Autorité des marchés financiers (Québec)

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Autorité des marchés financiers c. Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd.

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

MONTRÉAL

 

 

 

DOSSIER N° :

2015-019

 

 

 

DÉCISION N° :

2015-019-001

 

 

 

DATE :

Le 25 novembre 2016

 

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EN PRÉSENCE DE :

Me LISE GIRARD

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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Partie demanderesse

 

c.

 

PARTNERS INDEMNITY INSURANCE BROKERS LTD.

et

BARRY DOWNS

 

Parties intimées

 

 

 

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DÉCISION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]         Veuillez prendre note que le 18 juillet 2016, certaines dispositions législatives[1] sont entrées en vigueur changeant le nom du Bureau de décision et de révision pour le Tribunal administratif des marchés financiers (ci-après le « Tribunal »)[2]. La présente décision est rendue sous cette nouvelle appellation.

 

CONTEXTE

[2]         Le 16 juillet 2015, l’Autorité des marchés financiers (ci-après « Autorité ») a déposé au Tribunal une demande visant les conclusions suivantes :

         L’imposition de pénalités administratives à l’encontre des intimés Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd. (« Partners ») et Barry Downs («l’intimé  Downs »);

         Assortir le certificat de l’intimé Downs d’une condition pour une période de deux ans;

         Émettre une interdiction pour une période de deux ans à l’encontre de l’intimé Downs d’agir comme dirigeant responsable du cabinet Partners ou de tout autre cabinet;

         Émettre une ordonnance au cabinet Partners de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de l’intimé Downs dans les 90 jours de la signification d’une décision du Tribunal;

         Émettre une ordonnance visant à enjoindre au cabinet Partners de se conformer à la LDPSF et à ses règlements.

[3]         Le 6 mai 2016, une demande amendée a été déposée faisant état d’un complément d’enquête, précisant certains éléments de la demande et augmentant les pénalités administratives demandées à l’égard des intimés.

[4]         Suivant huit audiences pro forma en chambre de pratique, le dossier avait été reporté à nouveau pro forma au 10 novembre 2016.

AUDIENCE

[5]           Le 10 novembre 2016, l’audience s’est tenue en présence de la procureure de l’Autorité et du procureur des intimés. L’intimé Barry Downs était également présent.

[6]         Les procureurs ont fait valoir au tribunal qu’une entente était intervenue entre les parties.

[7]         L’Autorité a déposé une demande réamendée pour tenir compte de l’entente intervenue entre les parties.

[8]         Par cette demande réamendée, l’Autorité retire quatre des sept conclusions qui étaient demandées.

[9]           La procureure de l’Autorité a déposé une entente intervenue entre les parties intitulée « Transaction et engagement des intimés » signée par les parties le 10 novembre 2016, jointe à la présente décision.

[10]        La procureure de l’Autorité a indiqué que par sa demande réamendée, qu’elle retirait les conclusions visant le changement de dirigeant responsable et l’interdiction pour l’intimé Downs d’agir à titre de dirigeant responsable.

[11]        La procureure de l’Autorité a fait la narration des faits en lien avec les manquements commis par les intimés et expliqué les termes de la transaction.

[12]        Les intimés ont consigné, dans un document intitulé « Représentations des Intimés », leurs observations relativement aux faits avancés par l’Autorité, effectué plusieurs admissions tout en précisant certains éléments et en niant d’autres aspects. Les intimés ont consenti au dépôt de l’ensemble des pièces au soutien de la demande de l’Autorité.

[13]        La procureure de l’Autorité a fait des représentations afin d’établir que les pénalités administratives demandées de 45 000 $ pour le cabinet Partners et de 4 500 $ pour l’intimé Downs sont justifiées dans le contexte de la présente affaire.

[14]        De plus, l’Autorité a déposé au soutien de ses représentations un plan d’argumentation avec de la jurisprudence à l’appui.

[15]        Elle demande au Tribunal d’entériner ladite entente étant conforme à l’intérêt public.

[16]        Le procureur des intimés a également fait des représentations pour venir préciser certains éléments et donner la version des faits de ses clients. Il demande également d’entériner l’entente intervenue entre les parties.

ANALYSE

[17]        Le Tribunal a entendu les représentations des parties, a pris connaissance de la demande réamendée, du document « Représentations des intimés », de l’entente intitulée « Transaction et engagement des intimés » jointe à la présente décision, des pièces ainsi que du plan d’argumentation de l’Autorité et fait un survol de la jurisprudence déposée.

[18]        Le Tribunal a retenu les faits suivants :

[19]        Dans le cadre de l’achat avec financement ou location d’un véhicule Kubota auprès d’un concessionnaire autorisé de ce dernier, dans le présent dossier le concessionnaire Entreprises A. Laporte, ces clients devaient se procurer une police d’assurance de dommages matériels.

[20]        Ladite police d’assurance de dommages devait remplir certaines conditions, soit notamment, assurer la valeur à neuf lors du remplacement de l’équipement durant la durée du contrat de financement ou de location, d’offrir une garantie tout risque et offrir un déductible de 250 $.

[21]        Un programme avait été élaboré selon lequel AIG a émis au nom de Kubota Canada Ltée (Kubota) une police d’assurance collective couvrant les dommages matériels sur les véhicules de Kubota. Le nom du courtier était Partners.

[22]        Ainsi le client avait deux choix, faire affaire avec ses propres assurances, soit résidentielle, commerciale ou agricole, ce qui a été fait dans 87 % des cas ou souscrire à l’assurance de dommages offerte par Partners via la police d’assurance collective émise par AIG, ce qui a été fait dans 13 % des cas.

[23]        Au total, 1598 polices ont été vendues au Québec depuis la mise sur pied de ce programme en 2011.

[24]        Cela représente 100 000 $ en honoraires qui ont été versés à Partners, de mars 2011 à mars 2016, aux termes de ce programme, mais pour l’ensemble du Canada. Pour le Québec, cela représente une valeur d’environ 15 000 $ en honoraires. Il faut noter qu’il n’y avait pas nécessairement de manquements commis dans les autres provinces, la législation étant différente à cet égard.

[25]        Au Québec, notamment, le manquement survenait dans la manière de distribuer le produit d’assurance offert par ce programme. Lorsque le client décidait de souscrire au programme, soit à l’assurance de dommages de AIG, c’est l’employé du concessionnaire qui faisait les représentations aux clients sur la couverture de l’assurance de dommage et colligeait les informations nécessaires, en lieu et place du représentant de Partners. Par la suite, les clients recevaient par la poste leur certificat d’assurance provenant d’AIG.

[26]        Les informations qui étaient recueillies par les employés du concessionnaire étaient le nom, l’adresse, la description de l’équipement acheté ou loué, le montant et la durée du contrat de financement ou de location.

[27]        En conséquence, le consommateur ne pouvait bénéficier des conseils, et/ou des représentations afférentes au produit d’assurance de dommages d’AIG et que ses informations n’étaient pas recueillies par un représentant dûment inscrit afin d’identifier adéquatement ses besoins et souscrire à la meilleure assurance de dommages pour lui.

[28]        De plus, le complément d’enquête a permis de constater que ces manquements étaient effectués dans d’autres concessionnaires que celui initialement visé, soit le concessionnaire Entreprises A. Laporte.

[29]        Ainsi, Partners et son dirigeant responsable, l’intimé Downs, qui est également le seul représentant rattaché à ce cabinet ainsi que l’administrateur unique et l’actionnaire unique, ont contrevenu aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers[3] au Québec, plus spécifiquement aux articles 27, 28, 84, 85 et 86 de cette loi.

[30]        En effet, Partners et l’intimé Downs devaient veiller à agir conformément à la loi et à ses règlements.

[31]        Le Tribunal est satisfait des représentations qui lui ont été faites.

[32]        Le Tribunal considère que l’entente a été conclue dans l’intérêt public.

Pénalités administratives

[33]        Concernant les pénalités administratives demandées, le Tribunal considère que les manquements reprochés sont importants étant donné le nombre, la période, environ 5 ans, et l’étendue de cette pratique à plus qu’un concessionnaire vendant les produits de Kubota.

[34]        Par ailleurs, le Tribunal retient que les intimés ont collaboré dès qu’ils ont été informés et obtenu les conseils de leur procureur. Dès lors, ils ont cessé de distribuer le produit d’assurance dommages émis par AIG sous cette forme.

[35]        Les représentations des parties sont à l’effet qu’il n’y a pas eu de perte et que les consommateurs n’ont pas été lésés suivant ces manquements.

[36]        Malgré que les intimés ont fait valoir que le programme de distribution de la police d’assurance dommages suivant le financement d’une vente ou la location d’un produit Kubota était limité et que les questions qui devaient être posées pour la souscription étaient restreintes et peu engageantes, il n’en demeure pas moins que la loi doit être respectée et que la protection du public commande que seuls des professionnels dûment inscrits auprès de l’Autorité puissent rencontrer des clients et leur faire souscrire des produits d’assurance.

[37]        Le Tribunal considère que l’Autorité a réamendé ses conclusions afin de limiter ses demandes et que les parties ont convenu d’une entente sans qu’une audience ait lieu.

[38]        Considérant également, qu’au paragraphe 10 de l’entente, l’intimé Downs s’engage à réviser l’ensemble des ententes contractuelles liant actuellement le cabinet Partners afin de s’assurer que les pratiques en place et ses façons de faire concernant ses activités au Québec soient parfaitement en règle avec ses obligations et plus particulièrement celle découlant de la LDPSF et ses règlements.

[39]        De plus, le Tribunal estime que la présence de l’intimé Downs lors de l’audience démontrait le sérieux qu’il prenait de la situation et rassure le Tribunal sur les risques de récidive.

[40]        En l’espèce, le Tribunal conclut que les pénalités administratives convenues entre les parties représentent une sanction importante, mais appropriée dans les circonstances, tout en répondant aux principes de dissuasion spécifique et de dissuasion générale.

[41]        Le Tribunal a également considéré la jurisprudence pertinente[4] pour déterminer que le montant de pénalité suggéré était raisonnable eu égard aux différents manquements et aux critères de détermination des pénalités administratives[5].

[42]        Le Tribunal convient également d’entériner les modalités de paiement demandées.

[43]        En conséquence, le Tribunal entérine ladite entente et impose les pénalités administratives telles que convenues entre les parties étant faites dans l’intérêt public.

DÉCISION

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES MARCHÉS FINANCIERS, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[6] et de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[7] :

ENTÉRINE la transaction intervenue entre les parties et signée le 10 novembre 2016 et ORDONNE aux parties de s’y conformer;

IMPOSE à Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd. une pénalité administrative de 45 000 $, payable à raison de 3 750 $ par mois pendant douze (12) mois à compter du 1er du mois suivant la signature de la transaction, soit le 10 novembre 2016, dans les conditions prévues à celle-ci, soit :

                      i.        Que les paiements mensuels soient faits à l’ordre de Dunton Rainville Avocats en fiducie et, à compter de la présente décision, soit le 25 novembre 2016, les paiements soient ensuite payables directement auprès de l’Autorité, jusqu’à concurrence du montant octroyé par le Tribunal, le cas échéant;

                     ii.        Que lors du prononcé du jugement du Tribunal, soit le 25 novembre 2016, Dunton Rainville (Me Michel Beauregard) transmette à l’Autorité les sommes ainsi perçues, jusqu’à concurrence du montant octroyé par le Tribunal, le cas échéant;

IMPOSE à Barry Downs une pénalité administrative de 4 500 $, payable à raison de 375 $ par mois pendant douze (12) mois à compter du 1er du mois suivant la signature de la transaction, soit le 10 novembre 2016, dans les conditions prévues à celle-ci, soit :

 

i.       Que les paiements mensuels soient faits à l’ordre de Dunton Rainville Avocats en fiducie et, à compter de la présente décision, soit le 25 novembre 2016, les paiements soient ensuite payables directement auprès de l’Autorité, jusqu’à concurrence du montant octroyé par le Tribunal, le cas échéant;

ii.      Que lors du prononcé du jugement du Tribunal, soit le 25 novembre 2016, Dunton Rainville (Me Michel Beauregard) transmette à l’Autorité les sommes ainsi perçues, jusqu’à concurrence du montant octroyé par le Tribunal, le cas échéant.

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Lise Girard, présidente

 

 

 

Me Marie A. Pettigrew

 

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

 

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

 

Me Michel Beauregard

 

(Dunton Rainville Avocats)

 

Procureur de Partners Indemnity Insurance Brokers Ltd. et Barry Downs

 

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 10 novembre 2016.

 

 



[1]     Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 26 mars 2015, L.Q. 2016, c.7, art. 171 à 180 par le truchement de l’article 225, al. 1, par. 3.

[2]     Dans les paragraphes subséquents, l’expression « Tribunal » est substituée à l’expression « Bureau », et ce, même lorsque l’on réfère à un fait survenu antérieurement au 18 juillet 2016.

[3]     RLRQ, c. D-9.2.

[4]     Autorité des marchés financiers c. Brokerforce Insurance Inc., 2016 QCBDR 37; Autorité des marchés financiers c. Rochefort, Perron, Billette et Associés inc., 2015 QCBDR 18; Autorité des marchés financiers c. Assurances Crédit Virage inc., 2014 QCBDR 92; Autorité des marchés financiers c. MWM Assurances inc., 2013 QCBDR 140; Autorité des marchés financiers c. Avro services de gestion de risques inc., 2012 QCBDR 139.

[5]     Autorité des marchés financiers c. Cailloux, Dagort et Associés inc., 2011 QCBDR 96.

[6]     RLRQ, c. A-33.2.

[7]     Préc., note 3.

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