Autorité des marchés financiers (Québec)

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Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. Groupe Mathieu Turgeon inc.

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2014-051

 

DÉCISION N° :

2014-051-001

 

DATE :

Le 31 mars 2015

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

GROUPE MATHIEU TURGEON INC.

et

YVAN MATHIEU

Parties intimées

 

 

 

Pénalité administrative, interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable, mesures propres à assurer le respect de la loi

[art. 93 et 94, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2, art. 115, 115.1 et 115.9, Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2]

 

 

 

Me Annie Parent

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Karen Rogers

(Langlois Kronström Desjardins, s.e.n.c.r.l.)

Procureure de Groupe Mathieu Turgeon inc. et Yvan Mathieu

 

 

 

Date d’audience :

11 mars 2015

 


 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]   Le 24 novembre 2014, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a saisi le Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») d’une demande de pénalité administrative, d’interdiction d’agir comme dirigeant responsable, de conditions à l’inscription, de changement du dirigeant responsable, de mesures propres à assurer le respect de la loi et de suspension d’inscription et de certificat.

[2]   Cette demande a été présentée en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[1] et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[2].

[3]   Était également joint à cette demande un avis de présentation pour une audience pro forma prévue le 11 décembre 2014. L’audience pour entendre au fond cette demande a alors été fixée au 11 mars 2015.

DEMANDE

[4]   Le Bureau reprend ci-après les allégués de la demande de l’Autorité.

« Les parties :

 

1.    La demanderesse est l’organisme chargé notamment de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (la « LDPSF ») et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2 (la « LAMF »);

 

2.    L’intimée Groupe Mathieu Turgeon inc. (« cabinet intimé ») est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité »), portant le numéro 505745, dans la discipline de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière en vertu de la LDPSF, tel qu’il appert de l’attestation d’inscription alléguée comme pièce D-1;

 

3.    Yvan Mathieu est président et actionnaire majoritaire du cabinet intimé, tel qu’il appert d’une copie de l’état des renseignements sur une personne morale émis par le Registraire des entreprises, alléguée comme pièce D-2;

 

4.    Yvan Mathieu détient un certificat émis par l’Autorité portant le numéro 123288 lui permettant d’agir à titre de représentant dans les disciplines de l’assurance de personnes et de la planification financière pour le compte du cabinet intimé et est inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective et à titre de représentant de courtier sur le marché dispensé pour le compte de Mica Capital inc., tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique alléguée comme pièce D‑3;

 

5.    Yvan Mathieu est également le dirigeant responsable du cabinet intimé, et ce, depuis le 13 décembre 1999, tel qu’il appert de la pièce D-1;

 

6.    Au moment de l’inspection, mis à part Yvan Mathieu, cinq (5) représentants étaient rattachés au cabinet intimé, tel qu’il appert d’un extrait de la base de données MISA de l’Autorité allégué comme pièce D-4;

 

Faits spécifiques aux manquements reprochés

 

7.    En vertu des articles 107 et suivants de la LDPSF, l’Autorité a le pouvoir d’inspecter un cabinet pour s’assurer du respect de la Loi et de ses règlements;

 

8.    Par sa décision portant le numéro 2014-INSP-0050, la Direction de l’inspection – Assurances et ESM de l’Autorité a décidé de procéder à l’inspection du cabinet intimé conformément à l’article 107 de la LDPSF, tel qu’il appert d’une copie de la décision alléguée comme pièce D-5;

 

9.    Les 7 et 8 avril 2014, le cabinet intimé a fait l’objet d’une inspection conduite par la Direction de l’inspection – Assurances et ESM de l’Autorité relativement à ses activités en assurance de personnes, étant donné que cette activité est la seule pour laquelle le cabinet reçoit des revenus de commissions, ne vendant aucun placement ni ne recevant aucune rémunération pour ses activités de planification financière;

 

10.  Lors de ladite inspection, diverses irrégularités ont été constatées, tel qu’il appert d’une copie du rapport d’inspection, de ses annexes et de la lettre de transmission à Yvan Mathieu allégués en liasse comme pièce D-6;

 

11.  Il importe de noter que le 30 mai 2014, le cabinet intimé adressait à l’Autorité une lettre de réponse au rapport d’inspection D-6, tel qu’il appert de cette correspondance alléguée comme pièce D-7;

 

12.  Le 18 juillet 2014, l’Autorité acheminait au cabinet une correspondance par laquelle elle répondait à D-7 et réitérait l’importance de se conformer à la LDPSF notamment, à l’égard de la supervision devant être assurée auprès des représentants, tel qu’il appert de la réponse alléguée comme pièce D-8;

 

Supervision et fausses informations

 

13.  Le cabinet intimé et son dirigeant responsable, Yvan Mathieu, ont fait défaut de s’acquitter de leurs devoirs de supervision, prévus aux articles 85 et 86 de la LDPSF, puisqu’ils n’ont pas effectué de réelles vérifications du travail de leurs représentants, et ce, compte tenu de la nature des manquements constatés lors de l’inspection du mois d’avril 2014 et du fait qu’aucune procédure n’a été mise en place pour s’assurer que les représentants agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

 

14.  D’ailleurs, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont déclaré, lors de l’inspection, ne pas avoir de politique ni de mesure de contrôle et de surveillance à l’égard du travail des représentants et ne pas vérifier leur travail;

 

15.  Cette situation est d’autant plus préoccupante étant donné que Jean-François Leclerc, représentant rattaché au sein du cabinet intimé, détient un certificat portant le numéro 169976 dans la discipline de l’assurance de personnes qui a été assorti de conditions dont l’une exige qu’il exerce ses activités de représentant sous la supervision rapprochée d’une personne nommée par le dirigeant responsable et par le cabinet intimé, et ce, depuis le 9 mars 2012, tel qu’il appert d’une copie de la décision rendue par l’Autorité le 9 mars 2012 portant le numéro 2012-PDIS-0043 alléguée comme pièce D-9;

 

16.  Cette condition de supervision rapprochée était en vigueur au moment de l’inspection, et ce, jusqu’au 18 juillet 2014;

 

17.  Suivant le rattachement de Jean-François Leclerc au cabinet intimé et considérant cette condition de supervision, en tant que dirigeant responsable du cabinet, Yvan Mathieu se désignait comme superviseur des activités du représentant Jean-François Leclerc en assurances de personnes, tel qu’il appert d’une copie de la lettre de désignation alléguée comme pièce D-10;

 

18.  Par lettre datée du 2 avril 2013, l’Autorité confirmait la nomination de Yvan Mathieu à titre de superviseur de Jean-François Leclerc à l’égard de ses activités dans la discipline de l’assurance de personnes et lui communiquait les exigences et la documentation devant être complétées à ce titre, tel qu’il appert d’une copie de ladite lettre alléguée comme pièce D‑11;

 

19.  Durant les périodes de supervisions rapprochées et tel que précisé à l’intérieur de correspondance, pièce D-11, une déclaration « relative à une condition de supervision » devait être acheminée à l’Autorité par le cabinet intimé et le superviseur, et ce, mensuellement et les informations y étant consignées pourraient faire l’objet d’une inspection ultérieure pour en valider la véracité;

 

20.  Dans le cadre de ces déclarations transmises à l’Autorité à l’égard de Jean-François Leclerc visant la période du mois de mars 2013 au mois de février 2014, Yvan Mathieu, à titre de superviseur, a coché les énoncés suivants à l’égard de la « déclaration générale du superviseur » et à l’égard de la « supervision spécifique pour la discipline de l’assurance de personnes » :

 

         les tâches accomplies ont, à notre connaissance, été évaluées et révisées au moins une fois par semaine (dans chacune des déclarations sauf une);

         les produits et services offerts ont été révisés et l’information relative à cette révision a été consignée dans le dossier client (dans chacune des déclarations);

         les propositions d’assurance et les formulaires, notamment les préavis aux fins de remplacement, ont été contresignés, le cas échéant (dans chacune des déclarations sauf une);

         les motifs d’annulation de la police ont été vérifiés, la procédure de remplacement de police a été respectée, le cas échéant, et l’information a été consignée dans le dossier client (dans chacune des déclarations);

         les analyses de besoins ont été revues, les produits et services offerts correspondent à l’analyse ou tout écart est expliqué et documenté (dans chacune des déclarations),

 

tel qu’il appert d’une copie desdites déclarations alléguée en liasse comme pièces D‑12 a) à j);

 

21.  Or, lors de l’entrevue d’inspection intervenue entre les inspecteurs et Yvan Mathieu, ce dernier a reconnu ne pas vérifier les activités du représentant Jean-François Leclerc et même ignorer avoir une telle obligation de devoir vérifier l’ensemble des transactions effectuées par Jean-François Leclerc;

 

22.  Au surplus, au cours de l’inspection réalisée, les inspecteurs ont constaté que hormis un préavis de remplacement contresigné, il n’y avait aucune note ou mention permettant de confirmer une vérification quelconque des activités du représentant Jean-François Leclerc dans la discipline de l’assurance de personnes, et ce, contrairement à ce qui avait été déclaré dans les déclarations transmises à l’Autorité;

 

23.  Pourtant Yvan Mathieu a déclaré dans le cadre de déclarations transmises à l’Autorité, pièces D-12 a) à j), avoir vérifié les activités de représentant de Jean-François Leclerc;

 

24.  Ce faisant, Yvan Mathieu a fourni, à titre de superviseur voire même dirigeant responsable, des informations fausses à l’Autorité, et ce, à dix (10) reprises, ce qui constitue d’ailleurs une infraction pénale visée par l’article 469.1 de la LDPSF;

 

25.  Bien que ce soit postérieurement à l’inspection, ajoutons également qu’en ce qui concerne les activités de représentant de Jean-François Leclerc dans la discipline de la planification financière, l’Autorité a exigé qu’elles fassent l’objet d’une supervision dans le cadre d’une décision rendue le 12 mai 2014 et Yvan Mathieu a été désigné comme superviseur, l’Autorité ayant confirmé telle nomination, le tout tel qu’il appert d’une copie de la ladite décision portant le numéro 2014-OED-1024473 et d’une copie des correspondances échangées à ce sujet alléguées en liasse comme pièce D-13;

 

26.  Or, les inspecteurs ont, de même, noté que le cabinet intimé mentionnait dans la documentation relativement au cours intitulé « Planification financière en vue de la retraite », dispensé par le cabinet intimé, le nom de Jean-François Leclerc dans la liste des planificateurs financiers alors qu’il a été uniquement autorisé à agir dans cette discipline à la suite de cette inspection, tel qu’il appert de D-13 et d’une copie de ladite documentation et de la cédule des cours alléguée en liasse comme pièce D-14;

 

27.  Par ailleurs, mentionnons que dans le cadre de l’inspection, certains manquements constatés à l’égard des analyses de besoins financiers et à l’égard de la procédure de remplacement, à la suite de la souscription d’une assurance vie, ont été commis par le représentant Jean‑François Leclerc;

 

28.  En effet, dans deux (2) dossiers clients, pour lesquels il avait agi à titre de représentant pour la souscription d’une assurance-vie, les inspecteurs ont constaté que l’analyse de besoins financiers était incomplète, tel qu’il appert de l’annexe récapitulative intitulée « Annexe –assurance de personnes » alléguée comme pièce D-15 et d’une copie des dossiers clients alléguée en liasse comme pièces D-15 b) et d);

 

29.  En omettant de procéder à une analyse de besoins financiers conforme, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont contrevenu aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17 (8) du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, RLRQ, c. 9-2, r.2 (le « Règlement sur le cabinet »);

 

30.  De plus, les inspecteurs ont noté que dans trois (3) dossiers, dans lesquels la police d’assurance souscrite visait à remplacer un contrat en vigueur alors que Jean‑François Leclerc agissait à titre de représentant, la procédure de remplacement n’a pas été respectée, tel qu’il appert de l’annexe récapitulative pièce D-14;

 

31.  Or, plus particulièrement, les manquements suivants ont été constatés dans ces trois (3) dossiers analysés :

 

         Absence au dossier de la preuve d’envoi du préavis de remplacement aux assureurs, pour deux (2) d’entre eux;

         Informations manquantes ou inexactes à l’égard des types de protection et des montants d’assurance indiqués, pour deux (2) d’entre eux;

 

tel qu’il appert d’une copie des dossiers clients alléguée en liasse comme pièces D-15 a), b) et c);

 

32.  En faisant défaut de compléter adéquatement les préavis de remplacement ou en omettant de suivre la procédure applicable, le cabinet intimé et son dirigeant responsable ont convenu aux articles 85 et 88 de la LDPSF et à l’article 17 (9) du Règlement sur le cabinet;

 

33.  À la lumière de ce qui précède, si Yvan Mathieu s’était acquitté adéquatement de son devoir de surveillance, ces manquements auraient pu être évités;

 

34.  Enfin, il ressort des manquements relevés lors de l’inspection que l’adoption de mesures de contrôle et de surveillance est nécessaire afin que le cabinet intimé soit en mesure d’assumer adéquatement ses obligations de surveillance prévues notamment aux articles 85 et 86 de la LDPSF;

 

Manquements généraux et conclusions

 

35.  En raison de la nature des manquements constatés lors de l’inspection effectuée en avril 2014, l’Autorité considère que la protection du public exige une intervention de sa part conformément à l’article 184 de la LDPSF;

 

36.  En vertu de l’article 85 de la LDPSF, un cabinet et son dirigeant doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

 

37.  De plus, l’article 86 de la LDPSF impose au cabinet de veiller à la discipline de ses dirigeants et employés et de s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

 

38.  Par ailleurs, un cabinet et son dirigeant responsable, voire même un superviseur, doivent veiller à transmettre des informations exactes à l’Autorité et s’assurer de remplir adéquatement leurs obligations à l’égard de leur devoir de supervision de leurs représentants;

 

39.  Compte tenu de l’ensemble et de la nature des manquements constatés lors de l’inspection, l’Autorité soumet au Bureau de décision et de révision que le cabinet intimé et son dirigeant responsable, Yvan Mathieu, n’ont pas agi avec soin et compétence, notamment en raison de l’absence de supervision à l’égard de l’un de leurs représentants, Jean-François Leclerc, et en raison des informations fausses transmises à l’Autorité à ce sujet, le tout contrairement aux articles 84, 85 et 86 de la LDPSF;

 

40.  La nature des manquements justifie une intervention de l’Autorité et permet de déterminer qu’une problématique existe au sein de la supervision et de la gestion des représentants par le cabinet, son dirigeant responsable et superviseur et qu’une intervention est requise dans l’intérêt du public;

 

41.  En tant que dirigeant responsable du cabinet, Yvan Mathieu doit faire preuve de diligence, il doit agir avec soin et compétence et veiller à ce que la LDPSF et ses règlements soient respectés par les représentants du cabinet et lui-même;

 

42.  L’Autorité souligne que les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public;

 

43.  Au surplus, le fait que Yvan Mathieu ait été le superviseur de Jean-François Leclerc sans même s’acquitter adéquatement de cette fonction en plus d’avoir fourni de fausses informations à l’Autorité justifie d’autant plus une intervention immédiate de l’Autorité;

 

44.  Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité soumet respectueusement au Bureau de décision et de révision que Yvan Mathieu n’est plus apte à agir comme dirigeant responsable du cabinet intimé ni superviseur d’un représentant ayant fait défaut d’assumer son rôle de dirigeant responsable et de veiller à la surveillance et à la conformité des activités du cabinet et de ses représentants;

 

45.  Considérant les pouvoirs du Bureau de décision et de révision d’imposer une pénalité administrative jusqu’à concurrence de deux millions de dollars (2 000 000 $) à un cabinet ayant fait défaut de respecter une disposition de la LDPSF ou de ses règlements;

 

46.  Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, de demander au Bureau de décision et de révision d’imposer une telle pénalité administrative;

 

47.  Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, de demander au Bureau de décision et de révision de prendre toutes les mesures propres à assurer le respect des dispositions de la Loi;

 

48.  Considérant la nature des manquements constatés lors de l’inspection d’avril 2014; »

AUDIENCE

[5]     L’audience du 11 mars 2015 s’est tenue au siège du Bureau en présence de la procureure de l’Autorité et de celle des intimés.

[6]     La procureure de l’Autorité a d’abord informé le Bureau que les parties avaient conclu une transaction dans le présent dossier. Elle a par la suite déposé, avec le consentement de la procureure des intimés, l’ensemble de pièces appuyant la demande de l’Autorité.

[7]     La procureure de l’Autorité a subséquemment déposé l’original, dûment signé par les parties, de la transaction susmentionnée et a commenté son contenu d’une manière détaillée.  Elle a, en particulier, souligné que conformément aux dispositions du paragraphe 9 de cette transaction, le cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. a signé le 10 mars 2015 un engagement envers l’Autorité de respecter certaines obligations. La procureure de l’Autorité a aussi déposé l’original de cet engagement, dûment signé par un représentant autorisé du cabinet intimé.

[8]    La procureure de l’Autorité souligné la collaboration des intimés et de leur procureure dans la présente affaire et elle a conclu en demandant respectueusement au Bureau de souscrire, dans l’intérêt public, aux conclusions de la transaction susmentionnée.

[9]    Répondant à une question du tribunal, la procureure de l’Autorité a indiqué que la transaction ne contient pas de dispositions reliées à la supervision du représentant Jean-François Leclerc parce que la période durant laquelle une telle supervision lui avait été imposée est maintenant terminée. 

[10]         Pour sa part, la procureure des intimées a spécifiquement indiqué au Bureau qu’elle n’avait rien à ajouter aux représentations faites par la procureure de l’Autorité.

[11]        Le Bureau reprend ci-après les termes du document intitulé « Transaction et engagements » qui a été déposé lors de l’audience :

 

 

« TRANSACTION ET ENGAGEMENTS

 

 

ATTENDU QUE l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « Autorité ») a notamment pour mandat d’assurer la protection des investisseurs, de favoriser le bon fonctionnement de l’industrie des services financiers et de prendre toute mesure prévue à la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 (ci-après la « LDPSF ») et de ses règlements;

ATTENDU QUE l’Autorité, en vertu des pouvoirs lui étant attribués par la LDPSF, a le pouvoir d’effectuer une inspection à l’égard d’un cabinet d’assurances afin de s’assurer de l’application et du respect des dispositions de la LDPSF et de ses règlements;

ATTENDU QUE l’intimée Groupe Mathieu Turgeon inc. (« cabinet intimé ») est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité portant le numéro 505745 lui permettant d’agir dans la discipline de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière en vertu de la LDPSF;

ATTENDU QUE Yvan Mathieu détient un certificat émis par l’Autorité portant le numéro 123288  lui permettant d’agir à titre de représentant dans les disciplines de l’assurance de personnes et de la planification financière pour le compte du cabinet intimé et est inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective et à titre de représentant de courtier sur le marché dispensé pour le compte de Mica Capital inc;

ATTENDU QUE Yvan Mathieu est le président, actionnaire majoritaire et dirigeant responsable du cabinet intimé;

ATTENDU QUE les 7 et 8 avril 2014, l’Autorité a procédé à une inspection du cabinet intimé  relativement à ses activités en assurance de personnes;

ATTENDU QUE lors de cette inspection, les inspecteurs de l’Autorité ont observés certains manquements aux dispositions de la LDPSF et de ses règlements;

ATTENDU QUE le cabinet intimé et son dirigeant responsable Yvan Mathieu doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

ATTENDU QUE le cabinet intimé doit également veiller à ce que son dirigeant responsable agisse conformément à la LDPSF et à ses règlements;

ATTENDU QUE l’Autorité peut, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2 (ci-après la « LAMF »), s’adresser au Bureau de décision et de révision (ci-après le « Bureau ») afin d’exercer les fonctions et pouvoirs prévus par les dispositions de la LDPSF;

ATTENDU QUE l’Autorité peut, en vertu de l’article 94 de la LAMF, s’adresser au Bureau afin qu’il prenne toutes les mesures propres à assurer le respect des dispositions de la loi;

ATTENDU QUE le Bureau peut imposer une pénalité administrative à l’encontre d’un cabinet, d’un de ses administrateurs ou dirigeants ou de l’un de ses représentants jusqu’à concurrence de deux millions de dollars (2 000 000 $);

ATTENDU QUE l’Autorité a signifié aux intimés une « demande de l’Autorité des marchés financiers en vertu des articles 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A‑33.2 et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 » (ci-après la « demande »), visant notamment l’imposition de pénalités administratives;

ATTENDU QUE les parties désirent, suite à la signification de cette demande, conclure une transaction visant le règlement complet du présent dossier;

LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

1.    Le préambule fait partie intégrante des présentes et doit présider à son interprétation;

2.    Le cabinet intimé et Yvan Mathieu admettent  avoir commis certains manquements contenus dans la demande de l’Autorité et plus particulièrement :

         ne pas avoir effectué adéquatement la supervision des  représentants rattachés au cabinet intimé, dont notamment Jean-François Leclerc, et qu’en date de l’inspection il n’avait aucune procédure officielle pour assurer cette supervision;

         De plus, Yvan Mathieu admet en regard de la supervision rapprochée à l’égard de Jean-François Leclerc dont le certificat était assorti d’une condition de supervision rapprochée :

-que cette supervision n’était pas conforme à la législation et à la réglementation;

-bien qu’il s’y soit engagé envers l’Autorité, à titre de superviseur, les formulaires remplis comportaient des irrégularités et étaient de nature à induire l’Autorité en erreur

3.    Le cabinet intimé et Yvan Mathieu consentent au dépôt des pièces invoquées par l’Autorité;

4.    Le cabinet intimé et Yvan Mathieu s’engagent, en vertu des présentes, à payer à l’Autorité un montant de 20 000 $ à titre de pénalité administrative pour avoir fait défaut de respecter les articles 84 à 86 de la LDPSF en commettant les divers manquements à la loi et qui sont énoncés aux présentes payable dans les dix (10) jours de la signification de la décision à intervenir du Bureau entérinant les présentes;

5.    De même, le cabinet intimé et Yvan Mathieu s’engagent à informer l’Autorité des démarches qu’elle entend entreprendre pour procéder au changement du dirigeant responsable dans les quinze (15) jours de la signification de la décision à intervenir du Bureau entérinant les présentes;

6.    Le cabinet intimé et Yvan Mathieu s’engagent également à procéder au changement de dirigeant responsable dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de la décision à intervenir du Bureau entérinant les présentes, le dirigeant responsable devant être préalablement approuvé par l’Autorité;

7.    Yvan Mathieu s’engage, de plus, à ne plus, agir directement ou indirectement, comme dirigeant responsable du cabinet intimé ou de tout autre cabinet d’assurance de personnes, et ce, pour une période de deux (2) ans et consent à ce que son certificat portant le numéro 123288 soit assorti de la condition suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il  n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de deux (2) ans;

8.    Également, Yvan Mathieu s’engage à ne plus, agir directement ou indirectement, à titre de superviseur d’un autre représentant, et ce, pour une période de trois (3) ans et consent à ce que son certificat portant le numéro 123288  soit assorti de la condition suivante : le représentant ne peut agir à titre de superviseur d’un autre représentant, et ce, pour une période de trois (3) ans;

9.    De plus, le cabinet intimé s’engage auprès de l’Autorité à mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que les représentants qui sont rattachés au cabinet respectent la LDPSF et ses règlements. Ainsi, le cabinet intimé s’engage à signer un engagement envers l’Autorité, à sa satisfaction, préalablement à la décision à intervenir du Bureau entérinant les présentes, énonçant l'obligation spécifique de s’assurer que les représentants qui sont rattachés au cabinet respectent notamment les règles et obligations relatives à la tenue adéquate des dossiers clients, à l’analyse de besoins financiers, au profil de risques et à la procédure de remplacement de police d’assurance ;

10.  Les parties reconnaissent que la présente transaction et les engagements sont conclus dans l’intérêt du public en général;

11.  Les Intimés reconnaissent avoir lu toutes les clauses des présentes et reconnaissent en avoir compris la portée et s’en déclarent satisfaits, d’autant plus qu’ils ont eu tout le loisir de consulter un avocat;

12.  Les Intimés consentent donc à ce que le Bureau entérine la présente transaction et les engagements, les rendent exécutoires en plus d’ordonner aux parties de s’y conformer par une décision à être rendue dans le présent dossier;

13.  Les Intimés reconnaissent que les conditions et engagements énoncés aux présentes constituent des engagements souscrits par ces derniers auprès de l’Autorité, engagements qui seront exécutoires et opposables à leur égard dès signature des présentes

14.  Les parties conviennent de ne faire aucune déclaration publique incompatible avec les conditions des présentes;

15.  Les présentes ne sauraient être interprétées à l’encontre de l’Autorité à titre de renonciation à ses droits et recours lui étant attribués en vertu de la LAMF, la LDPSF ou de toutes autres lois ou règlements pour toute autre violation passée, présente ou future de la part des Intimés.

 

ET LES PARTIES ONT SIGNÉ :

 

À Montréal, ce 11 mars 2015                             À Montréal, ce 10 mars 2015

 

(signature autorisée)                                                     (signature autorisée)

__________________________________        _________________________________

Contentieux de l’Autorité des

marchés financiers                                 Groupe Mathieu Turgeon inc.

(Me Annie Parent)                                              Par : Yvan Mathieu (président et

Procureurs de l’Autorité des marchés                dirigeant responsable)

financiers                                                           

 

                                                                            À Montréal, ce 10 mars 2015

                                                                                       (signature)                                                                                                            _________________________________

                                                                            Yvan Mathieu

 

                                                                                        À Montréal, ce 10 mars 2015

                                                                                                  (signature autorisée)                                                                                                                                 _________________________________      Langlois Kronstrom Desjardins                                                               Procureurs des Intimés Groupe Mathieu

                                                                            Turgeon inc. et Yvan Mathieu »                        

[12]        Le Bureau reprend ci-après les termes du document intitulé « Engagements » qui a été déposé lors de l’audience :

 

 

 

« ENGAGEMENTS

 

 

 

CONSIDÉRANT QUE Groupe Mathieu Turgeon inc. (« cabinet intimé ») est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’ « Autorité »), portant le numéro  505745 dans la discipline de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et de la planification financière. À ce titre, il est assujetti à la Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (la « LDPSF ») et aux règlements y afférent;

CONSIDÉRANT QUE Yvan Mathieu est le président, actionnaire majoritaire et dirigeant responsable du cabinet;

CONSIDÉRANT QUE l’Autorité a signifié au cabinet Groupe Mathieu Turgeon inc. et Yvan Mathieu (les « Intimés), une demande déposée au Bureau de décision et de révision (le « Bureau ») en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’autorité des marchés financiers, RLRQ c. A-32.2 (la « LAMF ») et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la LDPSF dans le cadre du dossier portant le numéro 2014-051 et visant notamment l’imposition d’une pénalité administrative;

CONSIDÉRANT QUE l’Autorité et les Intimés en sont venus à une entente prévoyant des engagements souscrits et consignés dans le document « Transaction et Engagements »;

CONSIDÉRANT QUE ces engagements seront présentés auprès du Bureau de décision et de révision afin qu’il les entérine, les rende exécutoires et ordonne aux parties de s’y conformer;

CONSIDÉRANT QU’aux termes de ces engagements, les Intimés se sont engagés auprès de l’Autorité à mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que les représentants qui sont rattachés au cabinet respectent la LDPSF et ses règlements;

CONSIDÉRANT qu’en cas de défaut de respecter le présent engagement, l’Autorité pourra entreprendre à l’encontre du cabinet intimé et/ou de son dirigeant responsable toutes les mesures nécessaires qui sont mises à sa disposition par la LDPSF et ses règlements, et ce, sans aucun autre avis ni délai;

PAR CONSÉQUENT :

  1. Les Intimés s’engagent à mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que les représentants qui sont rattachés au cabinet respectent la LDPSF et ses règlements dont notamment les règles et obligations relatives à la tenue adéquate des dossiers clients, à l’analyse de besoins financiers, au profil de risques et à la procédure de remplacement de police d’assurance.
  2. Ainsi, le cabinet intimé s’engage notamment à voir au maintien de ses politiques relatives à l’analyse de besoins financiers et au profil de risque en plus de celle relative à l’inspection et à la surveillance des représentants rattachés au cabinet, étant entendu que lesdites politiques devront nécessairement être conformes aux obligations législatives et réglementaires.  
  3. De plus, le cabinet intimé et son dirigeant responsable s’engagent à s’assurer du respect, par ses représentants et employés, de la législation, de la règlementation et de ses politiques.

 

ET LES PARTIES ONT SIGNÉ :

 

À Montréal, ce 10 mars 2015                             À Montréal, ce 10 mars 2015

 

(signature)                                                                     (signature autorisée)

__________________________________        _________________________________

Yvan Mathieu                                                     Groupe Mathieu Turgeon inc.

                                                                            Par : Yvan Mathieu (président et

                                                                            dirigeant responsable) »

 

ANALYSE

[13]        Le Bureau a pris connaissance de la demande de l’Autorité ainsi que du contenu de la transaction intervenue entre les parties. Cette transaction, qui est reproduite dans la présente décision, lui fut soumise d’un commun accord par les parties lors de l’audience du 11 mars 2015.

[14]        Le tribunal a également entendu les représentations de la procureure de l’Autorité et a pris connaissance de toutes les pièces déposées, de consentement, au présent dossier. Le Bureau a aussi pris connaissance de l’engagement signé le 10 mars 2015 par le cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. Une copie de ce document est aussi reproduite dans la présente décision.

[15]        Le tribunal a tenu compte des admissions faites par les intimés dans cette transaction et du fait qu’ils ont pleinement collaboré avec l’Autorité afin de trouver, sur une base consensuelle, un règlement à la présente affaire qui assure une protection adéquate aux épargnants.

[16]        Le Bureau est d’avis que la transaction conclue entre les parties au présent dossier est dans l’intérêt public et est donc prêt à prononcer une décision conforme aux engagements contenus dans cette transaction.

DISPOSITIF

[17]        PAR CES MOTIFS, le Bureau de décision et de révision, en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et des articles 115, 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

PREND ACTE  de la transaction intervenue entre les parties au présent dossier et de l’engagement souscrit par le cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. envers l’Autorité des marchés financiers;

IMPOSE au cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. et à l’intimé Yvan Mathieu une pénalité administrative au montant de vingt mille dollars (20 000 $) pour avoir fait défaut de respecter les articles 84 à 86 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en commettant divers manquements à la loi qui sont énoncés dans la transaction susmentionnée. Cette pénalité administrative est payable dans les dix (10) jours de la signification de la présente décision;

ORDONNE au cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. et à l’intimé Yvan Mathieu d’informer l’Autorité des marchés financiers des démarches qu’ils entendent entrepren-dre pour procéder au changement du dirigeant responsable du cabinet intimé susmen-tionné, et ce, dans les quinze (15) jours de la signification de la présente décision;

ORDONNE au cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. et à l’intimé Yvan Mathieu de procéder au changement du dirigeant responsable du cabinet susmentionné dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de la présente décision, le dirigeant responsable devant être préalablement approuvé par l’Autorité;

INTERDIT à l’intimé Yvan Mathieu d’agir, directement ou indirectement, comme dirigeant responsable du cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. ou de tout autre cabinet d’assurance de personnes, et ce, pour une période de deux (2) ans;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 123288 au nom de l’intimé Yvan Mathieu de la condition suivante : le représentant doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable, et ce, pour une période de deux (2) ans;

ASSORTIT le certificat portant le numéro 123288 au nom de l’intimé Yvan Mathieu de la condition suivante : le représentant ne peut agir à titre de superviseur d’un autre représentant, et ce, pour une période de trois (3) ans;

AUTORISE l’Autorité des marchés financiers à percevoir la pénalité administrative imposée au cabinet intimé Groupe Mathieu Turgeon inc. et à l’intimé Yvan Mathieu.

 

 

 

(s) Jean-Pierre Cristel

 

Me Jean-Pierre Cristel, vice-président

 



[1]     RLRQ, c. A-33.2.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

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