Autorité des marchés financiers (Québec)

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Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. R. Beauchamp & Laplante Courtiers d'assurances inc.

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2015-002

 

DÉCISION N°:

2015-002-001

 

DATE :

Le 30 septembre 2015

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me LISE GIRARD

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

R. BEAUCHAMP & LAPLANTE COURTIERS D’ASSURANCES INC.

 

et

ROBERT BEAUCHAMP

Parties intimées

 

 

 

Pénalités administratives, conditions à l’inscription, interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable et mesures propres à assurer le respect de la loi

[art. 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2 et

art. 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2]

 

 

 

Me Annie Parent et Me Marie-Pier Dufresne Dallaire

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureures de la partie demanderesse

 

Me Martin Courville

(De Chantal, D’Amour, Fortier, S.E.N.C.R.L.)

Procureur des parties intimées

 

 

 

Date d’audience :

Le 8 juillet 2015

 


 

 

 

DÉCISION

 

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

[1]           Le 17 février 2015, l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a saisi le Bureau de décision et de révision (« Bureau ») d’une demande à l’encontre des intimés R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. (« cabinet intimé ») et Robert Beauchamp (« M. Beauchamp »).

[2]           Par cette demande, l’Autorité recherchait notamment l’imposition d’une pénalité administrative à l’encontre des intimés et l’application d’autres mesures propres à assurer le respect de la loi relativement aux différents manquements mentionnés à ladite demande.

[3]           Des audiences pro forma ont eu lieu les 12 et 26 mars 2015. À cette dernière date, l’audience au mérite a été fixée au 8 juillet 2015.

AUDIENCE

[4]           Tel que convenu, l’audience a eu lieu le 8 juillet 2015.

[5]           Dans un premier temps, le procureur des intimés a fait des admissions relativement aux faits mentionnés aux paragraphes 1 à 44 de la demande de l’Autorité à l’exception des paragraphes 18 et 19 et il a consenti au dépôt des pièces D-1 à         D-11 i) en admettant que lesdites pièces attestaient de leur contenu, exception faite des pièces D-11 c) et f).

[6]           Les procureurs des parties ont ensuite mentionné que la preuve administrée porterait uniquement sur les faits contestés et sur les sanctions administratives demandées.

Admissions

[7]           Le Bureau reprend les paragraphes de la demande ayant fait l’objet d’admissions de la part des intimés :

1.              « La demanderesse est l’organisme chargé notamment de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (la « LDPSF ») et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2 (la « LAMF »);

2.              L’intimée R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. (« cabinet intimé ») est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité »), portant le numéro [...], dans la discipline de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière en vertu de la LDPSF, tel qu’il appert de l’attestation d’inscription alléguée comme pièce D-1;

 

3.              Robert Beauchamp est président et actionnaire majoritaire du cabinet intimé, tel qu’il appert d’une copie de l’état des renseignements sur une personne morale émis par le Registraire des entreprises alléguée comme pièce D-2;

 

4.              Robert Beauchamp détient un certificat émis par l’Autorité portant le numéro [...] lui permettant d’agir à titre de représentant dans les discipli-nes de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de person-nes et de la planification financière pour le compte du cabinet intimé et est inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective pour le compte de Services d’Investissements Quadrus Ltée, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique alléguée comme pièce D‑3;

 

5.              Robert Beauchamp est également le dirigeant responsable du cabinet intimé, tel qu’il appert de la pièce D-1;

 

6.              Au moment de l’envoi de l’avis d’inspection en date du 16 avril 2014, mis à part Robert Beauchamp, un (1) seul  représentant, Jean-François Lacasse, était rattaché au cabinet intimé;

 

7.              Or, Robert Beauchamp a informé les inspecteurs que le cabinet intimé aurait mis fin au rattachement de ce représentant en date du 17 avril 2014 par l’envoi à l’Autorité du formulaire intitulé « Retrait de représentant », tel qu’il appert d’une copie dudit formulaire alléguée comme pièce D-4;

 

Faits spécifiques aux manquements reprochés

 

8.              En vertu des articles 107 et suivants de la LDPSF, l’Autorité a le pouvoir d’inspecter un cabinet pour s’assurer du respect de la Loi et de ses règlements;

 

9.              La Direction de l’inspection – Assurances et ESM de l’Autorité, a décidé de procéder à l’inspection du cabinet intimé conformément à l’article 107 de la LDPSF;

 

10.           Les 8 et 9 mai 2014, le cabinet intimé a fait l’objet d’une inspection conduite par la Direction de l’inspection – Assurances et ESM de l’Autorité, relativement à ses activités en assurance de personnes, étant donné que cette activité est la seule dans laquelle le cabinet intimé exerce effectivement des activités;

 

11.           Lors de ladite inspection, diverses irrégularités ont été constatées, tel qu’il appert d’une copie du rapport d’inspection, de ses annexes et de la lettre de transmission à Robert Beauchamp datée du 10 octobre 2014 allégués en liasse comme pièce D-5;

 

12.           Il importe de noter que 24 octobre 2014, le cabinet intimé adressait à l’Autorité une lettre de réponse au rapport d’inspection D-5, tel qu’il appert de cette correspondance alléguée comme pièce D-6;

 

13.           Le 18 novembre 2014, l’Autorité acheminait au cabinet une correspon-dance par laquelle elle confirmait la réception de la correspondance D-6, tel qu’il appert de la réponse alléguée comme pièce D-7;

 

Supervision et fausses informations

 

14.           Le cabinet intimé et son dirigeant responsable, Robert Beauchamp, ont fait défaut de s’acquitter de leurs devoirs de supervision prévus aux articles 85 et 86 de la LDPSF puisqu’ils n’ont pas effectué de réelles vérifications du travail de leurs représentants, et ce, compte tenu de la nature des manquements constatés lors de l’inspection du mois de mai 2014 et du fait qu’aucune procédure n’a été mise en place pour s’assurer que les représentants agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

 

15.           Cette situation est d’autant plus préoccupante étant donné que Jean-François Lacasse, représentant rattaché au sein du cabinet intimé durant la période visée par l’inspection, détient un certificat portant le numéro [...] dans la discipline de l’assurance de personnes qui a été assorti de conditions dont l’une exige qu’il exerce ses activités de représentant sous la supervision rapprochée d’une personne nommée par le dirigeant responsable et par le cabinet auquel il est rattaché, et ce, depuis le 7 novembre 2012, tel qu’il appert d’une copie de la décision rendue par l’Autorité le 7 novembre 2012 portant le numéro 2012‑OED‑0036 alléguée comme pièce D-8;

 

16.           Cette condition de supervision rapprochée était toujours en vigueur au moment de l’inspection;

 

17.           Suivant cette condition de supervision et considérant que Jean-François Lacasse était rattaché au cabinet intimé à cette date, en tant que dirigeant responsable du cabinet, Robert Beauchamp se désignait comme superviseur des activités en assurances de personnes de ce dernier et en a informé l’Autorité verbalement;

 

18.           … (Paragraphe non admis);

 

19.           … (Paragraphe non admis);

 

20.           Durant les périodes de supervision rapprochée et tel que précisé au cours des échanges intervenus, un formulaire intitulé « déclaration relative à une condition de supervision » devait être acheminé à l’Autorité par le cabinet intimé et le superviseur, et ce, mensuellement;

 

21.           Dans le cadre de ces déclarations transmises à l’Autorité à l’égard de Jean‑François Lacasse visant la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014, Robert Beauchamp, à titre de superviseur, a coché notamment les énoncés suivants à l’égard de la « déclaration générale du superviseur »:

 

                      les tâches accomplies ont, à notre connaissance, été évaluées et révisées au moins une fois par semaine (dans chacune des déclarations);

                      nous vous confirmons que la personne supervisée a respecté la législation, la réglementation ainsi que les règles d’éthique professionnelle et de déontologie s’appliquant à l’exercice des activités de représentant pendant la période visée (dans chacune des déclarations);

 

             et à l’égard de la « déclaration du superviseur relativement aux disciplines et catégories de discipline de l’assurance ainsi que de la planification financière », Robert Beauchamp a coché notamment les énoncés suivants :

 

         les produits et services offerts ont été révisés et l’information relative à cette révision a été consignée dans le dossier client (dans chacune des déclarations);

         les propositions d’assurance et les formulaires, notamment les préavis aux fins de remplacement, ont été contresignés, le cas échéant (dans chacune des déclarations);

         les motifs d’annulation de la police ont été vérifiés, la procédure de remplacement de police a été respectée, le cas échéant, et l’information a été consignée dans le dossier client (dans chacune des déclarations);

         les analyses de besoins ont été revues, les produits et services offerts correspondent à l’analyse ou tout écart est expliqué et documenté (dans chacune des déclarations);

         L’illustration du contrat correspond au contrat souscrit et repose sur des scénarios réalistes et prudents. Dans le cas où la police émise diffère de celle souscrite, une nouvelle illustration a été remise au client (dans chacune des déclarations);

         Dans le cas des fonds distincts, le profil financier et les informations financières sont consignés dans le dossier du client (dans chacune des déclarations hormis dans quatre (4) d’entre elles où il y est indiqué « n/a »);

         Les dossiers des clients ayant transigé ont été revus afin de s’assurer que tous les éléments requis par la réglementation soient présents et complets (dans chacune des déclarations);

 

             tel qu’il appert d’une copie desdites déclarations alléguée en liasse comme pièces D‑9;

 

22.           Or, lors de l’entrevue d’inspection intervenue entre les inspecteurs et Robert Beauchamp, ce dernier a reconnu ne pas avoir vérifié la qualité des transactions ni la pertinence des recommandations effectuées par le représentant Jean-François Lacasse, en précisant que sa seule vérification consistait à s’assurer que les dossiers contiennent tous les documents requis par la législation;

 

23.           Au surplus, au cours de l’inspection réalisée, les inspecteurs ont constaté qu’il n’y avait aux dossiers aucune note ou mention permettant de confirmer une vérification quelconque des activités du représentant Jean-François Lacasse dans la discipline de l’assurance de personnes, et ce, contrairement à ce qui avait été déclaré dans les déclarations transmises à l’Autorité;

 

24.           Pourtant, Robert Beauchamp a déclaré dans le cadre de déclarations transmises à l’Autorité, pièce D-9, avoir vérifié, révisé ou évalué les activités de représentant de Jean‑François Lacasse;

 

25.           Ce faisant, Robert Beauchamp a fourni, à titre de superviseur voire même dirigeant responsable, des informations fausses à l’Autorité, et ce, à douze (12) reprises, ce qui constitue d’ailleurs une infraction pénale visée par l’article 469.1 de la LDPSF;

 

26.           Mentionnons enfin que dans le cadre de l’inspection, les inspecteurs ont réalisé non seulement que Robert Beauchamp avait fait de fausses déclarations à l’Autorité, mais qu’il avait autorisé le représentant Jean-François Lacasse à utiliser son code d’agent pour les activités réalisées par ce dernier auprès de SSQ puisque SSQ lui avait refusé l’attribution d’un code d’agent;

 

Autres manquements

 

27.           De même, dans le cadre de l’inspection, certains manquements ont été constatés à l’égard des analyses de besoins financiers, des fonds distincts, de la procédure de remplacement et de la politique de traitement des plaintes et de règlement des différends;

 

Analyse des besoins financiers

 

28.           En effet, dans douze (12) dossiers clients, pour lesquels Jean-François Lacasse a agi à titre de représentant pour la souscription d’une assurance-vie, les inspecteurs ont constaté que l’analyse de besoins financiers était incomplète dans neuf (9) dossiers alors qu’elle était absente dans les trois (3) autres, tel qu’il appert de l’annexe récapitulative intitulée « Annexe – assurance de personnes » alléguée comme pièce D-10 et d’une copie des dossiers clients alléguée en liasse comme pièces D-10 b) à m);

 

29.           Au surplus, l’inspection tenue a permis de révéler que la collecte de données effectuée s’est avérée, à plusieurs reprises, incohérente, car les données recueillies lors de l’analyse de besoins financiers ne concordent pas avec les informations contenues dans la proposition d’assurance, tel qu’il appert de l’annexe récapitulative intitulée « Annexe - assurance de personnes » pièce D-10 et d’une copie des dossiers clients pièces D-10 d), f), g), h), l), et m);

 

30.           Dans deux (2) autres dossiers pour lesquels Robert Beauchamp a agi à titre de représentant pour la souscription d’une assurance-vie, les inspecteurs ont constaté que l’analyse de besoins financiers était déficiente, étant absente dans l’un et incomplète dans l’autre, tel qu’il appert de l’annexe récapitulative intitulée « Annexe – assurance de personnes » pièce D-10 et d’une copie des dossiers clients alléguée en liasse comme pièces D-10 a) et n);

 

31.           De même, au cours d’une conversation subséquente à l’inspection tenue avec un des inspecteurs au dossier, Robert Beauchamp a recon-nu avoir signé à titre de représentant réalisateur à l’égard de deux (2) propositions d’assurance alors qu’il n’était pas présent lors de ces ven-tes et que ces dernières avaient été effectuées par Jean-François Lacasse, tel qu’il appert d’une copie de ces propositions pièces D-10 c) et d);

 

32.           En omettant de procéder à une analyse de besoins financiers conforme et, notamment en ne s’assurant pas que ses représentants s’y conforment, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont contrevenu aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17(8) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, RLRQ, c. 9-2, r.2 (le « Règlement sur le cabinet »);

 

Fonds distincts

 

33.           Il appert également de la vérification de dix (10) dossiers constitués à la suite de la vente d’un contrat individuel à capital variable afférent à un fonds distinct (« fonds distincts »), pour lesquels Robert Beauchamp a agi à titre de représentant, que neuf (9) d’entre eux ne contenaient pas de profil de risque, tel qu’il appert d’une copie de l’annexe intitulée « Annexe – Dossiers fonds distincts » alléguée comme pièce D-11 et d’une copie des dossiers clients alléguée comme pièces D-11 a) à i);

 

34.           Un profil de risque est essentiel afin d’être en mesure d’identifier correctement les besoins de placements de la clientèle;

 

35.           Compte tenu de ce qui précède, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont contrevenu à l’article 17(8) du Règlement sur le cabinet et aux articles 85 et 88 de la LDPSF;

 

Procédure de remplacement

 

36.           Dans la cadre de leur inspection, les inspecteurs ont également noté que dans six (6) dossiers analysés dans lesquels la police d’assurance souscrite visait à remplacer un contrat en vigueur, dans trois (3) d’entre eux, où Jean‑François Lacasse agissait à titre de représentant, la procédure de remplacement n’a pas été respectée alors que dans l’un (1) d’entre eux, elle n’a pas été respectée par Robert Beauchamp , tel qu’il appert de l’annexe récapitulative intitulée « Annexe – assurance de personnes » pièce D-10;

 

37.           Or, plus particulièrement, les manquements suivants ont été constatés dans ces quatre (4) dossiers analysés :

 

                       Absence au dossier de la preuve d’envoi du préavis de remplacement aux assureurs, pour l’ensemble des dossiers analysés;

                       Informations manquantes ou inexactes, pour trois (3) d’entre eux;

 

             tel qu’il appert d’une copie des dossiers clients pièces D-10 a), b), c) et d);

 

38.           En faisant défaut de compléter adéquatement les préavis de remplace-ment ou en omettant de suivre la procédure applicable et, notamment en ne s’assurant pas que ses représentants s’y conforment, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont convenu aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17 (9) du Règlement sur le cabinet;

 

Traitement des plaintes et règlement des différends

 

39.           Bien que le cabinet intimé ait déclaré avoir adopté une politique de traitement des plaintes et de règlement des différends, son dirigeant responsable, Robert Beauchamp, a été incapable de fournir aux inspecteurs copie dudit document en l’absence de son adjointe;

 

40.           L’adoption d’une telle politique, conforme aux orientations retenues par l’Autorité en vertu des articles 103 à 103.4 de la LDPSF, permet de s’assurer que ces dispositions législatives sont respectées, le tout dans l’intérêt des clients;

 

41.           De même, l’inspection réalisée a révélé que le cabinet intimé et son dirigeant responsable, Robert Beauchamp, ont omis de déclarer à l’Autorité une plainte adressée au cabinet intimé par un client à l’égard d’une proposition d’assurance pour laquelle le représentant Jean-Fran-çois Lacasse a agi à titre de représentant alors qu’il aurait biffé certains renseignements dans la proposition et y aurait inscrit des renseigne-ments inexacts, tel qu’il appert d’une copie de la plainte pièce D-10 e);

 

42.           Enfin, les inspecteurs ont constaté que la partie médicale de celle-ci avait été signée en blanc;

 

43.           À la lumière de ce qui précède, si Robert Beauchamp s’était acquitté adéquatement de son devoir de surveillance, à titre de dirigeant responsable et de superviseur, à l’égard du représentant Jean-François Lacasse, ces manquements auraient pu être évités;

 

44.           Enfin, il ressort des manquements relevés lors de l’inspection que l’adoption de mesures de contrôle et de surveillance est nécessaire afin que le cabinet intimé soit en mesure d’assumer adéquatement ses obligations de surveillance prévues notamment aux articles 85 et 86 de la LDPSF; »

[8]                        Par la suite, une preuve a été administrée relativement aux paragraphes n’ayant pas fait l’objet d’admission, sur les pièces n’ayant pas fait l’objet d’un consentement ainsi que sur les sanctions administratives demandées.

Preuve de l’Autorité

[9]           L’Autorité a fait entendre deux témoins. Dans un premier temps, madame Ann Otis, analyste à la direction de la conformité de l’Autorité (ci-après nommé « analyste ») et monsieur Kent Fortier, inspecteur à l’Autorité (ci-après nommé « inspecteur »).

[10]        L’analyste travaille à l’Autorité depuis plus de 16 ans, dont les dix premières an-nées, comme analyste à la certification et depuis 2009 à titre d’analyste à la conformité.

[11]        Elle mentionne avoir été responsable d’analyser et de faire le suivi du dossier du représentant, Jean-François Lacasse (« M. Lacasse »), suivant son congédiement pour cause en 2012.

[12]        Suivant ce congédiement, le 7 novembre 2012, M. Lacasse a fait l’objet de la décision no 2012-OED-0036 de l’Autorité exigeant que trois conditions soient assorties à son certificat no […] dans la discipline de l’assurance de personnes, tel qu’il appert de la décision et de la lettre d’accompagnement respectivement déposées sous les cotes D-8 et D-12.

[13]        L’une de ces conditions exigeait que les activités de M. Lacasse en assurance de personnes soient supervisées par une personne désignée par le dirigeant responsable du cabinet où il est rattaché.

[14]        Le 19 décembre 2012, l’analyste mentionne avoir parlé avec M. Lacasse. Ce dernier l’informe que le dirigeant responsable du cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc., monsieur Robert Beauchamp, sera son superviseur et qu’il ne pourra remplir les documents requis qu’au retour de ses vacances des fêtes.

[15]        D’ailleurs, ce même jour, l’analyste transmet deux courriels à M. Lacasse y joignant : une copie de la décision no 2012-OED-0036, le formulaire de la déclaration relative à une condition de supervision ainsi que la marche à suivre pour la nomination du superviseur[1].

[16]        En janvier 2013, soit le 11 janvier selon les notes de l’analyste déposées en pièce D-14, elle reçoit un appel de M. Beauchamp relativement à la supervision de M. Lacasse.

[17]        Le 9 février 2013, l’analyste rappelle M. Lacasse relativement à sa supervision par M. Beauchamp. Notamment, l’analyste lui dit ne pas avoir reçu la déclaration de nomination du superviseur de la part de M. Beauchamp. M. Lacasse lui aurait mentionné que lesdits documents suivront.

[18]        L’analyste mentionne avoir reçu la déclaration relative à une condition de supervision signée le 31 janvier 2013 par M. Beauchamp pour la période du 1er au 31 janvier 2013[2].

[19]        Le 5 avril 2013, en dépit d’avoir reçu la confirmation écrite de la nomination du superviseur de M. Lacasse en la personne de M. Beauchamp, elle ferme son dossier ayant obtenu trois déclarations relatives à une condition de supervision pour les mois de janvier à mars 2013 signées par M. Beauchamp[3].

[20]        Elle mentionne que normalement ces dossiers sont fermés dans les 30 jours de la décision rendue, mais dans ce cas-ci plusieurs échanges et discussions ont eu lieu.

[21]        L’analyste indique qu’elle s’assure lors de la réception des déclarations relatives à une condition de supervision qu’elles sont entièrement « cochées », mais que ce sont les inspecteurs de l’Autorité qui assurent la vérification des informations.

[22]        En contre-interrogatoire, l’analyste mentionne que M. Beauchamp lors de l’appel téléphonique en janvier 2013 voulait obtenir la décision de M. Lacasse et/ou connaître les motifs exigeant la supervision de M. Lacasse.

[23]        L’analyste l’informe qu’elle ne peut lui transmettre la décision visant M. Lacasse compte tenu de sa confidentialité, elle lui suggère de s’adresser directement à ce dernier pour l’obtenir.

[24]        L’analyste mentionne qu’elle a échangé avec M. Beauchamp relativement à sa supervision. Elle indique que la déclaration relative à une condition de supervision est suffisamment explicite pour qu’ils puissent connaître ses obligations de superviseur.

[25]        Elle fait la distinction entre une « supervision rapprochée » et une « supervision stricte » reconnaissant que la supervision rapprochée dont fait l’objet M. Lacasse est moins sévère.

[26]        Concernant les obligations de superviseur, elle mentionnera qu’il n’existe pas de guide, mais que la déclaration relative à une condition de supervision est suffisamment explicite sur la supervision qu’il doit assurer auprès du représentant supervisé.

[27]        Le deuxième témoin de l’Autorité est l’inspecteur, monsieur Kent Fortier, assigné à l’inspection du cabinet intimé avec sa collègue, madame Arlène Dickson.

[28]        Les 8 et 9 mai 2013, lui et sa collègue, ont effectué l’inspection du cabinet intimé relativement à ses activités en assurance de personnes.

[29]        Il explique le déroulement de l’inspection, le partage des tâches avec sa collègue et leurs processus d’échantillonnage.

[30]        Il développe ensuite sur les différentes étapes de l’inspection : les demandes préliminaires, le déroulement de l’inspection sur place, l’analyse des documents et des informations dans les bureaux de l’Autorité, la remise du rapport d’inspection et finalement la réponse reçue du cabinet intimé signée par M. Beauchamp.

[31]        L’inspecteur passe en revue les pièces D-11 c) et f) qui font l’objet de la contes-tation. Il s’agit de deux dossiers d’investisseurs pour l’achat de produits de fonds distincts.

[32]        Il mentionne que lors de l’étude de ces deux dossiers, il constate l’absence des profils de risque requis préalablement aux transactions. Il mentionne qu’il s’agit d’une vérification de base lors d’inspection compte tenu de l’importance de ces profils de risque pour la protection du public lors de ce genre de transactions.

[33]        L’inspecteur mentionne avoir rencontré M. Beauchamp lors de la 1re journée d’inspection et lui avoir dit que 9/10 dossiers vérifiés n’avaient pas de profil de risque relativement à des placements effectués dans des fonds distincts. D’ailleurs, il constate qu’aucun profil de risque n’existe antérieurement à décembre 2013.

[34]        Par ailleurs, il viendra dire qu’il a reçu et pris connaissance juste avant l’audience de l’après-midi du profil de risque de l’investisseur du dossier de la pièce D-11 c).

Preuve des intimés

[35]        Lors de sa preuve, l’intimé, M. Beauchamp, se fait entendre. Il mentionnera exer-cer en assurance de personnes depuis 1979. Il a occupé différents emplois, dont un, à titre de directeur des ventes dans une compagnie d’assurance, et depuis 2000, à son compte.

[36]        M. Beauchamp est l’unique président, administrateur et actionnaire du cabinet intimé ainsi que le dirigeant responsable.

[37]        Au moment de l’inspection, le cabinet intimé n’avait que deux adjointes et un seul représentant rattaché, soit M. Lacasse.

[38]        Depuis septembre 2014, sa fille s’est jointe au cabinet intimé et agit comme représentante à titre de conseillère en sécurité financière.

[39]        M. Beauchamp viendra expliquer dans quel contexte M. Lacasse s’est joint à son cabinet à titre de représentant et comment il a été avisé que ce dernier devait être supervisé.

[40]        Il mentionne avoir discuté avec l’analyste en janvier 2013 pour connaître les implications d’être superviseur ainsi que des motifs justifiant la supervision de M. Lacasse. L’analyste lui aurait mentionné qu’elle ne pouvait lui remettre ladite décision compte tenu de sa confidentialité. Elle lui a suggéré de s’adresser directement à M. Lacasse pour l’obtenir. Il signale ne pas avoir parlé à d’autres personnes à l’Autorité relativement à son rôle de superviseur.

[41]        Il allègue que M. Lacasse lui a remis seulement la lettre de présentation jointe à la décision exigeant sa supervision, sans lui donner accès à ladite décision.

[42]        M. Beauchamp mentionne que s’il avait connu les motifs justifiant la supervision de M. Lacasse, il n’aurait pas accepté de remplir cette responsabilité.

[43]        M. Beauchamp indique avoir eu peu de collaboration de la part de M. Lacasse. Il reconnaît qu’à certaines occasions il n’a pas transmis les documents à temps à l’Autorité, car il ne recevait pas les informations de M. Lacasse.

[44]        À la fin de janvier 2014, M. Beauchamp informe verbalement M. Lacasse qu’il devra quitter le cabinet intimé. À la fin février 2014, il lui indique qu’il doit d’ici 1 mois avoir quitté le cabinet intimé. Par la suite, M. Lacasse lui demandera deux semaines additionnelles. M. Beauchamp signera son retrait comme représentant le 17 avril 2014 alors que ce dernier est déjà à l’emploi d’un autre cabinet[4].

[45]        Il mentionne qu’il croyait initialement que M. Lacasse pourrait lui succéder et qu’il pourrait ainsi prendre sa retraite vers l’âge de 60 ans. Finalement, l’arrivée de sa fille pourrait l’aider à éventuellement prendre sa retraite. Par contre, elle en est à sa première année sur 5 ans de formation.

[46]        M. Beauchamp dit que sa pratique est concentrée à 99 % en placement de fonds distincts. Il n’a que 5 dossiers en fonds mutuels. Il dit avoir entre 400 à 500 clients. Les clients en assurance vie sont référés à sa fille.

[47]        Suivant la réception du rapport d’inspection, il dit avoir mis en place un système qui assure la gestion des dossiers.

[48]        En décembre 2013, M. Beauchamp mentionne qu’une structure a été mise en place au cabinet intimé afin que le profil des investisseurs soit effectué au fur et à mesure ainsi que pour chaque produit vendu.

[49]        M. Beauchamp justifie le manque de profils des investisseurs au dossier, car ce sont des clients de longue date, des renouvellements, de différents produits vendus en même temps ou que ces profils sont effectués par Groupe Cloutier à titre d’agent général.

[50]        Concernant le traitement des plaintes, il mentionne que le cabinet les consigne dans un cahier mais il indique ne pas savoir qu’il fallait transmettre lesdites plaintes à l’Autorité.

[51]        M. Lacasse a fait l’objet de 3 plaintes durant cette période, plaintes qu’il a lui-même traitées avec diligence.

[52]        Concernant le dossier de la cliente déposé sous la pièce cotée D-11 c), il mentionne avoir rencontré ladite cliente à ses bureaux le 22 avril 2014 et qu’à ce moment, il lui a fait remplir le profil d’investisseurs[5]. Le profil n’était pas au dossier lors de l’inspection, car il était en processus de numérisation.

[53]        Le profil d’investisseurs en lien avec le dossier déposé sous la pièce cotée        D-11 f) a été fait le 23 janvier 2014. Il n’était pas dans le dossier, car également en processus de numérisation.

[54]        En contre-interrogatoire, la procureure de l’Autorité le réfère à la pièce D-9, soit les déclarations relatives à une condition de supervision pour la période du 1er janvier 2013 au 11 février 2014. Suivant ses questions, M. Beauchamp affirme que c’est bien lui qui a rempli les déclarations, qui a coché toutes les cases et qui les a signées à titre de superviseur de M. Lacasse.

[55]        Relativement aux profils de risque déposés comme pièces I-1 et I-2, il mentionne que le premier a été signé le 22 avril 2014 pour une transaction du 21 novembre 2013 et le deuxième signé le 8 février 2014 pour une transaction du 4 septembre 2013.

[56]        Selon lui, l’inspecteur au moment de l’inspection n’a pas demandé s’il existait d’autres profils de risque.

[57]        Il ne se souvient pas avoir dit à l’inspecteur qu’il n’y avait pas de profil de risque dans ses dossiers clients avant décembre 2013.

Contre-preuve de l’Autorité

[58]        L’Autorité fait réentendre l’inspecteur de l’Autorité relativement aux pièces I-1 et I-2 déposées en preuve par M. Beauchamp.

[59]        Il mentionne que la feuille mobile accompagnant chacune des pièces I-1 et I-2 était dans le dossier client au moment de l’inspection, mais pas les profils de risque.

[60]        L’inspecteur indique l’importance que les profils de risque soient complétés préalablement à la transaction. L’objectif visé par l’élaboration de ces profils de risque avec le client étant de s’assurer d’évaluer ses besoins et d’adapter la vente d’un produit au profil de cet investisseur au moment de la transaction.

[61]        Il mentionne que le profil de risque doit être complété pour chaque transaction même s’il s’agit d’un ancien client. Cette exigence est en vigueur depuis plusieurs années, soit au moins depuis septembre 2011, mais il ne connaît pas l’historique législatif.

[62]        Relativement au dossier déposé à la pièce D-11 c) et au profil de risque à la pièce I-1, il indique que ce profil de risque a été rempli ultérieurement soit le 22 avril 2014 pour une transaction ayant eu lieu le 21 novembre 2013.

[63]        Relativement au dossier déposé à la pièce D-11 f) et au profil de risque à la pièce I-2, il indique que ce profil de risque a été rempli ultérieurement soit le 8 février 2014 pour une transaction ayant eu lieu le 4 septembre 2013.

ARGUMENTATION

[64]        En raison des nombreuses admissions, l’argumentation des parties a principalement porté sur les sanctions que devrait imposer le Bureau.

Représentations de l’Autorité

[65]        La procureure de l’Autorité a déposé lors de ses représentations un plan d’argumentation intitulé « plan d’argumentation et autorités de la demanderesse ». Elle a plaidé essentiellement sur les pénalités administratives et les autres conclusions demandées.

[66]         Dans un premier temps, elle a référé le tribunal au paragraphe 13 de son plan d’argumentation afin d’énumérer l’ensemble des manquements reprochés aux intimés :  

« Ainsi, les 8 et 9 mai 2014, le cabinet R. Beauchamp & Laplante Courtiers d’assurances inc. (« Beauchamp & Laplante ») a fait l’objet d’une inspection menée par l’Autorité relativement à ses activités en assurance de personnes, aux termes de laquelle divers manquements ont été consignés dans un rapport d’inspection :

         Dossiers d’assurance :

o   Absence d’analyse de besoins financiers (« ABF ») dans quatre (4) dossiers sur quatorze (14) et ABF incomplets dans dix (10) dossiers sur quatorze (14);

         Dossiers de fonds distincts :

o   Profil de risque absent dans neuf (9) dossiers sur dix (10);

         Remplacement de police :

o   Défaut de respecter la procédure dans quatre (4) dossiers sur six (6);

         Robert Beauchamp a permis à Jean-François Lacasse d’utiliser son code d’agent SSQ dans le cadre de ses activités, ce dernier s’étant vu refuser l’attribution d’un code par SSQ;

         Robert Beauchamp a reconnu avoir signé à titre de représentant à l’égard de deux propositions alors qu’il n’était pas présent et que les représentations et la vente des produits avaient été effectuées par Jean-François Lacasse;

         Absence de divulgation du dépôt d’une plainte, mauvaise gestion de la plainte par le dirigeant responsable, Robert Beauchamp et omission, par la suite de procéder à une ABF avec les clients;

         Robert Beauchamp a fourni des informations fausses ou trompeuses et a induit l’Autorité en erreur dans le cadre de déclarations qu’il a remplies et signées à titre de superviseur de Jean-François Lacasse; »

[67]        Elle a qualifié ces manquements de grave surtout ceux relatifs à l’absence d’analyses de besoins financiers, l’absence de profils de risque ainsi que ceux relatifs au défaut de respecter les procédures de remplacement des polices.

[68]        La procureure a souligné que M. Beauchamp travaille dans le domaine depuis 1979. Les activités et les obligations reliées à ses tâches ont évolué avec le temps. À titre de dirigeant responsable et en raison de la formation continue obligatoire, il a la responsabilité de se tenir à jour des modifications législatives et règlementaires. Il devait savoir que les analyses de besoins financiers et les profils de risque doivent être complétés préalablement à une transaction. Elle a insisté sur le fait que l’Autorité donne des formations en ligne gratuite sur ces sujets pour les représentants.

[69]        Les manquements sont d’autant plus graves, car à titre de superviseur, M. Beauchamp, a affirmé dans les déclarations relatives à une condition de supervision transmise mensuellement à l’Autorité, pour la période du 1er janvier 2013 au 11 février 2014, que le travail effectué par M. Lacasse était conforme. Or, il s’avère que ces 12 déclarations signées par M. Beauchamp contiennent de l’information fausse ou trompeuse transmise à l’Autorité.

[70]        M. Beauchamp a pris un engagement envers l’Autorité de superviser et d’encadrer la pratique de M. Lacasse. Il s’agit d’une responsabilité importante d’autant plus que cette condition a été spécifiquement ajoutée à l’inscription du représentant afin d’éviter qu’il contrevienne à la Loi et à la règlementation. Sans cette supervision, M. Lacasse n’aurait pas été habileté à agir à titre de représentant. M. Beauchamp devenait les yeux et les oreilles de l’Autorité. Il se devait par ce rôle d’assurer, la protection du public et l’intégrité des marchés financiers.

[71]        Également, elle a soulevé que des ventes ont pu être effectuées par M. Lacasse parce que M. Beauchamp lui a remis son code d’agent alors que M. Lacasse n’était plus autorisé à les faire.

[72]        Les différents manquements reprochés à M. Beauchamp à titre de dirigeant responsable, superviseur de M. Lacasse et également comme représentant justifient, selon la procureure de l’Autorité, la pénalité administrative de 35 000 $ requise à son égard conjointement avec le cabinet.

[73]        Elle considère que les responsabilités du cabinet intimé et de M. Beauchamp sont confondues nécessitant de leur imposer une pénalité administrative conjointe et solidaire.

[74]        Se basant sur une revue de la jurisprudence soumise en semblable matière, elle affirme que la fourchette des pénalités administratives serait entre 12 500 $ et 25 000 $.

[75]        Par ailleurs, elle allègue que dans le présent dossier les manquements sont plus nombreux et plus importants, surtout en ajoutant ceux relativement aux informations fausses ou trompeuses transmises par M. Beauchamp à l’Autorité.

[76]        Elle a tenu à souligner que le Bureau et le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière sanctionnent sévèrement les manquements relatifs aux analyses de besoins financiers, aux profils de risque ou au défaut de respecter les procédures de remplacement de police, qui sont essentielles à la protection du public.

[77]        La procureure a souligné que les conclusions recherchées auraient un effet dissuasif à l’égard des autres superviseurs, dirigeants responsables et représentants qui seraient portés d’agir de la même manière.

[78]        Pour ces raisons, l’Autorité juge que les sanctions administratives demandées de 35 000 $ au cabinet intimé et à M. Beauchamp, d’ordonner que ce dernier ne puisse plus agir à titre de dirigeant responsable et de superviseur sont raisonnables dans les circonstances.

Représentations du procureur des intimés

[79]        Le procureur des intimés a débuté sa plaidoirie en suggérant au Bureau d’imposer une pénalité administrative de 10 000 $ à l’encontre du cabinet et de 2 500 $ à l’encontre de M. Beauchamp, le tout payable dans un délai de 6 mois de la décision à être rendue.

[80]        De plus, il a demandé de rejeter les conclusions relativement à l’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable du cabinet pour une période de trois ans et celle d’assortir le certificat de M. Beauchamp de la condition d’être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable. Subsidiairement, si le Bureau en arrive à la conclusion que l’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable est requise, il a demandé à ce que le cabinet puisse avoir un délai de 120 au lieu de 90 jours pour procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable.

[81]        Quant à la solidarité de la pénalité administrative recherchée par l’Autorité, le procureur a plaidé que la législation prévoit des obligations distinctes pour le cabinet et le dirigeant responsable. En conséquence, afin de respecter l’esprit de la Loi, le Bureau devrait imposer des pénalités dissociées et non solidaires.

[82]        Le cabinet étant petit, une même personne assume plusieurs rôles, mais ceux-ci ne doivent pas être confondus avec celui du cabinet.  

[83]        Le procureur a soutenu que l’Autorité, par sa demande de solidarité, requiert de soulever le voile corporatif en ne faisant pas de distinction entre les responsabilités du cabinet et de M. Beauchamp à titre de dirigeant responsable, superviseur et représentant.

[84]        Si le Bureau accède à cette demande de l’Autorité, il rendrait M. Beauchamp responsable de l’ensemble des manquements alors qu’il appartient au cabinet de veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la loi et à sa règlementation.  Ainsi, la sanction applicable devrait être individualisée.

[85]        De plus, le procureur a maintenu que le Bureau ne doit pas punir, mais bien envoyer un message de dissuasion à la population afin d’assurer la protection du public.

[86]        La solidarité aurait pour effet de punir M. Beauchamp. Le fardeau qui lui serait imposé par la solidarité ferait en sorte que la pénalité administrative serait beaucoup trop sévère à son endroit.

[87]        Le procureur a également fait des représentations sur les facteurs aggravants et atténuants que le Bureau doit analyser pour déterminer la sanction applicable.

[88]        Il a reconnu que les gestes qui ont été posés par les intimés revêtent une certaine gravité et c’est pourquoi il propose au Bureau d’ordonner une pénalité administrative et non une réprimande. Il a soutenu que la pénalité proposée par les intimés remplit les objectifs de protection du public et de dissuasion.

[89]        Il a passé en revue chacun des facteurs à considérer pour l’imposition d’une pénalité administrative, tel que défini dans la décision Avro[6], entre autres.

[90]        Le procureur a souligné qu’aucune preuve d’antécédent n’a été faite.

[91]        Il a également soutenu qu’aucune preuve n’a été démontrée concernant la vulnérabilité des clients.

[92]        De plus, selon lui, le Bureau n’a aucune preuve de préjudice économique et aucune preuve d’expertise démontrant que le produit d’assurance proposé n’était pas conforme aux besoins du preneur ou de l’assuré ou que la composition ou la souscription des fonds distincts dans la répartition attestée dans le contrat ou dans les relevés ne correspondaient pas à leur profil d’investisseur.

[93]        Il a réitéré que M. Beauchamp œuvre dans le milieu depuis 1979.

[94]        Il a soutenu que son client a témoigné sur sa capacité d’adaptation aux changements eu égard aux modifications législatives et aux obligations.

[95]        Relativement au critère de « la position et du statut du contrevenant », le procureur a indiqué qu’il était neutre dans la présente affaire.

[96]        Pour le caractère intentionnel des gestes posés, il indique que le dossier ne détient aucune preuve de malversation, de malhonnêteté ou d’appropriation de fonds.

[97]        De plus, il considère qu’aucune preuve n’a été démontrée concernant des dommages causés à l’intégrité des marchés.

[98]        Pour la dissuasion, selon lui, la pénalité administrative totale de 12 500 $ qu’il propose satisfait ce critère.

[99]        En ce qui concerne les facteurs atténuants, il a référé le Bureau au témoignage de son client relativement à ses regrets et à sa réaction suivant la réception du rapport d’inspection et de la présente procédure. Selon son procureur, M. Beauchamp a eu une prise de conscience et des mesures ont été prises.

[100]     De plus, le procureur a plaidé que les admissions faites par son client constituent une reconnaissance et l’expression d’un repentir.

[101]     Il allègue que les risques de récidive sont à toutes fins inexistants, compte tenu que M. Beauchamp ne veut plus superviser de représentant. Cette expérience ayant été difficile et malheureuse pour lui.

[102]     Le procureur a fait une revue des pénalités administratives que le Bureau a prononcées dans quelques-unes de ses décisions. Il a souligné qu’un montant de 35 000 $ est un cas d’exception. La fourchette se situerait plutôt entre 12 500 $ et 20 000 $.

[103]     En terminant, le procureur des intimés invoque que les trois dernières conclusions sont sans objet, le Bureau ne disposant pas de preuve à cet effet. Les intimés ont satisfait leurs obligations et M. Beauchamp devrait demeurer dirigeant responsable.

Réplique de l’Autorité

[104]     En réplique, la procureure de l’Autorité a maintenu que la pénalité administrative qui est demandée est juste et raisonnable considérant les circonstances du dossier. Dans les faits, elle aurait pu être plus élevée, mais l’Autorité a décidé de s’en tenir à 35 000 $.

[105]     Elle a souligné que la jurisprudence qui a été soumise fait référence à plusieurs manquements similaires à notre dossier, dont l’absence d’analyses de besoins financiers, de profils de risque et/ou la supervision générale. Par ailleurs, aucune ne possède l’ensemble des manquements constatés dans le présent dossier, dont ceux relatifs à une supervision rapprochée inadéquate et à la transmission à l’Autorité des déclarations fausses ou trompeuses.

[106]     Selon elle, les manquements allégués dans le présent dossier sont beaucoup plus importants que ceux qui ont été examinés dans les autres dossiers.

[107]     Relativement aux conclusions concernant le changement du dirigeant responsable et les mesures de contrôle et de surveillance exigées, l’Autorité se dit très préoccupée des manquements qui ont été commis et du fait que M. Beauchamp était également le dirigeant responsable du cabinet. Une telle personne doit avoir un degré supérieur de professionnalisme et de compétence. Il doit être en mesure de veiller à la conformité des transactions et aux activités des représentants. En raison des manquements commis dans le présent dossier, M. Beauchamp ne peut plus agir à titre de dirigeant responsable.

[108]     Relativement aux critères qui doivent être appréciés par le Bureau pour l’imposition d’une sanction, la procureure a indiqué que certains de ces critères sont difficiles à démontrer. Toutefois, l’impact sur le marché s’infère des manquements commis.

[109]     Concernant la possibilité de récidive de la part de M. Beauchamp, elle allègue qu’elle n’est pas rassurée suivant le témoignage de ce dernier devant le Bureau.

[110]     Dans ce contexte, selon elle, il est justifié d’imposer une pénalité administrative conjointe et solidaire aux intimés. Si l’Autorité l’avait ventilée, elle serait probablement beaucoup plus élevée que 35 000 $. L’Autorité a fait un choix, s’assurant que cela soit tout autant dissuasif que raisonnable.

ANALYSE

Le droit applicable

[111]     Le Bureau reprend ci-après certains articles législatifs et réglementaires pertinents au présent dossier.


Responsabilités du représentant

Loi sur la distribution de produits et services financiers[7]

27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux.

Règlement sur l’exercice des activités de représentants[8]

 

6.  Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d'assurance ou d'offrir un produit d'assurance de person-nes comportant un volet d'investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l'assuré.

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l'assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police.

Cet article se lisait comme suit avant octobre 2013 :

6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance, analyser avec le preneur ou l’assuré ses besoins d’assurance, les polices ou contrats qu’il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements.

18.  Les dispositions de la présente section s'appliquent à tout représentant en assurance de personnes qui procède au remplacement d'un contrat d'assurance de personnes.

Elles s'appliquent à tout représentant en assurance de personnes qui fait adhérer une personne à un contrat collectif d'assurance lorsque cette adhésion entraîne la résiliation, l'annulation ou la réduction des bénéfices d'une police d'assurance individuelle.

Malgré le premier alinéa, les dispositions de la présente section ne s'appliquent pas au représentant en assurance de personnes qui procède au remplacement d'une rente individuelle, dont un contrat de capitalisation d'un assureur.

Responsabilités du cabinet et des dirigeants

Loi sur la distribution de produits et services financiers[9]

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

Responsabilités du cabinet uniquement

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

88. Un cabinet tient au Québec les dossiers de ses clients conformément aux règlements.

Il y conserve et rend accessible à l'Autorité, par les moyens que celle-ci indique, tous les documents et tous les renseignements provenant de ses représentants.

103. Tout cabinet doit traiter de façon équitable les plaintes qui lui sont formulées. À cette fin, le cabinet doit se doter d'une politique portant sur :

 1° l'examen des plaintes et des réclamations formulées par des personnes ayant un intérêt dans un produit ou service qu'il a distribué ;

 2° le règlement des différends concernant un produit ou un service qu'il a distribué.

Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome[10]

17.  Les dossiers clients que le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome doit tenir sur chacun de ses clients dans l'exercice de ses activités, sauf celles reliées à la discipline de l'assurance de dommages, doivent contenir les renseignements suivants:

  1°    son nom;

  2°    l'adresse du client, son numéro de téléphone et son numéro de télécopieur ou son adresse électronique, le cas échéant;

  3°    dans le cas où le client est une personne physique et que ce renseignement a été obtenu par le représentant, sa date de naissance;

  4°    le montant, l'objet et la nature du produit vendu ou du service rendu, selon le cas;

  5°    le numéro de la police, les dates de l'émission du contrat et de la signature de la proposition ou de la demande de services, le cas échéant;

  6°    le nom du représentant impliqué dans la transaction et son mode de rémunération pour chacun des produits vendus ou services rendus au client;

  7°    le mode de paiement et la date de paiement des produits vendus ou des services rendus;

  8°    une copie sur quelque support que ce soit de l'analyse de besoins prévue à l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants (chapitre D-9.2, r. 10);

  9°    une copie du formulaire rempli et signé, lors du remplacement d'une police, le cas échéant, prévu à la section VII du Règlement sur l'exercice des activités des représentants;

  10°    une copie des documents prévus aux articles 8, 9 et 16 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants.

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus au client ou recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé par le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome.

Pouvoirs du Bureau

Loi sur l’Autorité des marchés financiers[11]

93. Le Bureau exerce, à la demande de l'Autorité ou de toute personne intéressée, les fonctions et pouvoirs prévus par la présente loi, la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2), la Loi sur les entreprises de services monétaires (chapitre E-12.000001), la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) et la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).

Le Bureau exerce la discrétion qui lui est conférée en fonction de l'intérêt public.

Le Bureau ne peut, lorsqu'il apprécie les faits ou le droit pour l'application de ces lois, substituer son appréciation de l'intérêt public à celle que l'Autorité en avait faite pour prendre sa décision.

94. Le Bureau peut également, à la demande de l'Autorité, prendre toute mesure propre à assurer le respect d'un engagement pris en application de la présente loi, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2), de la Loi sur les entreprises de services monétaires (chapitre E-12.000001), de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) ou à assurer le respect des dispositions de ces lois.

Loi sur la distribution de produits et services financiers

115. Le Bureau de décision et de révision, après l'établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu'un cabinet, qu'un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu'un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l'accomplissement d'une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l'exige, peut, à l'égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions son inscription ou son certificat. Le Bureau peut également, dans tous les cas, imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention.

Pour l'application du premier alinéa, la personne intéressée, au sens de l'article 93 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers (chapitre A-33.2), qui entend introduire une demande auprès du Bureau doit, au préalable, aviser l'Autorité et obtenir la confirmation que l'Autorité n'entend pas assumer elle-même la conduite de cette demande. L'Autorité informe par écrit la personne intéressée de sa décision dans les 10 jours suivant cet avis.

115.1. Le Bureau de décision et de révision peut interdire à une personne d'agir comme administrateur ou dirigeant d'un cabinet pour les motifs prévus à l'article 329 du Code civil ou lorsqu'elle fait l'objet d'une sanction en vertu de la présente loi, de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).

L'interdiction imposée par le Bureau ne peut excéder cinq ans.

Le Bureau peut, à la demande de la personne concernée, lever l'interdiction aux conditions qu'il juge appropriées


115.9. Par suite d'un manquement à une obligation prévue par la présente loi, l'Autorité peut demander au Bureau de décision et de révision de rendre, afin de corriger la situation ou de priver un représentant, un cabinet ou toute autre personne ou entité des gains réalisés à l'occasion de ce manquement, une ou plusieurs des ordonnances suivantes:

 1° enjoindre à un représentant, à un cabinet, de même qu'à toute autre personne ou entité de se conformer:

a)  à toute disposition de la présente loi;

b)  à toute décision de l'Autorité prononcée en vertu de la présente loi;

c)  à tout règlement, toute règle ou toute politique d'un organisme d'autoréglementation ou toute décision qu'il prononce en vertu de ceux-ci;

 2° enjoindre à un représentant, à un cabinet, de même qu'à toute autre personne ou entité de se soumettre à une révision de ses pratiques et de ses procédures et d'effectuer les changements requis par l'Autorité;

 3° résoudre ou résilier toute transaction relative à l'assurance et aux rentes conclue par un représentant, un cabinet, de même que par toute autre personne ou entité et lui enjoindre de rembourser toute partie des sommes d'argent versées à l'occasion de cette transaction;

 4° enjoindre à un représentant, à un cabinet, de même qu'à toute autre personne ou entité de produire des états financiers conformes ou un compte rendu comptable sous une forme que peut préciser le Bureau;

 5° enjoindre à une personne morale de tenir une assemblée de ses actionnaires;

 6° enjoindre à un représentant, à un cabinet, de même qu'à toute autre personne ou entité de rectifier un registre ou un dossier;

 7° enjoindre à un représentant, à un cabinet, de même qu'à toute autre personne ou entité de remettre à l'Autorité les montants obtenus par suite de ce manquement.

Analyse de la preuve contestée

[112]     La majorité des allégations ont fait l’objet d’admission, à l’exception des paragraphes 18 et 19 de la demande qui faisaient référence à la nomination de M. Beauchamp à titre de superviseur de M. Lacasse ainsi que la connaissance des exigences et des obligations de superviseur par M. Beauchamp.

QUESTIONS EN LITIGE

[113]     Le Bureau a à trancher 3 questions en litige qui sont les suivantes :

A.   L’Autorité a-t-elle fait une preuve, par prépondérance des probabilités, de l’ensemble des manquements reprochés aux intimés?

B.   Le Bureau devrait-il rendre une pénalité administrative conjointe et solidaire aux intimés?

C.   Quelles devraient être les sanctions administratives dans la présente affaire envers les intimés?

Question A.  

L’Autorité a-t-elle fait une preuve, par prépondérance des probabilités, de l’ensemble des manquements reprochés aux intimés?

[114]     Compte tenu des admissions effectuées, il ne reste au Bureau qu’à déterminer si M. Beauchamp était le superviseur de M. Lacasse.

[115]     L’ensemble de la preuve démontre, au-delà de la prépondérance de preuve, que cet élément a été largement établi.

[116]     M. Beauchamp a manifestement consenti à agir à titre de superviseur de M. Lacasse, notamment, en signant à douze reprises les déclarations relatives à une condition de supervision pour la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014.

[117]     À douze reprises, M. Beauchamp a rempli et coché les différents éléments constituant les différentes vérifications exigées par la supervision.

[118]     Pour certains de ces formulaires, il a, entre autres, déclaré à certains endroits la non-application en fonction des activités en assurance de personnes de M. Lacasse. Alors que dans d’autres formulaires, il affirme à ces mêmes endroits qu’il en a vérifié la conformité en les cochant.

[119]     Concernant la conformité des informations fournies dans ces déclarations par M. Beauchamp, suivant la preuve administrée devant le Bureau, durant la période visée par la supervision, différents manquements ont été constatés à l’égard du supervisé, M. Lacasse, tels que :

         Concernant les analyses de besoins, sur les 14 dossiers vérifiés, 12 dossiers étaient ceux de M. Lacasse, pour 3 d’entre eux, il n’y avait pas d’analyse de besoin et pour les 9 autres, ils étaient non conformes.

         Concernant la procédure de remplacement des polices, suivant la vérification de 6 dossiers, 5 dossiers appartenaient à M. Lacasse et 3 d’entre eux n’étaient pas conformes.

         Aucune déclaration ne faisait mention qu’une plainte avait été formulée à l’égard de M. Lacasse.

         De plus, dans l’un des dossiers vérifiés de M. Lacasse, la partie médicale avait été signée en blanc.

[120]     Il appert que les déclarations relatives à une condition de supervision contenues dans les formulaires, de janvier 2013 à janvier 2014, signés par M. Beauchamp et transmis à l’Autorité, contenaient des informations fausses ou trompeuses.

[121]     Également, deux pièces ont fait l’objet d’une contestation soient les pièces D-11 c) et f). Le procureur des intimés a déposé pour ces dossiers, deux profils de risque, sous les cotes I-1 et I-2.

[122]     Les profils de risque ont été complétés ultérieurement à la transaction, concernant le dossier D-11 c), le 22 avril 2014 pour une transaction ayant eu lieu le 21 novembre 2013 et concernant le dossier D-11 f), le 8 février 2014 pour une transaction ayant eu lieu le 4 septembre 2013.

[123]     L’obligation de remplir préalablement le profil de risque à la vente d’un produit de fonds distincts découle du principe que le représentant en assurance de personnes doive recueillir tous les renseignements nécessaires auprès de son client afin de lui conseiller, en fonction notamment de ses besoins et de sa situation financière, ce qui lui convient le mieux comme produit ou service financier[12].

[124]      Le Bureau conclut qu’effectivement ces deux profils de risque n’avaient pas été conformément établis au moment requis.

Manquements retenus

[125]     Suite aux admissions, aux pièces déposées de consentement et à la preuve administrée lors de l’audience, le tribunal en vient à la conclusion que les manquements suivants ont été commis :

Tableau des manquements

 

CABINET INTIMÉ

M. BEAUCHAMP

MANQUEMENTS

Dirigeant responsable

Superviseur M. Lacasse

Représentant

Analyse des besoins financiers (ABF)

14 dossiers vérifiés

4/14 dossiers sans ABF

3/4 dossiers M. Lacasse

x

x

x

 

1/4 dossiers M. Beauchamp

x

x

 

x

10/14 dossiers ABF non conformes

9/10 dossiers M. Lacasse

x

x

x

 

1/10 dossiers M.  Beauchamp

x

x

 

x

 

Procédures de remplacement

Non conforme

6 dossiers vérifiés

3/6 dossiers M. Lacasse

x

x

x

 

1/6 dossier M. Beauchamp

x

x

 

x

Traitement des plaintes et règlement des différends

 

Absence de politique

x

x

 

x

Omission de déclarer une plainte

x

x

x

 

(Suite) Traitement des plaintes et règlement des différends

 

Partie médicale signée en blanc

x

x

x

 

Supervision de M. Lacasse et informations fausses et trompeuses

Dans les 12 déclarations relatives à une condition de supervision

 

 

x

 

Déclarations manquantes du 1er février au 17 avril 2013

 

 

x

 

Utilisation du code d’agent de M. Beauchamp par M. Lacasse

x

x

x

x

[126]     Ainsi, le Bureau conclut que les manquements qu’a commis M. Beauchamp l’ont été à trois égards : à titre de dirigeant responsable, à titre de superviseur et à titre de représentant.

[127]     Tel qu’en fait la démonstration le tableau ci-dessus, les obligations et les responsabilités du cabinet intimé et de M. Beauchamp sont distinctes, d’autant plus que la responsabilité de ce dernier peut être évaluée à trois égards selon le rôle qu’il assumait.

[128]     Le Bureau en vient à la conclusion qu’une preuve prépondérante lui a été faite sur l’ensemble des manquements reprochés au cabinet intimé et à M. Beauchamp.

Question B.

Le Bureau devrait-il rendre une pénalité administrative conjointe et solidaire aux intimés?

[129]     Le Bureau ne souscrit pas aux arguments de l’Autorité qui l’invite à prononcer une pénalité administrative conjointe et solidaire aux intimés.

[130]     Tout d’abord, la solidarité ne se présume pas[13]. Or, l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ne prévoit pas de solidarité entre le cabinet et son dirigeant responsable ou ses représentants à l’égard de pénalités administratives qu’ils peuvent encourir respectivement. La gravité des manquements et la dissuasion générale ne peuvent justifier de contrevenir à ce principe.

[131]     Le tribunal ne peut imposer une pénalité conjointe et solidaire aux intimés alors que leurs obligations législatives et règlementaires sont distinctes.

[132]     Tel qu’il appert du tableau du paragraphe 125 de la présente décision, nous constatons l’attribution des différents manquements en fonction des responsabilités de chacun, et ce, selon le rôle qu’il occupe.

[133]     Dans ces circonstances, je ne crois pas ici qu’on ait besoin de traiter de la notion du voile corporatif.

[134]     Or, dans le présent dossier, il s’agit d’imposer une pénalité administrative en fonction des manquements faits par chacun des intimés, de manière intuitu personæ, soit en considération de la personne et de ses responsabilités en tenant compte des facteurs aggravants et atténuants pour chacun.

Question C.

Quelles devraient être les sanctions administratives dans la présente affaire envers les intimés?

[135]    Le Bureau a développé dans ses décisions antérieures certains facteurs à évaluer dans son analyse afin d’imposer des sanctions telles que celles demandées par l’Autorité dans le présent dossier. Ils doivent être évalués, au cas par cas, selon les circonstances de chaque affaire. Notamment :

                     La gravité des gestes posés par le contrevenant;

                     La conduite antérieure du contrevenant;

                     La vulnérabilité des clients sollicités;

                     Les pertes subies par les clients;

                     Les profits réalisés par le contrevenant;

                     L’expérience du contrevenant;

                     La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés;

                     Le caractère intentionnel des gestes posés;

                     Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant;

                     Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter;

                     Le degré de repentir du contrevenant; et

                     Les facteurs atténuants pouvant être présentés par les intimés[14].

[136]     Examinons ces différents facteurs soumis par les procureurs à la lumière du présent dossier pour chacun des intimés.

La gravité des gestes posés par le contrevenant

[137]     Les gestes qui ont été commis par le cabinet intimé et par M. Beauchamp revêtent certainement un caractère grave. D’ailleurs, ceci a été admis par le procureur des intimés.

[138]     Il s’agit de plusieurs manquements[15], dont plusieurs importants et ayant trait à la protection du public.

[139]     Leur nombre, leur durée dans le temps, leur répétition et l’importance de certains d’entre eux, telle que la transmission d’informations fausses ou trompeuses au régulateur, affecte la crédibilité et l’assurance que le public soit protégé adéquatement lorsqu’il fait affaire avec un professionnel des marchés financiers.

[140]     Plusieurs dossiers clients n’étaient pas conformes. Des analyses de besoins financiers et des profils de risque étaient absents ou incomplets. Les procédures de remplacement n’ont pas été suivies dans certains cas. De plus, M. Beauchamp a permis que son code d’agent soit utilisé par M. Lacasse. Le cabinet n’avait pas de procédure de traitement des plaintes, une plainte n’a pas été déclarée à l’Autorité, une partie médicale a été signée en blanc.

[141]     De surcroît, M. Beauchamp a transmis des informations fausses ou trompeuses à l’Autorité dans le cadre de la supervision de M. Lacasse. Son rôle à cet égard était important pour la protection du public et il a failli à ses obligations.

[142]     D’ailleurs, pour le tribunal la transmission d’informations fausses ou trompeuses à l’Autorité à douze reprises dans le cadre d’une supervision d’un représentant qui sans cette surveillance n’aurait pas dû pratiquer constitue un manquement dont la gravité objective et subjective est très importante. Un message clair doit être transmis que ce comportement ne peut être toléré.

[143]     Le Bureau a déjà souligné la gravité de la transmission d’informations fausses ou trompeuses à l’Autorité dans l’affaire De Leeuw : 

« […] [L]es informations fausses ou trompeuses transmises à l’Autorité nuisent grandement au rôle de surveillance de cette dernière qui doit veiller à la conformité des personnes inscrites. La transmission de telles informations à l’Autorité représente un obstacle à l’efficacité des marchés et constitue une conduite contraire à l’intérêt public. »[16]

[144]     Si les mécanismes mis en place par le régulateur pour assurer la protection du public ne sont pas respectés et pris au sérieux, la confiance du public en sera affectée.

[145]     Tous les manquements ci-haut mentionnés, autant du cabinet intimé que de M. Beauchamp, ont un impact sur l’efficience et la crédibilité à accorder aux marchés financiers.

[146]     Tel que mentionné à l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers LDPSF »), un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients. En l’espèce, suivant les manquements constatés, ces derniers ont fait montre de négligence et d’insouciance en ne respectant pas à plusieurs égards leurs obligations et responsabilités.

[147]     Le cabinet intimé étant celui qui veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et ses règlements a failli lamentablement à sa tâche[17].

La conduite antérieure du contrevenant

[148]     À cet égard, l’Autorité n’a fait aucune preuve indiquant que les intimés auraient fait l’objet par le passé de réprimandes quelconques.

La vulnérabilité des clients sollicités

[149]     Aucune preuve n’a été soumise relativement à la vulnérabilité des clients.

Les pertes subies par les clients

[150]     Par ailleurs, compte tenu des manquements reprochés aux intimés, il est plutôt rare que ce genre de preuve est administré.

[151]     Aucune preuve n’a été administrée sur des pertes potentielles pour la clientèle du cabinet. Toutefois, en raison de l’absence ou de la non-conformité des analyses de besoins financiers et des profils de risque, et même du non-respect de la procédure lors du remplacement des polices, on peut grandement s’interroger sur le caractère adéquat des produits offerts et vendus aux clients.

[152]     De plus, M. Lacasse faisant l’objet d’une supervision rapprochée, le cabinet intimé, M. Beauchamp, à titre de dirigeant responsable et de superviseur, devait s’assurer que la clientèle de ce dernier soit bien desservie et s’assurer de la conformité de ses activités. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne crois pas que M. Beauchamp a par sa supervision protégé la clientèle de M. Lacasse. D’ailleurs, une plainte a été déposée à l’égard de M. Lacasse durant cette période.

Les profits réalisés par le contrevenant

[153]     Sans qu’une preuve spécifique n’ait été présentée à l’effet que le cabinet intimé ou M. Beauchamp auraient réalisé des profits en raison des manquements commis, le Bureau retient toutefois que M. Beauchamp a permis que son code d’agent soit utilisé par M. Lacasse afin d’effectuer des ventes alors qu’il n’était pas autorisé à avoir ce code.

L’expérience du contrevenant

[154]     M. Beauchamp œuvre depuis 1979 dans le domaine. Il a travaillé pour un assureur, il a quitté son emploi pour travailler à son compte, il s’est joint à diverses organisations dans le domaine de la planification financière. En 1993, il a été directeur des ventes pour une compagnie d’assurance, puis en 2000, il est retourné à son compte. Il a donc plusieurs années d’expérience et malgré tout, il a manqué à ses obligations de base comme représentant et dirigeant responsable, obligations dont il doit avoir connaissance, tel que le rappelle le principe que « nul n’est censé ignorer la loi ».

[155]     Depuis 1979, l’encadrement des marchés financiers a évolué et changé. Bien que les exigences et les obligations aient été modifiées, un représentant et, de surcroît, un dirigeant responsable doit se tenir à jour relativement aux modifications législatives et règlementaires.

[156]     D’ailleurs, les représentants doivent suivre des unités de formation continue qui leur permettent de maintenir leurs connaissances à jour[18].

La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés

[157]     Tel que mentionné précédemment, M. Beauchamp a commis divers manquements à plusieurs titres, soit comme dirigeant responsable du cabinet, comme superviseur de M. Lacasse et comme représentant.

[158]     Le tribunal a retenu du témoignage de M. Beauchamp qu’il avait entre 400 à 500 clients pour la vente de produits en fonds distincts. En conséquence, le cabinet intimé possédait cette clientèle ainsi que ceux de M. Lacasse à l’époque des manquements reprochés.

[159]     De plus, M. Beauchamp à titre de dirigeant responsable du cabinet, a différentes responsabilités, telles que, d’agir avec compétence[19], de veiller à la discipline de leurs représentants et de s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la loi et ses règlements[20].

[160]     De plus, M. Beauchamp s’est engagé à titre personnel auprès de l’Autorité à superviser de manière rapprochée le travail de M. Lacasse. Cette fonction lui créait des obligations additionnelles d’une très grande importance pour la protection du public.

[161]     Compte tenu des différents rôles que détenait M. Beauchamp, ce dernier se devait d’agir avec professionnalisme et compétence. La preuve a plutôt démontré qu’il avait été négligent et complaisant envers M. Lacasse en n’assumant pas ses responsabilités.

Le caractère intentionnel des gestes posés

[162]     Relativement à ce point, le tribunal retient que M. Beauchamp a remis son code d’agent à M. Lacasse, alors qu’il savait que ce dernier ne pouvait directement transiger.

[163]     Également, à douze reprises, M. Beauchamp a rempli les déclarations relatives à une condition de supervision pour la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014 affirmant que les activités de M. Lacasse étaient conformes n’ayant pas effectué la supervision requise transmettant ainsi de l’information fausse ou trompeuse à l’Autorité.

[164]     Concernant la connaissance qu’avait M. Beauchamp des exigences et des obligations de son rôle de superviseur rapproché, une simple lecture du « formulaire de la déclaration relative à une condition de supervision » permet de connaître l’étendue de la supervision attendue.

[165]     De plus, devons-nous rappeler qu’à titre de dirigeant responsable du cabinet intimé, étant responsable de la conformité, plusieurs de ses responsabilités étaient les mêmes que ceux à titre de superviseur rapproché.

[166]     Par ailleurs, sans soustraire M. Beauchamp à ses responsabilités, il appert qu’il serait grandement utile qu’un guide à l’intention des superviseurs leur soit remis afin de leur exposer leurs responsabilités et leurs devoirs, mais également de leur faire valoir l’importance du rôle de superviseur.

[167]     Également, afin de remplir adéquatement leur fonction de sentinelle pour le régulateur ainsi que d’assurer à l’Autorité que le superviseur assume son rôle convenablement, le Bureau estime, dans la mesure du possible, qu’avant d’accepter le rôle de superviseur d’un représentant, il devrait être impératif pour le superviseur d’obtenir une copie de la décision à la base de la demande de supervision.

[168]     Ainsi, le superviseur potentiel serait plus apte à décider d’accepter ce rôle ou non et de connaître les raisons précises pour lesquelles la supervision est requise. De plus, l’Autorité pourrait avoir la garantie que l’engagement du superviseur est fait en tout état de cause et qu’il connaît l’étendue et la nature des motifs ayant justifié cette supervision pour mieux remplir ses fonctions et ainsi assurer la protection du public.

Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant

[169]     Aucune preuve spécifique n’a été administrée pour démontrer concrètement un dommage quantifiable monétairement. Il n’en demeure pas moins que les manquements à la loi et à sa règlementation, selon la gravité des gestes posés, constituent à divers degrés, un dommage causé à l’intégrité des marchés. En l’espèce, le nombre de manquements, la durée dans le temps, la répétition des manquements et l’importance de certains d’entre eux, telle que la transmission d’informations fausses ou trompeuses au régulateur, affecte la crédibilité et l’assurance que le public soit protégé adéquatement lorsqu’il fait affaire avec un professionnel des marchés financiers.

Le degré de repentir du contrevenant

[170]     M. Beauchamp a indiqué regretter toute cette histoire et qu’il ne supervisera jamais plus de représentant. Il a également mentionné avoir mis en place des règles pour s’assurer de la conformité depuis l’inspection réalisée par l’Autorité.

[171]     Le tribunal est rassuré d’entendre ces propos. Il espère qu’effectivement ce processus aura permis à M. Beauchamp de le conscientiser à l’importance du respect des règles et de ses obligations.

[172]     Par ailleurs, M. Beauchamp devra faire preuve de rigueur et le tribunal n’est pas convaincu - à ce stade-ci - que ce dernier devrait demeurer le dirigeant responsable du cabinet intimé.

[173]     Les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction doit garantir la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, la protection du public.

[174]     Tel que déjà mentionné, plusieurs manquements ont été commis, dont certains à titre de représentant. Lorsqu’à ce titre, on n’assure pas une qualité exemplaire en respect de la législation, il est difficile de croire qu’à titre de dirigeant responsable de l’ensemble des activités du cabinet, on est apte à assurer une qualité et une conformité hors de tout soupçon.

[175]     M. Beauchamp a maintenu que s’il avait eu toute l’information de la part de M. Lacasse, il n’aurait jamais accepté le rôle de superviseur. Par ailleurs, rien dans les faits relatés par M. Beauchamp, ne nous démontre que ce dernier a concrètement agi afin d’exiger d’obtenir de M. Lacasse la décision visée, et qu’à défaut, il ne le superviserait pas.

[176]     De plus, sa supervision a été inefficace et a manqué de rigueur.

Les facteurs atténuants

[177]     Plusieurs facteurs atténuants ont déjà été considérés et incorporés par le tribunal dans l’analyse ci-dessus.

[178]     Le Bureau tient aussi compte des admissions et de la reconnaissance de la majorité des manquements effectués par les intimés favorisant une réhabilitation de leur part.

Les sanctions imposées dans des circonstances semblables

[179]     Une revue de la jurisprudence pour des manquements similaires[21] milite en faveur d’une sanction importante pour les intimés, mais qui doit être déterminée en considérant ce qui a été imposé jusqu’à maintenant et selon les faits de la présente affaire, tels que : la gravité des manquements, leur nombre, la durée.

[180]     La fourchette en semblable matière oscille entre 10 000 $[22] et 25 000 $[23] pour les cabinets et entre 1 250 $[24] et 2 500 $[25] pour les dirigeants responsables. Il s’agit toutefois de dossiers où il n’était pas question de transmission d’informations fausses ou trompeuses à l’Autorité[26].

Détermination des sanctions

[181]     Le tribunal, en vertu de l’article 115 de la LDPSF, peut imposer une pénalité administrative allant jusqu’à 2 000 000 $ par manquement et assortir de restrictions ou de conditions une inscription ou un certificat.

[182]     Relativement à M. Beauchamp, en plus qu’il a failli à ses responsabilités de dirigeant responsable, M. Beauchamp a également commis des manquements à titre de superviseur de M. Lacasse mais également à titre de représentant lui-même.

[183]     Les manquements de M. Beauchamp liés à la transmission d’informations fausses ou trompeuses à l’Autorité dans le cadre de son rôle de superviseur militent à eux seuls à une pénalité administrative de 5 000 $ compte tenu de sa gravité autant objective que subjective. Pour les autres manquements commis par M. Beauchamp, le Bureau considère qu’une pénalité administrative de 2 500 $ est justifiée, soit le maximum de la fourchette actuelle des manquements en semblable matière et que ce dernier ne puisse agir à titre de dirigeant responsable pendant une période de trois ans, lequel ne possède plus les qualités requises pour agir à ce titre.

[184]     Aussi, en regard des gestes commis à titre de superviseur désigné pour M. Lacasse, M. Beauchamp ne peut plus agir à ce titre pour un autre représentant pour une période de trois ans.

[185]     Concernant le cabinet intimé, le Bureau estime qu’il doit également obtenir le maximum de la fourchette actuelle pour des manquements en semblable matière. Pour les manquements commis par le cabinet intimé, le Bureau considère qu’une pénalité administrative de 25 000 $ est justifiée. De plus, il est nécessaire dans les circonstances que le cabinet procède au changement de son dirigeant responsable.

[186]     En conséquence, comme il l’a été mentionné précédemment, les manquements commis sont graves et selon l’analyse qu’en fait le Bureau, justifient que des pénalités administratives de 25 000 $ et 7 500 $ soient respectivement imposées au cabinet intimé et à M. Beauchamp.

EN CONCLUSION

[187]     Compte tenu de l’ensemble et de la nature des manquements démontrés, le Bureau retient que le cabinet intimé et son dirigeant responsable, M. Beauchamp, n’ont pas agi avec soin et compétence, notamment en raison de l’absence de supervision à l’égard de l’un de leurs représentants, M. Lacasse, et en raison des informations fausses ou trompeuses transmises à l’Autorité, l’absence dans certains dossiers d’analyse de besoins financiers et de profils de risque le tout contrairement notamment aux articles 84, 85 et 86 de la LDPSF;

[188]     En tant que dirigeant responsable du cabinet, Robert Beauchamp devait faire preuve de diligence, il devait agir avec soin et compétence et veiller à ce que la LDPSF et ses règlements soient respectés par les représentants du cabinet et lui-même;

[189]     Le tribunal espère lancer un message clair que ces manquements ne peuvent être tolérés et que la sanction imposée constitue en l’espèce un facteur dissuasif autant pour les contrevenants qu’à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter.

[190]     En conséquence, compte tenu de l’ensemble de la preuve et des admissions dans la présente décision, le Bureau est prêt à rendre les conclusions suivantes :

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, le Bureau, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers rend la décision suivante :

À l’égard de :

R. BEAUCHAMP & LAPLANTE COURTIERS D’ASSURANCES INC.

IMPOSE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc., une pénalité administrative au montant de vingt-cinq mille dollars (25 000 $). La pénalité est payable à l’Autorité dans les 30 jours du prononcé de la présente décision, à moins que les parties conviennent entre elles de modalités de paiement;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la présente décision, des démarches qu’il entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de Robert Beauchamp, dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la présente décision, le dirigeant responsable devant être préalablement approuvé par l’Autorité;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la présente décision, des démarches qu’il entend entreprendre pour procéder au changement de superviseur à l’égard des repré-sentants ou des postulants qui ont ou pourraient avoir Robert Beauchamp à ce titre;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. de procéder à la nomination d’un nouveau superviseur en remplacement de Robert Beauchamp, dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la présente, le superviseur devant être préalablement approuvé par l’Autorité;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. de procéder à la mise en place, à la satisfaction de l’Autorité, de procédures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que ses représentants respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, notamment, mais non limitativement, en ce qui a trait à la supervision et à la gestion des représentants rattaché au cabinet;

À DÉFAUT de respecter l’une des ordonnances ci-haut mentionnées :

SUSPEND l’inscription du cabinet intimé;

SUSPEND le certificat d’exercice de tous les représentants rattachés au cabinet intimé jusqu’à ce qu’ils soient rattachés à un cabinet inscrit;

ORDONNE au cabinet R. Beauchamp & Laplante courtiers d’assurances inc. de remettre tous ses dossiers clients, livres et registres du cabinet à l’Autorité. La remise des dossiers s’effectuera de la manière suivante :

Le cabinet intimé devra communiquer, dans les trente (30) jours de la suspension du cabinet, avec madame Carolynn Isabell Vieira, directrice du Service de l’inspection - Assurances et ESM, au numéro 1‑877‑525‑0337, poste 4751, afin de déterminer la date à laquelle les dossiers clients seront remis à l’Autorité. Les dossiers devront être remis à l’Autorité, dans une forme lui permettant d’y avoir accès en tout temps, au 800 Square Victoria, tour de la Bourse, 18e étage, Montréal (Québec).

ROBERT BEAUCHAMP

IMPOSE à Robert Beauchamp une pénalité administrative au montant de sept mille cinq cents dollars (7 500 $). La pénalité est payable à l’Autorité dans les 30 jours du prononcé de la présente décision, à moins que les parties conviennent entre elles de modalités de paiement;

INTERDIT à Robert Beauchamp d’agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable du cabinet intimé ou de tout autre cabinet d’assurance de personnes, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ORDONNE que le certificat portant le numéro [...] au nom de Robert Beauchamp soit assorti de la condition suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de trois (3) ans;

ORDONNE que le certificat portant le numéro [...] au nom de Robert Beauchamp soit assorti de la condition suivante : le représentant ne peut agir à titre de superviseur d’un autre représentant ou d’un postulant, et ce, pour une période de trois (3) ans;

 

 

 

(s) Lise Girard

 

Me Lise Girard, présidente

 

 



[1]  Pièce D-13, en liasse.

[2]  Pièce D-9, en liasse.

[3]  Pièce D-9, en liasse.

[4]  Pièce D-4.

[5]  Pièce I-1.

[6] Autorité des marchés financiers c. Avro services de gestion de risques inc., 2012 QCBDR 139.

[7]  RLRQ, c. D-9.2.

[8]  RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[9]  RLRQ, c. D-9.2.

[10]  RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[11]  RLRQ, c. A-33.2.

[12]   À cet effet, voir notamment Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103, par. 81 à 88.

[13]    Code civil du Québec, art. 1525.

[14]    Voir par exemple : Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17; Autorité des marchés financiers c. 9135-2799 Québec inc. (Assurances Céline Émond), 2011 QCBDR 124,  Autorité des marchés financiers c. Avro services de gestion de risques inc., 2012 QCBDR 139 et Autorité des marchés financiers c. Assurances Annie Chaussé inc., 2015 QCBDR 38.

[15]    Voir le tableau du paragraphe 125.

[16]  Autorité des marchés financiers c. FD De Leeuw & Associés inc., 2012 QCBDR 135, par. 145.

[17]  Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2, art. 86.

[18]  Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de la sécurité financière, RLRQ, c. D-9.2, r. 13.1.

[19]  Id., art. 84.

[20]  Id., art. 85.

[21]  Voir notamment : Autorité des marchés financiers c. Services financiers Fortier et associés inc., 2015 QCBDR 77; Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux, 2013 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Services financiers Surtech inc., 2015 QCBDR 71; Autorité des marchés financiers c. Giguère Morin services financiers, 2014 QCBDR 116; Autorité des marchés financiers c. Fin al. inc., 2012 QCBDR 88; Autorité des marchés financiers c. Agence d’assurance Groupe financier mondial du Canada inc., 2012 QCBDR 102; Autorité des marchés financiers c. Cayer, 2014 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Les services financières Chelee inc., 2013 QCBDR 22; Autorité des marchés financiers c. Clément de Laat inc., 2012 QCBDR 144; Autorité des marchés financiers c. Croissance Capital inc., 2015 QCBDR 52.

[22]  Autorité des marchés financiers c. Les services financières Chelee inc., 2013 QCBDR 22 (suivant une entente entre les parties).

[23]   Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux, 2013 QCBDR 103.

[24]  Par exemple : Autorité des marchés financiers c. Services financiers Fortier et associés inc., 2015 QCBDR 77; Autorité des marchés financiers c. Services financiers Surtech inc., 2015 QCBDR 71 (deux décisions suivant une entente entre les parties).  

[25]  Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux, 2013 QCBDR 103; Autorité des marchés financiers c. Les services financières Chelee inc., 2013 QCBDR 22 (suivant une entente entre les parties).

[26]  Pour un exemple de dossier de transmission d’informations fausses ou trompeuses, voir Autorité des marchés financiers c. Groupe Mathieu Turgeon inc., 2015 QCBDR 41

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