Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Savaria Chabot Gestion de patrimoine inc.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2017-022

 

 

 

DÉCISION N° :

2017-022-001

 

 

 

DATE :

Le 4 mai 2018

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Demanderesse

 

c.

 

SAVARIA CHABOT GESTION DE PATRIMOINE INC.

et

FRANÇOIS SAVARIA

 

Intimés

 

 

 

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DÉCISION

 

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HISTORIQUE DU DOSSIER

[1]   Le 13 juillet 2017, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers (« Tribunal ») une demande de pénalités administratives, de suspension d’inscription, de mesure de redressement et de mesure propre à assurer le respect de la loi à l’encontre des intimés Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. et François Savaria.

[2]   Le 21 septembre 2017, dans le cadre d’une audience pro forma, le Tribunal a fixé au 1er mai 2018 la date de l’audience durant laquelle il entendrait, au mérite, cette demande de l’Autorité.

[3]   Le 27 avril 2018, les parties ont informé le Tribunal qu’une entente était intervenue entre les parties et qu’elle serait présentée lors de l’audience prévue le 1er mai 2018.

AUDIENCE

[4]   L’audience du 1er mai 2018 s’est tenue au siège du Tribunal en présence du procureur de l’Autorité et du procureur des intimés.

[5]   Le procureur de l’Autorité a indiqué au Tribunal que, dans le cadre de la présente affaire, les parties en étaient arrivées à une entente, laquelle contient une suggestion commune de pénalités administratives et d’ordonnance visant à assurer le respect de la loi.

[6]    Il a présenté le contenu de cette entente d’une manière détaillée en décrivant la nature des manquements commis par les intimés à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1].

[7]   Il a mentionné que les intimés reconnaissent, dans le cadre de l’entente susmentionnée, avoir commis ces manquements à la loi. À cet égard, il a notamment indiqué que les intimés reconnaissent avoir procédé à la souscription de 33 contrats d’assurance pendant la suspension de l’intimée Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc., et ce, alors que l’intimé François Savaria en était le dirigeant responsable envers l’Autorité.

[8]   Par ailleurs, il a mentionné - à titre de facteurs atténuants - que les intimés ont collaboré avec l’Autorité afin de trouver une solution consensuelle au présent dossier, qu’ils n’ont pas d’antécédents de manquements à la loi et qu’ils ont mis en place des mesures afin d’éviter que se reproduisent les manquements qui leur sont reprochés dans le cadre de la présente affaire.

[9]   Le procureur de l’Autorité a déposé, avec le consentement du procureur des intimés, l’ensemble des pièces[2] faisant état des faits au présent dossier en indiquant au Tribunal que les intimés en admettent le contenu, ce qui fut explicitement confirmé au Tribunal par leur procureur.   

[10]        Le procureur de l’Autorité a conclu son argumentation en plaidant que l’entente intervenue entre les parties n’est pas contraire à l’intérêt public et en demandant au Tribunal d’imposer aux intimés les pénalités administratives requises de même que l’ordonnance visant à assurer le respect de la loi.

[11]        Pour sa part, le procureur des intimés a souligné que l’intimée Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. est un jeune cabinet d’assurance qui n’a débuté ses activités qu’en 2014.

[12]        Il a expliqué au Tribunal la nature de la malencontreuse erreur de communication qui est à l’origine des manquements commis par les intimés. À cet égard, il souligné que le rapport de plainte que les intimés ont transmis en retard à l’Autorité et qui a entrainé une inopinée suspension d’inscription, n’en contenait toutefois aucune.

[13]        Il a plaidé que ses clients n’ont aucun antécédent de manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et qu’ils ont offert à l’Autorité une grande collaboration dans le cadre de la présente affaire.

[14]        À cet égard, il a souligné que les intimés ont déjà transmis à l’Autorité un ensemble de mesures de contrôle et de surveillance qu’ils ont mis en place afin de s’assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements.

[15]        Le procureur des intimés a conclu ses représentations en soulignant la bonne foi de ses clients et en demandant au Tribunal de prononcer les conclusions qui sont conjointement recherchées par les parties au paragraphe 11 de l’entente aujourd’hui déposée.

ANALYSE

[16]        Le Tribunal a pris connaissance de la demande de l’Autorité, ainsi que de l’entente intervenue entre les parties, laquelle est contenue dans un document intitulé « Proposition commune des parties et admissions des intimés », dont copie est jointe à la présente décision.

[17]        En raison des faits admis par les intimés, le Tribunal constate qu’il y a eu contraventions de leur part aux articles 71, 84, 85 et 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, lesquels se lisent comme suit :

« 71. Nul ne peut agir comme cabinet, ni se présenter comme tel, à moins d’être inscrit auprès de l’Autorité.

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements. »

[18]        Le Tribunal a considéré la substance de l’entente qui lui a été présentée par les parties au regard des objectifs primordiaux de protection du public et de dissuasion qu’il est essentiel de rencontrer.

[19]        Le Tribunal souligne que chaque dossier doit être évalué au mérite à la lumière de ses particularités et rappelle qu’il n’est jamais tenu aux suggestions communes qui lui sont présentées par les parties.

[20]        Le Tribunal doit également déterminer si les pénalités administratives demandées à l’encontre des intimés est raisonnable afin d’assurer la protection du public[3] et, à cet égard, il a considéré plusieurs critères[4]. Il en est de même pour l’ordonnance visant à assurer le respect de la loi qui est suggérée conjointement par les parties.

[21]        Par ailleurs, dans le but de s’assurer que les pénalités administratives susmentionnées satisfont aux critères de dissuasion spécifique et générale[5], le Tribunal doit considérer les manquements reprochés aux intimés tout en prenant compte des facteurs aggravants et atténuants de la présente affaire.

[22]        Le Tribunal considère que les manquements, commis par les intimés sont graves et souligne, en particulier, que les obligations imposées aux cabinets d’assurance et à leurs dirigeants responsables auprès de l’Autorité ne doivent pas être prises à la légère. Le Tribunal rappelle que le respect de ces obligations est essentiel pour assurer la protection des clients de ces cabinets d’assurance.

[23]        En particulier, l’intimé François Savaria, en tant que dirigeant responsable auprès de l’Autorité du cabinet intimé Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. avait l’importante responsabilité de s’assurer que ce cabinet se conforme en tout temps à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[24]        Or, il appert de la preuve transmise au Tribunal que celui-ci n’a apparemment pas accordé toute l’importance qu’il aurait dû accorder aux communications qu’il a reçues par courriels de l’Autorité entre septembre et novembre 2015, et ce, avec la malencontreuse conséquence que le cabinet intimé a vu son inscription suspendue - sans qu’il le sache - et a conclu 33 contrats d’assurance alors que son inscription avait été suspendue par l’Autorité pour défaut de transmettre à ce régulateur, dans le délai requis, un rapport de plaintes provenant des clients du cabinet, lequel fort heureusement n’en contenait aucune.    

[25]        Le Tribunal retient toutefois, à titre de facteurs atténuants, qu’il n’y a pas eu de dommages causés aux clients du cabinet intimé par les manquements dont sont responsables les intimés. Le Tribunal retient aussi qu’il s’agit de premiers manquements de la part des intimés, qu’ils ont pleinement collaboré avec l’Autorité, fait preuve de transparence et de repentir à l’égard des manquements commis et qu’ils ont déjà mis en place un ensemble de mesures ayant pour but d’empêcher une répétition de ceux-ci.

[26]        À la lumière des représentations qui lui ont été faites par les procureurs, le Tribunal considère que l’entente intervenue entre les parties est dans l’intérêt public.

[27]        Par conséquent, le Tribunal est prêt à imposer - à l’égard des intimés Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. et François Savaria - les pénalités administratives qui lui ont été suggérées, d’un commun accord, par les parties de même que l’ordonnance visant à assurer le respect de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  qui lui a également été conjointement suggérée par celles-ci.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[6] de même que des articles 115 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[7] :

PREND ACTE de l’entente intervenue entre les parties au présent dossier laquelle est consignée dans le document intitulé «Proposition commune des parties et admissions des intimés» qui est joint à la présente décision;

IMPOSE à l’intimé cabinet Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. une pénalité administrative de 15 000 $;

IMPOSE à l’intimé François Savaria une pénalité administrative de 2 500 $;

ORDONNE aux intimés de payer ces pénalités administratives à l’intérieur d’un délai de six mois de la présente décision;

ORDONNE à l’intimé cabinet Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. de procéder à la mise en place, des mesures de contrôle et de surveillance transmises à l’Autorité des marchés financiers afin de s’assurer que le cabinet, son dirigeant responsable, ses représentants et ses employés respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, relativement à la communication technologique et à la conformité aux obligations prévues à cette loi en matière d’inscription et de divulgation de rapport de plaintes, et ce, sous forme d’engagement écrit envers l’Autorité des marchés financiers.

 

 

 

 

 

 

Me Jean-Pierre Cristel, juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Valentin Jay

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Procureur de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Me Martin Courville

 

(LGB Avocats Regroupement d'avocats autonomes)

 

Procureur de Savaria Chabot Gestion de Patrimoine inc. et François Savaria

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

1er mai 2018

 

 








[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     Pièces D-1 à D-18.

[3]     Mizrahi c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCQ 10542.

[4]     Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17.

[5]     Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672.

[6]     RLRQ, c. A-33.2.

[7]     Préc., note 1.

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