Autorité des marchés financiers (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. Tremblay

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-040

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-040-002

 

 

 

DATE :

Le 21 avril 2020

 

______________________________________________________________________

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

CLAUDETTE TREMBLAY

 

Partie intimée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

APERÇU

[1]   Claudette Tremblay était dirigeante responsable du cabinet d’assurance 515963 N.B. inc. (faslrs APAC), anciennement connue sous le nom de Protocol services financiers (« APAC »).

[2]   L’Autorité exerce les fonctions qui sont prévues à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[1]. L’Autorité a notamment pour responsabilité de veiller à l’application de la Loi sur la distribution des produits et services financiers[2] (« LDPSF »).

[3]   L’Autorité reproche à Claudette Tremblay d’avoir manqué à ses obligations en n’ayant pas agi avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec les clients du cabinet.

[4]   Elle lui reproche qu’à titre de dirigeante responsable du cabinet, elle aurait manqué à ses obligations en permettant à des représentants du cabinet de ne pas remplir leurs obligations et qu’elle aurait permis à des représentants non certifiés par l’Autorité ou à des employés en télémarketing de contrevenir à la Loi en offrant illégalement des produits en assurance sans être certifiés auprès de l’Autorité.

[5]   Claudette Tremblay, pour sa part, admet que le cabinet pour lequel elle était dirigeante responsable a permis à des représentants non certifiés par l’Autorité ou à des employés en télémarketing de contrevenir à la Loi et ses règlements en offrant illégalement des produits en assurance sans être certifiés auprès de l’Autorité.

[6]   Cependant, elle allègue ne pas être responsable des manquements qu’on lui reproche, puisque la structure de ce cabinet ne lui permettait pas, dans les faits, d’exercer adéquatement ses fonctions de dirigeante responsable.

[7]   Elle souligne que, malgré sa désignation à titre de dirigeante responsable, elle n’avait aucun contrôle sur les agissements des représentants certifiés qu’elle aurait normalement dû superviser ni sur les autres employés du cabinet et qu’elle n’avait même pas accès aux dossiers des consommateurs.

[8]   D’ailleurs, à l’origine, ce dossier impliquait aussi le cabinet APAC auprès duquel Claudette Tremblay était rattachée, mais le Tribunal a entériné l’accord qui est intervenu entre l’Autorité et ce cabinet.

[9]   En conséquence,  le Tribunal a scindé ce dossier pour procéder eu égard au cabinet APAC en premier lieu. Le 20 décembre 2018, le Tribunal a imposé la pénalité administrative suggérée de 90 000 $ au cabinet APAC en raison des manquements admis aux articles 3, 4, 27, 28, 84, 85 et 86 de la LDPSF.   

[10]        En conséquence, la présente affaire se poursuit uniquement à l’encontre de Claudette Tremblay pour laquelle le Tribunal a répondu à la première question en litige suivante : « La preuve soumise démontre-t-elle des manquements de la part de l’intimée Claudette Tremblay aux articles 84 et 85 de la LDPSF d’agir avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec les clients ? »

[11]        Après avoir répondu « oui » à cette première question en litige, le Tribunal a répondu à la seconde question en litige suivante : « Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, mettre en œuvre à l’encontre de Claudette Tremblay des ordonnances de nature protectrice, préventive et dissuasive ? ».

[12]        Or, le Tribunal a également répondu « oui » à cette seconde question en litige et il prononce à l’encontre de Claudette Tremblay, pour les motifs détaillés exposés dans l’analyse qui suit, les ordonnances suivantes :

         Il lui impose une pénalité administrative de 7 000 $;

         Il lui interdit d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeant responsable de tout cabinet d’assurances, et ce, pour une période de cinq (5) ans;

         Il assortit son certificat portant le numéro 132843 de la restriction suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de cinq (5) ans.

ANALYSE

Première question en litige : La preuve soumise démontre-t-elle des manquements de la part de l’intimée Claudette Tremblay aux articles 84 et 85 de la LDPSF d’agir avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec les clients ?

[13]        Selon le Tribunal et à titre de dirigeante responsable, Claudette Tremblay a manqué aux articles 84 et 85 de la LDPSF dans l’exercice de ses fonctions auprès du cabinet APAC.

Le droit 

         L’encadrement du cabinet et de son dirigeant responsable

[14]        D’emblée, le Tribunal rappelle que la LDPSF est une loi d’ordre public dont l’objet est la protection du public. Dans l’affaire Formule Pontiac Buick[3], la Cour s’exprimait comme suit à cet effet :

« [45] De plus, la loi a comme objectif d’établir différentes manières de surveiller, de contrôler, les personnes ou les compagnies qui vendent des produits ou des services financiers. […]

[46] Prenant en considération tous ces faits, force est de conclure que la Loi 188 est une loi d’ordre public. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivé le Juge Jacques Vaillancourt :

« L’objet de cette Loi est la protection du public notamment en matière d’offre de produits d’assurance individuelle de personnes. »»

[Références omises]

[15]        Dans cet objectif de protection, la LDPSF prévoit que seuls les représentants certifiés auprès de l’Autorité peuvent offrir des produits d’assurance, à l’exception des produits qui peuvent être vendus en distribution sans représentant.  De plus, un cabinet ne peut agir que par l’entremise des représentants qui lui sont rattachés.

[16]        L’article 3 de la LDPSF prévoit que « Le représentant en assurance de personnes est la personne physique qui offre directement au public, à un cabinet, à un représentant autonome ou à une société autonome des produits d’assurance individuelle de personnes ou des rentes individuelles d’un ou de plusieurs assureurs ».

[17]        Cet article 3 prévoit également que le représentant en assurance de personnes : « […] agit comme conseiller en assurance individuelle de personnes et est habilité à faire adhérer toute personne à un contrat collectif d’assurance ou de rentes.»

[18]        L’article 4 de la LDPSF prévoit que le représentant en assurance collective « est la personne physique qui offre des produits d’assurance collective de personnes ou des rentes collectives d’un ou de plusieurs assureurs. Il agit également comme conseiller en assurance collective de personnes. »

[19]        L’article 12 de la LDPSF prévoit que nul ne peut agir comme représentant ni se présenter comme tel, à moins d'être titulaire d'un certificat délivré à cette fin par l'Autorité.

[20]        L’article 82 de la LDPSF prévoit qu’un cabinet ne peut agir dans une discipline que par l’entremise d’un représentant pour lequel il a satisfait aux exigences d’inscription prévues aux articles 74, 76 et 77 de la loi.

[21]        Au-delà de ces obligations imposées au représentant en assurance, la loi impose certaines obligations additionnelles au cabinet et à ses dirigeants.

[22]        L’article 84 de la LDPSF mentionne qu’un cabinet et ses dirigeants « […] sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients »  et qu’ils « doivent agir avec soin et compétence ».

[23]        L’article 85 de la LDPSF prévoit que le cabinet et ses dirigeants « veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements ».

[24]        Or, dans tout cabinet en assurance, il y a une personne qui est nommée dirigeante responsable par le cabinet et qui est désignée à ce titre auprès de l’Autorité.

[25]        Le dirigeant responsable veille à la discipline des représentants. Il s’assure que les représentants et les employés du cabinet agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements.

[26]        Il s’assure entre autres que le cabinet traite de façon équitable les plaintes qui lui sont formulées. Il est le seul au sein du cabinet à être autorisé d’office à signer les demandes d’inscription et les formulaires de l’Autorité.

[27]        Le dirigeant responsable constitue un lien essentiel entre l’Autorité et le cabinet et son rôle est d’une importance capitale dans le respect des obligations de la loi.

[28]        Ce dirigeant responsable est aux premières lignes de ce qui se passe et est en mesure d’identifier les manquements, lorsqu’il y en a. La protection du public requiert que le public et l’Autorité doivent pouvoir se fier au fait qu’un dirigeant responsable exerce ses fonctions avec loyauté, indépendance, courage, compétence et intégrité.    

[29]        Tel que l’a mentionné le Tribunal dans l’affaire Assurancia[4] :

 « le Tribunal rappelle que les obligations fondamentales [56], prévues par le législateur - pour protéger le public - dans la  Loi sur la distribution de produits et services financiers, doivent en tout temps et en toutes circonstances être respectées par un cabinet d’assurance et par son dirigeant responsable. »

[Référence omise]

[30]        De plus, tel que l’indique le Tribunal dans cette décision :

« Un cabinet d’assurance et son dirigeant responsable doivent être capables, en tout temps, d’exercer leur jugement d’une manière indépendante et ils doivent avoir la compétence nécessaire pour déterminer si une proposition d’affaire et son modus operandi - relié à la sollicitation et à la vente de produits d’assurance au public - respectent l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements d’application. »

[31]        Tel que le mentionne le Tribunal dans la décision 9190-4995 Québec inc.[5] : « Les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public. »

         La cueillette de renseignements et l’offre de produits

[32]        En ce qui a trait à la cueillette de renseignements par un représentant en assurance, la LDPSF prévoit spécifiquement à son article 27[6], que pour la cueillette de renseignements un représentant en assurance « doit  recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux ».

[33]        Selon l’article 28[7] de la LDPSF, le représentant en assurance « doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte. »

[34]        En vertu de l’alinéa 2 de cet article, ce représentant « doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garanties particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur les exclusions. »

[35]        Ainsi, sauf à l’exception des produits admissibles à la distribution sans représentant, il revient au représentant en assurance d’exercer l’activité de conseil en assurance[8].

[36]        Alors, qu’en est-il de la vente de produits d’assurance par télémarketing ?

[37]        Le Tribunal et la Cour du Québec se sont penchés à quelques reprises sur l’offre de produits d’assurance par télémarketing, notamment dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. 9111-3258 Québec inc.[9] pour conclure, après analyse de la preuve, que cette offre devait se faire par l’entremise de représentants certifiés.

[38]        Dans l’affaire Assurancia[10], le Tribunal a conclu à l’offre de produits d’assurance par des représentants non inscrits dans le scénario suivant :

« [55]        Par ailleurs, la preuve présentée au Tribunal établit que, durant la période 2010-2016, plus de 100 000 produits d’assurance furent vendus au public du Québec dans le cadre de cette entente, le tout en suivant des scripts prévoyant un modus operandi précis à l’égard des rôles respectifs des employés (non-inscrits auprès de l’Autorité) de Gexel Telecom et des représentants en assurance de personnes (inscrits auprès de l’Autorité) qui étaient rattachés à l’intimé cabinet Assurancia.

[56]        Une lecture des scripts susmentionnés permet d’aisément constater que les représentants de l’intimé cabinet Assurancia :

        intervenaient auprès des clients, à titre de soi-disant « vérificateurs » dans le cadre d’un « scénario de validation », mais seulement après que les ventes de produits d’assurance aient été confirmées à ces clients par un agent, non-inscrit auprès de l’Autorité, de Gexel Telecom; 

        ne recueillaient pas personnellement les renseignements nécessaires afin d’identifier les besoins des clients et n’étaient, d’aucune manière, en mesure de proposer à ces clients les produits d’assurance qui convenaient le mieux à leurs besoins.

[57]        De l’avis du Tribunal, ce modus operandi contient des manquements manifestes à la Loi sur la distribution de produits et services financiers de la part des représentants en assurance de personnes rattachés à l’intimé cabinet Assurancia, en particulier aux articles 27 et 28 de cette loi.

[…]

[59]        Le Tribunal rappelle que ce modus operandi est établi dans les scripts qui furent remis par Gexel Telecom à l’intimé cabinet Assurancia dans le cadre de la mise en œuvre de leur entente de service, signée en avril 2010, mais qui - selon la preuve recueillie - est, de facto, entrée en vigueur le 23 novembre 2009 pour un début de livraison de services le 15 février 2010.    

[60]        De l’avis du Tribunal, en cautionnant l’utilisation de ces scripts et de ce modus operandi par ses représentants en assurance de personnes, l’intimé cabinet Assurancia a essentiellement accepté de participer, entre 2010 et 2016, à une vaste opération de télémarketing - visant la clientèle de Sears et de Canadian Tire au Québec - dans laquelle de la sollicitation, du conseil et des ventes de plus de 100 000 produits d’assurance ont été effectués illégalement par des employés de Gexel Telecom qui ne détenaient pas de certificats, à titre de représentants en assurance, auprès de l’Autorité. 

 [61]        Qui plus est, d’avoir accepté que ses représentants en assurance de personnes - agissant sous sa supervision directe - commettent au rythme d’une chaîne de montage pendant près de 7 ans, entre 2010 et 2016, plus de 100 000 infractions aux articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers constitue - de l’avis du Tribunal - des manquements exceptionnellement graves aux articles 84, 85 et 86 de cette loi de la part de l’intimé cabinet Assurancia et de son dirigeant responsable, l’intimé Patrice Tardif. »

[Références omises]

[39]        Ainsi et à l’exception de ce qui est permis pour la distribution sans représentants, selon le Tribunal, il est clair que lorsqu’un cabinet fait appel à des employés non-inscrits ou à du télémarketing dans la distribution de produits d’assurance de personnes, il doit s’assurer que ces non-inscrits ne posent pas les gestes qui sont réservés aux représentants inscrits en vertu de la loi. Ceci implique donc qu’une analyse rigoureuse doit être faite des gestes posés par les divers intervenants auprès de la clientèle de manière à s’assurer qu’il n’y ait pas contravention à la loi.        

[40]        À la lumière de ce qui précède, il convient donc d’analyser la situation qui prévaut pour les fonctions de supervision qu’exerçait Claudette Tremblay auprès d’APAC et de déterminer si l’offre d’assurance aux clients du cabinet se faisait ou non par l’entremise de représentants inscrits. 

Application des faits au droit

[41]        Selon la preuve, Claudette Tremblay détient un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes et de l’assurance collective de personnes depuis au moins 2010[11]. Entre le 11 août 2011 et le 25 août 2017, elle a agi à titre de dirigeante responsable du cabinet APAC auprès duquel elle était rattachée.

[42]        Claudette Tremblay affirme avoir été conseillère en sécurité financière pendant 25 ans et avoir été dirigeante responsable de cabinets depuis 2006, jusqu’à sa retraite en 2018. Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[43]         Selon la preuve, entre le 18 janvier 2008 et le 15 janvier 2014, APAC a offert des services de télémarketing à l’assureur ACE INA-Vie (« ACE »), maintenant connu sous le nom de Chubb du Canada, compagnie d’assurance-vie, pour des produits d’assurance de Sears.

[44]        Sears proposait entre autres à ses clients le produit d’assurance appelé « Régime d’assurance pour maladies graves Sears » soit une assurance collective souscrite par ACE dont Sears est le preneur. Ce produit était réservé aux détenteurs de la carte de crédit Sears.

[45]        Ce produit couvrait huit conditions médicales précises, comportait cinq à six niveaux de couverture et se payait par le consommateur par un montant forfaitaire unique.

[46]        Ce produit se distribuait par l’entremise de deux modes de distribution, soit par appel entrant ou par appel sortant. Selon l’enquêteur au dossier, la distribution se faisait quasi exclusivement par appels sortants via le télémarketing offert par APAC.

[47]        Selon la preuve, ACE et APAC ont conclu une entente en janvier 2008 qui prévoyait qu’APAC rendait des services d’appels aux clients de Sears en vue de les faire adhérer à « l’assurance maladies graves » de Sears[12].

[48]        Entre 2012 et 2014 inclusivement, 10 622 Québécois ont adhéré à ce produit par télémarketing pour des primes perçues totalisant 1 087 706,22 $, selon l’information qu’ACE a transmise à l’enquêteur de l’Autorité[13].

[49]        APAC aurait reçu 651 863 $ à titre de rémunération et plus de 8 883 certificats d’assurance auraient été émis par l’intermédiaire d’APAC entre 2012 et 2013.

[50]        Selon la preuve, la distribution de ce produit se faisait de la même manière que celle décrite dans l’affaire Assurancia[14], ci-haut citée.

[51]        En effet, cette distribution s’effectuait suivant des scripts prévoyant un modus operandi précis à l’égard des rôles respectifs des employés d’APAC non-inscrits auprès de l’Autorité et des représentants en assurance de personnes inscrits auprès de l’Autorité qui étaient rattachés à APAC.

[52]        L’enquêteur de l’Autorité a obtenu copie de ces scripts et enregistrements, ce qui lui permit de constater que des agents non certifiés donnaient des conseils en assurance, allant même jusqu’à faire adhérer le client et le représentant certifié n’intervenait qu’à la fin pour confirmer l’adhésion. 

[53]        L’enquêteur de l’Autorité a obtenu copie de 18 enregistrements d’appels échelonnés sur trois années, soit 2012, 2013 et 2014, selon lesquels la dynamique des appels respecte à la lettre les scripts qui lui ont été fournis.

[54]        Selon la preuve, la distribution des produits d’assurance d’ACE par l’intermédiaire d’APAC a été faite de manière non conforme aux exigences de la LDPSF et de ses règlements en ce que :

         C’est l’agent non certifié qui donne au consommateur des informations sur le produit et qui explique, notamment, les différents niveaux de couverture offerts, la prime correspondante, certaines modalités d’annulation et l’absence de nécessité d’examen médical[15], et ce, contrairement aux articles 3, 4 et 12 de la LDPSF.

         Le représentant certifié ne fait pas d’analyse des besoins du client ni ne recueille personnellement les renseignements nécessaires auprès du client, en vue de lui proposer un produit d’assurance qui lui convient, ce qui contrevient aux articles 3, 4, 27 et 28 LDPSF et à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[16].

         Le représentant certifié impliqué dans le processus ne remplit pas le rôle qu’il devrait jouer auprès des consommateurs soit plus particulièrement d’analyser leurs besoins et de les conseiller.

         Le client se fait dire par la personne non certifiée que sa police est en vigueur et qu’il va recevoir son certificat d’assurance, alors que le représentant certifié n’a pas encore parlé au client.

[55]        Au cours des années 2012, 2013 et 2014, au moment où 10 622 produits d’assurance ont été distribués aux Québécois en contravention à la loi, Claudette Tremblay était dirigeante responsable d’APAC et avait le devoir de superviser les représentants inscrits d’APAC de manière à ce qu’ils agissent en conformité avec la Loi.

[56]        Or, Claudette Tremblay a manqué à cette tâche et a manqué à ses obligations prévues à l’article 84 de la LDPSF en ce qu’elle n’a pas agi avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec les clients du cabinet.

[57]        Elle a également contrevenu à l’article 85 de la LDPSF en permettant aux représentants du cabinet de ne pas remplir les obligations qui leur incombent et en permettant à des employés d’une firme de télémarketing de contrevenir à la LDPSF et à ses règlements en offrant illégalement des produits d’assurance sans être certifiés auprès de l’Autorité.

[58]        Selon la preuve, Claudette Tremblay a été avisée en mars 2016[17] par l’Autorité qu’à titre de dirigeante responsable d’APAC, elle n’utilisait pas ses représentants certifiés pour recueillir les renseignements auprès des clients dans le but de leur proposer le produit d’assurance convenant le mieux à leur situation.

[59]        Avant cette date, elle n’était pas informée des démarches d’enquête de l’Autorité, lesquelles se sont faites par l’enquêteur directement auprès de l’assureur.

[60]        Selon Claudette Tremblay, c’est l’assureur qui a établi les scripts et elle n’avait aucun contrôle sur les représentants en télémarketing qui sollicitaient les clients de Sears, malgré qu’elle était dirigeante responsable d’APAC.

[61]        Selon elle, c’était la division de télémarketing d’APAC qui embauchait les agents de télémarketing et elle n’exerçait aucune supervision sur eux.

[62]        Claudette dit avoir été tenue à l’écart et qu’à titre de dirigeante responsable elle ne faisait que signer les renouvellements de permis des représentants depuis 2006, mais n’exerçait aucune autre fonction de supervision des représentants et encore moins des agents de télémarketing.

[63]        Elle affirme qu’elle n’avait même pas accès aux documents du cabinet et encore moins des dossiers clients.

[64]        Elle indique qu’elle n’était pas d’accord avec les scripts, mais ceux-ci étaient établis par l’assureur. 

[65]         Elle indique que même si dans les dossiers de l’Autorité, elle était dirigeante responsable et signataire, les actions se faisaient par d’autres personnes du cabinet sans qu’elle ne le sache.

[66]        Elle mentionne avoir accepté chaque année d’être de nouveau dirigeante responsable parce qu’on le lui demandait, qu’elle n’avait pas les moyens de ne pas l’être et qu’elle ne savait pas jusqu’à quel point elle pouvait faire changer les choses. Elle mentionne qu’elle avait besoin de gagner sa vie.

[67]        Ce que le Tribunal constate de cet état de fait c’est que Claudette Tremblay ignorait totalement qu’elles sont les responsabilités d’un dirigeant responsable d’un cabinet en assurance. Or, ceci constitue en soi une démonstration d’incompétence qui a mis les consommateurs en danger.

[68]        L’absence de contrôle d’un dirigeant responsable sur les représentants ou sur les actions du cabinet auprès duquel il est rattaché n’est pas une défense lorsque des manquements à la loi sont constatés de la part des représentants et du cabinet.

[69]        Dans l’affaire Assurancia[18], le Tribunal a mentionné ce qui suit eu égard aux obligations du dirigeant responsable :

«    [81]        À cet égard, le Tribunal rappelle que les obligations fondamentales [56], prévues par le législateur - pour protéger le public - dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers doivent en tout temps et en toutes circonstances être respectées par un cabinet d’assurance et par son dirigeant responsable.

[82]        Par conséquent, rien n’autorise un cabinet d’assurance et son dirigeant responsable à se comporter comme une créature dénuée de jugement lorsqu’ils sont en présence d’une proposition d’affaire ou d’un script, furent-ils préparés ou inspirés par une compagnie d’assurance.

[83]        Un cabinet d’assurance et son dirigeant responsable doivent être capables, en tout temps, d’exercer leur jugement d’une manière indépendante et ils doivent avoir la compétence nécessaire pour déterminer si une proposition d’affaire et son modus operandi - relié à la sollicitation et à la vente de produits d’assurance au public - respectent l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements d’application.   

[84]        Dans la présente affaire, de l’avis du Tribunal, la preuve démontre d’une manière prépondérante une violation systématique par les intimés d’obligations fondamentales, prévues par le législateur pour protéger le public, et ce, pendant une période de près de sept ans. »

[70]        Ce principe de responsabilité du dirigeant responsable malgré l’absence de contrôle sur les activités du cabinet a également été reconnu dans les affaires Gexel[19] et Avro[20].

[71]        Vu ce qui précède, le Tribunal considère que selon la preuve soumise, Claudette Tremblay a contrevenu aux articles 84 et 85 de la LDPSF en n’agissant pas avec soin et compétence dans le cadre de ses relations avec les clients.

[72]        Le Tribunal considère également que Claudette Tremblay en tant que dirigeante responsable du cabinet APAC a manqué à ses obligations de supervision notamment :

         En tolérant que des agents non certifiés posent à la place des représentants qu’elle supervisait des gestes réservés à des inscrits tout en tolérant que des représentants certifiés interviennent dans le processus de vente sans que les obligations leur incombant ne soient respectées;

         En tolérant la structure mise en place par l’assureur et la direction du cabinet qui contournait les obligations qui incombent aux représentants certifiés permettant ainsi la distribution de produits d’assurance à grande échelle pendant plus de trois ans auprès de plus de 10 622 consommateurs.

[73]        Vu ces manquements aux obligations de la LDPSF il y a lieu de passer à la deuxième question en litige.

Deuxième question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, mettre en œuvre à l’encontre de Claudette Tremblay des ordonnances de nature protectrice, préventive et dissuasive ? 

[74]        En réponse à cette question, le Tribunal considère qu’en raison de la nature des manquements à la Loi, il y a lieu mettre en œuvre des ordonnances de nature protectrice, préventive et dissuasive, soit d’imposer à Claudette Tremblay une pénalité administrative de 7 000 $ et de lui interdire d’agir à titre de dirigeante responsable de tout cabinet d’assurance pour une durée de cinq ans en assortissant son certificat de cette condition.

 

Le droit et son application aux faits

[75]        En vertu de l’article 115 de la LDPSF, le Tribunal peut imposer une pénalité administrative d’un maximum de 2 000 000 $ à une personne en raison d’un manquement à la loi.

[76]        Une pénalité administrative doit être représentative de l’importance qu’accorde le Tribunal aux manquements aux règles à la base de l’encadrement des marchés financiers.

[77]        De plus, en vertu de l’article 115.1 de la LDPSF, le Tribunal peut interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un cabinet pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil ou lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de la loi. Cet article prévoit également qu’une telle interdiction ne peut excéder cinq ans.

[78]        En conséquence, le Tribunal considère qu’une pénalité au montant de 7 000 $ serait appropriée dans les circonstances, et ce, pour les raisons qui suivent. De plus, le Tribunal juge approprié d’interdire à Claudette Tremblay d’agir à titre de dirigeante responsable de tout cabinet d’assurance pour une durée de cinq ans et assortit son certificat de cette condition.

[79]        Dans l’arrêt Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Commission des valeurs mobilières de l’Ontario[21], la Cour suprême du Canada a établi plusieurs principes qui peuvent servir de guide quant aux pouvoirs du Tribunal.

[80]        Les ordonnances du Tribunal sont de nature réglementaire[22] et en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives malgré qu’elles peuvent être dissuasives. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive.

[81]        Il est espéré d’une pénalité que son effet dissuasif soit suffisant pour permettre d’éviter que de tels manquements soient commis de nouveau par Claudette Tremblay ou par toute autre personne qui serait tentée d’aller dans cette voie.

[82]        Ainsi, selon la jurisprudence, et plus particulièrement la décision Demers[23]  rendue par le Tribunal, plusieurs facteurs doivent le guider dans l’établissement du montant d’une pénalité administrative.

[83]        Le Tribunal a évalué chacun de ces facteurs en lien avec la preuve, dont le témoignage de Claudette Tremblay lors de l’audience et a fait les constats suivants :

         La gravité des gestes posés par le contrevenant

[84]        Selon la preuve, en raison des manquements à la loi, plus de 10 622 consommateurs ont acquis un produit d’assurance selon un modus operandi et un mode de distribution qui contrevenaient à la loi.

[85]        Ceci a privé ces derniers de conseils précieux d’une personne certifiée qu’ils auraient normalement dû recevoir avant d’acheter les produits d’assurance qu’on leur a illicitement proposés.

[86]        Le Tribunal considère donc que les manquements commis par Claudette Tremblay sont d’une gravité importante.

         La conduite antérieure du contrevenant.

[87]        Claudette Tremblay a exercé des activités nécessitant un certificat de l’Autorité durant plus de 25 ans et aucune preuve n’a été faite qu’il y ait eu quelque problème que ce soit eu égard à sa conduite antérieure. Le Tribunal a considéré ce fait dans l’établissement de l’ordonnance qu’il rend.

         La vulnérabilité des consommateurs sollicités

[88]        L’écoute des enregistrements déposés en preuve par l’enquêteur au dossier démontre sans l’ombre d’un doute que parmi les consommateurs sollicités par APAC, plusieurs étaient des personnes vulnérables. Ces personnes ont besoin de la protection de la LDPSF. Tous les détenteurs d’une carte de crédit Sears étaient visés par la sollicitation d’APAC.

[89]        De l’avis du Tribunal ceci milite en faveur d’une mesure dissuasive sévère.

         Les pertes subies par les investisseurs

[90]        Selon la preuve, les clients qui ont souscrit ces polices d’assurance n’ont pas subi de grandes pertes. Le produit offert était aussi relativement peu coûteux pour les consommateurs cependant en l’absence d’analyse de besoin, il pouvait être inutile pour certains.

         Les profits réalisés par le contrevenant

[91]        Le Tribunal considère également que Claudette Tremblay n’a pas tiré de profit de la situation hormis son salaire. En fait, le Tribunal considère que c’est APAC qui a le plus bénéficié de cette distribution illégale.

[92]        Ainsi, l’absence de profits réalisés par Claudette Tremblay milite en sa faveur dans l’établissement de la pénalité administrative.

         L’expérience du contrevenant

[93]        En l’espèce, Claudette Tremblay avait de nombreuses années d’expérience dans le domaine de l’assurance, tel que son témoignage en défense l’a démontré.

[94]        Cependant, elle ignorait l’essentiel des réelles responsabilités d’une dirigeante  responsable lors des manquements commis et ne pouvait exercer les fonctions, notamment de supervision, qui lui incombait. De plus, lorsqu’elle constatait des manquements, elle se disait dans l’impossibilité de les faire respecter.

[95]        Le Tribunal ne peut cautionner une telle attitude, donc ceci ainsi que l’expérience  de Claudette Tremblay ont un impact défavorable sur l’appréciation du Tribunal eu égard à la mesure à prononcer.

         La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés

[96]        À ce titre le Tribunal considère que le statut de dirigeant responsable d’un cabinet est à considérer dans son appréciation d’un manquement et commande une sanction plus sévère. Le rôle d’un dirigeant responsable est important pour les consommateurs, pour le cabinet et pour l’Autorité.

         L’importance des activités du contrevenant au sein des marchés financiers

[97]        Claudette Tremblay a pris sa retraite depuis 2018. Elle ne joue plus un rôle actif dans la communauté financière. Ce facteur a été considéré dans les mesures proposées.

         Le caractère intentionnel des gestes posés

[98]        Les manquements ont été commis de manière continue sur une longue période et le Tribunal n’accepte pas l’excuse invoquée d’absence de contrôle sur les activités du cabinet.

[99]        Le Tribunal ne prête pas d’intention malhonnête à Claudette Tremblay qui n’a pas intentionnellement contrevenu à ses obligations. L’ignorance de la Loi ne fait pas que les gestes posés en contravention de la Loi sont intentionnels.

         Le risque que le contrevenant fait courir aux investisseurs et aux marchés financiers si on lui permet de continuer ses activités

[100]     Dans la présente affaire, ce risque était élevé. De nombreuses personnes ont été privées de la protection de la Loi pendant plus de trois années.

[101]     Toutefois Claudette Tremblay a pris sa retraite en 2018 ce qui limite le risque qu’une situation similaire se reproduise. Cependant, malgré cette retraite, le Tribunal juge approprié d’assujettir son certificat à une restriction afin d’éviter tout retour possible dans un poste de supervision pour 5 ans. 

        Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant, mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter 

[102]     Dans la décision Cartaway Resources Corp. (Re)[24], la Cour suprême du Canada mentionne que la dissuasion générale est un objectif prédominant à considérer au moment de déterminer la sanction à imposer par une autorité en valeurs mobilières :

« […] À mon avis, la dissuasion générale représente un facteur pertinent pour l’établissement d’une pénalité dans l’intérêt public.  La dissuasion générale remplit une fonction à la fois prospective et préventive.  À ce titre, elle relève clairement de la fonction de protection de l’intérêt public des commissions des valeurs mobilières, qui vise à préserver la confiance des investisseurs dans le fonctionnement des marchés de capitaux. »

[103]     De l’avis du Tribunal, les mêmes principes s’appliquent dans le domaine de l’assurance. Ainsi, la dissuasion générale et spécifique doit être prise en considération lorsqu’il s’agit d’établir une sanction à l’encontre d’un contrevenant à la loi.

[104]     La pénalité administrative à être imposée doit donc être représentative de l’importance qu’accorde le Tribunal aux manquements aux règles à la base de l’encadrement des marchés financiers.

[105]     Il est espéré que ceci permette d’éviter que de tels manquements soient commis de nouveau par Claudette Tremblay ou par toute autre personne qui serait tentée d’aller dans cette voie.

[106]     Pour Claudette Tremblay et étant donné sa situation financière difficile, le Tribunal est d’avis qu’un faible montant de pénalité administrative aura cet effet dissuasif.

[107]     Par ailleurs, le critère de dissuasion générale commande un montant plus élevé. Il s’agit donc de trouver le juste équilibre entre ces deux impératifs.

         Le degré de repentir du contrevenant

[108]     Lors de l’audience, Claudette Tremblay a fait preuve d’un repentir évident pour les gestes posés.

[109]     Elle a manifesté à plusieurs reprises au Tribunal ne jamais avoir voulu être en contravention de la Loi et réagissait très négativement à la perspective d’être reconnue comme ayant contrevenu à la loi. Elle a manifesté son désir d’aider l’Autorité dans la recherche d’une solution qui aiderait l’encadrement de la pratique.

[110]     Le Tribunal a tenu compte de son repentir et de son regret exprimés lors de l’audience au moment d’établir les mesures qu’il a imposées.

         Les facteurs atténuants

[111]     Le Tribunal tient également compte du fait que Claudette Tremblay n’a jamais été informée de quelque manière que ce soit de l’enquête de l’Autorité, qui a débuté en 2012.

[112]     Elle n’a été informée de possibles contraventions à la loi qu’en mars 2016 par une lettre que lui a adressée l’Autorité l’informant de ses préoccupations[25].  

[113]     Aussitôt informée, Claudette Tremblay a tenté d’apporter des correctifs pour régulariser la situation dénoncée dans la lettre de l’Autorité et elle s’est butée à l’absence de collaboration du cabinet.

[114]     Ainsi, en septembre 2016, Claudette Tremblay a demandé l’aide de l’Autorité par la transmission d’un formulaire de dénonciation[26] dans lequel elle demandait l’aide de l’Autorité pour instaurer de la conformité au sein du cabinet.

[115]     Dans ce formulaire, Claudette Tremblay dénonce à l’Autorité qu’elle travaille d’arrache-pied pour régulariser la situation que l’Autorité lui demande d’adresser, mais qu’elle ne dispose pas des moyens pour ce faire puisqu’une personne à son cabinet intercepte les documents dont elle a besoin pour ses fonctions et les transmet à leurs bureaux en Ontario où ils sont traités sans son autorisation et sans sa signature.

[116]     Sa demande à l’Autorité est demeurée sans réponse jusqu’à ce qu’elle soit informée des présentes procédures intentées en octobre 2017.

[117]     Bien que cette dénonciation de sa part soit postérieure aux faits invoqués contre elle, le Tribunal considère cette dénonciation comme étant un facteur atténuant dans l’appréciation des mesures qu’il impose.

[118]     Le Tribunal ne peut aussi passer sous silence le fait que le cabinet APAC, qui a réglé cette affaire par une entente avec l’Autorité entérinée par le Tribunal, a littéralement laissé en plan son ancienne employée qui a du se représenter seule devant le Tribunal eu égard à une situation qu’elle n’a jamais pu totalement contrôler.

[119]     Ceci illustre bien à quel point il est important pour une personne qui assume les responsabilités d’un dirigeant responsable d’un cabinet de bien comprendre son environnement et les conséquences probables d’une telle désignation en cas de manquements à la loi, notamment par les représentants du cabinet lors de la distribution de produits d’assurance.

[120]     Le dirigeant responsable est aux premières lignes de défense de la protection des consommateurs et restera imputable même en absence de contrôle des décisions et du fonctionnement du cabinet.

[121]     Le Tribunal évaluera ce contrôle ou cette absence de contrôle comme facteur eu égard aux mesures qu’il ordonnera, mais il ne le considérera pas comme étant un moyen de défense.  

         Les sanctions imposées dans des  circonstances semblables

[122]     Le Tribunal a examiné plusieurs décisions qu’il a rendues dans de semblables circonstances, lesquelles lui ont été soumises par la procureure de l’Autorité, notamment les décisions Girard[27], Gexel Telecom[28], Assurancia[29], Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd[30], Rochefort, Perron, Billette et Associés inc.[31], Assurance Crédit Virage inc.[32], MWM Assurances inc.[33], lesquelles imposaient des mesures pour des manquements à la loi.

[123]     Le Tribunal tient également compte du fait que le cabinet APAC a convenu d’une entente entérinée par le Tribunal pour les mêmes manquements invoqués à l’encontre de Claudette Tremblay pour un montant de 90 000 $[34].

[124]     À la lumière de ces précédents, le Tribunal considère que les ordonnances de nature protectrice, préventive et dissuasive proposées par l’Autorité sont appropriées, mais fixe à 7 000 $ le montant de la pénalité administrative ordonnée, notamment en raison des facteurs atténuants énumérés ci-haut.

[125]     Le Tribunal considère également les représentations de Claudette Tremblay à l’égard de sa situation financière personnelle précaire à la retraite et son état de santé fragile et considère que ce montant sera plus qu’amplement dissuasif. 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et des articles 115 et 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

ACCUEILLE la demande remodifiée de l’Autorité des marchés financiers;

IMPOSE à Claudette Tremblay, à titre de dirigeant responsable, une pénalité administrative de 7 000 $;

INTERDIT à Claudette Tremblay d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeant responsable de tout cabinet d’assurances, et ce, pour une période de cinq ans;

ASSORTI le certificat portant le no 132843 émis au nom de Claudette Tremblay de la restriction suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n'est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de cinq ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Ève Demers, accompagnée de Maude Laporte, stagiaire en droit

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Claudette Tremblay, comparaissant personnellement

 

 

 

Dates d’audience :

23 et 24 octobre 2019

 

 



[1]     RLRQ, c. E-6.1.

[2]     RLRQ, c. D-9-2.

[3]     Formule Pontiac Buick GMC inc. c. Bureau de services financiers, 2004 CanLII 7239 (QC CS), confirmée en appel, 2005 QCCA 1027.

[4]     Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), 2019 QCTMF 13.

[5]     Autorité des marchés financiers c. 9190-4995 Québec inc., 2018 QCTMF 82.

[6]     Version en vigueur au moment des faits générateurs due la présente affaire.

[7]     Version en vigueur au moment des faits générateurs due la présente affaire.

[8]     Autorité des marchés financiers c. 9111-3258 Québec inc., 2013 QCCQ 13994.

[9]     2013 QCCQ 13994.

[10]   Autorité des marchés financiers c. 9218-6066 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), préc., note 4.

[11]    Pièce D-2.

[12]    Pièce D-10.

[13]    Pièce D-9.

[14]    Autorité des marchés financiers c. 9218-6066 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), préc., note 10.

[15]    Pièces D-12 a), D-12 d), D-13.

[16]    RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[17]    Pièce I-2.

[18]    Autorité des marchés financiers c. 9218-6066 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), préc., note 4.

[19]  Autorité des marchés financiers c. Gexel Telecom International inc., 2018 QCTMF 62.

[20]  Autorité des marchés financiers c. Avro services de gestion de risques inc., 2012 QCBDR 139.

[21]    2001 CSC 37.

[22]    Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26.

[23]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[24]   2004 CSC 26.

[25]    Pièce I-2.

[26]    Pièce I-3.

[27]    Autorité des marchés financiers c. Girard, 2018 QCTMF 80.

[28]    Autorité des marchés financiers c. Gexel Telecom International inc., préc., note 19.

[29]    Autorité des marchés financiers c. 9218-6006 Québec inc. (Assurancia Groupe Tardif SF), préc., note 4.

[30]    Autorité des marchés financiers c. Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd., 2016 QCTMF 43.

[31]    Autorité des marchés financiers c. Rochefort, Perron, Billette et Associés inc., 2015 QCBDR 18.

[32]    Autorité des marchés financiers c. Assurances Crédit Virage inc., 2014 QCBDR 92.

[33]    Autorité des marchés financiers c. MWM Assurances inc., 2013 QCBDR 140.

[34]    Autorité des marchés financiers c. 515963 NB inc. (APAC), 2018 QCTMF 117.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.