Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Yuen

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2020-004

 

 

 

DÉCISION N° :

2020-004-001

 

 

 

DATE :

Le 2 décembre 2020

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

AH FANG CHAW KANG YUEN, domicilié et résidant au [...], Longueuil (Québec) [...]

 

Partie intimée

 

 

 

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DÉCISION

 

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APERÇU

[1]  L’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers («Tribunal ») une demande visant plusieurs personnes, dont Ah Fang Chaw Kang Yuen, avec qui un accord a été conclu[1].  

[2]  Ah Fang Chaw Kang Yuen détient un certificat émis par l’Autorité l’autorisant à agir comme représentant en assurance de personnes et il est inscrit auprès de l’Autorité à titre de représentant autonome.

[3]  Ah Fang Chaw Kang Yuen a, dans le cadre de son emploi avec Voxdata Solutions inc., offert les produits Protection personnelle et cas d’accident (police no [1]) et Récupaide Plus (police no [2]) émis par la Compagnie d’assurance vie RBC.

[4]  Ces produits étaient notamment offerts par télémarketing selon une méthode de distribution en deux étapes.

[5]  Entre le 12 décembre 2016 et le mois d’avril 2018, 164 certificats ont été émis par l’entremise d’Ah Fang Chaw Kang Yuen.

[6]  Selon les faits admis à l’accord qu’il a conclu avec l’Autorité, dans une première étape un agent de télémarketing initiait un appel avec un client de la Banque RBC, décrivait le produit ainsi que les différentes protections, recueillait les renseignements personnels du client, l’informait de la prime, réfutait les objections et obtenait son adhésion.

[7]  Dans une deuxième étape, l’appel était transféré à un représentant certifié, appelé vérificateur, dont le rôle ne consistait qu’à valider les renseignements obtenus du client par l’agent de télémarketing et à lui faire part des exclusions relatives au produit. Aucune analyse des besoins n’était faite par le représentant certifié.

[8]  L’agent de télémarketing et le représentant certifié devaient suivre un script préparé à l’avance par l’assureur, Compagnie d’assurance vie RBC.

[9]  Ah Fang Chaw Kang Yuen a agi dans ce cadre à la deuxième étape comme représentant certifié.

[10]        Il admet qu’en suivant ce script, il a fait défaut de s’enquérir de la situation de ses clients, d’identifier leurs besoins en assurance, de les conseiller adéquatement et ne pas leur avoir offert un produit qui convenait à leurs besoins seulement lorsque c’était possible de le faire.

[11]        Il admet également qu’il a fait défaut de décrire à ses clients le produit proposé et de leur indiquer les exclusions de garanties particulières compte tenu de leurs besoins.

[12]        Ainsi, il n’a pas respecté ses obligations prévues aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2].

[13]        Ah Fang Chaw Kang Yuen reconnaît qu’il a fait défaut de se présenter d’une manière conforme aux exigences des articles 10 et 12 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[3], puisqu’il ne mentionnait pas qu’il agissait comme représentant autonome ni la discipline dans laquelle il est autorisé à agir.

[14]        Le Tribunal doit donc se demander si l’accord conclu entre Ah Fang Chaw Kang Yuen et l’Autorité est raisonnable et conforme à la loi permettant ainsi au Tribunal de l’entériner, et ce, dans l’intérêt public.

 

ANALYSE

[15]        Tout d’abord, le Tribunal peut, en vertu de l’article 97 al. 2 (7) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[4], entériner un accord s’il est conforme à la loi.

[16]        Dans cet accord, Ah Fang Chaw Kang Yuen admet tous les faits contenus à la demande qui le visent, à l’exception du nombre de certificats qui a été ajusté à 164, et consent au dépôt de toutes les pièces qui le concernent.

[17]        Ah Fang Chaw Kang Yuen s’engage à payer une pénalité administrative de 2 000 $ pour avoir commis des manquements aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[18]        Ah Fang Chaw Kang Yuen consent à ce que son certificat soit assorti de la condition suivante : « le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable ni l’administrateur, et ce, pour une période de deux ans à compter de la décision à être rendue ».

[19]        Il consent également à ce son inscription à titre de représentant autonome dans la discipline de l’assurance de personne soit suspendue pour une période de deux ans à compter de la décision à être rendue.

[20]        Ah Fang Chaw Kang Yuen accepte aussi de suivre le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et de réussir l’examen afférent avant d’agir à nouveau à titre de représentant autonome.

[21]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[22]        Le Tribunal doit également déterminer si la pénalité administrative ainsi que les autres mesures proposées à l’encontre d’Ah Fang Chaw Kang Yuen sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[5] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[6].

[23]        Le Tribunal rappelle qu’une recommandation commune doit généralement être prise au sérieux, sinon acceptée par le Tribunal, à moins d’être clairement inappropriée dans les circonstances, d’être contraire à l’intérêt public ou de déconsidérer l’administration de la justice. Le Tribunal rappelle qu’un accord se basant sur une recommandation commune doit être considérée soigneusement et être entériné s’il est raisonnable selon les circonstances[7].

[24]        En exerçant la discrétion qui lui est conférée en matière de défense de l’intérêt public, le Tribunal a le devoir de s’acquitter pleinement de sa mission, tout comme de s’assurer que l’intérêt des investisseurs et l’ordre public soient pleinement protégés par les mesures qu’il ordonne.

[25]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal a tenu compte des admissions des faits décrits dans la demande faites par Ah Fang Chaw Kang Yuen. Ces admissions sont consignées dans l’accord intervenu.

[26]        Dans son évaluation, le Tribunal a aussi tenu compte de la collaboration d’Ah Fang Chaw Kang Yuen afin de trouver avec l’Autorité, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate au public investisseur et le maintien de l’intégrité de la place financière.

[27]        Le Tribunal a considéré la substance de l’accord qui lui a été présenté par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[28]          Le Tribunal a également examiné des précédents en la matière[8] où des dirigeants responsables et des courtiers ont commis des manquements semblables à ceux décrits et admis par l’intimé dans des circonstances similaires. Contrairement au cas d’Ah Fang Chaw Kang Yuen qui  a agi à titre de représentant autonome, ces autres précédents répertoriés visent des courtiers et des dirigeants responsables.

[29]        Le Tribunal rappelle que ses ordonnances sont de nature réglementaire[9] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles peuvent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

[30]        Il est espéré d’une pénalité administrative que son effet dissuasif soit suffisant pour permettre d’éviter que de tels manquements soient commis de nouveau par Ah Fang Chaw Kang Yuen ou par toute autre personne qui serait tentée d’aller dans cette voie.

[31]        Dans la présente affaire, après avoir considéré l’ensemble de la preuve et l’argumentation qui lui été présentée, le Tribunal en est venu à la conclusion que l’accord intervenu entre Ah Fang Chaw Kang Yuen et l’Autorité est dans l’intérêt public.

[32]        À cet égard, le Tribunal rappelle que l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoit le pouvoir d’imposer une pénalité administrative d’un montant pouvant aller jusqu’à 2 millions de dollars pour chaque contravention à une disposition de celle loi ou de ses règlements, ainsi que le pouvoir de suspendre ou d’assortir de restrictions ou de conditions une inscription ou un certificat.

[33]        Selon l’article 146.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 115 et 115.1 de cette loi s’appliquent au représentant autonome.

[34]        Le Tribunal souligne que les représentants autonomes doivent faire preuve d’un degré supérieur de diligence, de professionnalisme et d’habileté, puisqu’ils ne sont pas rattachés à un cabinet et qu’ils sont responsables de veiller eux-mêmes à la conformité de leurs activités.

[35]        Le Tribunal est d’avis que le montant suggéré par les parties à titre de pénalité administrative ainsi que les autres mesures proposées satisfont les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables eu égard aux précédents analysés.

[36]        Le Tribunal a entendu les représentations des parties et est prêt, dans l’intérêt public, à prononcer une décision conforme aux propositions des parties contenues dans l’accord qu’elles ont conclu.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (7) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[10] et des articles 115, 115.1 et 146.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[11] :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre l’Autorité des marchés financiers et Ah Fang Chaw Kang Yuen le 21 septembre 2020, le rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE à Ah Fang Chaw Kang Yuen une pénalité administrative d’un montant de 2 000 $ pour avoir manqué aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, payable selon les modalités prévues dans l’accord;

ASSORTIT le certificat de Ah Fang Chaw Kang Yuen portant le numéro 173801 de la condition suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable ni l’administrateur, et ce, pour une période de deux ans à compter de la présente décision;

SUSPEND l’inscription de Ah Fang Chaw Kang Yuen à titre de représentant autonome dans la discipline de l’assurance de personnes pour une période de deux ans à compter de la présente décision;

INTERDIT à Ah Fang Chaw Kang Yuen d’agir à titre de représentant autonome, et ce, jusqu’à ce qu’il suive le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et réussisse l’examen afférent avant d’agir à nouveau à titre de représentant autonome.

 

 

 

 

 

 

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Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Aurélie Gauthier

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Ah Fang Chaw Kang Yuen

 

 

 

Date d’audience :

13 novembre 2020

 




[1] Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[4]     RLRQ, c. E-6.1.

[5]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[6]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[7]    Autorité des marchés financiers c. Dionne2010 QCBDR 75; Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2018 QCTMF 42; Rankin (Re), 2008 ONSEC 6 (CanLII).

[8]    Autorité des marchés financiers c. Tremblay, 2020 QCTMF 17, Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), 2018 QCTMF 13.   

[9]    Cartaway Resources Corp. (Re)2004 CSC 26.

[10]    RLRQ, c. E-6.1.

[11]    RLRQ, c. D-9.2.

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