Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Mieux planifier inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2019-014

 

 

 

DÉCISION N° :

2019-014-001

 

 

 

DATE :

Le 18 juin 2020

 

 

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

MIEUX PLANIFIER INC.

et

PATRICK GENEST

 

et

 

MARC-ANDRÉ CAMIRAND-SIMARD

 

Parties intimées

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

 

APERÇU

[1]   L’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») est l’organisme responsable de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] (« LDPSF »). L’Autorité exerce les fonctions et pouvoirs qui sont prévus à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[2] (« LESF »), et ce, de la manière prévue à l’article 8 de cette loi.

[2]   Le cabinet intimé Mieux planifier inc. est une personne morale constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions[3] dont le siège est situé au Québec[4].

[3]   L’intimée Mieux planifier inc. détient, depuis le 25 août 2015, une inscription auprès de l’Autorité dans la discipline de l’assurance de personnes et de la planification financière[5], le tout en vertu de la LDPSF.

[4]   L’intimé Patrick Genest est le premier actionnaire, administrateur, président et dirigeant responsable du cabinet intimé Mieux planifier inc.[6]. Il détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la LDPSF, lequel lui permet d’agir dans les disciplines de l’assurance de personnes et de la planification financière[7].

[5]   L’intimé Patrick Genest détient également une inscription dans les catégories de représentant de courtier en épargne collective et de représentant de courtier (marchés dispensés)[8] en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (« LVM »)[9].

[6]   L’intimé Marc-André Camirand-Simard est actionnaire, administrateur, vice-président et trésorier du cabinet intimé Mieux planifier inc.[10]. Il détient un certificat émis par l’Autorité en vertu de la LDPSF, lequel lui permet d’agir dans les disciplines de l’assurance de personnes et de la planification financière[11].

[7]   L’intimé Marc-André Camirand-Simard détient également une inscription dans les catégories de représentant de courtier en épargne collective et de représentant de courtier (marchés dispensés)[12] en vertu de la LVM.

[8]   L’Autorité reproche aux intimés de nombreux manquements à la LDPSF et à ses règlements d’application durant la période du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018.

[9]   L’Autorité allègue notamment que le cabinet intimé Mieux planifier inc. et son dirigeant responsable, l’intimé Patrick Genest, ont contrevenu aux articles 85 et 86 de la LDPSF en faisant défaut de s’acquitter de leur devoir de supervision, en particulier, en omettant de vérifier adéquatement les activités professionnelles accomplies par les représentants inscrits rattachés à ce cabinet et en tolérant qu’au moins un employé exerce des activités de planification financière pour lesquelles il ne détenait aucune inscription auprès de l’Autorité.

[10]        L’Autorité allègue aussi que le cabinet intimé Mieux planifier inc. lui a transmis à plusieurs reprises de l’information fausse et trompeuse, que ses activités transactionnelles, ses pratiques de commercialisation et le traitement des plaintes provenant de ses clients étaient, à plusieurs égards, non conformes à la législation et à la réglementation en vigueur.

[11]        Enfin, l’Autorité allègue que l’intimé Marc-André Camirand-Simard lui a transmis de l’information fausse et trompeuse relativement aux périodes probatoires effectuées par trois stagiaires œuvrant au sein du cabinet intimé Mieux planifier inc.

[12]        Lors de l’audience qui s’est tenue le 17 juin 2020, les parties ont informé le Tribunal qu’elles ont conclu un accord contenant des recommandations communes à l’égard des intimés. Ces recommandations communes demandent notamment au Tribunal d’imposer des pénalités administratives à l’encontre des intimés, soit 27 000 $ à l’encontre de l’intimé cabinet Mieux planifier inc., 5 000 $ à l’encontre de l’intimé Patrick Genest et 3 500 $ à l’encontre de l’intimé Marc-André Camirand-Simard. Cet accord prévoit aussi le remplacement du dirigeant responsable du cabinet intimé Mieux planifier inc., assortit les certificats d’exercice des intimés Patrick Genest et Marc-André Camirand-Simard de conditions spécifiques et leur impose de compléter une formation déontologique particulière.

[13]        La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner cet accord et ainsi mettre en œuvre les recommandations communes des parties qu’il contient ?

[14]        Dans la présente affaire, le Tribunal a répondu « oui » à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après exposés.     

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner l’accord conclu entre les parties et ainsi mettre en œuvre les recommandations communes des parties qu’il contient ?

[15]        Après avoir pris connaissance de l’accord conclu entre les parties, le 11 juin 2020,  le Tribunal en arrive à la décision qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner et de mettre en œuvre les recommandations communes des parties qu’il contient. Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[16]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes qui lui sont proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[17]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives demandées à l’encontre des intimés sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[13] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[14].

[18]        Dans la présente affaire, les intimés ont admis tous les faits et manquements décrits dans la demande de l’Autorité. Ils ont aussi consenti au dépôt de toutes les pièces[15] présentées au soutien de la demande de l’Autorité et en ont admis le contenu. Ils ont aussi, par l’entremise de leur procureur, fait preuve de repentir.

[19]        Le Tribunal constate que les manquements commis par les intimés sont graves, nombreux et qu’ils furent commis durant une période de temps relativement courte, soit du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018.

[20]        Les faits admis par les intimés font d’abord état de manquements importants aux articles 85 et 86 LDPSF, et ce, en raison d’une absence flagrante de supervision adéquate de la part du cabinet intimé Mieux planifier inc. et de son dirigeant responsable, l’intimé Patrick Genest.

[21]        La résultante fut une panoplie de manquements à la LDPSF et à ses règlements d’application de la part des représentants inscrits et des autres employés de ce cabinet, dont des stagiaires alors en formation. Parmi ces manquements on retrouve des situations aussi problématiques que (i) l’exercice de l’activité de planification financière par un employé ne détenant aucune inscription auprès de l’Autorité[16], (ii) au moins treize cas où l’analyse des besoins financiers de clients n’a pas été faite ou est demeurée incomplète[17], (iii) au moins cinq cas où la politique de remplacement de polices d’assurance de clients n’a pas été respectée[18], (iv) des informations fausses transmises à répétition l’Autorité - en particulier par l’intimé Marc-André Camirand-Simard à titre de superviseur de stages pour trois stagiaires œuvrant au sein du cabinet intimé, (v) des pratiques non conformes en matière de publicité[19] et (vi) une politique de traitement des plaintes provenant des clients qui était non conforme à l’article 103.2 de la LDPSF.

[22]        De l’avis du Tribunal, la cascade de manquements graves qui fait l’objet du présent dossier démontre clairement que le dirigeant responsable du cabinet intimé a fait défaut d’exercer ses importantes responsabilités d’une manière satisfaisante. Une telle situation ne saurait, dans l’intérêt public, être tolérée et, de l’avis du Tribunal, un changement de dirigeant responsable, du cabinet intimé Mieux planifier inc., s’impose impérativement.

[23]        Qui plus est, de l’avis du Tribunal, l’ensemble des manquements à la LDPSF et à ses règlements d’application - causés par les  agissements inconsidérés des intimés dans la cadre de la présente affaire - est inacceptable et il ne sera pas, dans l’intérêt public, toléré. Le dispositif de la présente décision fait, à cet égard, passer un message clair à tous les intervenants de la place financière.

[24]        Fort heureusement, la procureure de l’Autorité n’a pas indiqué au Tribunal que les intimés avaient des antécédents en matière de manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et elle a affirmé que les intimés, par l’entremise de leur procureur, avaient offert une bonne collaboration afin de trouver - dans l’intérêt public - un règlement au présent dossier.          

[25]        Le Tribunal accepte d’entériner l’accord qui est intervenu entre les parties au présent dossier, mais uniquement parce que cet accord prévoit que le cabinet intimé Mieux planifier inc. accepte de remplacer son dirigeant responsable par une personne approuvée par l’Autorité et parce que ce cabinet s’engage à mettre en place des procédures de contrôle et de surveillance afin de notamment s’assurer que ses représentants respectent, en tout temps, l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements d’application.

[26]        Par conséquent, après avoir dûment considéré la preuve, l’argumentation, l’accord et les recommandations que lui ont présentés les parties, le Tribunal est prêt, dans l’intérêt public, à entériner cet accord et à mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été conjointement suggérées.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (6o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ENTÉRINE l’accord intervenu le 11 juin 2020, ainsi que ses engagements, entre l’Autorité des marchés financiers et les intimés Mieux planifier inc., Patrick Genest et Marc-André Camirand-Simard et ordonne aux parties de s’y conformer;

IMPOSE au cabinet intimé Mieux planifier inc. une pénalité administrative de vingt-sept mille dollars (27 000 $) payable à l’Autorité des marchés financiers selon les termes de l’accord susmentionné;

ORDONNE au cabinet intimé Mieux planifier inc. de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable selon les termes de l’accord susmentionné;

ORDONNE au cabinet intimé Mieux planifier inc. de procéder à la mise en place de procédure de contrôle et de surveillance ayant pour but d’assurer, en tout temps, le respect de l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements d’application;

IMPOSE à l’intimé Patrick Genest une pénalité administrative de cinq mille dollars (5 000 $) payable à l’Autorité des marchés financiers selon les termes de l’accord susmentionné;

ORDONNE à l’intimé Patrick Genest de ne pas agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable de tout cabinet pour une période de trois (3) ans selon les termes de l’accord susmentionné;

ASSORTIT le certificat numéro 195258 émis au nom de Patrick Genest des conditions suivantes :

                 Le représentant doit, alors qu’il a un droit d’exercice valide, être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de trois (3) ans;

 

                 Le représentant ne peut agir à titre de superviseur ou de maître de stage, et ce, pour une période de trois (3) ans;

 

                 Le représentant doit, pour une période de trois (3) ans, alors qu’il a un droit d’exercice valide, exercer ses activités sous la supervision d’une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il sera rattaché. Le représentant doit faire parvenir à l’Autorité, au plus tard dans les soixante (60) jours de la présente décision, une attestation de la part du dirigeant responsable du cabinet dans laquelle celui-ci désignera la personne qui supervisera ses activités de représentant;

ORDONNE à l’intimé Patrick Genest de compléter avec succès, dans les 30 jours de la date de la présente décision, la formation en ligne « Cas vécus et déontologie en assurance de personnes », disponible sur le site Internet de la Chambre de la sécurité financière, le tout selon les termes de l’accord susmentionné;

IMPOSE à l’intimé Marc-André Camirand-Simard une pénalité administrative de trois mille cinq cents dollars (3 500 $) payable à l’Autorité des marchés financiers selon les termes de l’accord susmentionné;

ORDONNE à l’intimé Marc-André Camirand-Simard de ne pas agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable de tout cabinet pour une période de trois (3) ans selon les termes de l’accord susmentionné;

ASSORTIT le certificat numéro 202028 émis au nom de Marc-André Camirand-Simard des conditions suivantes :

                 Le représentant doit, alors qu’il a un droit d’exercice valide, être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de trois (3) ans;

 

                 Le représentant ne peut agir à titre de superviseur ou de maître de stage, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ORDONNE à l’intimé Marc-André Camirand-Simard de compléter avec succès, dans les 30 jours de la date de la présente décision, la formation en ligne « Cas vécus et déontologie en assurance de personnes », disponible sur le site Internet de la Chambre de la sécurité financière, le tout selon les termes de l’accord susmentionné.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                     Me Jean-Pierre Cristel

                        Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Catherine Boilard

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Martin Courville

(Ad Litem Avocats)

Procureur des intimés

 

 

 

Date d’audience :

17 juin 2020














[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     RLRQ, c. E-6.1.

[3]     RLRQ, c. S-31.1.

[4]     Pièce D-1.

[5]     Pièce D-2.

[6]     Pièces D-1 et D-2.

[7]     Pièce D-4.

[8]     Pièce D-4.

[9]     RLRQ, c. V-1.1.

[10]    Pièce D-1.

[11]    Pièce D-5.

[12]    Pièce D-5.

[13]    Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[14]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[15]    D-1 à D-35.

[16]    Manquement à l’article 1 du Règlement sur les titres similaires à celui de planificateur financier, RLRQ, c. D-9.2, r. 20.

[17]    Manquement aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17 (8) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[18]    Manquement aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17 (9) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, préc., note 17.

[19]    Manquement à l’article 2 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, préc., note 17.

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