Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. 9379-4899 Québec inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2020-001

 

 

 

DÉCISION N° :

2020-001-001

 

 

 

DATE :

29 septembre 2020

 

______________________________________________________________________

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me NICOLE MARTINEAU

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

9379-4899 QUÉBEC INC., personne morale ayant son siège social au 917, rue Monseigneur-Grandin, bureau 200, Québec (Québec) G1V 3X8

et

PIERRE DESHAIES, domicilié et résidant au [...], Québec (Québec) [...]

et

STEEVE PERREAULT, domicilié et résidant au [...], Vallée-Jonction (Québec) [...]

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

APERÇU

[1]  Le 6 janvier 2020, l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (« Tribunal ») une demande afin d’obtenir des ordonnances d’imposition de pénalités administratives, d’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable, de nomination d’un nouveau dirigeant responsable, d’imposition de conditions à l’inscription et des mesures propres à assurer le respect de la loi à l’encontre des intimés.

Les parties

[2]  L’Autorité est l’organisme responsable de l’application de Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (« LDPSF »). Elle exerce les fonctions et les pouvoirs qui y sont prévus[2].

[3]  Le cabinet intimé 9379-4899 Québec inc. (« cabinet intimé ») détient une inscription auprès de l’Autorité dans la discipline de l'assurance de personnes depuis le 1er février 2019[3].

[4]  Au cours de la période visée par une inspection de l’Autorité, cinq (5) représentants étaient rattachés à ce cabinet, dont trois (3) d’entre eux faisaient l’objet d’une condition de supervision rapprochée[4].

[5]  Au cours de cette même période, l’intimé Pierre Deshaies était le dirigeant responsable et le superviseur de trois (3) représentants du cabinet intimé, dont l’intimé Steeve Perreault[5].

[6]  L’intimé Pierre Deshaies détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la LDPSF, lequel lui permet d’agir dans les disciplines de l’assurance de personnes et de régimes d’assurance collective[6].

[7]  Il agit actuellement en tant que représentant autonome dans ces deux disciplines[7].

[8]  L’intimé Steeve Perreault détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la LDPSF, lequel lui permet d’agir dans la discipline de l’assurance de personnes[8].

[9]  Son certificat est assorti de conditions, soit le rattachement à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable et la supervision de ses activités pour une période de deux (2) ans[9].

Le contexte

[10]        L’Autorité allègue que plusieurs manquements à la LDPSF et à ses règlements d’application ont été constatés à la suite d’une inspection du cabinet intimé effectuée du 25 au 27 septembre 2019. Cette inspection visait la période du 1er février au 1er septembre 2019.

[11]        Lors d’une audience qui s’est tenue le 25 septembre 2020, la procureure de l’Autorité a informé le Tribunal que des ententes étaient intervenues avec les intimés, et ce, dans trois (3) accords distincts.

[12]        Elle ajoute que l’intimé Pierre Deshaies a cessé d’agir à titre de dirigeant responsable et qu’il s’est engagé, lors d’une audience pro forma tenue au siège du Tribunal en février 2020,  à ne plus agir à titre de superviseur ou de maître de stage.

[13]        La procureure de l’Autorité informe également le Tribunal que le cabinet intimé a procédé au changement de son dirigeant responsable le 8 juillet 2020 et que celui-ci a été approuvé par l’Autorité.

[14]        Elle ajoute que ce dirigeant responsable est le seul représentant rattaché au cabinet intimé en date de ce jour.

[15]        La procureure de l’Autorité demande au Tribunal d’entériner les accords conclus entre les parties.

[16]        Ces accords contiennent des admissions par les intimés ainsi que des recommandations communes relativement à diverses ordonnances les concernant.

[17]        Les ordonnances suggérées visent notamment l’imposition de pénalités administratives aux intimés, une interdiction d’agir comme dirigeant responsable d’un cabinet pour une période de cinq (5) ans à l’égard de l’intimé Pierre Deshaies et à assortir les certificats d’exercice de conditions spécifiques.

[18]        Le Tribunal doit déterminer si les accords sont raisonnables, conformes à la loi et conclus dans l’intérêt public[10].

[19]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives suggérées sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[11].

[20]        Le Tribunal considère que les accords sont raisonnables, conformes à la loi et conclus dans l’intérêt public.

[21]        Par conséquent, il accepte d’entériner ces accords et de mettre en œuvre les recommandations communes des parties qu’ils contiennent.

[22]        Le Tribunal convient aussi d’imposer les pénalités administratives suggérées.

[23]        Une copie de ces accords est jointe à la présente décision.

ANALYSE

Questions en litige

[24]        Dans le cadre de son analyse, le Tribunal doit répondre aux questions en litige suivantes :

         Les accords soumis au Tribunal sont-ils raisonnables, conformes à la loi et conclus dans l’intérêt public?

         Les pénalités administratives suggérées sont-elles raisonnables afin d’assurer la protection du public?

[25]        Le Tribunal répond positivement à ces questions, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.

Droit applicable

[26]        Le Tribunal a le pouvoir d’entériner un accord, s’il est conforme à la loi[12].

[27]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord ni les suggestions communes qui lui sont proposées.

[28]        Toutefois, les circonstances selon lesquelles le Tribunal peut écarter un accord sont plutôt limitées.

[29]        À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il ne peut écarter une suggestion commune que si elle est déraisonnable, inadéquate, contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[30]        Chaque dossier doit être évalué selon ses caractéristiques.

[31]        Le rôle du Tribunal, lorsqu’il apprécie un accord, s’explique comme suit[13] :

« [12]  Le Bureau rappelle que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (ci-après le « CVMO ») a, dans l’arrêt Rankin, balisé le rôle qu’un tribunal joue en appréciant une entente qu’on lui soumet pour approbation. Selon cette décision, le rôle d’une autorité qui révise une entente conclue entre les parties n’est pas de substituer la sanction qu’elle aurait imposée suite à une audience contestée, mais plutôt de s’assurer que les sanctions qui sont proposées sont acceptables en fonction des paramètres usuels.

[13] Ainsi, la CVMO écrit:

« [19]  In making that assessment in this case, we gave significant weight to the terms of the Settlement Agreement because those terms were reached as a result of negotiations between adversarial parties (Staff and the Respondent) and because a balancing of factors and interests has already taken place in reaching the agreement. The language of the Settlement Agreement was obviously very carefully negotiated by the parties. Our role in considering the settlement is not to renegotiate the terms of the Settlement Agreement or to suggest changes to the agreed facts, statements and sanctions set forth in the Settlement Agreement. Our role is simply to decide whether the Settlement Agreement as a whole, on the terms presented and agreed to, should be approved as being in the public interest. »

(Références omises, nos soulignements)

Portée de la LDPSF

[32]        La LDPSF est une loi d’ordre public de protection.

[33]        La Cour d’appel du Québec mentionne ce qui suit au sujet de cette loi[14] :

« [46]           La LDPSF a été conçue pour protéger le public et, pour cette raison principalement, il y a lieu de privilégier une interprétation large et libérale de ses dispositions. À cet égard, je renvoie à l'arrêt Kerr c. Danier Leather Inc. dans lequel la Cour suprême écrit : « La Loi sur les valeurs mobilières est une mesure législative corrective et doit recevoir une interprétation large ».

[47]           Il s'agissait en l'espèce de la loi ontarienne sur les valeurs mobilières, mais le principe interprétatif énoncé par la Cour suprême s'applique intégralement à la LDPSF, qui poursuit le même genre d'objectif. »

[34]        La Cour d’appel du Québec[15] souligne que l’objectif principal de la loi est celui de la protection du public: «  Il n’est pas contesté que l’objectif premier de la Loi sur la distribution est la protection du public, notamment la protection du consommateur qui acquiert un produit d’assurance. »

[35]        Le Tribunal a déjà énoncé comme suit les objectifs de la LDPSF[16] :

« Objectifs de la loi »

[32] Les parties ne contestent pas que la LDPSF est une loi d'ordre public qui vise la protection du consommateur. Elle impose des devoirs et obligations auprès des personnes physiques ou morales qui offrent des produits en assurance de dommages. Elle s'accorde un pouvoir de surveillance et de contrôle envers les intervenants qui offrent des produits d'assurances.

[33] Le législateur confie à l'Autorité la mission de gardien qui veille à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par la LDPSF. C'est l'Autorité qui voit à l'application des dispositions de la loi et ses règlements auxquels sont soumis les titulaires de certificat, les cabinets ainsi que les représentants et les sociétés autonomes au sens de la loi. 

Devoirs et obligations imposées par la LDPSF

[36]        Un cabinet en assurance de personnes opère dans un domaine très réglementé.

[37]        La LDPSF impose une série d’obligations, de devoirs et de responsabilités aux représentants, dirigeants et cabinets.

[38]        Le respect des devoirs et obligations imposés par la LDPSF est essentiel afin de protéger les clients, ainsi que le public en général, et maintenir leur confiance dans le domaine de la vente de produits d’assurance.

[39]        Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients. Ils doivent également agir avec soin et compétence[17].

[40]        Un cabinet et ses dirigeants doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements[18].

[41]        De plus, un cabinet doit veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements[19].

[42]        Le public doit pouvoir compter sur des professionnels qui exercent leurs fonctions avec rigueur et dans le respect des devoirs qui leur sont imposés.

Responsabilités et obligations du dirigeant responsable

[43]        Dans tout cabinet en assurance, il y a une personne qui est nommée dirigeante responsable par le cabinet et qui est désignée à ce titre auprès de l’Autorité.

[44]        Les responsabilités d’un dirigeant responsable sont importantes et essentielles pour la protection du public et la confiance de celui-ci dans cette industrie.

[45]        Le Tribunal rappelle ce qui suit eu égard aux obligations du dirigeant responsable[20] :

[83] « Un cabinet d’assurance et son dirigeant responsable doivent être capables, en tout temps, d’exercer leur jugement d’une manière indépendante et ils doivent avoir la compétence nécessaire pour déterminer si une proposition d’affaire et son modus operandi - relié à la sollicitation et à la vente de produits d’assurance au public - respectent l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements d’application. »

[46]        Les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet « requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public » [21].

[47]        La Cour du Québec mentionne ce qui suit au sujet du dirigeant responsable[22] : « Il n’est pas inconséquent de requérir d’un dirigeant et responsable d’un cabinet un degré supérieur de professionnalisme, de compétence et de probité. »

Cadre d’intervention du Tribunal

[48]        Les ordonnances du Tribunal sont de nature réglementaire[23] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles peuvent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

[49]        En vertu de la LESF et de la LPDSF, le Tribunal jouit de larges pouvoirs discrétionnaires qui lui sont conférés en fonction de l’intérêt public.

[50]        Le Tribunal peut interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un cabinet pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil ou lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de la loi. Une telle interdiction ne peut excéder cinq ans[24].

[51]        Le Tribunal peut radier, révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions le certificat d’un représentant ou du cabinet en raison d’un manquement à la loi ou de ses règlements. Le Tribunal peut également imposer une pénalité administrative d’un maximum de 2 000 000 $ à une personne en raison d’un manquement à la LDPSF[25].

[52]        Le Tribunal doit s’assurer que la pénalité administrative satisfasse aux critères de dissuasion spécifique et générale[26].

[53]        Le Tribunal a établi plusieurs facteurs qui doivent le guider dans l’établissement du montant d’une pénalité administrative. Ces facteurs doivent être évalués, au cas par cas, selon les circonstances de chaque affaire[27].

Application du droit aux faits

[54]        Les accords conclus entre les parties énoncent les admissions faites par les intimés relativement aux faits décrits par l’Autorité dans sa demande. Ils énoncent également les manquements admis par les intimés.

[55]        Les intimés consentent au dépôt de toutes les pièces alléguées au soutien de la demande et ils admettent le contenu de celles-ci[28].

[56]        Lors de l’audience, la procureure de l’Autorité a résumé les faits en lien avec les manquements commis. Elle a aussi présenté les termes des accords intervenus.

[57]        Elle a demandé au Tribunal de mettre en œuvre, dans l’intérêt public, les ordonnances suggérées dans les accords conclus entre les parties.

[58]        L’intimé Pierre Deshaies, qui se représente seul, a confirmé qu’il accepte les termes de l’accord et qu’il admet les manquements qui y sont décrits et qui ont été résumés lors de l’audience.

[59]        Les avocats des autres intimés ont également confirmé l’acquiescement de leur client aux termes de l’accord et ils ont confirmé qu’ils admettent les manquements qui y sont énumérés.

[60]        Selon les faits et les manquements admis par les intimés, le Tribunal constate qu’il a eu des manquements importants à la LDPSF et à ses règlements d’application[29].

[61]        Ces manquements ont été commis en raison de l’absence de supervision adéquate du cabinet intimé et de son dirigeant responsable, l’intimé Pierre Deshaies.

[62]        Parmi les manquements, nous retrouvons les irrégularités suivantes dans certains dossiers des clients, soit : 1) l’analyse des besoins financiers des clients est absente ou est incomplète, 2) la procédure de remplacement de police d’assurance n’a pas été respectée, 3) le profil de risque des clients est absent, 4) une disparité entre les produits vendus au client et son profil de risque évalué et 5) le non-respect des obligations concernant le document d’information pour le client.

[63]        De plus, il y a eu de la tenue de dossiers non conforme et des pratiques non conformes en matière de publicité.

[64]        Le Tribunal considère que le cabinet intimé et l’intimé Pierre Deshaies n’ont pas agi avec soin et compétence[30], notamment en raison de l’absence de supervision adéquate des activités professionnelles des représentants inscrits rattachés au cabinet.

[65]        Ils ont fait défaut de veiller à la discipline des représentants du cabinet et de s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements[31].

[66]        De plus, l’intimé Pierre Deshaies a fait défaut, à titre de superviseur, de superviser de manière satisfaisante les activités de trois (3) représentants sous sa responsabilité.

[67]        Parmi ces représentants, l’intimé Steeve Perreault a fait défaut de respecter des devoirs et obligations prévus à la LDPSF et à ses règlements.

[68]        Dans certains dossiers, il a omis de compléter l’analyse de besoins financiers de clients ou les a complétés de façon inadéquate et il a fait défaut de suivre la procédure applicable de remplacement de police d’assurance.

[69]        Il a aussi fait défaut de s’abstenir de faire toute sollicitation ou toute représentation qui est susceptible de prêter à confusion.

[70]        Les manquements commis et admis par les intimés sont graves, nombreux et contraires à l’intérêt public.

[71]        Ils se sont produits durant une période relativement courte, soit du 1er février au 1er septembre 2019.

[72]        Ces manquements affectent la crédibilité et l’assurance que le public est protégé adéquatement lorsqu’il fait affaire avec un professionnel des marchés financiers.

[73]        Les exigences concernant la tenue de dossiers, la conformité et la supervision au sein d’un cabinet en assurance de personnes doivent être prises au sérieux par les personnes inscrites.

[74]        Elles visent la protection des clients du cabinet et du public.

[75]        Ces derniers sont en droit de s’attendre à ce que les fonctions des personnes inscrites soient exercées avec sérieux et rigueur.

[76]        Les clients d’un cabinet sont également en droit de s’attendre à ce que leurs dossiers soient complétés avec soin et diligence.

[77]        La sanction imposée doit constituer un facteur dissuasif envers les intimés, mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de les imiter.

[78]        Aucune preuve n’a été présentée sur des pertes monétaires potentielles pour la clientèle du cabinet. Cela ne signifie pas que les clients n’ont pas été à risque.

[79]        À ce sujet, le Tribunal cite ce passage d’une décision confirmée par la Cour d’appel du Québec[32] :

« [112] Bien qu’il n’y ait aucune preuve de pertes subies par des clients ni de profits réalisés en raison des manquements, il demeure qu’il s’agit de manquements qui sont au cœur de la pratique des activités d’un représentant en assurance de personnes. Et puis l’intérêt général des épargnants a quand même été à risque par ces intimés. Bien connaître le profil de son client et ses besoins, permet au représentant de proposer le produit qui convient le mieux à son client. »

[80]        L’avocate du cabinet intimé souligne l’absence d’antécédents de son président, lequel est aussi le dirigeant responsable du cabinet.

[81]        La procureure de l’Autorité mentionne que l’intimé Pierre Deshaies n’a pas d’antécédents en matière de manquements à la LDPSF.

[82]        Elle attire l’attention du Tribunal sur une affirmation faite par l’intimé Steeve Perreault dans l’accord intervenu avec ce dernier et dans lequel il mentionne n’avoir jamais fait l’objet de plainte de la part d’un client.

[83]        La procureure de l’Autorité souligne que les intimés ont collaboré afin de trouver une solution au présent dossier.

[84]        Concernant le cabinet intimé, elle mentionne que celui-ci a déjà procédé au changement de dirigeant responsable du cabinet, lequel a été approuvé par l’Autorité.

[85]        Concernant l’intimé Pierre Deshaies, il a cessé d’agir à titre de dirigeant responsable et il s’est engagé, dès février 2020, à ne plus agir à titre de superviseur ou de maître de stage.

[86]        L’avocate du cabinet intimé demande de considérer la taille actuelle de ce cabinet qui ne compte que le dirigeant responsable.

[87]        Elle invoque le caractère non intentionnel des gestes posés.

[88]        Elle ajoute qu’il y a une volonté ferme du cabinet intimé d’être conforme à la loi et une véritable intention que les manquements commis ne se reproduisent plus.

[89]        Dans son évaluation des manquements et des recommandations qui lui ont été faites d’un commun accord par les parties, le Tribunal tient compte des admissions formulées par les intimés.

[90]        Le Tribunal tient compte également de la collaboration dont les intimés ont fait preuve afin de trouver avec l’Autorité un règlement au présent dossier.

[91]        Le Tribunal a examiné les décisions qu’il a rendues dans des circonstances semblables et qui lui ont été soumises par la procureure de l’Autorité[33]. Ces décisions ont imposé des mesures pour des manquements à la loi.

[92]        Après avoir considéré l’ensemble de la preuve et les arguments qui lui ont été présentés, le Tribunal en arrive à la conclusion que les accords conclus entre les intimés et l’Autorité sont raisonnables, conformes à la loi et dans l’intérêt public.

[93]        Le Tribunal convient d’entériner ces accords.

[94]        Le Tribunal considère qu’il est dans l’intérêt public de prononcer les ordonnances faisant l’objet des suggestions communes des parties, soit l’ordonnance d’interdiction d’agir comme dirigeant responsable, les conditions à l’inscription des certificats des intimés Pierre Deshaies et Steeve Perreault et les mesures propres à assurer le respect de la loi.

Détermination des sanctions administratives

[95]        Le Tribunal estime qu’il est nécessaire d’imposer aux intimés, à titre de mesure dissuasive, une pénalité administrative.

[96]        Le Tribunal considère que les sommes suggérées par les parties à titre de pénalités administratives satisfont adéquatement les critères de dissuasion spécifique et générale et sont raisonnables.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE l’accord intervenu le 23 septembre 2020, ainsi que ses engagements, entre l’Autorité des marchés financiers et l’intimée 9379-4899 Québec inc. et ordonne aux parties de s’y conformer;

ENTÉRINE l’accord intervenu le 28 mai 2020, ainsi que ses engagements, entre l’Autorité des marchés financiers et l’intimé Pierre Deshaies et ordonne aux parties de s’y conformer;

ENTÉRINE l’accord intervenu le 20 août 2020, ainsi que ses engagements, entre l’Autorité des marchés financiers et l’intimé Steeve Perreault et ordonne aux parties de s’y conformer;

À l’égard de l’intimée 9379-4899 Québec inc.

IMPOSE au cabinet intimé 9379-4899 Québec inc. une pénalité administrative au montant de 25 000 $, payable à l’Autorité des marchés financiers selon les modalités de paiement prévues à l’accord, pour les manquements constatés lors de l'inspection. Le premier versement de la pénalité est payable à l’Autorité des marchés financiers dans les 30 jours de la présente décision;

ORDONNE au cabinet intimé 9379-4899 Québec inc. de procéder à la mise en place de procédures de contrôle et de surveillance à la satisfaction de l’Autorité des marchés financiers afin de s'assurer que ses représentants respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, notamment, mais non limitativement, en ce qui a trait à la supervision des représentants rattachés au cabinet, à la tenue des dossiers, la convenance des transactions et les pratiques de commercialisation; en transmettant à l'Autorité, à tous les trois (3) mois, pendant une durée d'un (1) an, un rapport détaillant les vérifications effectuées par le cabinet et le dirigeant responsable à cet égard, étant entendu que le premier rapport devra être transmis trois (3) mois suivant la présente décision;

À l’égard de l’intimé Pierre Deshaies

IMPOSE à Pierre Deshaies une pénalité administrative au montant de quatre mille dollars (4 000 $) notamment pour avoir fait défaut de s'être acquitté adéquatement de ses obligations à titre de dirigeant responsable et de superviseur. La pénalité est payable à l’Autorité des marchés financiers dans les 30 jours de la présente décision;

INTERDIT à Pierre Deshaies d'agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable du cabinet intimé ou de tout autre cabinet, et ce, pour une période de cinq (5) ans;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 109731 au nom de Pierre Deshaies de la condition suivante : le représentant ne peut agir à titre de superviseur ou de maître de stage, et ce, pour une période de cinq (5) ans.

À lgard de l’intimé Steeve Perreault

IMPOSE à l’intimé Steeve Perreault une pénalité administrative au montant de trois mille dollars (3 000 $) pour les différents manquements qu'il a commis en tant que représentant. La pénalité est payable à l’Autorité des marchés financiers dans les 30 jours de la présente décision;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 184247 au nom de Steeve Perreault des conditions suivantes :

-      Le représentant doit, alors qu'il a un droit d'exercice valide, être rattaché à un cabinet dont il n'est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de trois (3) ans;

-      Le représentant ne peut agir à titre de superviseur ou de maître de stage, et ce, pour une période de trois (3) ans.

ASSORTIT le certificat portant le numéro 184247 au nom de Steeve Perreault de la condition suivante : le représentant doit, pour une période de dix-huit (18) mois, alors qu'il a un droit d'exercice valide, exercer ses activités sous la supervision d'une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il sera rattaché. Le représentant doit faire parvenir à l'Autorité, au plus tard dans les trente (30) jours de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant. Un rapport de supervision devra être transmis à l'Autorité mensuellement pour la durée de la supervision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Nicole Martineau, juge administratif

 

 

 

 

Me Caroline Néron

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Valérie Lemaire

(Langlois avocats)

Avocate de 9379-4899 Québec inc.

 

Me Jérémie Beaumier

(Dupuis Paquin, avocats & conseillers d’affaires)

Avocat de Steeve Perreault

 

Pierre Deshaies,  comparaissant personnellement

 

 

 

Date d’audience :

25 septembre 2020






[1] RLRQ, c. D-9.2.

[2] Article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1 (« LESF »).

[3] Pièce D-2.

[4] Pièce D-3.

[5] Pièces D-3, D-4 et D-8.

[6] Pièce D-4.

[7] Pièce D-4.

[8] Pièce D-5.

[9] Pièce D-6.

[10] Autorité des marchés financiers c. Unissa Assurances inc., 2019 QCTMF 42.

[11] Mizrahi c. Autorité des marchés financiers2009 QCCQ 10542.

[12] Article 97 al. 2 (6o) de la LESF.

[13] Autorité des marchés financiers c. Dionne, 2010 QCBDR 75.

[14] Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178.

[15] Autorité des marchés financiers c. Assomption, compagnie mutuelle d’assurance-vie2007 QCCA 1062, par. 47.

[16] Autorité des marchés financiers c. 9111-3258 Québec inc., 2013 QCCQ 13994.

[17] Article 84 de la LDPSF.

[18] Article 85 de la LDPSF.

[19] Article 86 de la LDPSF.

[20] Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), 2019 QCTMF 13.

[21] Autorité des marchés financiers c. 9190-4995 Québec inc., 2018 QCTMF 82, par. 59.

[22] Boileau c. Autorité des marchés financiers, 2020 QCCQ 2554, par. 34.

[23] Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26 (CanLII), [2004] 1 R.C.S 672.

[24] Article 115.1 de la LDPSF.

[25] Article 115 de la LDPSF.

[26] Cartaway Resources Corp. (Re)2004 CSC 26 (CanLII), [2004] 1 R.C.S 672.

[27] Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[28] Pièces D-1 à D-24.

[29] Notamment le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome et le Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[30] Article 84 de la LDPSF.

[31] Articles 85 et 86 de la LDPSF.

[32] Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103 (confirmé en appel : 2014 QCCQ 10759).

[33] Autorité des marchés financiers c. Financetoimieux.com inc., 2018 QCTMF 104 et Autorité des marchés financiers c. Mieux planifier inc., 2020 QCTMF 26.

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