :

         L’accord soumis au Tribunal est-il raisonnable, conforme à la loi et conclu dans l’intérêt public?

[17]        Le Tribunal considère que l’accord est raisonnable, conforme à la loi et qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner.

[18]        Par conséquent, le Tribunal accepte d’entériner cet accord et de mettre en œuvre les suggestions communes des parties qu’il contient.

Cadre d’intervention du Tribunal

[19]        Le Tribunal a le pouvoir d’entériner un accord, s’il est conforme à la loi[8].

[20]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord ni les suggestions communes qui lui sont proposées.

[21]        À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il ne peut écarter une suggestion commune que si elle est déraisonnable, inadéquate, contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[22]        Les ordonnances du Tribunal sont de nature réglementaire[9] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles puissent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

Devoirs et obligations imposés par la LDPSF

[23]        La LDPSF est une loi dont l’objectif principal est la protection du public[10].

[24]        La LDPSF impose une série d’obligations, de devoirs et de responsabilités aux représentants, dirigeants et cabinets.

[25]        Le respect des devoirs et obligations imposés par la LDPSF est essentiel afin de protéger le public et maintenir sa confiance envers l’industrie de l’assurance.

[26]        Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients. Ils doivent également agir avec soin et compétence[11].

[27]        Un cabinet et ses dirigeants doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements[12].

[28]        De plus, un cabinet doit veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements[13].

[29]        Dans tout cabinet en assurance, il y a une personne qui est nommée dirigeante responsable par le cabinet et qui est désignée à ce titre auprès de l’Autorité.

[30]        Les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet « requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public »[14].

Application du droit aux faits

[31]        Selon les faits admis par les intimés, le Tribunal constate qu’il y a eu des manquements importants à la LDPSF et à ses règlements d’application.

[32]        Ces manquements ont été commis notamment en raison de l’absence de supervision adéquate du cabinet intimé et de son dirigeant responsable, l’intimé Ghislain Duclos.

[33]        Les intimés admettent avoir fait défaut de s’acquitter de leurs obligations prévues à la LDPSF et à ses règlements, soit :

i)             Avoir fait défaut de s’acquitter de leur devoir de saine gestion du compte séparé;[15]

ii)            Avoir manqué à l’obligation de tenir un registre distinct relatif au compte séparé;[16]

iii)           Avoir fait défaut de s’acquitter de leur devoir de supervision à l’égard des représentants rattachés;[17]

iv)           Avoir fait défaut de mettre en place les moyens nécessaires afin de s’assurer que les représentants rattachés au cabinet intimé déclarent à l’Autorité leurs autres occupations;[18]

v)            Avoir omis de divulguer à l’Autorité les congédiements de représentants;[19]

vi)            Avoir omis de compléter les dossiers de stagiaires ou en les complétant de façon inadéquate;[20]

vii)          Avoir failli à leur obligation de s’assurer que le superviseur d’une période probatoire consigne, aux dossiers des clients concernés, les notes relatives à la révision ou à l’approbation de l’offre de produits et services offerts par un stagiaire, et ce, dans les délais prescrits;[21]

viii)        Avoir omis de mettre en place une structure de supervision qui inclut une procédure de contrôle interne afin de s’assurer que les représentants documentent adéquatement les dossiers clients;[22]

ix)           Avoir permis que des représentants n’assurent pas de suivi dans l’application de la procédure de renouvellement de polices d’assurance;[23]

x)             Avoir fait défaut de respecter leur obligation de tenir leurs dossiers clients conformément à la législation et la réglementation[24];

xi)           Avoir fait défaut de respecter des pratiques adéquates en matière de protection des renseignements personnels.[25]

[34]        Le Tribunal constate que les manquements commis et admis par les intimés sont graves, nombreux et contraires à l’intérêt public.

[35]        Le Tribunal constate également que le cabinet intimé et l’intimé Ghislain Duclos n’ont pas agi avec soin et compétence[26], notamment en raison de l’absence de supervision adéquate des activités professionnelles des représentants inscrits rattachés au cabinet.

[36]        Le Tribunal doit s’assurer que les pénalités administratives suggérées par les parties satisfont adéquatement les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables.

[37]        Le Tribunal a établi plusieurs facteurs qui doivent le guider dans l’établissement du montant d’une pénalité administrative. Ces facteurs doivent être évalués, au cas par cas, selon les circonstances de chaque affaire[27].

[38]        La procureure de l’Autorité mentionne au Tribunal que le cabinet intimé a déjà entrepris des démarches pour procéder au changement de dirigeant responsable.

[39]        À cet égard, elle informe le Tribunal que le cabinet intimé a fait part à l’Autorité du nom de la personne qui lui sera proposé à titre de nouveau dirigeant responsable et elle ajoute qu’il ne devrait pas y avoir d’enjeux relativement à son approbation.

[40]        La procureure de l’Autorité confirme que les clients du cabinet intimé n’ont subi aucun préjudice à la suite des manquements commis par les intimés. Toutefois, elle souligne que cela ne signifie pas que les clients n’ont pas été à risque.

[41]        Elle mentionne que le cabinet intimé n’a pas d’antécédents en matière de manquements à la LDPSF.

[42]        Elle ajoute que les intimés ont collaboré afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement au présent dossier et que l’accord reflète le désir des intimés de remédier aux manquements et à prévenir qu’ils ne se reproduisent.

[43]        L’accord prévoit que le cabinet intimé s’engage à procéder à la mise en place de procédures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que le cabinet intimé, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la LDPSF et ses règlements.

[44]        À cet égard, l’avocat des intimés mentionne au Tribunal que le cabinet intimé a mandaté un consultant externe qui l’accompagnera, durant une période de 24 mois, pour mettre des procédures de contrôle et de surveillance en place et faire le suivi de l’application de celles déjà mises en place.

[45]        Il ajoute qu’à partir du 1er janvier 2021, ce consultant externe mettra en œuvre le plan d’action, fera des audits périodiques et rédigera des rapports trimestriels sur les vérifications qu’il effectuera relativement à l’application des procédures de contrôle et de surveillance et autres mesures mises en place. Le premier rapport sera effectué après le 31 mars 2020 et une copie de chaque rapport sera remise à l’Autorité par l’entremise du cabinet intimé.

[46]        Selon l’avocat des intimés, il y a une véritable intention de ses clients que les manquements commis ne se reproduisent plus.

[47]        Dans son évaluation des manquements et des suggestions qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal tient compte, à titre de facteur atténuant, des admissions formulées par les intimés.

[48]        Le Tribunal tient également compte de la collaboration dont les intimés ont fait preuve afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement au présent dossier.

[49]        Après avoir considéré l’ensemble de la preuve et les arguments qui lui ont été présentés, le Tribunal convient d’entériner l’accord intervenu entre les parties.

[50]        Le Tribunal considère qu’il est dans l’intérêt public de mettre en œuvre les suggestions communes des parties.

[51]        Le Tribunal considère que les sommes suggérées par les parties à titre de pénalités administratives satisfont adéquatement les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE l’accord intervenu le 27 novembre 2020, ainsi que ses engagements, entre l’Autorité des marchés financiers et les intimés Duclos Assurances inc. et Ghislain Duclos, et ordonne aux parties de s’y conformer;

À l’égard de l’intimée Duclos Assurances inc.

IMPOSE au cabinet intimé Duclos Assurances inc. une pénalité administrative au montant de 21 000 $, payable à l’Autorité des marchés financiers selon les modalités de paiement prévues à l’accord susmentionné, pour les manquements constatés lors de l'inspection;

ORDONNE au cabinet intimé de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable, préalablement approuvé par l’Autorité, en remplacement de Ghislain Duclos, et ce, dans les trente (30) jours de la présente décision;

ORDONNE au cabinet intimé de procéder à la mise en place de procédures de contrôle et de surveillance à la satisfaction de l’Autorité des marchés financiers afin de s’assurer que le cabinet intimé, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements.

À l’égard de l’intimé Ghislain Duclos

IMPOSE à Ghislain Duclos une pénalité administrative au montant de trois mille cinq cents dollars (3 500 $), payable à l’Autorité des marchés financiers selon les modalités de paiement prévues à l’accord susmentionné, pour les manquements constatés lors de l'inspection;

INTERDIT à Ghislain Duclos d'agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable du cabinet intimé ou de tout autre cabinet, et ce, pour une période de dix-huit (18) mois;

PREND ACTE de l’engagement de Ghislain Duclos, alors qu’il a un droit d’exercice valide, d‘être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de dix-huit (18) mois;

PREND ACTE de l’engagement de Ghislain Duclos de compléter et réussir, dans les 90 jours de la présente décision, les formations prévues à l’accord susmentionné. La preuve de la réussite de ces formations doit être transmise à l’Autorité des marchés financiers dans les 10 jours de sa réception.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Nicole Martineau

Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Chantal Denommée

Juge administratif

 

 

 

 

 

Me Amélie Roy

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Patrick Garneau

(Tremblay Bois Mignault Lemay S.E.N.C.R.L.)

Avocat de Duclos Assurances inc. et de Ghislain Duclos

 

 

Date d’audience :

2 décembre 2020

 



[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     RLRQ, c. E-6.1.

[3]     Pièce D-1.

[4]     Pièce D-2.

[5]     Pièce D-3.

[6]     Pièces D-1, D-3 et D-4.

[7]     Pièce D-5.

[8]     Article 97 al. 2 (6o) de la LESF.

[9]     Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26 (CanLII), [2004] 1 R.C.S 672. 

[10]    Autorité des marchés financiers c. Assomption, compagnie mutuelle d’assurance-vie2007 QCCA 1062, par. 47.

[11]    Article 84 de la LDPSF.

[12]    Article 85 de la LDPSF.

[13]    Article 86 de la LDPSF.

[14]    Autorité des marchés financiers c. 9190-4995 Québec inc., 2018 QCTMF 82, par. 59.

[15]    Manquement à l’article 10 du Règlement relatif à l’inscription d’un cabinet, d’un représentant autonome et d’une société autonome, RLRQ, c.D-9.2, r. 15 et à l’article 4(2) du Règlement sur l’exercice des activités de représentants, RLRQ, c. D-9.2, r. 10 (« Règlement sur l’exercice »).

[16]    Manquement aux articles 6 et 7 du Règlement sur la tenue et la conservation des livres et registres, RLRQ, c. D-9.2, r. 19.

[17]    Manquement aux articles 85 et 86 de la LDPSF.

[18]    Manquement à l’article 62 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, RLRQ, c. D-9.2, r. 7 (« Règlement relatif à la délivrance »).

[19]    Manquement à l’article 104 de la LDPSF.

[20]    Manquement à l’article 48.3 du Règlement relatif à la délivrance.

[21]    Manquement à l’article 48 du Règlement relatif à la délivrance.

[22]    Manquement aux articles 27 et 28 de la LDPSF et à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, RLRQ, c. D-9.2, r. 5.

[23]    Manquement aux articles 27, 28 et 39 de la LDPSF.

[24]    Manquement à l’article 88 de la LDPSF, à l’article 6 du Règlement sur l’exercice et aux articles 15 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[25]    Manquement à l’article 30 de la LDPSF et à l’article 18 du Règlement sur la tenue et la conservation des livres et registres, RLRQ, c. D-9.2, r. 19.

[26]    Article 84 de la LDPSF.

[27]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

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