Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Gexel Telecom International inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-039

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-039-001

 

 

 

DATE :

Le 7 juin 2018

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

GEXEL TELECOM INTERNATIONAL INC.

 

et

 

GEXEL FINANCE INC.

 

et

 

MICHELE LATO

 

et

 

LES SERVICES D’ASSURANCES OPTIMA INC.

 

et

 

OPTIMA COMMUNICATIONS INTERNATIONAL INC.

 

et

 

PIERRE O’GLEMAN

 

et

 

9218-6006 Québec inc., FASLRS Assurancia Groupe Tardif SF

 

et

 

PATRICE TARDIF

 

Parties intimées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION

 

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HISTORIQUE DU DOSSIER

[1]    Le 19 octobre 2017, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (le « Tribunal ») une demande afin d’obtenir, à l’encontre des intimés au présent dossier, le prononcé d’ordonnances de pénalité administrative, d’interdiction d’agir à titre de dirigeant, de suspension d’inscription, de nomination d’un dirigeant responsable, de mesure de redressement et de mesure propre au respect de la loi.

[2]    Le 20 février 2018, l’Autorité a déposé une demande amendée.

[3]   Le 11 mai 2018, le secrétariat du Tribunal a reçu deux ententes; (i) la première conclue entre l’Autorité et les intimés Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc. et Michele Lato, et (ii) la seconde conclue entre l’Autorité et les intimés Optima Communications International inc., Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman. Ces ententes étaient présentables au Tribunal le 16 mai 2018.

AUDIENCE

[4]    L’audience du 16 mai 2018 a eu lieu au siège du Tribunal en présence des procureures de l’Autorité et des procureurs des intimés.

[5]    À la suite d’une demande de toutes les parties et afin, dans l’intérêt public, de faciliter l’administration de la justice, le Tribunal a autorisé une disjonction d’instances entre, d’une part, les parties ayant conclu les deux ententes susmentionnées et, d’autre part, celles n’ayant pas conclu d’entente[1]

[6]   À la suite de cette disjonction d’instances, le Tribunal a autorisé les parties ayant conclu ces ententes à les lui présenter au mérite. Il fut aussi convenu de maintenir au 7 juin 2018 l’audience pro forma qui était prévue afin de poursuivre l’instance concernant les intimés 9218-6006 Québec inc., f.a.s.l.r.s Assurancia Groupe Tardif SF et Patrice Tardif.

[7]   Les procureures de l’Autorité ont subséquemment présenté le contenu des deux ententes conclues dans le cadre du présent dossier, et ce, en décrivant  la nature des manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2] commis par les intimés Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc., Michele Lato, Optima Communications International inc., Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman.

[8]    À cet égard, elles ont indiqué au Tribunal que les intimés susmentionnés reconnaissent, dans le cadre de ces ententes, avoir fait défaut de respecter les articles 3, 4, 27, 28, 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[3], en particulier, pour avoir notamment toléré que leurs représentants ne s’acquittent pas des obligations qui leur incombent lors de la distribution de produits d’assurance vendus par télémarketing.

[9]   Les procureures de l’Autorité ont souligné que les ententes conclues avec ces intimés contiennent une suggestion commune de pénalités administratives et d’ordonnances visant à assurer le respect de la loi.

[10]        Par ailleurs, elles ont mentionné – à titre de facteurs atténuants – que les intimés signataires d’ententes ont collaboré avec l’Autorité afin de trouver une solution consensuelle au présent dossier, qu’ils n’ont pas d’antécédents de manquements à la loi et qu’ils ont pris auprès de l’Autorité des engagements afin d’éviter que se reproduisent les manquements qui leur sont reprochés dans le cadre de la présente affaire.

[11]        Les procureures de l’Autorité ont déposé, avec le consentement des procureurs des intimés visés par les ententes, l’ensemble des pièces faisant état des faits au présent dossier en précisant au Tribunal que les intimés en admettent le contenu.

[12]        Les procureures de l’Autorité ont conclu leur argumentation en plaidant que les ententes intervenues entre les parties ne sont pas contraires à l’intérêt public et en demandant respectueusement au Tribunal d’imposer aux intimés les pénalités administratives prévues par ces ententes, de même que les ordonnances visant à assurer le respect de la loi.

[13]        Pour leur part, les procureurs des intimés visés par ces ententes ont indiqué au Tribunal qu’ils souscrivaient à l’argumentation présentée par les procureures de l’Autorité.

ANALYSE

[14]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande de l’Autorité, ainsi que des deux ententes intervenues entre les parties, lesquelles sont contenues dans deux documents, chacun intitulé « Entente », dont copies sont jointes à la présente décision.

[15]        La première de ces ententes a été conclue entre l’Autorité et les intimés Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc. et Michele Lato et, la seconde, a été conclue entre l’Autorité et les intimés Optima Communications International inc., Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman.

[16]        En raison des faits admis par les intimés susmentionnés, le Tribunal constate qu’il y a eu contravention de leur part aux les articles 3, 4, 27, 28, 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[4], lesquels se lisent comme suit :

« 3. Le représentant en assurance de personnes est la personne physique qui offre directement au public, à un cabinet, à un représentant autonome ou à une société autonome des produits d’assurance individuelle de personnes ou des rentes individuelles d’un ou de plusieurs assureurs.

Il agit comme conseiller en assurance individuelle de personnes et est habilité à faire adhérer toute personne à un contrat collectif d’assurance ou de rentes.

Ne sont pas des représentants en assurance de personnes:

1°  celui qui, pour le compte d’un employeur, d’un syndicat, d’un ordre professionnel ou d’une association ou d’un syndicat professionnel constitué en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels (chapitre S40), fait adhérer au contrat d’assurance collective de personnes ou de rentes collectives un employé de cet employeur ou un membre de ce syndicat, de cet ordre professionnel ou de cette association ou de ce syndicat professionnel;

2°  le membre d’une société de secours mutuels, ne garantissant pas le versement d’une prestation dans le cas de la réalisation d’un risque, qui place des polices pour celle-ci.

4. L’agent en assurance de dommages est la personne physique qui offre directement au public, pour le compte d’un cabinet qui est un assureur ou qui est lié par contrat d’exclusivité avec un seul assureur de dommages, des produits d’assurance de dommages. Il agit également comme conseiller en assurance de dommages.

N’est pas un agent en assurance de dommages la personne qui offre des produits d’assurance de responsabilité pour le Fonds d’assurance constitué par l’Autorité des marchés financiers.

[…]

27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux.

28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.

[…]

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements. »

[Nos soulignements]

[17]        En particulier, le Tribunal constate que les cabinets d’assurance et dirigeants responsables intimés visés par ces ententes, ont toléré que leurs représentants ne s’acquittent pas des obligations qui leur incombent lors de la distribution de produits d’assurance vendus par télémarketing.

[18]        Le Tribunal a considéré la substance des ententes qui lui ont été présentées à la lumière des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[19]        Le Tribunal souligne que chaque dossier doit être évalué au mérite en tenant compte de ses particularités et rappelle qu’il n’est jamais tenu aux suggestions communes qui lui sont présentées par les parties.

[20]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives demandées à l’encontre des intimés sont raisonnables afin d’assurer la protection du public[5] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[6]. Il en est de même pour les ordonnances visant à assurer le respect de la loi qui sont suggérées conjointement par les parties signataires des ententes.

[21]        Par ailleurs, dans le but de s’assurer que les pénalités administratives susmentionnées satisfont aux critères de dissuasion spécifique et générale[7], le Tribunal doit considérer les manquements reprochés aux intimés tout en prenant compte des facteurs aggravants et atténuants de la présente affaire.

[22]        Le Tribunal considère que les manquements, commis par les intimés sont graves et souligne, en particulier, que les obligations imposées aux cabinets d’assurance et à leurs dirigeants responsables auprès de l’Autorité ne doivent pas être prises à la légère. Le Tribunal rappelle que le respect de ces obligations est essentiel pour assurer la protection des clients de ces cabinets d’assurance.

[23]        En particulier, l’intimé Michele Lato, en tant que dirigeant responsable du cabinet intimé Gexel Finance inc., avait l’importante responsabilité de s’assurer que ce cabinet se conforme en tout temps à la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Il en est de même pour l’intimé Pierre O'Gleman qui était le dirigeant responsable auprès de l’Autorité du cabinet intimé Les Services D'assurances Optima inc.

[24]        Le Tribunal retient toutefois, à titre de facteurs atténuants, que les intimés signataires des ententes ont collaboré avec l’Autorité afin de trouver une solution consensuelle au présent dossier et qu’ils n’ont pas d’antécédents de manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[25]        Le Tribunal retient aussi que les cabinets intimés Gexel Finance inc. et Les Services D'assurances Optima inc. ont pris, dans le cadre des ententes susmentionnées, des engagements afin d’éviter que se reproduisent les graves manquements qu’ils ont commis.  

[26]        Enfin, le Tribunal retient que les intimées Gexel Telecom International inc. et Optima Communications International inc. consentent à remettre à l’Autorité la totalité des gains qu’ils ont illicitement réalisés dans le cadre de la présente affaire.

[27]        À la lumière des représentations qui lui ont été faites par les procureurs, le Tribunal considère que les deux ententes intervenues au présent dossier sont dans l’intérêt public.

[28]        Par conséquent, le Tribunal est prêt à imposer aux intimés Gexel Finance inc., Michele Lato, Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman les pénalités administratives qui lui ont été suggérées, d’un commun accord, par les parties de même que les autres ordonnances qui lui ont également été conjointement suggérées par celles-ci.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[8] et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[9] :

Pour Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc. et Michele Lato

ENTÉRINE l’entente conclue entre l’Autorité et les intimés Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc. et Michele Lato, la rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

ORDONNE à l’intimée Gexel Telecom International inc. de remettre à l'Autorité des marchés financiers les gains réalisés à la suite des manquements constatés, soit la somme de 30 113 $, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée;

ORDONNE à l’intimée Gexel Finance inc. de payer une pénalité administrative de 55 000 $ pour les manquements constatés, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée;

ORDONNE à l’intimée Gexel Finance inc. de procéder à la nomination d'un nouveau dirigeant responsable – préalablement approuvé par l’Autorité – en remplacement de l’intimé Michele Lato, et ce,  avant de reprendre ses activités, le cas échéant;

ORDONNE à l’intimé Michele Lato de payer une pénalité administrative de 5 500 $ pour les manquements constatés, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée;

INTERDIT à l’intimé Michele Lato d'agir, directement ou indirectement, à titre de dirigeant responsable de tout cabinet d'assurances, et ce, jusqu’à ce qu’il suive le cours « Déontologie et pratique professionnelle » et réussisse l’examen reliée à ce cours;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 192450 émis au nom de Michele Lato de la restriction suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n'est pas le dirigeant responsable, et ce, jusqu’au 30 juin 2019;

Pour Optima Communications International inc., Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman

ENTÉRINE l’entente conclue entre l’Autorité et les intimés Optima Communications International inc., Les Services D'assurances Optima inc. et Pierre O'Gleman, la rend exécutoire et ordonne aux parties de s’y conformer;

ORDONNE à l’intimée Optima Communications International inc. de remettre à l'Autorité des marchés financiers les gains réalisés à la suite des manquements constatés, soit la somme de 1 184 $, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée;

ORDONNE à l’intimé cabinet Les Services D'assurances Optima inc. de payer une pénalité administrative de 40 000 $ pour les manquements constatés, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée;

ORDONNE à l’intimé cabinet Les Services D'assurances Optima inc. de procéder à la nomination d'un nouveau dirigeant responsable – préalablement approuvé par l’Autorité – en remplacement de l’intimé Pierre O'Gleman, et ce, dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de la présente décision;

ORDONNE à l’intimé Pierre O'Gleman de payer une pénalité administrative de 4 000 $ pour les manquements constatés, laquelle sera payable selon les modalités prévues à l’entente susmentionnée.

 

 

 

 

 

 

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Me Jean-Pierre Cristel

Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Marie A. Pettigrew et Me Aurélie Gauthier

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Procureures de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Me Roger P. Simard

 

(Dentons Canada LLP)

 

Procureur de Gexel Telecom International inc., Gexel Finance inc. et Michele Lato

 

 

 

Me Philippe Frère

 

(Lavery, De Billy s.e.n.c.r.l.)

 

Procureur de Les Services D’assurances Optima inc., Pierre O’Gleman et Optima Communications International inc.

 

 

 

Me Maxime Savard

 

(Dussault Lemay Beauchesne s.e.n.c.r.l.)

 

Procureur de 9218-6006 Québec inc., f.a.s.l.r.s Assurancia Groupe Tardif SF et Patrice Tardif

 

 

 

 

 

Date d’audience :

16 mai 2018

 











 



[1]     À la demande du Tribunal, l’Autorité a subséquemment déposée le 30 mai 2018 deux demandes amendées correspondant à chacune des instances disjointes.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     Id.

[4]     Id.

[5]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[6]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[7]     Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672.

[8]     RLRQ, c. A-33.2.

[9]     Préc., note 2.

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