Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Allstate du Canada, compagnie d'assurances

 

     

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2019-013

 

 

 

DÉCISION N° :

2019-013-001

 

 

 

DATE :

Le 25 octobre 2019

 

 

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

ALLSTATE DU CANADA, COMPAGNIE D’ASSURANCE

et

ANTOINE LÉTOURNEAU

 

Parties intimées

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

 

APERÇU

[1]   L’intimée Allstate du Canada, Compagnie d’assurance (« Allstate ») est une compagnie d’assurance au sens de la Loi sur les assureurs[1] dont le siège est situé en Ontario.

[2]   L’intimée Allstate déteint un permis délivré par l’Autorité des marchés financiers           (« l’Autorité ») lui permettant d’exercer ses activités au Québec dans les domaines de l’assurance automobile, de l’assurance de biens, de l’assurance des chaudières et des machines, de l’assurance de frais juridiques, de l’assurance contre l’incendie et de l’assurance responsabilité[2].

[3]   L’intimée Allstate détient aussi une inscription lui permettant d’agir au Québec à titre de cabinet d’assurance dans les catégories d’assurance de personnes, d’assurance de dommages et d’offrir de l’expertise en règlement de sinistre[3].

[4]   L’intimé Antoine Létourneau agit depuis le 11 août 2010 à titre de dirigeant responsable de ce cabinet d’assurance Allstate inscrit au Québec[4].

[5]   L’Autorité est l’organisme responsable de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[5]. L’Autorité exerce les fonctions et pouvoirs qui sont prévus à l’article 7 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[6], et ce, de la manière prévue à l’article 8 de cette loi.

[6]   L’Autorité allègue que l’intimée Allstate a contrevenu à l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en faisant défaut d’agir avec soin et compétence envers ses clients en leur transmettant à plus de cent (100) reprises des avis de modification de polices d’assurance comportant une réduction des engagements de l’assureur ou un accroissement des obligations des assurés, sans faire de suivi auprès d’eux et sans les informer que les modifications apportées à leur contrat ne pouvaient avoir d’effet sans leur consentement écrit, contrairement à ce que prévoit l’article 2405 du Code civil du Québec[7].

[7]   L’Autorité allègue aussi que les intimés Allstate et son dirigeant responsable, Antoine Létourneau, ont contrevenu aux articles 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en faisant défaut de veiller à la discipline de leurs représentants et en faisant défaut de s’assurer que tous les dirigeants et employés d’Allstate agissent conformément à cette loi et à ses règlements en s’acquittant de toutes les obligations qui leur incombent.

[8]   À cet égard, l’Autorité allègue spécifiquement que, dans la présente affaire, les représentants de l’intimée Allstate ont manqué à leurs obligations - d’agir avec compétence et professionnalisme et en conseillers consciencieux - qui sont prévues à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommage[8].

[9]   Lors de l’audience qui s’est tenue le 24 octobre 2019, les parties ont informé le Tribunal qu’elles ont conclu un accord contenant une recommandation commune à l’égard des intimés. Cette recommandation commune demande au Tribunal de prononcer des ordonnances imposant une pénalité administrative de 100 000 $ à l’encontre de l’intimée Allstate et une pénalité administrative de 10 000 $ à l’encontre de l’intimé Antoine Létourneau.

[10]        La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner cet accord et ainsi mettre en œuvre la recommandation commune des parties qu’il contient ?

[11]        Dans la présente affaire, le Tribunal a répondu « oui » à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après exposés.     

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, entériner l’accord conclu entre les parties et ainsi mettre en œuvre la recommandation commune des parties qu’il contient ?

[12]        Après avoir pris connaissance de l’accord conclu entre les parties, le 24 octobre 2019,  le Tribunal en arrive à la décision qu’il est dans l’intérêt public de l’entériner et de mettre en œuvre la recommandation commune des parties qu’il contient. Une copie de cet accord est jointe à la présente décision.

[13]        Le Tribunal rappelle qu’il n’est jamais tenu d’accepter les conclusions d’un accord entre les parties ni les suggestions communes qui lui sont proposées. De plus, chaque dossier doit être évalué à la lumière de ses particularités.

[14]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives demandées à l’encontre des intimés sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[9] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[10].

[15]        Dans la présente affaire, les intimés ont admis tous les faits décrits dans la demande de l’Autorité de même que tous les manquements aux articles 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui leur sont reprochés. Ils ont aussi consenti au dépôt de toutes les pièces alléguées au soutien de la demande de l’Autorité et en ont admis le contenu.

[16]        Le Tribunal constate que ces manquements sont non seulement graves mais qu’ils sont répétés.

[17]        Ainsi, les faits, admis par les intimés, révèlent que, pour la seule année 2016, un total de 107 polices d’assurances habitation de l’intimée Allstate ont été modifiées en cours de contrat - soit par l’augmentation de la franchise à payer, soit par le retrait d’avenants - et ce, sans que le consentement écrit des assurés n’ait été obtenu.

[18]        Faire parvenir à une clientèle vulnérable des avis de modification de polices d’assurance comportant une réduction des engagements de l’assureur ou un accroissement des obligations des assurés sans faire de suivi par écrit auprès de ces clients pour qu’ils comprennent bien les enjeux et sans les informer que les modifications apportées à leur contrat ne peuvent juridiquement avoir d’effet sans leur consentement écrit - comme le prévoit l’article 2405 du Code civil du Québec - constitue, de l’avis du Tribunal, un comportement plus que douteux.

[19]        De l’avis du Tribunal, la cascade de manquements graves qui fait l’objet du présent dossier démontre un manque d’honnêteté et de loyauté - flagrant et répété - à l’égard des clients de l’intimée Allstate.

[20]        Le Tribunal indique que l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers constitue la pierre d’assise de la relation de confiance qui doit exister entre l’industrie de l’assurance et un public à la recherche d’intermédiaires financiers fiables et capables de lui fournir la couverture d’assurance dont il a besoin pour protéger son foyer contre une gamme de risques importants.

[21]        Le Tribunal souligne que l’existence de cette confiance est un élément essentiel au bon fonctionnement de notre économie de marché et, en particulier, de son secteur de l’assurance.

[22]        Par conséquent, le comportement démontré par les intimés dans la présente affaire est non seulement inacceptable, mais il ne sera pas, dans l’intérêt public, toléré et un message clair doit être passé à cet égard à l’ensemble des intervenants de la place financière. 

[23]        Le Tribunal accepte d’entériner l’accord qui est intervenu entre les parties au présent dossier mais uniquement parce que le paragraphe 6 de cet accord indique que l’intimée Allstate a déjà mis en place - à la satisfaction de l’Autorité - des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que ses représentants respectent, en tout temps, l’intégralité de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements d’application, en particulier pour ce qui a trait à la communication de toute l’information pertinente à ses clients.

[24]        Par ailleurs, la procureure de l’Autorité n’a pas indiqué au Tribunal que les intimés avaient des antécédents en matière de manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et elle a affirmé que les intimés, par l’entremise de leur procureur, avaient offert une bonne collaboration afin de trouver - dans l’intérêt public - un règlement au présent dossier.           

[25]        Par conséquent, après avoir dûment considéré l’argumentation, l’accord et la recommandation que lui ont présentés les parties, le Tribunal est prêt, dans l’intérêt public, à entériner cet accord et à imposer à l’encontre des intimés les pénalités administratives, de nature dissuasive, qui lui ont été conjointement suggérées.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 97 al. 2 (6o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

 

ENTÉRINE l’accord intervenu, le 24 octobre 2019, entre l’Autorité des marchés financiers et les intimés Allstate du Canada, Compagnie d’assurance et Antoine Létourneau;

IMPOSE à Allstate du Canada, Compagnie d’assurance une pénalité administrative de cent mille dollars (100 000 $) payable à l’Autorité des marchés financiers selon les termes de l’accord susmentionné;

IMPOSE à Antoine Létourneau une pénalité administrative de dix mille dollars (10 000 $) payable à l’Autorité des marchés financiers selon les termes de l’accord susmentionné.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                     Me Jean-Pierre Cristel

                        Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Ève Demers

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Eric Stachecki

(McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.)

Procureur de Allstate du Canada, Compagnie d’assurance et Antoine Létourneau

 

 

 

Date d’audience :

24 octobre 2019








[1]     RLRQ, c. A-32.1.

[2]     Pièce D-1.

[3]     Pièce D-2.

[4]     Pièce D-2.

[5]     RLRQ, c. D-9.2.

[6]     RLRQ, c. E-6.1.

[7]     CCQ-1991.

[8]     RLRQ, c. D-9.2, r. 5.

[9]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[10]    Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

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