Autorité des marchés financiers (Québec)

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Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. 9190-4995 Québec inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-027

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-027-001

 

 

 

DATE :

Le 24 août 2018

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me ELYSE TURGEON

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

9190-4995 QUÉBEC INC.

et

CINDY LAFLAMME

 

Parties intimées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

CONTEXTE

[1]   Le 1er août 2017, l’Autorité des marchés financiers (ci-après « Autorité ») a déposé
au Tribunal une demande de pénalité administrative, d’interdiction d'agir à titre
de dirigeant responsable, de nomination d’un nouveau dirigeant responsable, de suspension d’inscription, de conditions à l’inscription et de mesures propres à assurer le respect de la loi à l’encontre des intimées
9190-4995 Québec inc. (ci-après « 9190-4995 ») et Cindy Laflamme (ci-après « Laflamme »).

[2]    Cette demande est formulée en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[1] ainsi que des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2].

[3]   Une audience au mérite a été fixée du 9 au 12 juillet 2018.

[4]   Le 27 juin 2018, le Tribunal a été informé par les procureurs au dossier que de nombreux faits ont été admis par les parties et que, par conséquent, une seule journée d’audition serait nécessaire et permettrait aux parties de faire leurs représentations. Cette journée a alors été fixée au 12 juillet 2018.

[5]   Le 11 juillet 2018, les parties ont déposé au dossier les admissions auxquelles ils ont convenu, incluant les admissions relatives aux témoignages des inspecteurs de l’Autorité.

AUDIENCE

[6]   Le 12 juillet 2018, l’audience s’est tenue au siège du Tribunal en présence de la procureure de l’Autorité ainsi que du procureur des intimées. L’intimée Laflamme était également présente dans la salle.

[7]   Les procureurs ont confirmé les admissions consignées au dossier et ont consenti au dépôt des pièces D-1 à D-21 produites par l’Autorité au soutien de la demande.

[8]   Le procureur des intimées a précisé que, pour sa part, seuls les faits contenus aux admissions étaient admis et ceci n’incluait pas les opinions qui y sont contenues et les interprétations relativement à des questions de droit.

[9]   En conséquence, le Tribunal a pris acte des admissions et a accepté le dépôt des pièces, a ordonné la mise sous scellé de certaines pièces comportant des informations personnelles et nominatives de clients du cabinet. Il a ensuite entendu les représentations des parties.

LES FAITS

[10]        La présente affaire fait suite à une inspection du cabinet intimé par l’Autorité qui s’est déroulée en août 2016 lors de laquelle cette dernière a constaté que les intimées ont commis plusieurs manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[3] et les règlements en découlant relativement aux activités du cabinet en assurance de personnes.

[11]        Cette inspection faisait suite à deux autres inspections survenues en 2012 et en 2014 lesquelles ont aussi relevé plusieurs irrégularités et manquements dont plusieurs se sont avérés être récurrents d’une inspection à l’autre.

[12]        Le cabinet intimé 9190-4995 est inscrit auprès de l’Autorité dans la discipline de l'assurance de personnes et de l'assurance collective de personnes[4] en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[5].

[13]        Le cabinet intimé 9190-4995 transige principalement par l'entremise du cabinet Groupe Robillard CGL inc. qui le détient majoritairement et qui agit pour lui à titre d'agent général.

[14]        En 2017, onze représentants étaient rattachés au cabinet intimé 9190-4995[6] et au moment de l’audience il n’en restait que quatre.

[15]        Au moment de l’inspection de 2016, les certificats de quatre représentants du cabinet intimé 9190-4995 étaient assortis de conditions et deux étaient assortis de conditions de supervision rapprochée[7].

[16]        L’intimée Laflamme, quant à elle, détient depuis 2008 un certificat émis par l'Autorité en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[8] l'autorisant à agir à titre de représentante dans la discipline de l'assurance de personnes[9].

[17]        L’intimée Laflamme est rattachée au cabinet Les assurances Robillard & associés inc.[10] et a été, entre le 25 février 2015 et le 1er août 2017, la dirigeante responsable du cabinet intimé 9190-4995[11].

        L’inspection  de 2012

[18]        Selon les faits admis, une première inspection du cabinet intimé 9190-4992 a eu lieu en avril 2012 laquelle a donné lieu, en novembre 2012, à un engagement du dirigeant responsable selon lequel, ce dirigeant responsable et le cabinet s’engageaient auprès de l’Autorité à respecter l’ensemble des obligations imposées par la Loi sur la distribution de produits et services financiers[12] et plus particulièrement quant :

        Au devoir de supervision du cabinet à l'égard de ses dirigeants, représentants et employés;

        À l'analyse des besoins financiers à effectuer pour chacun des clients, laquelle doit être consignée par écrit dans chaque dossier;

        À la publicité ou aux représentations effectuées;

        À la tenue des dossiers clients;

        Aux renseignements sur les produits offerts aux clients;

        À la procédure de remplacement de polices;

        À la politique de traitement des plaintes et de règlement des différends[13].

[19]        Dans la lettre qui accompagne cet engagement, ce dirigeant-responsable et le cabinet intimé 9190-4995 confirment également qu’un processus de changement de dirigeant responsable du cabinet est en cours et qu’une personne a fait une demande afin d’être reconnue comme dirigeante responsable.

o   L’inspection de 2014

[20]        En octobre 2014, une autre inspection a eu lieu, laquelle a donné lieu à un rapport d’inspection émis en février 2015[14]. Les irrégularités constatées par les inspecteurs de l’Autorité portaient sur les points suivants, à savoir :

        Au devoir de supervision générale du cabinet à l'égard de ses dirigeants et représentants;

        Au devoir de supervision rapprochée des inscrits dont les certificats étaient assortis de conditions;

        Aux informations inexactes ou incomplètes transmises à l'Autorité;

        À la tenue des dossiers clients (ABF, profil de risques et document d'information);

        À la procédure de remplacement de polices dans quatre des cinq dossiers échantillonnés et vérifiés par les inspecteurs.

[21]         Ce rapport a ensuite été suivi en mars 2015 d’engagements pris envers l’Autorité par l’intimée Laflamme, nouvellement nommée à titre de dirigeante responsable, ainsi que par l’un des dirigeants du cabinet qui a autorisé l’adhésion de l’intimée à ces engagements. Selon ces engagements, les intimées s’engageaient à corriger toutes les irrégularités mentionnées au rapport d’inspection remis par l’Autorité[15] à l’intérieur d’un délai d’un mois.

o   L’inspection de 2016

[22]        En août 2016, une inspection de suivi a été effectuée par l’Autorité laquelle avait pour but de s’assurer que le cabinet avait mis en place des mesures correctives et de vérifier l’efficience de ces mesures suite à l’inspection de 2014.

[23]        Cette inspection a donné lieu à un rapport d’inspection émis en décembre 2016 et a révélé les irrégularités suivantes[16] dont plusieurs sont récurrentes avec les irrégularités constatées lors des inspections précédentes :

        Défaut de s'acquitter du devoir de supervision relativement aux représentants sous supervision rapprochée et relativement à la supervision des stagiaires;

        Défaut de détenir un droit d’exercice valide de manière continue quoiqu’il n’y ait eu qu’une seule occurrence de cette irrégularité et la période d’interruption de ce droit n’était que de deux jours;

        Analyse de besoins financiers absente ou incomplète dans treize des quinze dossiers inspectés en échantillonnage;

        Profils de risque incomplets dans deux dossiers sur un échantillonnage de neuf dossiers;

        Défaut de respecter la procédure de remplacement dans sept des huit dossiers échantillonnés notamment, eu égard au préavis de remplacement des polices lesquels étaient incomplets ou erronés;

        Défaut de tenir ses dossiers en conformité avec la réglementation. Ces dossiers ne contenaient pas la preuve attestant la remise au client de certains documents;

        Un établissement non déclaré.

[24]        Suite au dépôt du rapport d'inspection de décembre 2016, dès janvier 2017, le cabinet intimé et sa dirigeante responsable, l’intimée Laflamme, ont pris des mesures correctives et ont informé l’Autorité par écrit de ces mesures afin de corriger l’ensemble des irrégularités constatées[17].

[25]        Eu égard aux suites à donner à cette inspection, elles ont également indiqué ce qui suit dans les admissions qu’elles ont déposées au dossier du Tribunal :

        Elles expriment un repentir le plus sincère des erreurs ou omissions commises par le passé;

        Depuis le rapport d’inspection de 2016, elles prennent les moyens appropriés pour empêcher que ces erreurs se poursuivent ou se répètent;

        Elles soulignent que l’actionnariat et la direction du cabinet, incluant les dirigeants responsables, ont changé entre l’inspection de 2012 et celle de 2014 suite à l’acquisition du cabinet par de nouveaux actionnaires et dirigeants et que, malheureusement, ces derniers n’avaient pas été informés du contenu du premier rapport d’inspection de 2012 avant l’inspection de 2014;

        Elles font état des mesures plus précises et des correctifs mis en place depuis la dernière inspection de 2016 dont la révision du manuel de procédures du cabinet par une firme externe;

        Elles indiquent être dans le processus de changement de dirigeant responsable et être en attente du retour de l’Autorité à ce sujet, ce qui a été confirmé au Tribunal par  l’Autorité lors de l’audience;

        Elles ont ajouté un poste à temps plein pour le support au conseiller et ont mis à jour l’ensemble du programme de conformité du cabinet.

[26]        Il a également été précisé lors de l’audience que l’intimée Laflamme n’en était qu’à sa première expérience en tant que dirigeante responsable lors des inspections de 2014 et 2016.

Argumentation de la procureure de l’Autorité

[27]        La procureure de l’Autorité a tout d’abord rappelé que la Loi sur la distribution de produits et services financiers[18] est une loi d’ordre public. Ainsi, le choix d’exercer une activité réglementée a comme corollaire un niveau de diligence accru et un minimum de compétence requis de la part de l’inscrit.

[28]        Qui plus est, la procureure de l’Autorité a souligné que les intimées ont pris des engagements en 2012 et en 2015 auprès de l’Autorité dans lesquels ils s’engageaient formellement à respecter leurs obligations et à corriger toutes les irrégularités mentionnées au rapport d’inspection.

[29]        Il ressort de la troisième inspection d’août 2016 que les intimées ont fait défaut de respecter les engagements contractés.  

[30]        La procureure de l’Autorité a ensuite présenté une abondante jurisprudence[19] pour appuyer son argumentation et a conclu ses représentations en demandant au Tribunal d’ordonner, dans l’intérêt public, la mise en œuvre de l’ensemble des conclusions présentées dans la demande de l’Autorité.

[31]        Ainsi, elle demande au Tribunal:

        L’imposition au cabinet 9190-4995 d’une pénalité administrative au montant de 40 000 $ payable dans les trente (30) jours de la décision à intervenir pour l’ensemble des manquements constatés lors de l’inspection de 2016;

        L’imposition au cabinet intimé 9190-4995 d’une pénalité administrative au montant de 15 000 $ payable dans les trente (30) jours de la décision à intervenir pour avoir manqué à ses engagements souscrits par les dirigeants responsables, auprès de l’Autorité;

        D’ordonner au cabinet intimé 9190-4995 de procéder à une nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de Cindy Laflamme dans les soixante (60) jours de la décision à intervenir; l’identité du nouveau dirigeant responsable étant soumis à l’approbation préalable de l’Autorité;

        D’ordonner au cabinet intimé 9190-4995 d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la décision à intervenir, des démarches qu’il entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable;

        D’ordonner au cabinet 9190-4995 la mise en place, à la satisfaction de l’Autorité des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi et ce, dans les soixante (60) jours de la décision à intervenir;

        Subsidiairement, d’ordonner la suspension du cabinet intimé 9190-4995 à défaut de se conformer aux ordonnances ci-haut en plus de certaines ordonnances pour assurer la transition des dossiers, livres et registres;

        D’ordonner au cabinet intimé 9190-4995 Québec inc. et à l’intimée Laflamme de pleinement collaborer avec l’Autorité en lui remettant, dans les dix (10) jours de la décision à intervenir, une liste à jour des polices en vigueur;

        D’imposer à l’intimée Laflamme une pénalité administrative au montant de 5 500 $ dollars payables dans les trente (30) jours de la décision à intervenir;

        D’interdire à Cindy Laflamme d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeante responsable de tout cabinet, et ce, pour une période de quatre (4) ans;

        D’assortir le certificat de l’intimée Laflamme de la condition suivante :

o   La représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable pour une période de quatre (4) ans alors qu’elle a un droit d’exercice valide;

        Subsidiairement, d’ordonner la suspension de l’intimée Laflamme à défaut de se conformer aux ordonnances ci-haut.

 

 

 Argumentation du procureur des intimées

[32]        Quant au procureur des intimées, celui-ci a apporté plusieurs précisions au niveau des manquements révélés lors des inspections.

[33]        Tout d’abord il rappelle au Tribunal le fait que les administrateurs et dirigeants actuels du cabinet intimé 9190-4995 n’ont été informés de la première inspection de 2012 qu’en 2014, soit lors de la deuxième inspection. À cet égard, il spécifie que l’intimée Laflamme n’a pris la relève a titre de dirigeante responsable qu’en 2015.

[34]        Il indique qu’il n’a pas de représentations à faire au sujet des conclusions visant à protéger le public. Cependant, en ce qui a trait aux pénalités administratives à l’encontre du cabinet intimé 9190-4995, il soulève qu’une pénalité de 40 000 $ serait très sévère et onéreuse eu égard aux circonstances de cette affaire.

[35]        Il ajoute que la pénalité de 15 000 $ demandée par l’Autorité pour avoir manqué aux engagements souscrits par le cabinet et l’intimée constitue une double pénalité pour les mêmes contraventions puisque la récidive ne devrait être pénalisée qu’au niveau de la deuxième pénalité.

[36]        En effet, selon lui, un des facteurs aggravants considérés par l’Autorité pour déterminer la pénalité de 40 000 $ étant la récurrence des manquements. Le procureur des intimées considère qu’en imposant une deuxième pénalité de 15 000$ pour cause de récurrence  fera en sorte qu’il y aura imposition d’une double pénalité.

[37]        Le procureur des intimées a rappelé que la dirigeante responsable, l’intimée  Laflamme, a été retirée de ses fonctions. Le cabinet intimé 9190-4995 a enclenché le processus de remplacement de celle-ci auprès de l’Autorité, ayant, à la date de l’audience, déjà désigné un nouveau dirigeant responsable et est en attente d’approbation.

[38]        À son avis, le cabinet a réagi promptement au rapport d’inspection de décembre 2016 en mettant en place une panoplie de mesures visant à corriger la situation.

[39]        Selon lui, une pénalité qui ne dépasserait pas la somme de 15 000 $ et de 2 250 $ pour l’intimée Laflamme serait appropriée dans les circonstances. Une interdiction de trois ans pour l’intimée serait également suffisante et appropriée.

[40]        De plus, à son avis, vu la petite taille de la firme et ses moyens financiers ainsi que ceux de l’intimée, un délai de 24 mois serait plus approprié en ce qui a trait au paiement des pénalités.

[41]        Le procureur des intimées a ensuite présenté une abondante jurisprudence[20] pour appuyer son argumentation et a conclu ses représentations en demandant au Tribunal de prendre en considération notamment la petite taille du cabinet et ses moyens financiers limités.

ANALYSE

[42]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande de l’Autorité, des pièces déposées de consentement à l’appui de celle-ci ainsi que du contenu des admissions déposées de consentement par les parties.

[43]        En raison des admissions des intimées à la quasi-totalité des faits invoqués à leur égard, le Tribunal constate qu’il y a eu contravention à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[21] et aux règlements qui en découlent notamment, le Règlement sur l’exercice des activités des représentants[22] et le Règlement sur le
cabinet, le représentant autonome et la société autonome
[23]
.

        Les manquements

[44]        Le Tribunal constate qu’il y a eu un important défaut de s’acquitter du devoir de supervision incombant au cabinet à plusieurs égards en contravention aux articles 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[24].

[45]        Les manquements relatifs à la supervision de façon générale ont été soulevés répétitivement à l’occasion de trois inspections, soit en 2012, en 2014 et en 2016. Cette récurrence dénote une incompréhension des obligations législatives et réglementaires de la part du cabinet et de sa dirigeante responsable ainsi qu’un manque de considération de l’importance de ces obligations.

[46]        Les admissions déposées au dossier indiquent, par ailleurs, qu’après l’inspection de 2014 et avant la dernière inspection de 2016, des efforts et des mesures ont été mis en place par le cabinet intimé afin d’améliorer cette supervision, mais la mise en place de certaines procédures n’était toujours pas complétée à la date de l’inspection de 2016. 

[47]        Le Tribunal constate que les représentants du cabinet intimé ont omis de compléter des analyses de besoins financiers ou les ont complétés de façon inadéquate aux dossiers clients contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants[25], à l’article 17 (8) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome[26] et aux articles 85 et 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[48]        Selon le Tribunal, le fait que l’inspection de 2016 ait démontré que la quasi-totalité des dossiers échantillonnés comportait des irrégularités au niveau de l’analyse des besoins des clients démontre clairement l’inefficacité des mesures mises en place à cet égard.

[49]        Les trois inspections ont révélé que plusieurs dossiers étaient incomplets et que plusieurs irrégularités ont été notées eu égard aux documents d’information sur les produits offerts. Les intimées ont de ce fait contrevenu à l’article 16 Règlement sur l’exercice des activités des représentants, à l’article 17(10) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome et aux articles 85 et 88 Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[50]        Les intimées ont également fait défaut de respecter l’article 17(9) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome en ne s’assurant pas que les préavis de remplacement soient complétés avec soin suivant les obligations prévues à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants ainsi que les articles 85 et 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Ce manquement s’avère également être un manquement récurrent d’une inspection à l’autre.

[51]         Les inspections ont révélé que les intimés n’avaient pas transmis à temps à l’Autorité l’adresse de leur établissement contrevenant ainsi aux articles 2(1) et 9 du Règlement relatif à l’inscription d’un cabinet, d’un représentant autonome et d’une société autonome[27]. De ce fait, ils ont également fait défaut de respecter l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[52]        Finalement, le Tribunal a constaté que les engagements pris par les intimées à la suite des inspections de 2012 et 2014 afin de corriger la situation n’ont pas été respectés et a noté qu’entre les inspections de 2014 et 2016 peu d’améliorations ont été constatées et égard aux manquements répertoriés. 

[53]        En 2015, des engagements ont été pris par l’intimée Laflamme, nouvellement nommée à titre de dirigeante responsable, selon lesquels la situation serait rétablie à l’intérieur d’un délai d’un mois.

[54]        De l’avis du Tribunal, un mois est un bien court délai pour instaurer une culture de conformité à l’intérieur d’un cabinet. Par contre, puisque l’inspection de suivi de l’Autorité n’a eu lieu qu’en août 2016, soit plus d’un an et demi plus tard, les intimées ont disposé d’amplement de temps pour régulariser la situation. Un bilan d’inspection positif aurait dû normalement résulter de l’inspection de suivi effectuée en 2016.

[55]        Le Tribunal considère que l’ensemble des manquements constatés par l’Autorité constitue une situation grave et contraire à l’intérêt public.

[56]        Malgré les explications et les correctifs apportés à la conformité du cabinet depuis l’émission du dernier rapport d’inspection de décembre 2016, le Tribunal a pu que constater que la situation d’irrégularité a perduré pendant plusieurs années.

[57]        La bonne tenue de dossiers et la supervision adéquate de ceux-ci et des représentants et stagiaires au sein d’un cabinet ne sont pas que des formalités encombrantes et inutiles et elles doivent être prises au sérieux par les inscrits. Ces obligations visent la protection des clients du cabinet et du public et ces derniers sont en droit de s’attendre à ce que ces fonctions soient exécutées avec sérieux et rigueur.

[58]        En tant que dirigeante responsable du cabinet, l’intimée Laflamme devait faire preuve de diligence, elle doit agir avec soin et compétence et veiller à ce que la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements soient respectés.

[59]        Les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public.

[60]        Le Tribunal reconnaît que les obligations législatives et réglementaires de conformité peuvent parfois être lourdes à porter pour un petit cabinet comparativement à un grand cabinet, mais il n’en demeure pas moins que de l’avis du Tribunal, un client a droit au même niveau de protection que le cabinet soit petit ou qu’il soit grand. Ces obligations se doivent d’être respectées et sont importantes.

[61]        Le Tribunal est disposé à considérer que la taille de la firme peut être un facteur à considérer au niveau du montant de sanction à attribuer pour les manquements répétitifs qu’il a constatés, mais ce facteur sera pas considéré pour excuser un manquement eu égard à la conformité.

[62]        L’industrie dans laquelle un cabinet opère est une industrie hautement réglementée et cette réglementation est nécessaire pour assurer la protection du public. En conséquence, dans la mesure où une personne désire participer à cette industrie, elle doit le faire en respectant les règles, y compris celles relatives à la conformité. Ces règles sont les mêmes pour tous.  

[63]        Dans sa demande, l’Autorité indique que l’intimée aurait transmis des informations fausses ou trompeuses à l’Autorité en affirmant dans des rapports de supervision rapprochée que les propositions d’assurance et les formulaires ont été contresignés. L’intimée Laflamme quant à elle prétend avoir confondu les termes « consignés » et « contresignés ». Le Tribunal tiendra compte de cette méprise, cependant, ce formulaire de supervision rapprochée qu’elle a signé indique également que des vérifications particulières au dossier ont été faites.

[64]        En effet, le formulaire en question comporte des cases que le superviseur coche pour attester les diverses vérifications qu’il a faites à l’égard des personnes supervisées en lien avec les dossiers dans lesquels elles ont agi. Ensuite ce formulaire est transmis à l’Autorité.

[65]        Or, l’inspection de 2016 démontre que ces vérifications n’ont pu être faites puisque les dossiers physiques vérifiés par les inspecteurs comportaient des irrégularités sur les sujets ainsi confirmés.

[66]         Le Tribunal ne peut que constater que ces cases ont été négligemment cochées sans que ces vérifications ne soient faites par la dirigeante responsable. Ceci constitue une information fausse ou trompeuse transmise à l’Autorité.

[67]        Lorsque l’Autorité assortit un certificat de conditions de supervision rapprochée c’est parce qu’elle considère que l’inscrit titulaire du certificat constitue un plus grand risque pour la clientèle du cabinet, donc le public. Par conséquent, dans ces cas, l’Autorité exige du dirigeant-responsable une supervision accrue et demande une reddition de compte à ce dernier.

[68]        Dans ce régime de supervision rapprochée, il est primordial que le dirigeant-responsable accorde une attention particulière à cette supervision rapprochée et que l’Autorité puisse se fier à ce que ce dirigeant exécute réellement ses fonctions. Le fait pour le dirigeant responsable de ne pas faire cette supervision rapprochée ou de le faire de manière négligente porte à conséquence non seulement sur le cabinet, mais également sur le dirigeant-responsable lui-même dont la nomination à ce titre a été autorisée par l’Autorité.

[69]        Dans son évaluation des manquements, le Tribunal a tenu compte de la collaboration et des admissions des intimées de la quasi-totalité des faits allégués à leur encontre dans la demande de l’Autorité.

[70]        Le Tribunal a également tenu compte des mesures de redressement mises en place par le cabinet depuis l’inspection de 2016, lesquelles ont été prises immédiatement après l’émission du rapport d’inspection.

[71]        Le Tribunal a pu en constater l’ampleur et le sérieux de ces mesures, lesquelles sont consignées au dossier.

[72]        Le Tribunal a aussi tenu compte de la situation en déclin du cabinet alors qu’en date de l’audition seulement quatre représentants y étaient toujours rattachés. Or, il apparaît au dossier qu’en 2012 ce cabinet comptait plus de neuf représentants et il en avait onze à l’été 2017[28].

[73]        Ce haut taux de roulement de personnel exige généralement un niveau supplémentaire d’éducation et de supervision de la part d’un dirigeant responsable, mais ne peut excuser que des manquements s’échelonnent sur une aussi longue période.

[74]        Le Tribunal note également que des neuf représentants rattachés à ce cabinet en 2012, seulement deux y étaient toujours rattachés au moment de l’inspection de 2014 alors que le cabinet comptait alors six autres nouveaux représentants.

[75]        Ce fait jumelé au changement de propriété du cabinet peut certainement justifier l’ignorance des nouveaux dirigeants du rapport d’inspection de 2012.

[76]        D’ailleurs, lors de l’audience, le procureur des intimées a confirmé au Tribunal que la vérification diligente faite au moment de l’acquisition du cabinet n’avait pas révélé l’existence de ce rapport d’inspection de 2012. Malgré cela, deux inspections ont suivi l’inspection de 2012 et les conclusions de ces inspections sont connues par le cabinet intimé et l’intimée Laflamme depuis au moins 2014.

[77]        De plus, le Tribunal a aussi considéré que la preuve ne révèle pas de pertes monétaires subies par des clients du cabinet intimé quoique ceci ne signifie pas que les clients n’ont pas été à risque. À ce sujet le Tribunal cite ce passage de la décision Lemieux[29] :

« [112] Bien qu’il n’y ait aucune preuve de pertes subies par des clients ni de profits réalisés en raison des manquements, il demeure qu’il s’agit de manquements qui sont au cœur de la pratique des activités d’un représentant en assurance de personnes. Et puis l’intérêt général des épargnants a quand même été à risque par ces intimés. Bien connaître le profil de son client et ses besoins, permet au représentant de proposer le produit qui convient le mieux à son client. »

[78]        Malgré plusieurs facteurs atténuants, le Tribunal est d’avis qu’il est nécessaire, eu égard à la gravité des manquements et leur continuité dans le temps, d’imposer – à titre de mesure dissuasive – une pénalité administrative ainsi que diverses mesures, et ce, afin de protéger l’intérêt public.

[79]        En effet, le Tribunal en arrive à la conclusion que le cabinet et sa dirigeante responsable actuelle, l’intimée Laflamme, n’agissent pas avec soin et compétence dans l’exercice de leurs responsabilités.

        Les diverses mesures afin de protéger le public

[80]        À cet égard, le Tribunal rappelle, qu’en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[30], le tribunal :

« […] peut, après l’établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu’un cabinet, qu’un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu’un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l’accomplissement d’une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l’exige, à l’égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions ou son certificat. »

[81]        En vertu de ce même article, le Tribunal peut, en surplus de prononcer une ordonnance relative au certificat d’un inscrit, également, « dans tous les cas imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention. ».

[82]        Afin de protéger l’intérêt public, le Tribunal est d’avis qu’il doit mettre en œuvre un ensemble de mesures préventives à l’encontre des intimées et, en particulier, interdire à l’intimée Laflamme d’agir, directement ou indirectement, comme dirigeante responsable d’un cabinet, et ce, pour une période de trois ans, le tout en assortissant son certificat de conditions ayant pour but d’assurer une supervision adéquate aux activités qu’elle exerce à titre de représentante inscrite.

[83]        Le Tribunal est aussi d’avis qu’il doit, afin de protéger l’intérêt public, ordonner au cabinet intimé de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable approuvé par l’Autorité et ordonner à ce cabinet de mettre en place un ensemble de mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer qu’il respecte la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements d’application.

[84]        Malgré que la nomination d’un nouveau dirigeant est en cours d’étude et que des mesures ont déjà été mises en place, le Tribunal constate que ces correctifs n’étant toujours pas complétés, il y a lieu d’émettre les ordonnances telles que demandées par l’Autorité à l’exception des pénalités administrative et des manquements aux engagements dont il sera traité ci-après.

        Les manquements à des engagements

[85]        En ce qui a trait à la pénalité relative au manquement d’un engagement souscrit auprès de l’Autorité l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[31] stipule :

« 94. Le Tribunal peut également, à la demande de l’Autorité, prendre toute mesure propre à assurer le respect d’un engagement pris en application de la présente loi, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2) […]. »

[86]        De l’avis du Tribunal, cet article, pris de concert, avec l’article 115 ci-haut mentionné permet au Tribunal de sanctionner par une pénalité administrative le manquement d’un inscrit d’un engagement souscrit envers l’Autorité. Ce manquement est distinct de la contravention à la Loi qui aurait pu être constatée antérieurement.

[87]        Un engagement d’un inscrit envers l’Autorité n’est pas comme une simple lettre à la poste. Il convient d’y donner suite et de réaliser ce à quoi on s’est engagé. De l’avis du Tribunal, un tel engagement ne devrait pas être suivi d’une inspection postérieure qui réitère de nouveau plusieurs les mêmes manquements et les mêmes irrégularités comme dans le présent cas.

[88]        Or, dans le présent dossier, la situation traîne depuis 2012 et on ne peut que constater que depuis 2012 les clients de cette firme sont à risque et leurs dossiers ne sont pas traités avec la rigueur qu’il se doit.

[89]        Le Tribunal a constaté que l’engagement de 2015 souscrit par l’intimée avec l’accord du cabinet intimé prévoyait un délai d’un mois pour régulariser la situation du cabinet et a aussi constaté le fait que l’intimée n’avait été nommée dirigeante-responsable que depuis un mois lorsqu’elle a souscrit cet engagement.

[90]        De l’avis du Tribunal, prévoir un délai d’un mois à son engagement auprès de l’Autorité pour rétablir la culture de conformité au sein du cabinet était peut-être, pour le moins, téméraire. Cependant, plus d’un an et six mois plus tard, lors de l’inspection subséquente d’août 2016, les irrégularités auraient normalement dû être réglées, du moins eu égard aux irrégularités soulevées dans l’inspection de 2015.

[91]        Le Tribunal considère que le fait de ne pas respecter un tel engagement est un geste grave qui commande une sanction sévère.

[92]        Plusieurs décisions du Tribunal ont, par le passé, sanctionné un tel manquement à un engagement suite à une inspection par une pénalité administrative de 5 000 $ pour un cabinet par manquement. Il a également dans plusieurs cas sanctionné pour la même raison des dirigeants responsables pour de tels manquements. Cependant,  dans la plupart des cas, ces dirigeants étaient également dirigeants ou actionnaires majoritaires des firmes en question ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier pour l’intimée.

[93]        Le Tribunal souligne que ce montant peut varier selon les circonstances et la gravité du manquement ainsi que selon le nombre d’engagements non respectés. Cette appréciation se fait habituellement au cas par cas.

[94]        Dans la présente affaire, le Tribunal considère que le cabinet intimé et l’intimée Laflamme ont ensemble manqué à leurs engagements de 2015 et une pénalité sera ordonnée à cet égard. L’engagement de 2015 est signé par l’intimée mais cette signature a été expressément autorisée par le cabinet intimé et le libellé du document implique tant l’engagement de la firme que celui de l’intimée.

[95]        Dans ces circonstances, le Tribunal imputera la pénalité relative à ce manquement au cabinet qui non seulement s’est engagé mais ce dernier a également la responsabilité d’endosser une culture de conformité et de donner à son dirigeant responsable tous les outils, le support et les moyens pour établir et faire respecter la conformité au sein de son cabinet.

[96]         Vu les circonstances de la vente du cabinet en 2014, les changements au niveau de la direction, l’important roulement de personnel au sein du cabinet intimé notamment au niveau des dirigeants responsables et des représentants, le Tribunal ne tiendra pas compte spécifiquement du manquement au premier engagement de 2012.

 

        Les pénalités

[97]        Le Tribunal a développé dans ses décisions antérieures certains facteurs à évaluer dans son analyse afin d’imposer des sanctions telles que celles demandées par l’Autorité dans le présent dossier. Ces facteurs doivent être évalués, au cas par cas, selon les circonstances de chaque affaire. Notamment :

        La gravité des gestes posés par le contrevenant;

        La conduite antérieure du contrevenant;

        La vulnérabilité des clients sollicités;

        Les pertes subies par les clients;

        Les profits réalisés par le contrevenant;

        L’expérience du contrevenant;

        La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés;

        Le caractère intentionnel des gestes posés;

        Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant;

        Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant, mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter; Le degré de repentir du contrevenant; et

        Les facteurs atténuants pouvant être présentés par les intimés[32].

[98]        Rappelons également que selon la jurisprudence, les sanctions demandées visent non seulement à assurer la protection du public[33], mais également à dissuader la répétition d’actes similaires par d’autres personnes qui agiraient de la même manière[34].

[99]        Dans son appréciation, le Tribunal tient en compte le fait qu’il y a eu un changement de propriété du cabinet intimé entre la première inspection et les deux dernières inspections. Il tient également compte du fait que l’intimée Laflamme est une employée du cabinet et en était à sa première expérience à titre de dirigeante responsable et que son entrée en fonction à ce titre date de 2015, soit après la deuxième inspection par l’Autorité.

[100]     À partir des faits admis en l’instance, le Tribunal a constaté que certaines irrégularités révélées par les inspecteurs lors de leur inspection de 2016 étaient liées à l’inexpérience de cette l’intimée Laflamme, mais plusieurs autres font appel à des questions de compétence et de diligence.

[101]     Ayant été inscrite depuis 2008, l’intimée, à titre de dirigeante responsable ne pouvait ignorer  les aspects de conformité qu’elle avait la responsabilité de superviser auxquels elle était elle-même assujettie en tant que représentante.

[102]     Le Tribunal tient en considération le fait qu’il n’y a eu aucune preuve de pertes subies par les clients et du caractère non intentionnel des gestes posés. Il considère aussi la récente collaboration du cabinet avec l’Autorité en ce qui a trait à la mise en place de mesures correctives et leur sérieux ainsi que le repentir exprimé des intimés.

[103]     Cependant, le Tribunal doit dans cette affaire apporter une attention particulière au facteur de dissuasion particulier et général dans l’attribution d’une pénalité compte tenu des manquements aux engagements du cabinet et de sa dirigeante responsable et le laxisme à corriger une situation qui perdure depuis longtemps ce qui ne peut être toléré.

[104]     Le Tribunal a examiné la jurisprudence applicable en semblable matière et considère que les précédents qui se rapprochent le plus des manquements reprochés aux intimés en la présente instance sont les affaires Lemieux[35], Royal York[36]  Blondeau[37], Lajeunesse[38], Cayer[39], Lagrange[40] et Beauchamp[41] dans lesquelles des pénalités administratives ont été prononcées à l’encontre des cabinets et de leurs dirigeants responsables eu égard à des manquements souvent similaires à ceux constatés dans la présente instance. Il s’agit d’affaires où il n’y a pas eu d’appropriation de sommes d’argent ou de preuve que des clients auraient été lésés tout comme dans la présente affaire.

[105]     Dans l’affaire Lemieux[42], le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 25 000 $ pour le cabinet pour divers manquements et une pénalité de 2 500$ pour son dirigeant responsable qui est également administrateur du cabinet ainsi qu’une restriction au certificat de ce dernier pour une période de trois ans. Ce dossier date de 2012 et il s’agissait d’une première inspection.

[106]     Dans l’affaire Royal York[43], le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 15 000 $ payable dans les 30 jours pour le cabinet pour divers manquements, une pénalité administrative de 5 000 $ pour un manquement à un engagement par le cabinet relié à une inspection antérieure. Dans cette affaire, le Tribunal a également ordonné une pénalité de 2 500 $ payable dans les 30 jours pour le dirigeant responsable qui était président, administrateur et actionnaire majoritaire du cabinet et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de trois ans. Au moment de l’imposition de cette pénalité le cabinet avait deux représentants inscrits à son compte. Ce dossier date de 2017.

[107]     Dans l’affaire Blondeau[44], suite à une entente, le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 16 500 $ payable sur douze mois pour le cabinet pour divers manquements et de 5 000 $ pour le manquement à un engagement relié à une inspection antérieure. Il a également ordonné une pénalité administrative de 2 250 $ payable sur douze mois pour le dirigeant responsable qui est également président et actionnaire du cabinet et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de trois ans. Ce dossier date de 2014 et est relié au suivi d’inspection antérieure.

[108]     Dans l’affaire Lajeunesse[45], suite à une entente, le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 16 500 $ payable sur douze mois pour le cabinet pour divers manquements et de 5 000  $ pour le manquement à un engagement relié à une inspection antérieure. Il a également ordonné une pénalité administrative de 2 250 $ payable pendant douze mois pour le dirigeant responsable qui est président du cabinet et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de trois ans. Ce dossier date de 2016 et il s’agissait également d’un suivi d’inspection.

[109]     Dans l’affaire Cayer[46], suite à une entente, le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 22 000 $ payable pendant dix mois pour le cabinet pour divers manquements. Il a également ordonné une pénalité administrative de 2 500 $ payable pendant dix mois pour le dirigeant responsable qui est président administrateur et premier actionnaire du cabinet et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de cinq ans. Ce dossier date de 2014 et il s’agissait d’une première inspection. Au moment de la sanction, le cabinet n’avait plus de représentants.

[110]     Dans l’affaire Lagrange[47], suite à une entente, le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 27 500 $ payable sur 23 mois pour le cabinet pour divers manquements. Il a également ordonné une pénalité administrative de 7 500 $ aussi payable sur 23 mois pour le dirigeant responsable qui est aussi le président et l’actionnaire majoritaire du cabinet  et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de trois ans. Ce dossier date de 2017 et il s’agissait d’une première inspection. Ce dossier fait suite à une seule inspection et comportait en plus des manquements eu égard à des fausses représentations à l’Autorité et eu égard à des non-réponses à des demandes de l’Autorité

[111]     Dans l’affaire Beauchamp[48], le Tribunal a ordonné une pénalité administrative de 25 000 $ pour le cabinet pour divers manquements. Il a également ordonné une pénalité administrative de 7 500 $ pour le dirigeant responsable qui est aussi le président et l’actionnaire majoritaire du cabinet  et une restriction à l’inscription de ce dernier pour une période de trois ans. Ce dossier date de 2015 et il s’agissait d’une première inspection. Ce dossier comportait un volet de transmission d’informations fausses ou trompeuses à l’Autorité

[112]     Dans son analyse, le Tribunal a écarté les décisions Vaillancourt[49] et Depretis[50] soumises par l’Autorité à titre de précédents applicables puisqu’elles visaient des cabinets de valeurs mobilières et non des cabinets d’assurance. Il a également écarté la décision Peak[51] récemment rendue pour un montant de 200 000 $ pour la firme et de 20 000 $ pour certains de ses dirigeants puisque cette décision vise le domaine des valeurs mobilières, mais également en raison du fait que cette décision vise un cabinet de beaucoup plus grande envergure que le cabinet intimé dans la présente affaire. Le Tribunal ne considère pas qu’il s’agisse d’un précédent comparable.

[113]     À la lumière de ces décisions et malgré que plusieurs d’entre elles font suite à des ententes intervenues entre procureurs lesquelles ont été entérinées par le Tribunal, ce dernier considère que le montant de pénalité demandée par l’Autorité est élevé considérant les faits de cette affaire. Sans minimiser l’importance des manquements, leur répétition et la nécessité qu’une pénalité émise par le Tribunal soit dissuasive, la cohérence et l’équité dans la pénalité à ordonner sont également des facteurs à considérer.

[114]     Vu ces précédents analysés à la lumière des faits admis dans le présent dossier, le Tribunal considère qu’une pénalité administrative de 25 000 $ payable dans les douze mois de la présente décision pour le cabinet est appropriée dans les circonstances à laquelle s’ajoute une pénalité de 5 000 $ pour le manquement aux engagements pris envers l’Autorité lors de la deuxième inspection.

[115]     En ce qui a trait à l’intimée Laflamme, le Tribunal considère qu’une pénalité de 2 250 $ payable dans les douze mois de la présente décision serait appropriée en raison de son absence de diligence et de compétence à titre de dirigeante responsable du cabinet intimé.

[116]     Cette pénalité tient compte du peu d’expérience de l’intimée à titre de dirigeante responsable au moment où elle a assumé la responsabilité de dirigeante responsable d’un cabinet qui avait déjà des difficultés majeures au niveau de la conformité. Elle tient également compte la courte durée de l’exercice de ses fonctions à titre de dirigeante responsable entre le moment de sa nomination en février 2015 et l’inspection d’août 2016 laquelle a donné lieu à la présente instance.

[117]     De l’avis du Tribunal, cette pénalité est appropriée et rencontre les critères de dissuasion spécifique et générale dont il est fait mention dans la jurisprudence. Le Tribunal ordonnera également certaines restrictions à son certificat pour une période de trois années.

[118]     Finalement, se rendant aux arguments du procureur de l’intimée eu égard qu’il s’agit d’un petit cabinet avec peu de revenus, le Tribunal accorde un délai de douze mois pour le paiement des pénalités contrairement aux 30 jours demandé par l’Autorité. Ce délai a plusieurs fois été suggéré au Tribunal dans le cadre d’ententes. De l’avis du Tribunal, cette prolongation du délai de paiement ne rendra pas moins dissuasive la pénalité ordonnée et sera plus facile à absorber par le cabinet en espérant qu’il facilitera la mise en place du cadre de conformité et de la réforme amorcée par le cabinet.

[119]     Enfin, le Tribunal a entendu les représentations du procureur de l’Autorité et de celui des intimées, en particulier, à l’égard des mesures qu’il convient d’imposer aux intimées dans la présente affaire et ,dans l’intérêt public, prononce sa décision en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et en vertu des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[52].

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et des articles 115, 115.1 et 115.9  de la Loi sur la distribution de produits et services financiers:

9190-4995 Québec inc.

IMPOSE au cabinet 9190-4995 Québec inc. une pénalité administrative au montant de vingt-cinq mille (25 000 $) dollars payable dans les douze (12) mois de la présente décision pour l’ensemble des manquements constatés lors de l’inspection de 2016;

IMPOSE au cabinet 9190-4995 Québec inc. une pénalité administrative au montant de cinq mille dollars (5 000 $) payable dans les douze (12) mois de la présente décision pour avoir manqué à ses engagements souscrits par les dirigeants responsables, auprès de l’Autorité;

ORDONNE au cabinet 9190-4995 Québec inc. de procéder à une nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de Cindy Laflamme dans les soixante (60) jours de la présente décision; l’identité du nouveau dirigeant responsable étant soumis à l’approbation préalable de l’Autorité;

ORDONNE au cabinet 9190-4995 Québec inc. d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la présente décision, des démarches qu’il entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable;

ORDONNE au cabinet 9190-4995 Québec inc. la mise en place, à la satisfaction de l’Autorité des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, et ce, sous forme d’engagement envers l’Autorité dans les soixante (60) jours de la présente décision;

À défaut par 9190-4995 Québec inc. de s’être conformé à l’une des ordonnances ci-haut mentionnées dans les délais impartis :

SUSPEND l’inscription du cabinet 9190-4995 Québec inc. (numéro d’inscription 513444) dans toutes les disciplines dans lesquelles il est inscrit;

ORDONNE au cabinet 9190-4995 Québec inc. de remettre, dans les dix (10) jours de l’entrée en vigueur de la suspension du cabinet, tous ses dossiers clients, livres et registres du cabinet à un cabinet dûment inscrit et préalablement approuvé par l’Autorité. Les dossiers devront être remis au cabinet, dans une forme lui permettant d’y avoir accès en tout temps;

À défaut, la remise des dossiers s’effectuera auprès de l’Autorité de la manière suivante :

Le cabinet 9190-4995 Québec inc. devra communiquer, dès l’entrée en vigueur de la suspension du cabinet, avec la Direction de l’inspection – Assurances et ESM de l’Autorité, au numéro 1-877-525-0337 afin de déterminer la date à laquelle les dossiers seront remis à l’Autorité. Les dossiers devront être remis à l’Autorité, dans une forme lui permettant d’y avoir accès en tout temps, au 800, Square Victoria, tour de la Bourse, 22e étage, Montréal (Québec).

ORDONNE au cabinet 9190-4995 Québec inc. et Cindy Laflamme de pleinement collaborer avec l’Autorité en lui remettant, dans les dix (10) jours de la présente décision, une liste à jour des polices en vigueur comportant minimalement le nom de l’assuré, le numéro de police, la date d’échéance et le nom de l’assureur, de même que toute autre information ou document que pourrait requérir l’Autorité, le tout sur un support adéquat;

Cindy Laflamme

IMPOSE à Cindy Laflamme une pénalité administrative au montant de deux mille deux cent cinquante (2 250 $) payable dans les douze (12) mois de la présente décision pour avoir fait défaut de s’être acquittée adéquatement de ses obligations de supervision des représentants de 9190-4995 Québec inc.;

INTERDIT à Cindy Laflamme d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeante responsable de 9190-4995 Québec inc. ou de tout autre cabinet, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 178702 au nom de Cindy Laflamme de la condition suivante :

-       la représentante doit être rattachée à un cabinet dont elle n’est pas la dirigeante responsable pour une période de trois (3) ans alors qu’elle a un droit d’exercice valide;

À défaut par Cindy Laflamme de s’être conformée à l’une des ordonnances ci-haut mentionnées dans les délais impartis :

SUSPEND le certificat portant le numéro 178702 au nom de Cindy Laflamme.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Elyse Turgeon, juge administratif

 

 

 

 

 

Me Delphine Roy-Lafortune

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

 

 

Me Patrick Garneau

 

(Tremblay Bois Mignault Lemay, s.e.n.c.r.l.)

 

Procureur de 9190-4995 Québec inc. et Cindy Laflamme

 

 

 

 

 

Date d’audience :

12 juillet 2018

 

 

 



[1]     RLRQ, c. A-33.2.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     Préc., note 2.

[4]     Pièce D-2.

[5]     Préc., note 2.

[6]     Pièce D-3.

[7]     Pièces D-6 et D-7.

[8]     Préc., note 2.

[9]     Pièce D-4.

[10]    Pièce D-4.

[11]    Pièce D-2 et admissions des intimées paragraphe 2.

[12]    Préc., note 2.

[13]    Pièce D-9.

[14]    Pièce D-10.

[15]    Pièce D-11.

[16]    Pièce D-13.

[17]    Pièce D-14.

[18]    Préc., note 2.

[19]    Formule Pontiac Buick GMC inc. c. Bureau des services financiers, 2005 QCCA 1027; Marston c. Autorité des marchés financiers, 2007 QCCQ 14913; Québec (Procureur général) c. 9067-3724 inc., J.E. 2006-793 (C.Q.); Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178; Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Vaillancourt, 2017 QCTMF 23; Autorité des marchés financiers c. R. Beauchamp & Laplante Courtiers d'assurances inc., 2015 QCBDR 129; Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Beaudoin, Rigolt & Associés inc., 2015 QCBDR 70; Autorité des marchés financiers c. FD De Leeuw & Associés inc., 2012 QCBDR 135; Chambre de la sécurité financière c. Gélinas, 2015 QCCDCSF 55; Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26; Autorité des marchés financiers c. Agences d'assurances Copoloff inc., 2017 QCTMF 94; Autorité des marchés financiers c. Groupe Depretis inc., 2014 QCBDR 94; Autorité des marchés financiers c. Cayer, 2014 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Services en placements Peak inc., 2018 QCTMF 59.

[20]    Autorité des marchés financiers c. FD De Leeuw & Associés inc., 2012 QCBDR 135; Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103 (confirmé en appel 2014 QCCQ 10759); Autorité des marchés financiers c. Cayer, 2014 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Groupe Depretis inc., 2014 QCBDR 94; Autorité des marchés financiers c. Beaudoin, Rigolt & Associés inc., 2015 QCBDR 70; Autorité des marchés financiers c. R. Beauchamp & Laplante Courtiers d'assurances inc., 2015 QCBDR 129; Autorité des marchés financiers c. Agences d'assurances Copoloff inc., 2017 QCTMF 94; Autorité des marchés financiers c. Vaillancourt, 2017 QCTMF 23; Autorité des marchés financiers c. Services en placements Peak inc., 2018 QCTMF 59; Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26; Chambre de la sécurité financière c. Gélinas, 2015 QCCDCSF 55; Formule Pontiac Buick inc. c. Bureau des services financiers, [2004] R.R.A. 1087 (C.S.) (confirmée en appel, 2005 QCCA 1027); Marston c. Autorité des marchés financiers, 2007 QCCQ 14913 (appel rejeté par la Cour d’appel, 2009 QCCA 2178); Québec (Procureur général) c. 9067-3724 inc., J.E. 2006-793 (C.Q.).

[21]    Préc., note 2.

[22]    RLRQ, c. D-9.2, r.10.

[23]    RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[24]    Préc., note 2.

[25]    Préc., note 22.

[26]    Préc., note 23.

[27]    RLRQ, c. D-9.2, r. 15.

[28]    Pièce D-3.

[29]    Préc., note 20.

[30]    Préc., note 2.

[31]    Préc., note 1.

[32]    Voir par exemple : Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[33]    Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.

[34]    Cartaway Resources Corp. (Re), 2004 CSC 26.

[35]    Groupe financier Lemieux inc. c. Autorité des marchés financiers, 2014 QCCQ 10759.

[36]    Autorité des marchés financiers c. Groupe d'assurances Royale York inc., 2017 QCTMF 82.

[37]    Autorité des marchés financiers c. Denis Blondeau Assurances inc., 2015 QCBDR 150.

[38]    Autorité des marchés financiers c. Lajeunesse, 2016 QCBDR 15.

[39]    Autorité des marchés financiers c. Cayer, 2014 QCBDR 103.

[40]    Autorité des marchés financiers c. Assurances M. Lagrange inc., 2018 QCTMF 20.

[41]    Autorité des marchés financiers c. R. Beauchamp & Laplante Courtiers d'assurances inc., 2015 QCBDR 129.

[42]    Préc., note 20.

[43]    Préc., note 36.

[44]    Préc., note 37.

[45]    Préc., note 38.

[46]    Préc., note 39.

[47]    Préc., note 40.

[48]    Préc., note 41.

[49]    Autorité des marchés financiers c. Vaillancourt, 2017 QCTMF 23.

[50]    Autorité des marchés financiers c. Groupe Depretis inc., 2014 QCBDR 94.

[51]    Préc., note 20.

[52]    Préc., note 2.

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