Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Estivern

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-025

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-025-001

 

 

 

DATE :

Le 29 juin 2018

 

______________________________________________________________________

 

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

ALEX ESTIVERN

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

[1]          Le 28 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (ci-après « Tribunal ») une demande de pénalité administrative, d’interdiction d’agir à titre d’administrateur ou de dirigeant, d’imposition d’une condition à l’inscription, de suspension d’inscription et de mesure propre au respect de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] à l’encontre de l’intimé Alex Estivern.

[2]          À la suite de plusieurs audiences pro forma, durant lesquelles des demandes de remise ont été présentées, le Tribunal a péremptoirement fixé au 22 mai 2018 la date de l’audience durant laquelle il a décidé d’entendre au mérite cette demande de l’Autorité.

 

AUDIENCE 

[3]          L’audience du 22 mai 2018 s’est tenue au siège du Tribunal en présence de la  procureure de l’Autorité et de l’intimé Alex Estivern, lequel se représentait personnellement.

[4]          La procureure de l’Autorité a fait témoigner deux employés œuvrant au sein de cet organisme. Ceux-ci ont, par leurs témoignages et à l’aide des pièces qu’ils ont déposées, présenté les faits allégués dans la demande de l’Autorité.

[5]          Le Tribunal retient, en particulier, du témoignage et du contre-interrogatoire du premier de ces témoins, coordonnateur à l’inscription de l’Autorité, ce qui suit :

        L’intimé Alex Estivern détient depuis 2005 un certificat émis par l’Autorité dans la catégorie « assurance de personnes »[2];

        Ce certificat doit être renouvelé le 1er mai de chaque année en complétant une demande de renouvellement qui est transmise à l’Autorité[3]. Cette demande de renouvellement peut être présentée « en ligne », i.e. par l’entremise de l’Internet;

        Le 24 avril 2017, l’intimé Alex Estivern a transmis, « en ligne », à l’Autorité une demande de renouvellement[4] du certificat susmentionné dans laquelle il a répondu explicitement « Non » à la question 6 lui demandant si, depuis sa dernière demande de renouvellement, il avait fait faillite ou cession de ses biens ou été sous le coup d’une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[5];

        À la lumière des informations fournies par l’intimé Alex Estivern dans la demande de renouvellement susmentionnée et sans avoir effectué une vérification quant à la véracité de la réponse qu’il avait fournie à la question 6, l’Autorité lui a confirmé le jour même, soit le 24 avril 2017, le renouvellement de son inscription[6];

        Le 1er juin 2017, l’intimé Alex Estivern a présenté à l’Autorité une demande d’inscription à titre de « représentant autonome »;

        À la suite de cette demande, l’Autorité a effectué, le 2 juin 2017, une recherche au Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité du gouvernement du Canada et a découvert que l’intimé Alex Estvern a fait, le 19 octobre 2016, une faillite[7];

        À la lumière de cette découverte, l’Autorité a refusé la demande d’inscription de l’intimé Alex Estivern dans la catégorie de « représentant autonome »;

        Le processus actuel de renouvellement annuel de l’inscription d’un représentant en assurance de personnes ne prévoit pas de vérification automatique de la part de l’Autorité au Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité du gouvernement du Canada si le représentant répond « Non » à la question 6. Par contre, s’il répond « Oui » à la question 6, le processus de renouvellement prévoit que l’Autorité lui pose des questions additionnelles et lui demande de déposer son bilan de faillite. Dépendant des réponses fournies, l’Autorité peut subséquemment imposer des conditions à l’inscription, lesquelles ont pour objectif de protéger le public;

        Par contre, le processus d’examen d’une demande d’inscription dans la catégorie de « représentant autonome » prévoit que l’Autorité doit effectuer une vérification automatique au Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité du gouvernement du Canada, et ce, en raison des responsabilités accrues d’un « représentant autonome ».

[6]   Le Tribunal retient, en particulier, du témoignage et du contre-interrogatoire du second de ces témoins, agent d’information à l’Autorité, ce qui suit :

        Le 15 septembre 2015, l’intimé Alex Estivern a communiqué avec le Centre d’information de l’Autorité et a affirmé qu’il voulait – pour le compte d’un ami – connaître les conséquences potentielles d’une faillite sur un certificat de représentant en assurance de personnes;

        L’agent d’information de l’Autorité l’a alors notamment informé qu’un représentant inscrit avait l’obligation de déclarer sa faillite dans les 5 jours de celle-ci.

[7]    Pour sa part, l’intimé Alex Estivern n’a présenté aucune preuve au Tribunal.

 

Argumentation de la procureure de l’Autorité

 

[8]          La procureure de l’Autorité a rappelé que la première ligne de défense du cadre législatif et réglementaire mis en place par le législateur en matière d’assurance de personnes s’appuie sur l’intégrité, la solvabilité et la compétence des intermédiaires autorisés à agir auprès du public.

[9]          Elle a, par la suite, indiqué que la preuve démontre que l’intimé Alex Estivern a fait faillite le 19 octobre 2016 et qu’il a omis d’en informer l’Autorité dans les cinq jours qui suivent, et ce, comme le prévoit l’article 62 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[8]. À cet égard, elle a rappelé, à titre informatif, que l’article 468 (2) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[9] prévoit que, « commet une infraction, quiconque […] ne fournit pas, dans le délai fixé, un renseignement ou un document exigé par [cette] loi ou par ses règlements ».

[10]       La procureure de l’Autorité a souligné que la preuve démontre aussi que l’intimé Alex Estivern a transmis, le 24 avril 2017, un faux renseignement à l’Autorité en répondant « Non » à la question 6 du formulaire de renouvellement de son certificat de représentant qui lui demandait si, depuis sa dernière demande de renouvellement, il avait fait faillite ou cession de ses biens ou été sous le coup d’une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[10]. Ce faisant, elle a indiqué que l’intimé Alex Estivern a notamment commis un manquement à l’article 63 du Règlement  relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[11].

[11]       À cet égard, la procureure de l’Autorité a rappelé, à titre informatif, que l’article 469.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[12] prévoit que quiconque fournit des informations fausses ou trompeuses à l’Autorité, à l’occasion d’activités régies par cette loi ou par ses règlements, commet une infraction.

[12]       Elle a souligné, à titre de facteur aggravant, que la preuve démontre que l’intimé savait pertinemment qu’il avait l’obligation de déclarer sa faillite à l’Autorité dans les cinq jours de celle-ci, et ce, parce que cette information lui a spécifiquement été fournie par un agent d’information lorsqu’il a appelé le Centre d’information de l’Autorité 15 septembre 2015.

[13]       La procureure de l’Autorité a affirmé que la preuve démontre clairement que l’intimé Alex Estivern a intentionnellement omis de déclarer sa faillite à l’Autorité dans le délai prescrit et qu’il a délibérément fourni une fausse information à l’Autorité dans son formulaire de renouvellement de certificat de représentant en assurance de personnes.

[14]       La procureure de l’Autorité a rappelé les dispositions prévues par les articles 218 (1), 219 (4) et 220 de Loi sur la distribution de produits et services financiers[13] et, après avoir présenté une jurisprudence pertinente, elle a plaidé qu’il est dans l’intérêt public que le Tribunal mettre en œuvre - à titre de mesures dissuasives, préventives et protectrices - l’ensemble des conclusions recherchées dans la demande présentée par l’Autorité à l’égard de l’intimé Alex Estivern.

 

Argumentation de l’intimé Alex Estivern

 

[15]       L’intimé Alex Estivern a admis qu’il avait téléphoné au Centre d’information de l’Autorité le 15 septembre 2015 afin d’avoir des informations sur l’impact potentiel d’une faillite sur son certificat en assurance de personnes.

[16]       Par la suite, il a expliqué qu’à compter d’août 2016 une anémie sévère l’avait empêché de travailler et que, dès lors, il n’avait pas conclu de transactions d’assurance avec des clients.

[17]       L’intimé Alex Estivern a affirmé que, même s’il a fait appel à un syndic de faillite en octobre 2016, il ne croyait pas alors être en faillite.

[18]       Il a affirmé au Tribunal que c’est la raison pour laquelle il n’a pas alors déclaré à l’Autorité cette situation financière comme le prévoit le règlement.

[19]       Il a aussi affirmé que c’est pour la même raison qu’il a répondu « Non » à la question 6 du questionnaire de renouvellement de son certificat, en avril 2017.

[20]       L’intimé Alex Estivern a reconnu qu’il était dans l’erreur. Toutefois, il a plaidé que ce n’était pas intentionnel.

[21]       Il a aussi plaidé comme facteurs atténuants que cette erreur n’avait pas causé de dommage au public et que c’était sa première infraction.

[22]       L’intimé Alex Estvern a indiqué qu’il était d’accord pour payer une pénalité administrative pour les manquements qui lui sont reprochés dans la présente affaire. Il a toutefois plaidé que la pénalité administrative demandée par l’Autorité était trop élevée.

[23]       À cet égard, il a suggéré au Tribunal qu’une pénalité administrative de 1 000 $ serait appropriée.

[24]        Quant à la suspension de 2 mois de son certificat d’exercice – à titre de représentant en assurance de personnes – qui est demandée par l’Autorité, il a plaidé que ce certificat est déjà suspendu depuis le 29 mai 2017 pour cause de cessation d’emploi et que cette demande de l’Autorité est, par conséquent, inutile.

[25]       Par ailleurs, l’intimé Alex Estivern a affirmé qu’il était d’accord avec la demande de l’Autorité visant à lui interdire d’agir comme dirigeant responsable d’un cabinet d’assurance pour une période de trois ans.

[26]       Toutefois, il a affirmé que d’assortir son certificat de représentant en assurance de personnes de la condition – d’être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable pour trois ans – aurait pour effet de l’empêcher de trouver du travail auprès d’un cabinet d’assurance.

 

ANALYSE

[27]        Dans la présente affaire, l’Autorité allègue que l’intimé Alex Estivern – une personne détenant un certificat émis par l’Autorité lui permettant d’agir dans la discipline de l’assurance de personnes[14] – a commis deux manquements importants à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[15] et à son Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[16].

[28]        Pour sa part, l’intimé Alex Estivern ne conteste pas ces allégations et il admet essentiellement avoir fait erreur et commis ces manquements.

[29]         Le premier de ces manquements est à l’effet qu’il a omis de déclarer à l’Autorité, dans les 5 jours prévus par l’article 62 du règlement susmentionné, la faillite qu’il a effectuée le 19 octobre 2016[17].

[30]         Le second de ces manquements est relié au fait qu’il a fourni à l’Autorité, le 24 avril 2017, une fausse information en répondant « Non » à la question 6 du formulaire de renouvellement[18] de son certificat de représentant en assurance de personnes qui lui demandait si depuis sa dernière demande de renouvellement, il avait fait faillite ou cession de ses biens ou été sous le coup d’une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et  l’insolvabilité[19].

[31]        Ayant constaté la preuve présentée par l’Autorité quant à ces manquements et les admissions de l’intimé à leur égard, le Tribunal en vient d’abord à la conclusion qu’une preuve prépondérante existe à l’effet qu’ils ont été commis par celui-ci.

[32]        Par ailleurs, l’intimé Alex Estivern a plaidé, à titre de facteur atténuant, qu’il avait commis ces manquements d’une manière non-intentionnelle. À cet égard, il a affirmé qu’il ne savait pas qu’il avait fait faillite le 19 octobre 2016 et que c’est dans l’ignorance de cette situation qu’il a commis les manquements susmentionnés.

[33]        Le Tribunal note toutefois que la preuve a établi qu’il a téléphoné au Centre d’information de l’Autorité le 15 septembre 2015 – soit plus d’un an avant sa faillite du 19 octobre 2016 – et ce, afin de spécifiquement connaître les conséquences potentielles d’une faillite sur un certificat de représentant en assurance de personnes.

[34]        La preuve a aussi établi que l’agent d’information de l’Autorité a alors informé l’intimé Alex Estivern qu’un représentant inscrit en assurance de personnes avait l’obligation de déclarer une faillite à l’Autorité dans les 5 jours de celle-ci.

[35]        Par ailleurs, la preuve démontre que l’intimé Alex Estivern a utilisé les services d’un syndic autorisé avant de déclarer faillite le 19 octobre 2016, et ce, tel qu’il appert de la copie du Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité déposée par l’Autorité[20].

[36]        Le Tribunal rappelle que l’intimé Alex Estivern est un professionnel du monde financier qui détient une inscription de l’Autorité attestant qu’il possède un ensemble de connaissances pointues dans ce domaine.  

[37]        Dans ces circonstances, prétendre – comme l’a fait l’intimé Alex Estivern – qu’un professionnel dûment inscrit auprès de l’Autorité ne sait pas qu’il a fait faillite alors qu’il a retenu les services d’un syndic autorisé et qu’il a complété en bonne et due forme la documentation requise pour déclarer faillite relève, de l’avis du Tribunal, de la fabulation. 

[38]        Par conséquent, à la lumière de l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, le Tribunal n’accorde pas de crédibilité à l’intimé Alex Estivern lorsqu’il affirme que c’est dans l’ignorance de sa faillite du 19 octobre 2016 qu’il a commis les manquements susmentionnés à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[21] et à son Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[22].

[39]        Force est donc pour le Tribunal d’en arriver – au regard d’une preuve prépondérante – à la conclusion que l’intimé Alex Estivern a sciemment agi lorsqu’il a omis de déclarer sa faillite à l’Autorité dans les 5 jours du 19 octobre 2016 et qu’il a par la suite répondu explicitement « Non », le 24 avril 2017, à la question 6 du formulaire de renouvellement « en ligne » de son certificat de représentant en assurance de personnes.

[40]        Pour le Tribunal, une déclaration fausse faite sciemment et une omission de déclarer faite sciemment sont des manquements beaucoup plus graves que ceux commis par ignorance ou par inadvertance, et ce, parce que ces manquements témoignent d’une intention de tromper le régulateur et de déjouer l’encadrement législatif et réglementaire mis en place par le législateur pour protéger le public et assurer l’intégrité de la place financière.

[41]        Le Tribunal doit donc, dans l’intérêt public, tenir compte de la gravité de ces manquements intentionnels de la part de l’intimé Alex Estivern.

[42]        Le Tribunal rappelle que l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[23] prévoit qu’un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Le moins qu’on puisse dire, c’est que s’il ne fait pas preuve de ces qualités dans ses relations avec le régulateur, il y a lieu de s’interroger sur la qualité de ses relations avec ses clients ou clients potentiels.

[43]        La solvabilité, la probité et la compétence des intermédiaires financiers autorisés à agir auprès du public sont des caractéristiques essentielles qui doivent être maintenues en tout temps par ceux-ci. Elles sont au cœur du régime réglementaire mis en place par le législateur afin de protéger les épargnants et maintenir l’intégrité de la place financière. Le Tribunal ne peut l’ignorer et doit, dans l’intérêt public, en tenir compte dans le cadre de la présente affaire.

[44]        À cet égard, le Tribunal souligne que l’intimé Alex Estivern – par son omission en toute connaissance de cause de déclarer à l’Autorité sa faillite du 19 octobre 2016 dans les 5 jours de celle-ci et, une deuxième fois, le 24 avril 2017 lors de la demande de renouvellement de son certificat – a effectivement tenté et réussi à tromper l’Autorité et à déjouer l’encadrement législatif et réglementaire mis en place.

[45]        La preuve révèle, en effet, que l’intimé Alex Estivern a présenté à l’Autorité le 24 avril 2017 à 16h52 une demande de renouvellement en ligne[24] de son certificat de représentant dans la catégorie « Assurance de personnes » et que c’est peu après - le même jour - que le Surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution de l’Autorité a transmis à l’intimé Alex Estivern une lettre[25] attestant que son certificat était renouvelé pour la période du 1er mai 2017 au 30 avril 2018, et ce, en se fiant uniquement à la bonne foi de l’intimé et à la véracité de l’information qu’il avait fournie à la question 6, le tout, en prenant pour acquis que l’intimé s’était conformé en tout temps à l’article 62 Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[26].

[46]        La preuve établit aussi que c’est seulement à l’occasion de l’examen d’une demande d’inscription à titre de représentant autonome – présentée par l’intimé Alex Estivern le 1er juin 2017[27] – que l’Autorité a découvert que celui-ci avait déclaré faillite le 19 octobre 2016. Pourquoi ? Parce que dans le cas de l’examen d’une telle demande, une vérification du Registre des dossier de faillite et d’insolvabilité est prescrite alors que ce n’est apparemment pas le cas pour une demande annuelle de renouvellement de certificat de représentant en assurance de personnes lorsque celui-ci répond tout simplement « Non » à la question 6, et ce, même s’il sait pertinemment que cette réponse est fausse.

[47]        À cet égard, le Tribunal suggère au régulateur de revoir sa procédure administrative et de considérer la possibilité d’effectuer une vérification systématique du registre susmentionné dans le cas d’un renouvellement annuel de certificat de représentant en assurance de personnes.

[48]        Certes il y a un coût d’associé à un tel exercice mais il permettrait de réduire les risques que le public puisse effectuer des transactions avec des représentants en assurance de personnes qui sont dans une situation financière précaire à la suite d’une faillite qu’ils n’ont pas divulguée à l’Autorité et que le régulateur pourrait continuer d’ignorer longtemps s’il s’en remet uniquement au protocole d’examen des demandes annuelles de renouvellement de certificat de représentant non-autonome en assurance de personnes qui a été mis en preuve.

[49]        L’intimé Alex Estivern a plaidé comme facteurs atténuants qu’il s’agit de ses premiers manquements à la loi, qu’aucun dommage au public n’en a résulté et qu’il a souffert d’une anémie l’ayant empêché de travailler. Il a aussi admis qu’il avait fait erreur en ne déclarant pas sa faillite à deux reprises dans le cadre de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[28] et de son Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[29].

[50]        Le Tribunal a tenu compte des deux premiers facteurs atténuants susmentionnés de même que des repentirs exprimés par l’intimé Alex Estivern dans la détermination des ordonnances de nature dissuasive et préventive qu’il considère essentiel de mettre en œuvre à son encontre, et ce, afin de protéger l’intérêt public. Quant à « l’anémie sévère » dont il aurait souffert, le Tribunal note que l’intimé Alex Estivern n’a présenté aucune preuve pour étayer ses prétentions à l’égard d’une condition médicale dont il aurait souffert. 

[51]        Par ailleurs, le Tribunal a tenu compte, à titre de facteur aggravant, de la nature intentionnelle des deux manquements que l’intimé Alex Estivern a commis et de la nécessité de faire passer un message clair, tant à l’intimé qu’à l’ensemble des intervenants sur la place financière, que de tels manquements sont graves et ne seront pas tolérés.

[52]        À cet égard, le Tribunal est d’avis qu’il est dans l’intérêt public d’imposer à l’intimé Alex Estivern, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[30], une dissuasive pénalité administrative totale de 5 000 $ pour les deux manquements susmentionnés.

[53]        Le Tribunal souligne – à titre informatif – que l’Autorité aurait pu déposer des constats d’infractions de nature pénale à l’encontre de l’intimé Alex Estivern pour les manquements qui lui sont reprochés dans le cadre de la présente affaire et que, dans un tel cas, les articles 485, 468 (2) et 469.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[31] prévoient une amende minimale de 5 000 $ pour chacun de ces manquements.

[54]        Par ailleurs, il est clair pour le Tribunal qu’un représentant inscrit en assurance de personnes, qui a délibérément tenté et réussi – pendant près de huit mois – à tromper l’Autorité et à déjouer le cadre législatif mis en place pour protéger les épargnants et assurer l’intégrité de la place financière, ne peut, dans l’intérêt public, être autorisé à agir comme dirigeant responsable d’un cabinet d’assurance et que, nonobstant ses remords ou l’impact potentiel sur son employabilité, cette condition au maintien de son inscription doit, toujours clairement apparaître sur son certificat durant la période où cette condition est maintenue.

[55]        Enfin, compte tenu que le certificat de représentant en assurance de personnes de l’intimé Alex Estivern est actuellement suspendu depuis le 29 mai 2017 – et ce, parce qu’un lien d’emploi avec un cabinet d’assurance n’existe plus et n’a pas été rétabli depuis[32] – le Tribunal ne considère pas opportun de prononcer une quelconque ordonnance de suspension à son égard.

[56]        Par conséquent, après avoir dûment considéré l’ensemble de la preuve, de l’argumentation et de la jurisprudence présenté par les parties, le Tribunal est d’avis qu’il est dans l’intérêt public de prononcer à l’encontre de l’intimé Alex Estivern les ordonnances, de nature dissuasive et préventive, ci-après décrites.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[33] et 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[34] :

IMPOSE à l’intimé Alex Estivern une pénalité administrative de 5 000 $, payable dans les 30 jours de la présente décision;

INTERDIT à l’intimé Alex Estivern d’agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeant responsable de tout cabinet en assurance, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 163555 de l’intimé Alex Estivern de la condition suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, ni l’administrateur, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ENJOINT à l’intimé Alex Estivern de se conformer à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à ses règlements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                 Me Jean-Pierre Cristel

                    Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Ève Demers

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Alex Estivern, comparaissant personnellement

 

 

 

Date d’audience :

22 mai 2018

 

 

 



[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     Pièce D-1 déposée par l’Autorité.

[3]     Pièce D-3 déposée par l’Autorité.

[4]     Pièce D-4 déposée par l’Autorité.

[5]     L.R.C. (1985), c. B-3.

[6]     Pièce D-5 déposée par l’Autorité.

[7]     Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[8]     RLRQ, c. D-9.2, r. 7.

[9]     Préc., note 1.

[10]    Préc., note 5.

[11]    Préc., note 8.

[12]    Préc., note 1.

[13]    Ibid.

[14]    Pièce D-1 déposée par l’Autorité.

[15]    Préc., note 1.

[16]    Préc., note 8.

[17]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[18]    Pièce D-4 déposée par l’Autorité.

[19]    Préc., note 5.

[20]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[21]    Préc., note 1.

[22]    Préc., note 8.

[23]    Préc., note 1.

[24]    Pièce D-4 déposée par l’Autorité.

[25]    Pièce D-5 déposée par l’Autorité

[26]    Préc., note 8.

[27]    Pièce D-6 déposée par l’Autorité.

[28]    Préc., note 1.

[29]    Préc., note 8.

[30]    Préc., note 1.

[31]    Ibid.

[32]    Pièce D-1 déposée par l’Autorité.

[33]    RLRQ, c. A-33.2.

[34]    Préc., note 1.

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