Autorité des marchés financiers (Québec)

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Contenu de la décision

Autorité des marchés financiers c. Assurances Annie Chaussé inc.

 

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2013-028

 

DÉCISION N° :

2013-028-002

 

DATE :

Le 13 mars 2015

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me CLAUDE ST PIERRE

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

ASSURANCES ANNIE CHAUSSÉ INC.

et

DANIEL MESSIER COURTIER D’ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS INC.

et

ANNIE CHAUSSÉ

Parties intimées

 

 

 

Pénalité administrative, interdiction d’agir à titre de dirigeant, mesure propre à assurer le respect de la loi, suspension de certificat et radiation d’inscription

[art. 93 et 94, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2, art. 115 et 115.1, Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2]

 

 

 

Me Sylvie Boucher

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

Me Catherine Cantin-Dussault et Me Robert Jodoin

(Robert Jodoin, société d’avocats s.e.n.c.r.l.)

Procureurs d’Assurances Annie Chaussé inc. et d’Annie Chaussé

 

 

 

Dates d’audience :

26 et 27 mars 2014 et 9 et 11 juin 2014

 


 

 

DÉCISION

 

[1]    Pour les motifs de Me St Pierre et Me Cristel, ci-après relatés, le Bureau de décision et de révision prononce le dispositif suivant, en vertu des articles 115 et 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1] et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[2] :

PAR CES MOTIFS, le Bureau de décision et de révision :

ACCUEILLE la demande amendée de l’Autorité des marchés financiers, demanderesse en la présente instance;

                Pénalité administrative, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

IMPOSE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc., intimé en l’instance, une pénalité administrative d’un montant de quinze mille dollars (15 000 $);

                Interdiction d’agir à titre de dirigeant, en vertu de l’article 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

INTERDIT à Annie Chaussé, intimée en l’instance, d’agir directement ou indirectement comme dirigeante responsable d’un cabinet pour une période de deux (2) ans;

                Mesure propre à assurer le respect de la loi, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la signification de la présente décision, des démarches qu’elle entend entreprendre pour procéder au changement de la dirigeante responsable;

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement d’Annie Chaussé, et ce, dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de la présente décision, la personne à être nommée devant être préalablement approuvée par l’Autorité;

                Radiation de l’inscription d’un cabinet, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

RADIE l’inscription no 502652 du cabinet Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc.;

[2]         Si le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. et Annie Chaussé, intimés en l’instance, font défaut de se conformer aux prescriptions de la présente décision, dans les délais requis pour ce faire, la décision suivante entrera en vigueur, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

                Suspension du certificat d’un représentant et radiation de l’inscription d’un cabinet, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

SUSPEND le certificat n° 106976 d’Annie Chaussé à titre de représentante dans les disciplines de l’assurance de personnes et de dommages des particuliers;

RADIE l’inscription n° 512307 du cabinet Assurances Annie Chaussé inc.;

                Mesure propre à assurer le respect de la loi, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. de remettre tous ses dossiers clients, livres et registres du cabinet à l’Autorité, cette remise devant être effectuée de la manière décrite ci-après :

Le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. devra communiquer, dans les trente (30) jours de la radiation du cabinet avec monsieur Claude Lessard, Directeur de l’inspection assurances - ESM, au numéro 1-877-525-0337 poste 4791, afin de déterminer la date à laquelle les dossiers clients seront remis à l’Autorité. Les dossiers devront être remis à l’Autorité dans une forme lui permettant d’y avoir accès en tout temps, au 800 Square Victoria, tour de la Bourse, 18e étage, Montréal (Québec).

Fait à Montréal, le 13 mars 2015

 

(S) Claude St Pierre

 

Me Claude St Pierre, vice-président

 

 

(S) Jean-Pierre Cristel

 

Me Jean-Pierre Cristel, vice-président


 

 

OPINION DE Me ST PIERRE, VICE-PRÉSIDENT

 

[3]    Le 6 septembre 2013, l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « Autorité ») a saisi le Bureau de décision et de révision (ci-après le « Bureau ») d’une demande de pénalités administratives, d’interdiction d’agir à titre de dirigeant responsable, de mesures propres au respect de la loi et d’inscription de conditions au certificat à l’égard des intimés Assurances Annie Chaussé inc. et Annie Chaussé.

[4]    À défaut, l’Autorité demande la suspension du certificat d’Annie Chaussé et la radiation de l’inscription du cabinet Assurances Annie Chaussé inc. L’Autorité demande également la radiation de l’inscription du cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc.

[5]    Le tout a été demandé en vertu des articles 115 et 115.1 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers[3] et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[4].

[6]    Le 2 février 2014, l’Autorité a fait parvenir une demande amendée afin de retirer deux conclusions, soit la pénalité administrative à l’égard d’Annie Chaussé et l’inscription de conditions au certificat de cette dernière. Dans cette dernière, elle demandait une pénalité administrative de 30 000 $ à l’encontre du cabinet Assurances Annie Chaussé inc. et une interdiction d’agir à titre de dirigeant pour une période de cinq ans.

LA DEMANDE AMENDÉE

[7]         Le Bureau reproduit tout d’abord les allégués de la demande amendée de l’Autorité ci-après :

LES PARTIES ET PERSONNES LIÉES

1.    La demanderesse est l’organisme chargé notamment de l’administration de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 (« LDPSF »), et exerce les fonctions qui y sont prévues conformément à l’article 7 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2 (« LAMF »);

2.    L’intimée Assurances Annie Chaussé inc. est une personne morale légalement constituée, faisant également affaire sous la raison sociale A.C.D.M. Services financiers (ACDM), tel qu’il appert d’une copie de l’État de renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises (« CIDREQ »);

3.    ACDM est un cabinet détenant une inscription auprès de l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») portant le numéro 512307, dans les disciplines de l’assurance de dommages des particuliers et de l’assurance de personnes, tel qu’il appert de l’attestation d’inscription;

4.    Annie Chaussé est la présidente, secrétaire, trésorière et première actionnaire de ACDM;

5.    Annie Chaussé détient un certificat émis par l’Autorité portant le numéro 106976 lui permettant d’agir à titre de représentante dans les disciplines de l’assurance de personnes et en assurance de dommages, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique;

6.    Annie Chaussé est également la dirigeante responsable et seule représentante du cabinet ACDM;

7.    Le cabinet ACDM était également l’employeur de Claude Cabana, laquelle agissait à titre d’assistante sans toutefois être inscrite auprès de l’Autorité, tel qu’il appert d’une attestation d’absence de droit de pratique;

8.    Claude Cabana était anciennement l’assistante de Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. et, depuis la radiation de ce dernier, elle agit à titre de réceptionniste et d’assistante pour ACDM;

9.    Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. (« cabinet Daniel Messier) est une personne morale légalement constituée, tel qu’il appert d’une copie du CIDREQ;

10.  Daniel Messier agit à titre de premier actionnaire et de président pour le cabinet Daniel Messier;

11.  Le cabinet Daniel Messier détient une inscription auprès de l’Autorité, portant le numéro 502652, pour les disciplines de l’assurance de personnes et l’assurance collective de personnes, laquelle inscription est actuellement suspendue depuis le 10 octobre 2012, aucun représentant n’y étant rattaché, tel qu’il appert de l’attestation d’inscription;

12.  Le cabinet Daniel Messier a fait une cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité le 4 septembre 2012

13.  Daniel Messier a détenu un certificat émis par l’Autorité portant le numéro 123758 dans les disciplines de l’assurance de personnes, de l’assurance collective de personnes et du courtage en épargne collective, tel qu’il appert de son attestation de droit de pratique;

14.  Il a été rattaché au cabinet Daniel Messier pour les disciplines d’assurance et à Investissements Excel pour la discipline du courtage en épargne collective;

15.  En date du 8 juin 2012, Daniel Messier a fait l’objet d’une radiation provisoire prononcée par le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« CDCSF ») en raison d’allégations d’appropriation de fonds, tel qu’il appert d’une copie du jugement;

16.  En date du 21 novembre 2012, une décision de culpabilité a été prononcée par le CDCSF à l’encontre de Daniel Messier sur un chef d’appropriation de fonds et un chef de fabrication de faux documents, tel qu’il appert d’une copie de la décision sur culpabilité;

17.  Aucune décision sur sanction n’a été rendue à ce jour par le CDCSF;

18.  Daniel Messier est le conjoint d’Annie Chaussé;

Les faits spécifiques au dossier

19.  Le 19 octobre 2011, une enquête a été instituée par l’Autorité relativement aux activités de distribution de produits et services financiers de Daniel Messier et du cabinet Daniel Messier, de même que des sociétés ayant ou ayant eu des activités reliées à ces derniers, tel qu’il appert d’une copie de la décision no 2011-DCAJ-0149;

20.  Par ailleurs, des chefs d’infraction ont été déposés simultanément à la présente à l’encontre de Daniel Messier et d’Annie Chaussé, tel qu’il appert d’une copie des chefs d’infraction;

21.  Parmi ces chefs, notons 5 chefs de pratique illégale à l’encontre de Daniel Messier pour avoir exercé les activités de représentant en assurance alors que son certificat faisait l’objet d’une radiation temporaire prononcée par le CDCSF et 1 chef à l’encontre d’Annie Chaussé pour avoir, par acte ou omission, aidé Daniel Messier à exercer les activités de représentant en assurance alors qu’il n’était plus inscrit auprès de l’Autorité;

22.  Outre les faits ayant entraîné le dépôt des plaintes pénales, l’enquête menée par l’Autorité a permis de constater des faits préoccupants de nature à compromettre la protection du public;

Représentations fausses et trompeuses

23.  Suite à la radiation de Daniel Messier, le cabinet ACDM et sa dirigeante responsable Annie Chaussé ont fait défaut d’indiquer à la clientèle auparavant desservie par Daniel Messier les raisons justifiant le transfert des dossiers clients auprès d’ACDM;

24.  En effet, il était mentionné aux clients que Daniel Messier débutait une pré-retraite ou qu’il s’associait avec Annie Chaussé et que le cabinet continuerait de les desservir, ces représentations étant parfois effectuées en présence d’Annie Chaussé;

25.  Par ailleurs, il était mentionné sur la boîte vocale du cabinet ACDM que Daniel Messier agissait à titre de consultant pour le cabinet;

26.  En aucun temps, les intimés n’ont fait état de la situation réelle de Daniel Messier, ni de la radiation provisoire prononcée par le CDCSF à l’encontre de ce dernier;

27.  Cette façon de faire, en plus de constituer des déclarations fausses ou trompeuses, a créé de la confusion auprès des clients, certains d’entre eux n’ayant appris qu’au moment de l’enquête de l’Autorité que Daniel Messier avait été radié et qu’il ne pouvait plus exercer les activités de représentant;

28.  De plus, Daniel Messier a lui-même contacté certains de ses anciens clients afin de fixer une rencontre pour effectuer le transfert des dossiers vers Annie Chaussé ou encore discuter des produits offerts;

29.  Lors de ces rencontres, Daniel Messier a fourni diverses informations relatives aux clients, tant au niveau des placements que des rendements et des produits d’assurance;

30.  Il appert également que l’accès aux locaux du cabinet, situés à même la résidence familiale des intimés Messier et Chaussé, n’était pas interdit à Daniel Messier, ce dernier étant parfois présent lorsque certains clients s’y présentaient;

31.  Par ailleurs, les locaux du cabinet et les lignes téléphoniques ne sont pas supervisés en tout temps, permettant ainsi à Daniel Messier d’y avoir accès;

Actes posés par Claude Cabana

32.  Il a également été constaté que Madame Claude Cabana a participé à la fabrication et à l’envoi de relevés mensuels « maison » aux clients du cabinet, lesquels indiquaient le nom de Daniel Messier à titre de représentant ou de consultant chargé du dossier;

33.  Ainsi, les relevés « maison » suivants ont notamment été transmis aux clients du cabinet ACDM :

a.    Relevé daté du 5 juillet 2012 avec en-tête Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers indiquant Daniel Messier comme représentant chargé du dossier, transmis à Marco Beauregard et Carole Labrie;

b.    Sommaire des valeurs de la police au 13 septembre 2012 indiquant Daniel Messier comme consultant chargé du dossier, transmis à Marco Beauregard et Carole Labrie;

c.    Sommaire des valeurs de la police au 1er octobre 2012 indiquant Daniel Messier comme consultant chargé du dossier, transmis à Marco Beauregard et Carole Labrie;

d.    Lettre datée du 9 novembre 2012 avec un relevé portant l’en-tête de ACDM et indiquant Daniel Messier comme consultant chargé du dossier, transmise à Marco Beauregard et Carole Labrie;

e.    Sommaire des valeurs de police au 1er octobre 2012 indiquant Daniel Messier comme consultant chargé du dossier, transmis à Sylvain Courchesne;

f.     Sommaire des valeurs de la police au 6 novembre 2012 indiquant Daniel Messier comme consultant chargé du dossier, transmis à Paulette Dubois;

Tel qu’il appert de copies de ces documents;

34.  Certains de ces documents transmis par l’entremise de Claude Cabana aux clients du cabinet ACDM affichaient un logo de la Standard Life, alors que le cabinet n’était pas autorisé à le reproduire;

35.  Cette façon de faire de Claude Cabana avait débuté alors qu’elle était à l’emploi du cabinet Daniel Messier et elle avait continué de le faire au sein de ACDM;

36.  De plus, Claude Cabana a créé deux adresses courriel au nom de deux clientes, et ce, à leur insu, afin de leur permettre d’obtenir des rachats mensuels à même leurs produits d’assurance;

37.  En effet, Michelle Audette effectuait des rachats à même sa police d’assurance émise par Empire Vie depuis environ 3 ans, à raison de 1 000 $ par mois;

38.  Initialement, elle avait procédé à la signature d’une pile de documents de rachat au bureau du cabinet Daniel Messier pour une période d’environ 6 ou 7 mois;

39.  De cette façon, le cabinet Daniel Messier veillait à transmettre à l’assureur la demande de rachat mensuellement, afin que la cliente ait accès à son argent sans devoir se déplacer dans les locaux du cabinet ou sans que Daniel Messier ne se présente chez elle;

40.  Par la suite, elle a signé une lettre qu’elle croyait permanente pour obtenir ses rachats et son versement mensuel;

41.  Dans les faits, il s’agissait d’une demande de rachat dont la date était laissée en blanc, qui était par la suite photocopiée et datée par Claude Cabana à chaque mois, laquelle demande « falsifiée » était par la suite transmise à l’assureur via l’adresse courriel qu’elle avait elle-même créée au nom de Michelle Audet, tel qu’il appert notamment de la lettre comportant la signature de Michelle Audette en date du 3 juillet 2012 et d’une copie du courriel transmis à la même date;

42.  La même procédure pour effectuer une demande de rachat à même un produit d’assurance a été utilisée par Claude Cabana dans le dossier de Lise Létourneau;

43.  En effet, Madame Létourneau procédait à des rachats mensuels de fonds de placement depuis environ 2 ans;

44.  Ces demandes, initialement effectuées par l’entremise de Daniel Messier, l’ont par la suite été par l’entremise de Claude Cabana qu’elle appelait à chaque mois pour son retrait;

45.  Afin d’éviter des désagréments, Madame Létourneau avait convenu avec Claude Cabana de signer une lettre modèle en blanc et qu’elle s’occuperait par la suite de faire une demande de rachat à chaque mois selon ses instructions;

46.  Madame Létourneau ignorait alors la méthode de transmission de ces demandes de rachat;

47.  Le ou vers le 17 juillet 2012, Madame Létourneau a reçu un appel de Monique Leroux d’Empire Vie lui indiquant qu’elle devait compléter un formulaire spécifique pour les demandes de rachat, lequel fut complété avec l’aide de Claude Cabana le ou vers le 27 juillet 2012 et par la suite transmis à l’assureur;

48.  Au cours de la même rencontre, Claude Cabana a indiqué à Lise Létourneau que Daniel Messier ne pouvait plus agir comme représentant, mais qu’il demeurait consultant pour le cabinet;

49.  Au moment des faits allégués aux présentes, Daniel Messier faisait l’objet d’une radiation provisoire prononcée par le CDCSF et Annie Chaussé avait repris la clientèle de son conjoint en tant que seule représentante rattachée à ACDM;

Aide à la pratique illégale de Daniel Messier

50.  L’enquête démontre également qu’Annie Chaussé a aidé, par acte ou omission, Daniel Messier à agir à titre de représentant en assurance de personnes alors qu’il faisait l’objet d’une radiation provisoire prononcée par le CDCSF;

51.  En effet, le ou vers le 13 août 2012, Daniel Messier a rencontré Marco Beauregard au poste de police de la ville de Granby afin d’effectuer un placement de 30 000 $ chez Standard Life;

52.  Lors de cette occasion, Daniel Messier s’est présenté seul est a expliqué à Marco Beauregard les produits disponibles relativement au placement qu’il désirait effectuer;

53.  À ce moment, Daniel Messier a présenté à Marco Beauregard divers documents explicatifs du milieu financier, imprimés sur internet, tel qu’il appert d’une copie desdits documents;

54.  Au cours de cette rencontre, à laquelle personne d’autre n’était présent, Daniel Messier lui a fait signer les documents relatifs à son nouveau placement, sans jamais lui indiquer qu’il ne pouvait plus agir à titre de représentant ni que sa conjointe Annie Chaussé le remplacerait pour les dossiers;

55.  Il a par la suite reçu un avis de confirmation de la Standard Life quant à l’investissement effectué, lequel indiquait « ACDM Services financiers » à titre de représentant, tel qu’il appert d’une copie de l’avis de confirmation;

56.  Ce n’est qu’en date du 19 novembre 2012 que Marco Beauregard a appris que Daniel Messier ne pouvait plus agir à titre de représentant;

57.  Par ailleurs, le ou vers le 27 septembre 2012, Daniel Messier a effectué des représentations auprès de Sylvain Courchesne dans le cadre de la souscription d’un placement de 3 000 $ auprès de la Standard Life et d’un transfert d’une somme de 35 900 $ initialement placée auprès d’Empire Vie;

58.  Par ailleurs, lors de cette rencontre, Messier l’a informé que sa femme avait obtenu son permis en assurance et qu’ils s’associaient ensemble dans la compagnie;

59.  C’est à ce moment que Messier lui a fait signer un document de transfert de dossier, sans toutefois lui mentionner qu’il ne pouvait plus agir à titre de représentant, tel qu’il appert d’une copie du document de transfert;

60.  De même, le ou vers le 4 décembre 2012, Daniel Messier a rencontré Paulette Dubois afin de procéder au placement d’une somme de 2 700 $ auprès de Standard Life, tel qu’il appert d’une copie de l’avis de confirmation du placement;

61.  Lors de cette rencontre, il lui a montré des tableaux indiquant le rendement de ses placements actuels;

62.  De plus, il l’a informée qu’il commençait une pré-retraite et qu’il transférait sa clientèle à sa conjointe Annie Chaussé, sans jamais l’informer de sa radiation;

63.  Au cours de la même rencontre, il lui a fait signer un avis de transfert de son dossier au bénéfice d’Annie Chaussé;

64.  Il appert donc qu’au cours de chacune de ses rencontres avec ses anciens clients, Daniel Messier était seul avec le client, et avait en sa possession les informations relatives à leur dossier client alors que son droit de pratique avait été radié de façon provisoire par la décision du CDCSF;

65.  Daniel Messier avait également en sa possession les documents de transfert du dossier client au bénéfice d’Annie Chaussé, et les formulaires requis pour procéder à la souscription de nouveaux placements ou produits qu’il était auparavant autorisé à transiger;

66.  Il appert que des documents de transfert de dossiers ont été signés par les clients et ont donc nécessairement été transmis aux assureurs avec lesquels ACDM faisait affaire;

67.  En conséquence, il est possible de constater qu’Annie Chaussé a fait défaut de remplir adéquatement ses fonctions de dirigeante responsable du cabinet ACDM puisqu’elle a permis, directement ou indirectement, à Daniel Messier d’entrer en contact avec ses anciens clients en plus de cautionner les actes posés par ce dernier, notamment la souscription de nouveaux placements alors que son certificat faisait l’objet d’une radiation;

68.  En effet, les compagnies d’assurance n’auraient jamais émis d’avis de confirmation au nom d’ACDM n’eut été des documents préalablement ou postérieurement signés par Annie Chaussé;

69.  Cette dernière savait donc ou devait savoir que les placements souscrits l’avaient été par Daniel Messier, tout en étant informée qu’il ne détenait plus les permis nécessaires pour ce faire;

[8]    L’Autorité a soumis les arguments suivants à l’appui de sa demande :

Les sanctions

70.  En vertu de l’article 85 de la LDPSF, un cabinet et ses dirigeants doivent veiller à la discipline de leurs représentants et s’assurer que ceux-ci agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

71.  De plus, l’article 86 de la LDPSF impose au cabinet l’obligation de veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la LDPSF et à ses règlements;

72.  En l’espèce, les manquements constatés sont de nature à occasionner un risque pour le public en raison des agissements de Claude Cabana;

73.  À titre de dirigeante responsable, Annie Chaussé ne pouvait ignorer les actes posés par son assistante, notamment la fabrication de faux documents, la création d’adresses courriel à l’insu des clients;

74.  À titre de dirigeante responsable, Annie Chaussé ne pouvait non plus ignorer les actes posés par son conjoint Daniel Messier, notamment la rencontre avec des clients et la souscription de nouveaux placements au cours de sa période de radiation;

75.  Elle ne pouvait non plus ignorer que Daniel Messier avait fait l’objet d’une radiation provisoire en date du 8 juin 2012;

76.  De plus, le cabinet ACDM, sa dirigeante responsable et unique représentante, et son employée Claude Cabana ont volontairement maintenu leurs clients dans l’ignorance en ne leur indiquant pas les véritables raisons du départ de Daniel Messier, du transfert des dossiers vers Annie Chaussé et ACDM et en laissant croire aux clients que ce dernier était autorisé à agir à titre de consultant;

77.  Le cabinet ACDM et sa dirigeante responsable ont également toléré de la pratique illégale effectuée par Claude Cabana en plus d’avoir aidé par acte ou omission Daniel Messier dans la poursuite de ses activités malgré sa radiation provisoire;

78.  Le cabinet ACDM et sa dirigeante responsable ont échoué dans leurs fonctions de supervision en ne mettant pas en place toutes les mesures nécessaires afin que Daniel Messier ne puisse entrer en contact avec la clientèle ou les dossiers de ces derniers, et qu’il ne puisse plus agir à titre de représentant en assurance de personnes;

79.  La nature des manquements constatés au cours de l’enquête menée par l’Autorité justifie une intervention de l’Autorité en marge des plaintes pénales déposées à l’encontre de Daniel Messier et d’Annie Chaussé afin de s’assurer de la protection du public;

80.  L’Autorité mentionne que ces manquements démontrent que le cabinet ACDM et sa dirigeante responsable Annie Chaussé n’ont pas agi avec soin et compétence, le tout contrairement aux dispositions de l’article 84 de la LDPSF;

81.  Par ailleurs, en tant que dirigeante responsable du cabinet, Annie Chaussé doit faire preuve de diligence, elle doit agir avec soin et compétence et veiller à ce que la LDPSF et ses règlements soient respectés;

82.  L’Autorité souligne que les responsabilités assumées par le dirigeant responsable d’un cabinet requièrent un degré supérieur de professionnalisme et d’habileté, puisque cette fonction est garante de la conformité au sein du cabinet et, par conséquent, de la protection du public;

83.  Or, la nature des manquements est suffisamment sérieuse pour indiquer qu’Annie Chaussé ne dispose pas des compétences et de l’indépendance requises pour occuper le poste de dirigeante responsable du cabinet ACDM ou de tout autre cabinet d’assurances;

84.  Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité soumet respectueusement au Bureau de décision et de révision qu’Annie Chaussé n’est plus apte à agir comme dirigeante responsable du cabinet ACDM;

85.  Considérant les pouvoirs du Bureau de décision et de révision d’imposer une pénalité administrative jusqu’à concurrence de deux millions de dollars (2 000 000 $) à un cabinet ayant fait défaut de respecter une disposition de la LDPSF ou de ses règlements;

86.  Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, de demander au Bureau de décision et de révision d’imposer une telle pénalité administrative;

87.  Considérant le pouvoir de l’Autorité, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, de demander au Bureau de décision et de révision de prendre toutes les mesures propres à assurer le respect des dispositions de la Loi;

88.  Considérant la nature particulière des manquements constatés dans le présent dossier;

L’AUDIENCE

[9]    Le Bureau a dûment transmis aux parties un avis d’audience pour une audition devant se tenir les 26, 27 et 28 mars 2014. Lors de l’audience du 26 mars 2014, la procureure des intimées a adressé au tribunal une demande de remise. Le tribunal a rejeté cette demande. Il a cependant permis aux intimées de reporter la présentation de leur défense à une date ultérieure.

[10]    Ainsi, la preuve des intimées a été présentée au cours de l’audience des 9 et 11 juin 2014, en présence des procureurs des parties. Notons enfin que le cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc. n’était pas représenté devant le Bureau au cours de l’audience.

La preuve de l’Autorité

[11]    La procureure de l’Autorité a fait entendre 8 témoins dans le cadre de sa preuve, soit 6 investisseurs et clients de Daniel Messier, l’enquêtrice au dossier et l’adjointe de l’intimée Annie Chaussé.

L’enquêtrice de l’Autorité

            L’interrogatoire

[12]    L’enquêtrice de l’Autorité responsable du présent dossier a témoigné des faits qui sont énumérés tout au long de la demande de l’Autorité. Elle a également déposé en preuve les documents à l’appui de ses dires. Elle explique au tribunal en quoi consistaient les principaux points de l’enquête de la demanderesse dans le présent dossier, en l’occurrence :

o    l’appropriation de fonds et la fabrication de faux documents par le cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc.;

o    le fait que Daniel Messier ait continué d’agir comme représentant après avoir été radié par l’Autorité;

o    la diffusion d’informations fausses et trompeuses par le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. (A.C.D.M. Services financiers) (ci-après « ACDM »); et

o    la fabrication de faux courriels par Claude Cabana, adjointe administrative du cabinet Assurances Annie Chaussé inc.

Le contre-interrogatoire

[13]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu’en ce qui a trait à la création de fausses adresses de courriels, c’est d’abord une représentante de la société L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (« Empire-Vie ») qui l’a avisé qu’elle avait des doutes au sujet de ces adresses. Claude Cabana, adjointe administrative d’Annie Chaussé, lui a plus tard confirmé ses doutes. Et deux investisseuses ont confirmé à l’enquêtrice de l’Autorité que les adresses de courriels qui avaient été créées n’étaient pas leurs adresses.

[14]    Ces dernières ont aussi confirmé à l’enquêtrice qu’elles n’avaient pas signé toutes les lettres de demandes de rachat de leurs investissements auprès d’Empire-Vie. Et Claude Cabana l’a aussi reconnu devant le témoin. Interrogée par la procureure des intimées relativement aux informations fausses ou trompeuses diffusées par ACDM, le témoin attire l’attention sur des relevés maisons portant le nom de Daniel Messier[5], consultant chargé du dossier du client, alors que l’inscription de cette personne avait été provisoirement radiée par l’Autorité.

[15]    Elle indique aussi qu’ACDM est le cabinet avec lequel le produit a été passé pour le client et que la seule personne qui a été rencontrée par le client était Daniel Messier qui ne pouvait alors plus agir. Elle ajoute que le fait que Daniel Messier soit mentionné comme consultant du dossier pouvait porter à confusion pour le client habitué à faire affaire avec cette personne.

[16]    La procureure des intimées demande alors au témoin de l’Autorité d’identifier les actes par lesquels Annie Chaussé, intimée en l’instance, a aidé Daniel Messier à agir comme représentant. Le témoin répond que ce dernier a, selon la preuve, continué à acheter des produits auprès de compagnies d’assurance pour ses clients, en passant par l’intermédiaire d’ACDM pour ce faire. Or, Annie Chaussé est la dirigeante responsable de ce cabinet et la seule personne pouvant passer de telles commandes.

[17]    La procureure des intimées réfère aux demandes adressées par Annie Chaussé aux compagnies d’assurances pour récupérer les clients de Daniel Messier. Elle a alors contacté Standard Life pour ce faire. Cette dernière a alors mis comme condition que les clients devaient donner leur autorisation expresse à ce transfert. Annie Chaussé a alors fait les demandes pour avoir leurs autorisations et Daniel Messier l’aurait aidé à obtenir le transfert de clientèle auprès de Standard Life. Il aurait alors rencontré certains clients, alors qu’il était seul, et il leur aurait fait signer les autorisations.

[18]    Le témoin explique qu’après le 8 juin 2012[6], Daniel Messier a continué à agir comme représentant en rencontrant des gens. Par exemple, il a rencontré un des témoins de l’Autorité, l’a conseillé et lui a vendu un placement REER émis par Standard Life, alors qu’il ne pouvait plus faire affaires avec cette compagnie. Il a alors passé sa commande par l’entremise d’ACDM, un relevé de confirmation confirmant cela[7].

[19]    Or, ajoute le témoin, Annie Chaussé était la seule pouvant apposer sa signature sur ce document, étant la seule représentante de ce cabinet. Et en ce qui a trait aux fausses adresses de courriels créées par Claude Cabana, le témoin indique qu’Annie Chaussé aurait dû s’assurer de superviser les activités de cette dernière.

[20]    En réinterrogatoire par l’Autorité, l’enquêtrice de cet organisme déclare avoir interrogé Annie Chaussé le 11 avril 2014. Cette dernière aurait alors reconnu avoir signé pour autoriser la vente d’un produit effectuée par Daniel Messier, alors que ce dernier n’était plus représentant.

[21]    Le témoin identifie aussi certains documents portant une adresse de courriel créée par Claude Cabana ainsi qu’une lettre de Daniel Messier adressée à une cliente[8]. Répondant au tribunal, le témoin indique que la vente de produits ou de conseils par Daniel Messier aurait visé de 5 à 6 clients. Elle évoque le cas de fausses adresses de courriels pour deux clientes.

Le premier investisseur

            L’interrogatoire

[22]    Ce premier témoin est un investisseur et un ancien client de l’intimé Daniel Messier. Il le connaît depuis 2002. Il avait des produits placés auprès de Standard Life, Empire-Vie et d’Union. Il faisait auparavant affaire avec un conseiller qui a été reconnu coupable par l’Autorité des marchés financiers. Daniel Messier a racheté la clientèle de ce conseiller.

[23]    Leur relation était, au début, professionnelle. Puis avec le temps, elle est devenue amicale. Ils ne faisaient pas de sorties ensemble mais Daniel Messier était présent lors de son 50e anniversaire de naissance. Il connait très peu l’intimée Annie Chaussé. Il sait cependant qu’elle est la conjointe de l’intimé Daniel Messier.

[24]    Il a déjà rencontré Annie Chaussé pour son assurance auto. Il la voyait également lorsqu’il allait chez Daniel Messier pour ses placements. Mme Annie Chaussé était également présente lors de son 50e anniversaire.

[25]    Le 27 septembre 2012, il a rencontré Daniel Messier dans un restaurant afin de placer une partie de son REER, soit la somme de 3 000 $. Il l’a lui-même appelé, en mentionnant le but recherché, pour le rencontrer. Daniel Messier s’est présenté à la rencontre avec les documents requis à cet effet. Il lui a également vendu des obligations émises par Standard Life.

[26]    La rencontre a débuté avec une discussion personnelle; ils ont parlé de leurs vies respectives. La rencontre a duré environ une heure et demie, mais ils n’ont discuté affaires qu’une quinzaine de minutes en tout. Daniel Messier lui a indiqué qu’il excluait les produits d’Empire-Vie car il avait des problèmes avec cette compagnie. Il a mentionné ne pas s’entendre avec la vice-présidente. Il a déclaré préférer les produits de Standard Life.

[27]    Le témoin a mentionné ne pas se préoccuper de la sorte du produit qu’il se procurait, du moment que le tout était rentable. Daniel Messier lui a également indiqué qu’Annie Chaussé avait désormais son permis et que le nom de la compagnie a changé pour ACDM Services financiers, les quatre lettres correspondant aux noms d’Annie Chaussé et de Daniel Messier. Ainsi, ce dernier lui a représenté qu’Annie Chaussé devenait partenaire dans la compagnie.

[28]    Daniel Messier lui a indiqué qu’il allait tout de même continuer de faire affaire avec lui. Ainsi, lors de la rencontre de septembre 2012, Daniel Messier lui a fait des représentations quant aux produits suggérés. Daniel Messier sait que le témoin ne veut pas prendre de risque dans ses placements. Ce dernier lui a également remis une revue de presse. Les chèques remis à Daniel Messier par le témoin ont toujours été faits au nom de la compagnie de ce dernier, et non pas à son nom personnel ou au nom d’ACDM Services financiers.

[29]    Le témoin recevait un état de compte mensuel pour chacun de ses comptes. Il a notamment reçu deux relevés mensuels de ses placements auprès de Standard Life, en date du 1er octobre 2012, en relation avec deux polices d’assurance. Ces relevés provenaient du bureau de Daniel Messier; c’est la secrétaire de ce dernier qui les lui a envoyés. On y retrouve la mention que le consultant chargé du dossier est Daniel Messier. Par ailleurs, le nom de Daniel Messier y est toujours apparu.

[30]    Il a également reçu un avis de confirmation auprès d’Investissements Manuvie, en provenance du bureau de Daniel Messier. Il a indiqué que le transfert de ce montant a dû se faire en personne car il devait signer un document à cet effet. Il a reçu l’avis de confirmation et les relevés mensuels dans deux envois distincts. Lors de ses rencontres pour ses placements avec Daniel Messier, il a toujours été seul avec lui. En aucun cas Annie Chaussé n’était présente.

[31]    Le témoin n’a jamais assumé les frais de transfert. En effet, Daniel Messier lui faisait parvenir un chèque tiré du compte de sa compagnie, dès qu’il connaissait le montant des frais. Le témoin a d’ailleurs eu un échange de courriels avec Daniel Messier et sa secrétaire à cet effet. Il a reçu le chèque invoqué dans cet échange de courriels à sa maison et l’a encaissé. Il a de plus signé un document concernant le changement d’entreprise de Daniel Messier, autorisant ainsi ACDM Services financiers à travailler dans son dossier.

[32]    Ce document a été signé à la demande de Daniel Messier, en présence de ce dernier uniquement. Le tribunal constate que ledit document mentionne que l’investisseur a signé, en date du 27 septembre 2012, une demande pour transférer ses polices auprès d’Annie Chaussé et d’ACDM Services financiers. Daniel Messier lui a dit qu’il démarrait une entreprise de nettoyage faisant l’entretien des maisons lorsque les gens partent en vacances. Selon le témoin, Daniel Messier est quelqu’un qui parle beaucoup. Le témoin déclare en prendre mais également en laisser.

[33]    En aucun cas, Daniel Messier ne lui a dit qu’il ne pouvait plus offrir de produits d’Empire-Vie, ni qu’il était radié et qu’il ne pouvait plus agir comme représentant. C’est l’enquêtrice de l’Autorité qui le lui a appris lorsqu’elle l’a contacté en 2013. Annie Chaussé ne l’a pas informé de ce fait non plus. Si le témoin avait su que Daniel Messier avait été radié, il aurait posé beaucoup de questions. Il se serait tourné vers Annie Chaussé ou carrément vers un autre conseiller.

[34]    C’est la deuxième fois qu’il se trouve mêlé dans une histoire avec l’Autorité et il ne veut pas que cela se produise une troisième fois. Il n’a pas eu d’autre rencontre professionnelle avec Daniel Messier après le 27 septembre 2012, ni avec Annie Chaussé.

Le contre-interrogatoire

[35]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré s’être procuré une assurance pour son auto en 2006 ou en 2007 auprès d’Annie Chaussé. Il ne l’a cependant jamais rencontrée professionnellement depuis. Il a réitéré que sa dernière rencontre professionnelle avec Daniel Messier remonte au 27 septembre 2012. Il a indiqué que Daniel Messier ne lui a pas mentionné qu’Annie Chaussé serait au courant de la rencontre. Cette dernière n’a pas non plus contacté Daniel Messier durant sa rencontre ce dernier. Il ne se souvient pas non plus si celui-ci avait ou non avec lui un téléphone lors de la rencontre.

[36]    L’investisseur a rarement vu Daniel Messier et Annie Chaussé ensemble. Lors de son 50e anniversaire, les deux ne se tenaient pas ensemble; ils étaient assis sur des chaises différentes et ne se sont pas tenus la main ni embrassés. Daniel Messier lui a indiqué qu’Annie Chaussé était désormais impliquée dans la compagnie comme partenaire et qu’elle est comme la patronne. À ce moment-là, Daniel Messier était un ami et il lui faisait confiance.

[37]    Il n’a perdu aucune somme d’argent avec Daniel Messier. Cependant, il a eu un gros montant d’argent à placer à court terme pour des projets de maison et de voilier. Il avait informé Daniel Messier à cet effet. Il a récemment remarqué que cette somme était gelée jusqu’en 2019. Autrement, cela impliquerait des frais de retrait de 16 000 $. Il n’a le droit de sortir que 10% par année et, vu la somme investie, la totalité de ces retraits dépasserait 2019. Il ignore si Annie Chaussé était ou non au courant de la situation.

Le deuxième investisseur

            L’interrogatoire

[38]    Il s’agit d’une dame de 70 ans qui connaît Daniel Messier depuis plus de 10 ans. À l’époque, elle avait un conseiller qui délaissait sa clientèle; il l’a référée à ce dernier. Elle détenait 3 produits en assurance auprès de Standard Life et un produit auprès de SSQ. Elle avait auparavant des produits avec Empire-Vie, mais ils ont été transférés. Ce qui est déterminant pour elle, c’est le rendement.

[39]    En effet, elle a reçu une lettre d’Empire-Vie l’informant que la compagnie ne faisait plus affaires avec Daniel Messier. Elle a appelé Empire-Vie afin de savoir pourquoi, mais on lui a indiqué qu’on ne pouvait pas lui dire ce qui s’était passé. Elle n’a rien demandé à Daniel Messier car elle avait confiance en lui. En fait, elle était même un peu fâchée contre la compagnie et a transféré ses produits vers Standard Life et SSQ.

[40]    Elle n’a rencontré que Daniel Messier. Elle recevait des états de compte mensuels pour ses placements la dernière année. Avant, elle en recevait au deux ou trois mois. Elle a notamment reçu 3 relevés mensuels datés du 6 novembre 2012, en regard de trois produits différents auprès de Standard Life. Tous ses relevés émanaient du bureau de Daniel Messier. D’ailleurs, ce dernier est indiqué comme consultant chargé du dossier.

[41]    Elle a rencontré Daniel Messier le 4 décembre 2012 au sujet de ses placements. C’est elle qui l’avait appelé car elle prenait sa retraite et voulait revoir ses placements. La rencontre a eu lieu chez elle, en présence de Daniel Messier et de son conjoint. Elle désirait établir un bilan et transférer ses REER en FERR. Lors de cette rencontre, Daniel Messier lui a indiqué que c’était Annie Chaussé qui poursuivrait le dossier car il avait des problèmes de santé et devait réduire sa clientèle. Il lui a demandé si elle avait une objection; elle a dit que non. Il devait venir lui présenter Annie Chaussé. Cependant elle a tout annulé avant la rencontre. Elle n’a donc jamais rencontré cette dernière.

[42]    Daniel Messier lui a dit qu’il se retirait de son dossier et qu’Annie Chaussé prenait la relève. Il n’avait plus aucun rôle dans son dossier. Avant la rencontre avec Annie Chaussé, elle a reçu une lettre de Standard Life lui indiquant que la compagnie ne faisait plus affaires avec Daniel Messier. Puisque c’était la deuxième lettre de ce genre qu’elle recevait, elle a fait des démarches et a appris la radiation de Daniel Messier. C’est à ce moment qu’elle a tout annulé.

[43]    Elle n’a pas obtenu l’information de la part des compagnies d’assurance mais plutôt en appelant l’Autorité qui l’a référée à un article publié. Depuis, elle ne fait plus affaires ni avec Daniel Messier ni avec Annie Chaussé. Lors de la rencontre de décembre 2012 avec Daniel Messier, elle ignorait que ce dernier avait été radié. Elle croyait qu’il pouvait toujours agir et lui vendre le produit qu’elle a acheté.

Le contre-interrogatoire

[44]    En contre-interrogatoire, le témoin a simplement mentionné ne pas connaître le Groupe Agenz inc. qui est inscrit sur un avis de confirmation de la Standard Life concernant son régime enregistré d’épargne retraite.

Le troisième investisseur

[45]    Le témoin connaît Daniel Messier depuis environ 1998. Son mari faisait partie du même club Richelieu que Daniel Messier. Ils ont alors commencé à faire affaire avec lui pour des placements REER auprès d’Empire-Vie. Aujourd’hui, ces placements sont toujours auprès d’Empire-Vie et elle n’a pas fait de nouveaux placements. Depuis 2010 environ, elle fait des retraits. Daniel Messier venait à la maison avec une feuille pour les retraits.

[46]    Il inscrivait le montant et les dates sur une douzaine de formulaires, afin de tous les préparer d’avance pour l’année à venir. Il revenait ensuite l’année suivante avec de nouveaux formulaires. Daniel Messier se présentait toujours seul aux rendez-vous. Les feuilles indiquaient un retrait mensuel d’environ 1 300 $ et elle recevait environ 1 000 $ net d’impôt. Elle a toujours reçu son argent.

[47]    Elle n’a jamais elle-même rempli de feuilles; elles étaient toutes préparées d’avance. Elle ne se souvient cependant pas de la feuille en question. Le témoin a reçu une lettre d’Empire-Vie à l’automne 2011 concernant le fait que la compagnie ne faisait plus affaires avec Daniel Messier. De plus, le 24 octobre 2011, elle a reçu un courriel de Daniel Messier[9]. Son mari l’a toujours dans sa boîte courriel. Suite à la réception de ce courriel, elle a décidé d’appeler la compagnie Empire-Vie.

[48]    Son mari et elle ont ensuite décidé de ne plus faire affaire avec Daniel Messier. Ils ont cependant continué de faire les demandes de retrait d’argent de son REER. Elle a reçu une autre lettre d’Empire-Vie en août 2012, qui mentionnait qu’Empire-Vie avait été informée qu’elle recevait des directives de rachat d’un tiers.

[49]    Elle a signé une entente avec Empire-Vie à la suite de la réception de la lettre du mois d’août 2012 pour ses retraits mensuels. Cette entente a pris fin le 31 août 2013 puisque le REER devait être changé en FERR. Le témoin a mentionné ne connaître Claude Cabana que de nom. Cette dernière est intervenue dans le cadre de ses demandes de rachat. Elle lui envoyait un papier pour ses demandes de rachat mensuel. Comme elle recevait l’argent, elle faisait confiance.

[50]    Elle mentionne également qu’elle n’a pas d’adresse de courriel relié à un compte Hotmail. La sienne est reliée au compte Vidéotron. Le témoin affirme n’avoir jamais envoyé de lettre demandant à Empire-Vie des retraits mensuels, bien que sur le document déposé en preuve, cela ressemble à sa signature. Elle ne se souvient pas d’avoir signé cette lettre.

[51]    Mme Cabana l’a informée par téléphone avoir créé une adresse de courriel reliée au compte Hotmail pour elle. Elle ignore qui est Annie Chaussé. Elle sait que Daniel Messier est séparé de sa première épouse et qu’il vit en couple avec une autre personne, mais elle ignore de qui il s’agit. Elle a appris par le journal La Voix de l’Est que Daniel Messier a été radié. Suite à cela, elle a cessé de faire affaire avec lui. Selon elle, il était son représentant jusqu’au moment de sa radiation.

Le quatrième investisseur

[52]    Le témoin suivant est natif de Granby; il est policier depuis 31 ans. Il connait Daniel Messier de vue depuis au moins 25 ans. Un lien strictement professionnel a été établi entre lui et Daniel Messier à l’été 2001 seulement. Il explique avoir perdu sa sœur en mai 2001 et avoir alors été nommé exécuteur testamentaire. Cette dernière avait quelques placements avec Daniel Messier. Il a donc appelé et ensuite rencontré Daniel Messier pour cette raison.

[53]    Le bénéficiaire du placement de sa sœur est son fils mineur. Il croit que ce placement est un genre de placement en assurance vie. C’est un placement garanti, mais il ne se souvient pas auprès de quelle compagnie il a été fait à l’origine. Il s’agissait peut-être d’Empire-Vie. Il détient encore aujourd’hui le placement pour son fils. À l’époque, la somme était en fiducie mais maintenant que son fils est majeur, il lui donne des conseils.

[54]    Vers janvier ou février 2012, à l’aide de Daniel Messier, il a transféré le produit auprès de Standard Life. Au départ, il s’agissait d’une somme de 14 000 $; aujourd’hui, le montant est rendu à 30 000 $. En février 2012, le témoin a contacté Daniel Messier car son fils avait moins de revenus et il désirait également faire quelques placements avec sa femme. Ils ont regardé le placement chez Empire-Vie, puis ont viré 10 000 $ chez Standard Life; ils ont empoché du gain en capital, le tout suite à la recommandation de Daniel Messier.

[55]    Quelques mois avant la fin 2011, le témoin a reçu une lettre d’Empire-Vie lui indiquant que Daniel Messier n’était plus dans son dossier. Il n’a pas fait de cas car il s’agissait du seul montant à gérer avec Daniel Messier. Et puis, dans le monde de l’assurance, il y a beaucoup de fusions. Il a recontacté Daniel Messier seulement vers la fin février 2012. Le rendez-vous de février 2012 a eu lieu à son bureau, au poste de police. Daniel Messier connaissait la teneur du rendez-vous.

[56]    Il recevait des rapports biannuels avec Empire-Vie et recevait périodiquement de la part de Daniel Messier un compte rendu de l’état des placements. Il en faisait d’ailleurs la demande à ce dernier. Concernant un de ses comptes rendus daté du 4 juillet 2012, les noms des compagnies Groupe Agenz inc. et Financière S_Entiel inc. qui y apparaissaient ne lui disent rien. Il croyait que c’étaient les compagnies avec lesquelles Daniel Messier faisait affaire.

[57]    Il a toujours eu des contacts avec Daniel Messier seulement. Il n’a jamais rencontré Claude Cabana, bien qu’il sache qu’elle est son adjointe. En février 2012, lors de la rencontre, il a également placé un montant de 30 000 $ auprès de Standard Life. Il recontacte Daniel Messier au mois d’août 2012 et convient d’un rendez-vous au poste de police pour le 12 août 2012. Tous les placements personnels faits avec Daniel Messier sont au nom de son épouse, mais c’est lui qui les gère.

[58]    C’est donc toujours lui qui rencontre Daniel Messier. Il est arrivé à quelques reprises dans le passé qu’il rencontre Daniel Messier à sa résidence. Daniel Messier lui a, lors du rendez-vous du 12 août 2012, donné des conseils pour placer son argent et lui a montré des documents de Standard Life sur différents fonds. Seuls des produits de Standard Life ont été regardés.

[59]    Daniel Messier avait sa pleine confiance. Ce dernier lui suggérait des fonds et il était d’accord. Il n’a cependant signé aucuns documents puisque les placements étaient au nom de son épouse. C’est cette dernière qui les signait. Son rôle était de regarder les placements et de les analyser. Daniel Messier se rendait ensuite chez lui pour faire signer son épouse qui travaille à la maison. Il a reçu confirmation de la Standard Life que le placement choisi lors du 12 août 2012 a bel et bien été fait.

[60]    Concernant le nom ACDM, il sait que « DM » est pour Daniel Messier mais il ignore que signifie « AC ». Il sait que l’adresse d’ACDM est également l’adresse résidentielle de Daniel Messier. Tout semblait normal, il ne s’est pas posé de questions. Daniel Messier ne lui a jamais parlé de nom de compagnies, de bureau ou d’alliance. Après la rencontre du mois d’août 2012, le témoin a continué de recevoir des relevés mensuels du bureau de Daniel Messier.

[61]    Il a reçu plus tard une lettre de Standard Life lui indiquant qu’il était référé à un autre conseiller, soit Raymond Gagnon. Après avoir été contacté par une enquêtrice de l’Autorité, il a fait des vérifications auprès de Standard Life et d’Empire-Vie : l’argent est bien là. Il n’a eu aucune autre rencontre avec Daniel Messier depuis août 2012. Il ne fait plus affaire avec ce dernier aujourd’hui. Daniel Messier ne lui a jamais dit qu’il n’avait plus le droit de pratiquer.

[62]    Il l’a appris lorsqu’il a reçu un appel téléphonique à sa résidence d’une personne voulant lui parler de ses placements, vers le mois d’octobre 2012. Lorsqu’il a rappelé cette personne, il a constaté qu’il s’agissait d’une enquêtrice de l’Autorité. Il a rencontré par la suite cette dernière, en compagnie de son épouse. Il est allé vérifier la validité du permis de Daniel Messier sur Internet, à la suggestion de l’enquêtrice. C’est à ce moment qu’il a appris qu’il n’était plus inscrit.

[63]    S’il avait eu cette information avant, il n’aurait pas fait affaire avec Daniel Messier, même si un lien de confiance s’était développé avec ce dernier. Une fois la suspension du permis de Daniel Messier terminée, il aurait peut-être fait affaires de nouveau avec lui, selon les explications fournies. Ce dernier l’avait bien conseillé. Il ne connaît pas Annie Chaussé; il ne l’a jamais rencontrée. Il sait cependant qu’elle a déjà été la conjointe de Daniel Messier et qu’ils travaillaient ensemble. Daniel Messier et lui échangeaient sur leur passion, les bateaux. Daniel Messier connaît toute sa famille.

Le cinquième investisseur

[64]    Cette investisseuse a fait connaissance avec Daniel Messier en juin 2001, à la suite du décès de sa belle-sœur. Cette dernière avait une assurance-vie et le témoin a eu affaire avec Daniel Messier à ce sujet. En 2006, elle fait ses premiers placements par l’intermédiaire de ce dernier. Mais c’est son mari qui négociait avec Daniel Messier qui venait ensuite chez elle pour une période de cinq minutes pour lui faire signer les papiers, sans fournir d’explications à ce sujet.

[65]    En août, cette investisseuse dit avoir investi environ 30 000 $ par l’intermédiaire de Daniel Messier; ce dernier est venu chez elle pour lui faire signer les papiers sur cet investissement, mais sans explications de sa part. Elle reconnaît un document d’investissement relatif à ce placement de 30 000 $ mais elle ne connaît pas le nom d’Annie Chaussé qui y figure comme conseiller. Et elle ne l’a jamais vu.

[66]    Au moment de cette rencontre avec Daniel Messier, elle ignorait que ce dernier ne pouvait plus agir comme représentant. Elle ne l’a su qu’en octobre 2012, lorsque l’enquêtrice de l’Autorité l’a avisée de ce fait. Elle n’a pas revu Daniel Messier après août 2012.

Le sixième investisseur

[67]    Cette investisseuse a fait la connaissance de Daniel Messier en 2001 lorsqu’elle a acheté une maison; elle a, avec son conjoint d’alors, acheté une assurance-vie pour couvrir son hypothèque. Elle a vendu sa maison en 2010 et a rencontré Daniel Messier le 7 avril de cette année-là, relativement à cette police d’assurance-vie. Elle lui a alors parlé de ses investissements parce qu’elle voulait « changer ses placements d’endroit ». Daniel Messier lui a alors dit qu’il pouvait faire des placements.

[68]    Un mois plus tard, soit le 22 avril 2010, elle a fait des placements avec lui; elle lui a alors transféré tous ses investissements qui étaient détenus ailleurs. Elle a alors acheté des placements auprès d’Empire-Vie. Comme elle est maintenant retraitée, elle fait actuellement des rachats et des retraits de ses investissements. Son premier rachat a eu lieu le 14 décembre 2010, par l’entremise de Daniel Messier, pour un montant net de 1 500 $. À cette date, elle est allée à son bureau pour emplir deux feuilles, afin de pouvoir débuter des dépôts mensuels.

[69]    Daniel Messier lui a dit qu’il verrait à ce que cela soit déposé dans son compte de banque, ce qui a été fait. À la seconde occasion, soit le 4 février 2011, elle a téléphoné à Claude Cabana, secrétaire de Daniel Messier; cette dernière lui a dit qu’on déposerait le montant de son retrait dans son compte de banque. Le témoin a ensuite appelé Claude Cabana à chaque mois pour lui indiquer le montant qu’elle voulait faire déposer dans son compte.

[70]    Puis, elle a demandé à Claude Cabana s’il pouvait y avoir une autre façon de procéder pour que le dépôt soit effectué sans un appel mensuel du témoin. En juillet 2012, Claude Cabana lui a ensuite confirmé qu’elle pouvait faire automatiquement la transaction à chaque mois. L’investisseuse reconnaît un document daté du 12 octobre 2011; ce document a été signé par elle, et remis à Claude Cabana, dans le bureau de Daniel Messier, afin de servir de document en blanc, pour l’envoyer à chaque mois, pour qu’elle puisse recevoir le même montant net de 1 000 $.

[71]    Mais le 17 juillet 2012, une employée d’Empire-Vie l’a informée de signer la formule de cette compagnie pour recevoir ses retraits; elle lui a envoyé cette formule par courrier et le témoin l’a signé le 27 juillet 2012, avec l’aide de Claude Cabana, en l’absence de toute autre personne. Claude Cabana l’a aidée à remplir plusieurs pages de ce formulaire. Le tout fut envoyé à l’employée d’Empire-Vie et, à partir de ce moment, c’est l’employée d’Empire-Vie qui s’occupait des dépôts dans le compte de cette investisseuse.

[72]    La procureure de l’Autorité lui a soumis un courriel et une lettre datés du 11 juillet 2012 et demandant un retrait, la dernière étant signée par l’investisseuse. Mais celle-ci n’a reconnu ni l’une ni l’autre. Elle déclare ne pas avoir d’ordinateur à son domicile. Elle déclare aussi avoir toujours reçu l’argent de ses retraits. Elle a reconnu les relevés d’Empire-Vie qu’elle recevait; elle a noté qu’ils identifiaient la société Planification Fin. S_Entiel Inc. comme étant son représentant. Elle indique que Daniel Messier l’avait informée que c’est là qu’il travaillait maintenant comme représentant.

[73]    Elle indique avoir, le 30 septembre 2011, une lettre de Daniel Messier dans laquelle celui-ci annonçait qu’il travaillerait en collaboration avec une autre personne, afin de pouvoir continuer sa prestation de services. L’investisseuse a alors déclaré que le 11 octobre 2011, elle a rencontré Daniel Messier qui lui a dit qu’après son accident, il la gardait comme cliente puisqu’elle ne voulait pas aller avec cette autre personne.

[74]    Mais ce témoin a reçu une lettre d’Empire-Vie le 24 octobre 2011 qui l’avisait que Daniel Messier n’était plus l’agent attitré en vertu de sa police et que cet assureur avait attribué le service de sa police à Planification Fin. S_Entiel Inc. Mais, puisque Daniel Messier lui avait dit qu’il la gardait comme cliente, il n’y avait pas de problème. Puis, elle a été informée par la même employée d’Empire-Vie qu’elle ne devait plus faire affaires avec Daniel Messier.

[75]    Ce dernier ne lui a jamais dit qu’il avait été radié par la Chambre de la sécurité financière. Elle l’a plutôt appris par un journal le 22 juin 2012. Elle n’en a parlé à personne d’autre. Elle dit ne pas connaître Annie Chaussé ni le cabinet de cette dernière.

La secrétaire d’Annie Chaussé

            L’interrogatoire

[76]    Ce témoin, dénommée Claude Cabana, est une employée du cabinet Assurances Annie Chaussé inc. depuis août 2012. Elle avait travaillé depuis le mois de février 2010 pour le cabinet Daniel Messier Assurance et services financiers inc. Elle agit essentiellement à titre d’assistance administrative. Elle parle parfois aux clients au téléphone car elle est aussi chargée d’y répondre. Elle s’occupe aussi de comptabilité. Quand elle travaillait pour Daniel Messier, elle le faisait exclusivement pour lui.

[77]    Le bureau était à la maison de Daniel Messier. Un autre représentant, identifié par le témoin précédent, a occasionnellement travaillé dans ce bureau. En février 2010, Annie Chaussé avait aussi son bureau là; le témoin prenait parfois les appels de cette dernière. Maintenant, elle s’occupe surtout de la comptabilité d’Annie Chaussé. Elle expédie aussi les propositions d’assurances aux compagnies. Quand elle travaillait avec Daniel Messier, ce dernier avait environ 500 dossiers-clients; il faisait surtout affaire avec Empire-Vie, mais aussi avec Standard Life, SSQ, RBC, Assomption-Vie et Canada-Vie.

[78]    Mais en octobre 2011, elle a appris que Daniel Messier avait omis de payer un client d’Empire-Vie et que cette dernière a alors mis fin à ses relations avec ce dernier. Le témoin n’a pas avisé les clients de Daniel Messier de ce fait. Ce dernier a alors continué de travailler avec les autres compagnies d’assurance avec lesquelles il traitait. Elle reconnaît un courriel signé par Daniel Messier dans lequel il avise ses clients que leur planification financière serait assurée par Planification S_entiel pour leur assurances-vie et placements, mais qu’il continuerait à assurer un service personnalisé.

[79]    Il est possible que ce soit Claude Cabana qui l’ait acheminé aux clients de Daniel Messier, par courriel. Cela lui dit quelque chose. Après cela, lorsqu’un client appelait relativement aux produits d’Empire-Vie, c’est Daniel Messier qui s’en occupait. Elle témoigne qu’alors, tous les dossiers d’Empire-Vie ont été acheminés à un autre représentant. Le témoin a ajouté que certains clients d’Empire-Vie ont aussi transféré leur dossier à un autre assureur.

[80]    Et les dossiers physiques relatifs à Empire-Vie ont été transférés. Elle ne les a plus. Le témoin reconnaît que des services aient pu être rendus à des clients d’Empire-Vie, après que cette compagnie eût rompu avec Daniel Messier. Elle mentionne le cas de deux clientes qui désiraient faire des rachats mensuels qu’Empire-Vie refusait de faire automatiquement. Le témoin a alors fait en sorte que ces clientes puissent adresser leurs demandes mensuelles à cette compagnie, au moyen de courriels, à partir d’adresses que Claude Cabana avait créées pour elles.

[81]    Une lettre datée du 3 juillet 2012 et déposée en preuve a, selon ce témoin, été signée en fait avant cette date et était ensuite envoyée tous les mois; c’était comme un formulaire en blanc dont la date était changée. Claude Cabana a ainsi procédé pour ces deux clientes. Seule la date changeait sur ces lettres, lors des demandes des retraits mensuelles. On n’a pas utilisé l’adresse du cabinet de Daniel Messier parce qu’Empire-Vie ne prenait plus rien de ce cabinet, à la suite de la fin du contrat, ce que Claude Cabana savait.

[82]    C’est la raison pour laquelle Daniel Messier lui avait demandé de faire cela. Les deux clientes n’en étaient pas conscientes. Puis Daniel Messier a été radié par la Chambre de la sécurité financière en juin 2012. Mais Claude Cabana n’a pas informé les clients de ce fait. Elle réfère à la lettre aux clients de Daniel Messier sur sa préretraite et sur le fait qu’une autre personne l’assisterait; c’est elle qui l’a préparé. Ce témoin indique qu’après la radiation de Daniel Messier, les clients de ce dernier sont allés avec la Financière S-entiel et que c’est M. Gagnon qui les a finalement récupérés.

[83]    Elle rappelle qu’il y a eu un incendie dans la maison d’Annie Chaussé et de Daniel Messier en mai 2012. Après le feu, elle a travaillé une semaine chez elle puis elle est retournée à cette maison où elle a alors travaillé dans la cuisine avec ces deux personnes. Elle réintégré le bureau en septembre ou octobre 2012. Donc, de mai à septembre 2012, elle a travaillé dans la cuisine de la résidence. Tout se faisait là. À ce moment, Daniel Messier avait démarré une entreprise de fleurs.

[84]    Il était parfois présent dans la cuisine. Après la réouverture du bureau, Daniel Messier y était parfois présent, pour ses activités. Il pouvait entendre les conversations. Les classeurs n’étaient pas fermés à clef. Mais actuellement, il n’y reste que dix dossiers physiques; les autres ayant été mis sur ordinateur; on s’en est défait. Le bureau déménagera sous peu. Lorsque Daniel Messier a été radié par la Chambre de la sécurité financière, un changement a été fait sur la boîte téléphonique du bureau.

[85]    Daniel Messier était alors identifié comme consultant; ce message a été dicté par Claude Cabana, sur les instructions de Daniel Messier. Mais Annie Chaussé accédait aussi à cette boîte vocale. Les messages du téléphone pouvaient être changés par tous ceux qui accédaient à cette boîte vocale, avec le mot de passe qu’avait Annie Chaussé. Claude Cabana déclare avoir transmis des relevés à des clients à tous les mois. Cela lui avait été demandé par Daniel Messier et elle a toujours continué de le faire ensuite.

[86]    Elle reconnaît les documents déposés en preuve à cet égard; elle a envoyé ces relevés aux clients même si Daniel Messier avait été radié. Elle reconnaît avoir envoyé à un client un document portant l’entête de Standard Life, un entête qu’elle a copié/collé sur ce document à partir du site de cette compagnie; Daniel Messier y est identifié comme consultant chargé du dossier. Le témoin a aussi fait cela dans le cas de Manuvie.

[87]    Le témoin ne se souvient toutefois pas d’avoir copié le logo d’Empire-Vie de la même manière, après que cette compagnie eût cessé de faire affaire avec Daniel Messier. Elle a cessé de le faire car on lui avait demandé d’arrêter de le mettre. Avant la radiation de Daniel Messier et avant qu’Empire-Vie ne se sépare de lui, il recevait directement les documents de cette compagnie. Annie Chaussé ignorait qu’elle faisait cela. Claude Cabana a continué à envoyer des relevés ainsi parce que Daniel Messier lui avait demandé de continuer, même après sa radiation. Elle devait faire cela pour tous ses clients.

[88]    Elle indique à la procureure de l’Autorité qu’elle savait que Daniel Messier avait été radié mais sur les envois qu’elle faisait aux clients, elle a laissé le nom de ce dernier apparaître comme consultant chargé du dossier parce qu’il lui avait dit d’y laisser son nom. Elle déclare ne jamais avoir indiqué aux clients de Daniel Messier que ce dernier était radié ni qu’il avait perdu son contrat avec Empire-Vie. Elle s’est contentée de répondre aux demandes de ce dernier, ce qu’elle a cependant fini par arrêter de faire, probablement en décembre 2012.

[89]    Elle indique qu’il reste des dossiers-clients de Daniel Messier; ils sont maintenant à Annie Chaussé. Cette dernière a adressé des demandes de transfert de clientèles aux compagnies d’assurance à cet effet. Standard Life lui a alors demandé que les clients apposent leurs signatures sur ces transferts. Claude Cabana déclare avoir envoyé des lettres à des clients à cet effet.

[90]    Mais celles-ci ne faisaient pas référence à la radiation de Daniel Messier; elles indiquaient plutôt la semi-retraite de ce dernier comme motif de transfert des dossiers à Annie Chaussé. Mais Claude Cabana indique ne pas avoir mentionné aux clients que Daniel Messier ne pouvait continuer à agir pour eux ou agir à titre de consultant.

Le contre-interrogatoire

[91]    En contre-interrogatoire, la procureure d’Assurances Annie Chaussé inc. et d’Annie Chaussé revient sur deux points, à savoir la création par Claude Cabana des adresses de courriel qu’elle a créées et les demandes de rachat de deux clientes[10]. À cette époque, elle déclare qu’elle travaillait exclusivement pour Daniel Messier. Mais, Annie Chaussé n’avait aucune idée de cela. Claude Cabana dit ne pas se souvenir avoir dit à une cliente le 17 juillet 2012 que Daniel Messier ne pouvait plus agir comme représentant mais qu’il demeurait consultant pour le cabinet[11].

[92]    Elle indique avoir commencé à travailler pour Annie Chaussé en août 2012. À cette date, cette dernière lui a imposé de lui montrer les rapports mensuels que Claude Cabana devait lui envoyer, avec ceux de la compagnie. Elle déclare également qu’Annie Chaussé n’a jamais vu les relevés de clients auxquels il est fait référence plus haut dans l’interrogatoire[12]. Après avoir commencé à travailler pour Annie Chaussé en août 2012, Daniel Messier a continué de lui demander d’envoyer des relevés à ses clients, mais à l’insu d’Annie Chaussé.

[93]    Elle avait alors l’impression que quelque chose clochait mais elle n’en a pas parlé à l’intimée. Elle craignait que cela créée des problèmes entre Daniel Messier et Annie Chaussé qui vivaient alors des difficultés de couple. Elle déclare qu’au moment de son témoignage, Daniel Messier et Annie Chaussé vivent toujours ensemble mais que le bureau est sur le point de déménager et que cette dernière « s’en va ». À sa connaissance, quand ils étaient ensemble dans le bureau, elle ne les a jamais entendus parler de dossiers.

[94]    Elle explique qu’il était impossible à Annie Chaussé d’interdire à Daniel Messier l’accès à son bureau, la configuration des lieux ne le permettant pas. Elle déclare que les dossiers physiques des clients qui étaient dans les classeurs sont maintenant informatisés. On y accède par un mot de passe que seules Claude Cabana et Annie Chaussé possèdent; Daniel Messier n’y a pas accès. Cela a été instauré il y a environ 6 mois. Claude Cabana ne fait maintenant plus rien pour Daniel Messier. Le témoin explique alors qu’elle n’exécute plus les demandes de ce dernier parce qu’elle s’est aperçue que cela allait à l’encontre de ce qu’Annie Chaussé lui demandait de faire.

[95]    À la suite d’une question du ré-interrogatoire de la procureure de l’Autorité, Claude Cabana, référant aux deux investisseuses dont il a été fait état plus haut[13], rapporte que l’une d’entre elles est venue au bureau et qu’elle aurait pu lui dire alors que Daniel Messier agissait comme consultant. Elle déclare que depuis décembre 2013 ou janvier 2014, Annie Chaussé vérifie maintenant son travail, c.-à-d. qu’avant d’envoyer les relevés mensuels, elle doit maintenant les montrer à Annie Chaussé qui les approuve. Cette dernière était entrée en poste en août 2013.

[96]    Claude Cabana ajoute qu’elle ne copie plus les entêtes des compagnies. Annie Chaussé ne lui a pas interdit de poser des gestes pour Daniel Messier. Elle explique l’horaire de travail d’Annie Chaussé. Cette dernière va parfois en Floride au deux mois, pour deux semaines. Elle ignore le volume des activités en matière d’assurances de dommages d’Annie Chaussé. Il y a bon volume d’appels des clients dans ce domaine. Et Annie Chaussé révise la comptabilité de Claude Cabana.

La preuve des intimées

                         Le témoignage d’Annie Chaussé

                                     L’interrogatoire

[97]    Annie Chaussé, intimée en l’instance, témoigne d’abord de la création de son entreprise. Elle explique que c’est son fils qui lui a dit avoir entendu à la radio que Daniel Messier avait été radié. Cela a eu lieu après que sa résidence eût brûlé et qu’elle ait dû réorganiser ses bureaux du mieux qu’elle le pouvait, dans la cuisine, la seule pièce qui restait. Elle est restée sur les lieux pour mieux gérer ce sinistre. Elle dépose des photos en preuve pour démontrer l’ampleur de l’incendie. Mais elle indique que les dossiers physiques des clients qui sont actifs n’ont pas été endommagés par le feu.

[98]    Le témoin ajoute qu’elle a continué à exercer ses fonctions de représentante dans la cuisine, en présence de Claude Cabana. Daniel Messier était encore son conjoint à l’époque mais il ne l’était plus au moment du témoignage; sa relation avec lui est terminée et elle a déménagé. Elle explique les raisons. Elle explique ensuite comment s’est opéré le transfert des clients de Daniel Messier vers elle. Après avoir obtenu son certificat en assurances de personnes, elle a fait application auprès des compagnies d’assurance pour avoir des contrats.

[99]    L’agent général de ces compagnies faisait les transferts en bloc d’un cabinet à un autre cabinet. Cela avait lieu en autant que l’agent général était d’accord. Elle dépose en preuve[14] la liste des compagnies d’assurance avec lesquelles elle a traité. L’avocate des intimées a interrogé le témoin à savoir si elle a donné des instructions à Daniel Messier, après sa radiation, quant à son implication dans le transfert des dossiers et le travail d’Annie Chaussé. Le témoin a répondu avoir dit à ce dernier de ne plus répondre au téléphone, de ne plus voir personne, de ne plus parler à personne et de ne plus répondre à ces courriels. Elle a également changé la dénomination des courriels pour que Daniel Messier n’y ait plus aucun accès.

[100]     Elle s’est assurée qu’il obéisse à ses instructions mais elle ne pouvait pas l’empêcher d’accéder au bureau, vu la disposition de celui-ci dans la maison; elle ne pouvait lui en interdire l’accès. Elle dépose les photos de la maison en preuve[15] et en explique les aménagements. Révisant les allégations de l’Autorité à son encontre, le témoin explique que les transferts de clients d’un cabinet à un autre cabinet se faisaient en bloc par l’entremise de l’agent général. Ce n’est qu’aux occasions où elle rencontrait un client qu’elle pouvait lui dire que c’est dorénavant elle qui s’occupait de ses affaites.

[101]     Quant aux propos qui auraient été tenus par Daniel Messier sur sa prétendue préretraite, elle dit que cela n’a pas été fait en sa présence. Elle ignorait également qu’il était identifié comme consultant sur sa boîte vocale parce qu’elle n’écoutait pas le message d’accueil de Daniel Messier sur cette boîte. Elle croit que c’est Claude Cabana qui l’a arrangé et que seuls les clients de Daniel Messier l’ont entendu. Le témoin déclare ignorer que Daniel Messier rencontrait des clients pour le transfert des dossiers. Le témoin dit avoir appris cela par la suite.

[102]     Daniel Messier les aurait rencontrés alors qu’elle était absente du bureau pour plutôt assister à d’autres rencontres. Elle reconnaît avoir parfois rencontré ses clients en présence de Daniel Messier; mais elle ne pouvait lui interdire d’être présent sans le mettre dehors de la maison. Il y avait son espace de bureau. Traitant ensuite des gestes de Claude Cabana, adjointe d’Annie Chaussé, cette dernière déclare ne pas avoir été au courant que Claude Cabana avait participé à la fabrication et à l’envoi de relevés mensuels maison aux clients du cabinet.

[103]     C’est ce qu’elle a déclaré à l’Autorité quand elle a été interrogée à ce sujet. Elle déclare avoir vu ces documents pour la première fois lorsque son avocate les lui a montrés. Elle dit avoir été interrogée par l’Autorité dans le cadre de l’enquête de cette dernière. Elle indique qu’elle ignorait aussi que le logo de Standard Life ait été utilisé illégalement sur ces documents. Elle indique que Claude Cabana est à son emploi exclusif depuis le 27 juillet 2012. Avant cette date, elle était la réceptionniste, ouvrait le courrier et faisait aussi sa comptabilité. Et c’est ce qu’elle a fait entre la date de la radiation de Daniel Messier en juin 2012 et le mois de juillet 2012.

[104]     Mais elle ne pouvait faire aucun travail en assurances, n’étant pas inscrite pour ce faire. Le témoin déclare qu’au moment où Claude Cabana est entrée à son service exclusif, elle devait continuer à gérer les suites de l’incendie de son bureau et travailler à effectuer le transfert de la clientèle. Elle n’a donc pu à ce moment « prendre les rênes » de Claude Cabana. Elle n’a pu faire cela qu’après l’installation dans les nouveaux bureaux en octobre 2012. Le témoin déclare qu’à partir de ce moment-là, plus rien ne partait sans qu’elle soit au courant.

[105]     Claude Cabana devait lui montrer ce qu’elle faisait. Elles ont ensuite numérisé tous les dossiers physiques des clients, afin de pouvoir ensuite les éliminer. Annie Chaussé lui faisait des suivis de courriels. Elle a imposé à Claude Cabana des méthodes de travail, ce à quoi cette dernière s’est pliée. Elle explique comment les dossiers ont été numérisés. Ils sont ensuite mis dans le système informatique qui est protégé par des mots de passe que seules elle et Claude Cabana connaissent. Ce processus a duré un an et est maintenant totalement complété.

[106]     Elle assure ensuite que le cabinet ne produit plus de relevés maison. Ceux qui sont envoyés aux clients sont récupérés directement sur les sites informatiques des compagnies d’assurances avec lesquelles ils ont contracté, dans leurs dossiers clients. Ces relevés leur sont ensuite envoyés à la fin du mois, par la poste ou par courriels. La procureure des intimées évoque la création de fausses adresses de courriels par Claude Cabana pour les rachats des parts de deux clientes. Annie Chaussé répond que cela a été fait alors qu’elle n’avait pas encore débuté ses activités en assurances de personnes.

[107]     Ni elle ni son cabinet n’avaient été certifiés à cet égard et Claude Cabana ne travaillait pas pour elle à ce moment-là. Cela a été fait avec la compagnie Empire-Vie, une société avec laquelle elle n’a pas de contrat. Évoquant une rencontre entre un client et Daniel Messier, le témoin indique ne l’avoir appris qu’au moment où elle a pris connaissance de la demande de l’Autorité. Requise d’identifier le contenu d’un document de Standard Life déposé en preuve[16], le témoin reconnaît sa signature sur ce document mais pas les autres documents qui lui sont relatifs. Elle ajoute ne jamais avoir utilisé un tel document de Standard Life.

[108]     Et à la date du document (18 août 2012), elle n’avait pas de client assuré auprès de cette compagnie. Elle croit que ce document ait pu être signé pendant le temps de crise créé par l’incendie de son bureau. Elle croit que seul Daniel Messier aurait pu lui faire signer ce document. Elle évoque ensuite une rencontre qui a eu lieu entre Daniel Messier et le premier investisseur le 27 septembre 2012. Le témoin connaissait cette rencontre mais croyait qu’il ne s’agissait que d’un repas entre deux amis. Mais elle ignorait que cela mènerait à un placement de 3 000 $ par cet investisseur. Elle reconnaît une lettre par laquelle ce dernier demandait le transfert de ses comptes auprès du cabinet d’Annie Chaussé[17].

[109]     Elle dépose en preuve copie de la lettre d’une cliente et de son chèque. La procureure des intimées a ensuite demandé au témoin quelles sont les mesures additionnelles qui ont été mises en place à son bureau pour assurer que Daniel Messier n’ait plus aucun contact avec son ancienne clientèle. Annie Chaussé répond qu’avant même avoir déménagé, les dossiers des clients avaient été numérisés et Daniel Messier ne pouvait plus y accéder. Et elle ne vit plus dans la même maison et son bureau a été déménagé. Et Daniel Messier ne peut y accéder.

Le contre-interrogatoire

[110]     La procureure de l’Autorité entame le contre-interrogatoire d’Annie Chaussé, intimée. Cette dernière reconnaît que Daniel Messier a perdu son contrat avec Empire-Vie vers le mois d’octobre 2011, époque où il aurait aussi tenté de se suicider. Elle explique pourquoi elle a alors obtenu son certificat pour exercer des activités en assurances; les divers événements survenus à cette époque (incendie, tentative de suicide de Daniel Messier) l’ont incitée à agir. Elle y pensait depuis un certain temps.

[111]     Elle exerçait déjà dans d’autres catégories d’assurances, mais elle a cru qu’en y ajoutant l’assurance de personnes, elle pourrait faire des ventes croisées. Traitant de la radiation de Daniel Messier, elle explique qu’elle savait qu’il y a quelque chose qui s’en venait mais ne se doutait pas que cela irait jusqu’à la radiation. Mais c’est son fils qui lui a annoncé cette radiation, après l’avoir entendu à la radio. Mais elle savait qu’il y avait une enquête de la Chambre de la sécurité financière en cours et que cela était reliée à la perte des contrats avec Empire-Vie, la falsification de documents et de l’appropriation de fonds.

[112]     Elle déclare que sa pratique en assurances de dommages l’a amenée à être autant sur la route qu’au bureau. Mais l’incendie de ce dernier l’a amené à être plus présente à la maison pour superviser les divers travaux. Elle donne les détails sur l’installation des bureaux dans la cuisine après cet incendie. Donc, les personnes qui y travaillaient pouvaient voir et entendre tout ce qui s’y faisait, dans le bruit des outils. Claude Cabana y avait un horaire de jour.

[113]     Quant au transfert de clientèle par la compagnie d’assurance, elle explique que cela était autorisé par l’agent général de cette compagnie qui fournissait le formulaire; on s’en servait pour effectuer le transfert de clients d’un agent à l’autre, tel qu’endossé par l’agent général. Elle reconnaît avoir signé ce document mais ce n’est pas elle qui l’avait rempli. Elle recevait cela par courriel, le signait et le renvoyait par courriel. Elle en explique la procédure. Ces demandes de transfert sont déposées par le témoin[18].

[114]     Le témoin indique avoir donné des consignes à Daniel Messier de ne plus répondre au téléphone. Et Claude Cabana, son adjointe, avait l’instruction de ne pas passer de téléphones à Daniel Messier, mais à elle seulement. Elle lui avait aussi dit de ne plus travailler pour Daniel Messier en matière d’assurances; Claude Cabana le savait clairement. Mais cette dernière a pu aider Daniel Messier pour mettre sur pied son entreprise de fleurs. Quant aux dossiers, ils étaient enfermés dans un classeur fermé à clef la nuit mais ouvert le jour. Et le bureau de Claude Cabana était dans une aire ouverte.

[115]     Mais elle ne pouvait empêcher l’accès au bureau par Daniel Messier. Le témoin déclare avoir ignoré que Daniel Messier avait fixé des rencontres avec ses clients d’assurances. Et à chaque fois qu’il rencontrait des clients, cela se passait quand elle était elle-même aller visiter des clients à l’extérieur du bureau. Et elle ne savait pas non plus qu’il appelait des clients à son insu; il n’a jamais fait cela devant elle de visu. Elle n’a su que plus tard qu’il avait rencontré des clients et qu’il en avait appelé d’autres, ne serait-ce que pour leur dire qu’Annie Chaussé serait leur nouvelle conseillère.

[116]     À cette époque, elle déclare n’avoir pas reçu la moindre consigne quant à savoir ce qu’elle pouvait ou ne pouvait pas dire ou faire quant à la situation avec Daniel Messier. Elle reconnaît avoir rencontré trois clients qui avaient obtenu leurs rendez-vous par l’intermédiaire de Daniel Messier; ce sont les trois seuls clients qu’elle a vus avec lui. Elle ne leur a pas dit qu’elle ne devait pas les voir avec lui. Dans le cas d’un de ces clients, elle avait reçu pendant l’été une police d’assurance conclue par Daniel Messier mais elle l’a reçue après la radiation de ce dernier.

[117]     Mais elle sait pertinemment qu’elle n’a pas le droit de livrer une police d’assurance qu’elle n’a pas elle-même vendu. Elle en a parlé avec l’agent général qui lui a dit d’attendre afin qu’il vérifie avec la compagnie. Il lui a ensuite dit qu’elle pouvait livrer la police d’assurance au client, ce qu’elle a fait. Le témoin déclare ne pas se souvenir d’avoir vu la lettre dans laquelle Daniel Messier déclarait avoir pris une préretraite. Quand ce dernier a perdu son contrat avec Empire-Vie, elle se souvient de la lettre dans laquelle on disait qu’un autre agent s’occuperait de ses dossiers.

[118]     Le témoin apprenait quand Daniel Messier avait vu des clients quand il revenait. Elle l’apprenait après coup parce Claude Cabana avait des documents ou qu’on lui présentait d’autres documents. Mais elle ignorait ces rencontres pendant qu’elles survenaient. Cela est arrivé trois ou quatre fois. Sa réaction fut très négative. Annie Chaussé déclare avoir dit plusieurs fois à Daniel Messier de ne pas parler aux clients, de ne pas aller les voir, de ne pas répondre à leurs téléphones, de ne pas leur retourner leurs courriels et « de ne pas la mettre dans le trouble ».

[119]     Elle ne reconnaît pas avoir signé après coup une proposition d’assurance qui avait été faite par Daniel Messier. Elle dit avoir signé une proposition pour son fils mais que Daniel Messier s’en est servi à son insu après avoir fouillé dans ses affaires. Elle a ensuite appris que Daniel Messier fouillait partout dans ses affaires. C’est pour cela qu’elle a quitté ce bureau. Elle déclare qu’il n’y a pas eu d’autre occasion où elle aurait signé ainsi un document en blanc.

[120]     Elle traite des nouvelles activités de Daniel Messier en aménagement paysager, ce qui le passionnerait. Elle traite du message de la boîte vocale téléphonique où Daniel Messier se présente comme « consultant ». Elle n’a pas eu connaissance qu’il se soit présenté comme consultant en sécurité financière à qui que ce soit. La procureure de l’Autorité fait entendre un enregistrement de février 2013 de cette boîte vocale; on y présente Daniel Messier comme « consultant »[19].

[121]     Traitant des relevés maisons préparés par Claude Cabana, elle déclare qu’elle n’en a su l’existence qu’au moment où elle a été interrogée par l’Autorité. Mais elle n’ignorait pas que son système informatique à l’époque pouvait générer des relevés maison qui n’étaient pas des relevés officiels de l’assureur. Voyant les pièces en questions[20], elle déclare que son système informatique ne pouvait les générer. Elle déclare qu’à partir de l’automne 2012, après que les problèmes liés à l’incendie eussent été réglés, elle a indiqué que plus rien ne devait sortir du cabinet sans son autorisation.

[122]     Elle a précisé ses méthodes de travail; aucun document ne sort du cabinet si elle ne les a pas vus. Elle voulait voir tout ce que faisait Claude Cabana et avoir accès à ses courriels. Mais les relevés de transaction datés du 6 novembre 2012[21] ont été faits à son insu. Après cette date, elle a vérifié systématiquement tout ce qui sortait de son cabinet.

[123]     Elle traite de son système informatique situé sur un nuage; il est sécurisé par un mot de passe. Daniel Messier n’y avait pas accès. C’est Claude Cabana qui est infor-mée de la réception des dépôts faits par l’assureur pour les clients car c’est elle qui fait la tenue de livres. Annie Chaussé déclare être dans le domaine de l’assurance depuis 27 ans. Elle sait devoir être inscrite auprès de l’Autorité pour agir dans ce domaine.

       L’argumentation des parties

                         L’argumentation de l’Autorité

[124]     La procureure de l’Autorité résume les demandes de l’Autorité à l’égard d’Annie Chaussé et d’ACDM. Elle demande également que l’inscription du cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc. soit radiée, rappelant que cet intimé n’a pas comparu au dossier. Elle rappelle quelle est la mission de l’Autorité, telle qu’elle est définie dans la loi ainsi que le but poursuivi par la Loi sur la distribution de produits et services financiers[22] :

« [47] Il n’est pas contesté que l’objectif premier de la Loi sur la distribution est la protection du public, notamment la protection du consommateur qui acquiert un produit d’assurance. »[23]

[125]     Elle plaide ensuite que cette dernière loi vise la protection du public en s’assurant que les intervenants du marché financiers aient les compétences requises pour conseiller adéquatement les consommateurs des produits d’assurances, en encadrant la profession. Évidemment, un cabinet doit être inscrit auprès de l’Autorité et les représentants qui travaillent pour ce cabinet doivent y être rattachés et détenir un certificat délivré par l’Autorité. Et un cabinet ne peut agir dans une discipline que par l’entremise d’un représentant dûment inscrit auprès de l’Autorité[24].

[126]     Or, plaide-t-elle, le cabinet ACDM a agi par l’entremise d’une personne non inscrite, à savoir Daniel Messier, alors que l’inscription de ce dernier était radiée. Elle déclare que des gestes ont été posés, ont été endossés, par acte ou par omission, par le cabinet ACDM et sa dirigeante responsable. Cela fait donc que le cabinet a agi par l’entremise d’une personne qui n’était pas inscrite. ACDM et Annie Chaussé n’ont donc pas respecté les prescriptions de la loi qui leur sont applicables. Elle rappelle d’ailleurs que le fonds d’indemnisation ne remboursera pas des détournements de fonds qui seraient commis par des personnes non inscrites.

[127]     Elle rappelle en plus qu’Annie Chaussé, exerçant une activité réglementée en s’étant inscrite comme représentante en assurances, de dommages ou de personnes, a comme corollaire, un niveau de diligence accrue. C’est ce qu’a écrit un auteur à cet égard :

« C'est tout le contraire des infractions réglementaires qui sont habituellement des dispositions accessoires aux régimes légaux autorisant certaines activités dans des limites déterminées d'avance et sous réserve de certaines conditions.  Avant qu'une autorité réglementante ne décide d'autoriser un particulier à exercer des activités réglementées, celui‑ci doit accepter de se conformer à un ensemble de règles et il doit être jugé capable d'exercer l'activité réglementée.  Le permis de conduire constitue un bon exemple de ce genre d'entente.  En effet, cette entente établit et certifie que le particulier connaît les normes qu'il doit respecter, qu'il est capable de le faire et qu'il reconnaît que, si sa conduite ne devait pas respecter ces normes, il pourra faire l'objet de mesures et de sanctions administratives prescrites par la loi, suivant des procédures qui tiennent compte de ses connaissances particulières.  On peut conclure du fait qu'un accusé participe à une activité réglementée et a satisfait aux "exigences" initiales qu'il connaissait ou qu'il était légalement présumé connaître les risques liés à cette activité. »[25]

[Italique dans l'original.]

[128]     La procureure a soumis que dans le présent dossier, on se retrouvait dans une situation similaire. Elle déclare qu’Annie Chaussé, en tant que titulaire d’un certificat en assurances, a choisi de s’inscrire auprès de l’Autorité, savait quelles étaient les obligations qui lui étaient dévolues, devait respecter le plus haut degré de diligence, de façon à ce que les actes posés par elle-même, par son cabinet et par ses employés, soient conformes aux dispositions applicables de la loi :

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

89. À moins d’avoir reçu d’un client le consentement visé à l’article 92, un cabinet inscrit dans une discipline de l’assurance tient, conformément au règlement, ses dossiers d’assurance séparément de ses autres dossiers.

91. Un cabinet doit s’assurer que ses représentants ne puissent avoir accès qu’aux renseignements nécessaires à l’exercice de leurs activités.

[129]     S’appliquant à réviser la preuve de l’Autorité dans le présent dossier qui a été présentée devant le tribunal, cette procureure déclare que cette preuve, qui n’a pas été contredite, permet de constater que Daniel Messier a rencontré des clients à la suite de sa radiation. Il leur a fait de nouvelles propositions. Il les a invités à faire de nouveaux placements. Il leur a expliqué des produits et des rendements. Il a formulé des recommandations à ses clients.

[130]     À ces occasions, il ne leur a jamais dit qu’il était radié par la Chambre de la sécurité financière et qu’il n’avait plus de droit de pratique. Mais pour ces clients, Daniel Messier était toujours habilité à agir. Et par la suite, ils ont reçu des confirmations de placement ainsi que des relevés maison du cabinet ACDM. Certains d’entre eux n’apprendront la radiation de Daniel Messier qu’au moment où ils rencontreront une enquêtrice de l’Autorité. Elle réitère les dépositions des divers témoins de l’Autorité à cet égard.

[131]     Elle rappelle entre autres l’usage par Daniel Messier du terme consultant qui lui est accolé et apparaît souvent dans le présent dossier dans les témoignages et sur certains documents. Le rôle de Claude Cabana est également évoqué. La procureure pointe la preuve documentaire du doigt à ce sujet. Elle évoque les témoignages de deux investisseuses pour lesquelles des adresses de courriel ont été forgées pour qu’elles puissent recevoir des retraits de leurs investissements une fois par mois.

[132]     Ces investisseuses ont témoigné que ces adresses ne leur appartenaient pas et qu’elles n’avaient jamais envoyé de courriels. Claude Cabana a admis dans son témoignage avoir créé ces adresses de courriels et avoir fait signer en blanc des feuilles de papier et des lettres pour que ces clientes reçoivent leurs retraits mensuels. Et dans le cas d’une investisseuse, ces courriels ont été utilisés à la suite de la radiation de Daniel Messier en juin 2012; elle ignorait qu’il ne pouvait plus agir comme représentant.

[133]     Une investisseuse avait appris que Daniel Messier avait été radié mais elle avait été rassurée car il agissait encore comme consultant. La procureure de l’Autorité évoque des rencontres de Daniel Messier avec des témoins et le fait qu’il ait pu leur dire qu’il prendrait une préretraite et qu’il transférait sa cliente à sa conjointe Annie Chaussé; il n’évoquait toujours pas sa radiation. Ce n’est que plus tard que ces témoins ont fini par réaliser qu’il ne pouvait plus agir pour leur compte.

[134]     La procureure pointe du doigt un formulaire de souscription à l’entête de Standard Life[26]; il est daté du 13 août 2012 et porte la signature d’Annie Chaussé. Cette dernière reconnaît l’avoir signé mais il y aurait quiproquo quant à savoir si elle l’a signé en blanc ou non. Ce formulaire a été envoyé à Standard Life et des fonds ont été placés auprès de cette compagnie. La procureure revient sur le témoignage de Claude Cabana. Cette dernière n’a pas avisé les clients que Daniel Messier était radié.

[135]     Elle a admis avoir fait les relevés mensuel maison expédiés aux clients en faisant du copier/coller du logo de la Standard Life. Elle a dit qu’on ne pouvait empêcher Daniel Messier d’accéder à son bureau et que ses activités comme adjointe n’avaient pas vraiment été supervisées directement par Annie Chaussé. Se penchant ensuite sur le témoignage d’Annie Chaussé, elle rappelle que celle-ci a déclaré qu’elle n’avait rien fait et qu’elle ne savait pas. Pour la procureure de l’Autorité, cela ne saurait être une défense pour une représentante, alors que des obligations lui sont imparties de par l’effet de la loi.

[136]     Pour la procureure, dans son témoignage, Annie Chaussé commence par dire qu’elle ne savait pas que Daniel Messier rencontrait des clients puis qu’elle le savait et qu’elle n’était pas contente. Annie Chaussé ne s’est pas étonnée que le message de la boîte vocale de son bureau mentionne que Daniel Messier est consultant puisque cela ne dit pas en quoi il est consultant. Or, c’est la boîte vocale du cabinet et on y réfère pas aux entreprises d’horticulture de Daniel Messier. Et ce message était encore actif en février 2013.

[137]     Annie Chaussé aurait appris la radiation de Daniel Messier par son fils mais a reconnu qu’elle était au courant de l’enquête de la Chambre de la sécurité financière et qu’il se passait quelque chose. Elle n’est donc pas tombée des nues quand elle a appris cette nouvelle. Annie Chaussé dit ne pas avoir effectué les transferts de la clientèle qui ont été faits par l’agent général; mais elle les a signés dès juin 2012, pour reprendre les dossiers de Daniel Messier. Cela prouve que dès cette date, elle avait entrepris des démarches pour reprendre la clientèle de ce dernier.

[138]     Annie Chaussé ne pouvait empêcher l’accès à son bureau mais a reconnu que les classeurs des dossiers clients restaient ouverts le jour et que Daniel Messier pouvait y avoir accès. Or, Annie Chaussé devrait savoir de par ses fonctions qu’elle devait garder de tels dossiers confidentiels. Annie Chaussé a dit avoir rencontré un client avec Daniel Messier, puis trois clients; mais elle ne leur pas dit que ce dernier n’était plus représentant.

[139]     La procureure de l’Autorité traite des trois nouvelles souscriptions effectuées par Daniel Messier alors qu’il n’était plus inscrit; ces trois investisseurs ont reçu des avis de confirmation des compagnies d’assurances qui indiquaient ACDM comme cabinet chargé du dossier. La procureure plaide qu’Annie Chaussé ne peut se contenter de dire qu’elle ne savait pas, niant sa connaissance des événements. Elle est inscrite depuis 27 ans. Elle fait porter le blâme sur Daniel Messier et Claude Cabana alors que cette dernière est pourtant toujours à son emploi.

[140]     La procureure souligne les contradictions du témoignage d’Annie Chaussé. Elle énumère les dispositions de la loi évoquées plus haut[27] qui lui confèrent des responsabilités comme dirigeante responsable. Ainsi, Annie Chaussé a fait défaut de superviser les activités de l’employée de son bureau. Et ni l’incendie ni la tentative de suicide ne sont des excuses. Elle aurait dû respecter les obligations qui lui étaient imparties par la loi. Et elle aurait pu interdire à Daniel Messier d’accéder à son bureau. Elle devait protéger la confidentialité des dossiers.

[141]     Elle a laissé son conjoint rencontrer son client. Et les actes reprochés ont eu lieu d’août 2012 à décembre 2012. À titre de représentante, elle devait dire à ses clients pourquoi elle reprenait les dossiers et ne pas remettre ce fardeau sur quelqu’un d’autre. En tant que dirigeante responsable, elle devait avoir une conformité irréprochable. Pour ce qui est des relevés maison, elle aurait pu poser des questions. Quand on reprend un cabinet et ses clients, on doit s’assurer de leur identité et ne pas se contenter de dire qu’on les prendra quand ils vont revenir, même si on est en présence d’un transfert en bloc.

[142]     Pour ce qui est des avis de confirmation, Annie Chaussé a dit qu’elle ne les regardait pas, mais que c’est Claude Cabana qui les recevait et les classait. Donc, l’intimée ne surveille pas ce qui rentre. Elle ne semble pas non plus surveiller les entrées de fonds versées dans son compte par les compagnies d’assurances; c’est Claude Cabana qui fait la comptabilité. L’intimée a dit ne voir que rarement le registre de commissions. Pour la procureure de l’Autorité, un dirigeant responsable ne devrait pas agir ainsi et laisser cela à quelqu’un d’autre.

[143]     La procureure rappelle que Daniel Messier a été radié pour cause d’appropriation de fonds. Dans ces circonstances, on ne peut se cacher derrière le fait qu’il s’agit de son conjoint, à qui on ne peut empêcher un accès, ou qu’il y a eu un incendie, pour ne pas faire de supervision. Quand on reprend des dossiers à la suite d’une décision d’une telle ampleur, on se doit, comme dirigeant responsable et représentant consciencieux, de regarder ce qu’il en est, de faire table rase du passé, de mettre en place des procédures, de superviser une nouvelle employée qui était l’adjointe administrative de Daniel Messier, pour s’assurer qu’il y ait des procédures claires et des mesures de contrôle strictes qui soient respectées.

[144]     Révisant les dispositions législatives qui lui sont applicables, la procureure de l’Autorité a plaidé qu’Annie Chaussé et le cabinet intimé n’ont pas respecté les règles de confidentialité prévues à l’article 30 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[28]. Elle n’a pas agi avec soin et compétence, elle a fait abstraction de ce qui se passait et elle a joué à l’autruche. La procureure cite les diverses dispositions de cette loi auxquelles ils ont manqué. Elle ajoute que les intimés ont permis à un non-inscrit d’avoir accès à des documents signés en blanc, ou signés par la suite par Annie Chaussé, permettant un exercice illégal de la profession de représentant.

[145]     Un non-inscrit a donc eu accès aux locaux du cabinet, aux dossiers et aux coordonnées des dossiers de clients. Et une employée du cabinet a fait de fausses adresses de courriel, en continuant à les utiliser alors qu’elle travaille pour le nouveau cabinet. Elle produit des relevés maison sans supervision. Pour cette procureure, l’utilisation du titre de consultant, les relevés maison, le texte de la boîte vocale, font qu’il y a un système pour que les clients n’apprennent pas que Daniel Messier a été radié.

[146]     Cela a été mis en place par Claude Cabana et Annie Chaussé; cette dernière comme représentante et dirigeante responsable devait pourtant s’assurer que les informations transmises à la clientèle soient véridiques et honnêtes. La procureure de l’Autorité soumet qu’il n’est pas possible que l’usage du mot consultant par Daniel Messier ne puisse référer à de la consultation en horticulture. Sur la boîte vocale du cabinet, son nom est mentionné entre deux autres représentants inscrits, identifiant uniquement et clairement le cabinet.

[147]     Et Annie Chaussé ne peut nier sa responsabilité et se contenter de dire qu’elle n’était pas au courant et qu’elle ne pouvait surveiller tout le temps. La procureure de l’Autorité soumet au Bureau que les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoient que l’aide à la pratique peut se faire par acte et par omission[29]. La protection du public est en jeu et cela nécessite une interprétation large et libérale des dispositions de la loi. Dire qu’on ne savait pas est même un facteur aggravant au dossier.

[148]     Il y a au dossier une dirigeante responsable qui n’exerce pas ses fonctions et qui refuse d’admettre qu’elle aurait pu agir autrement, en mettant en place des mesures strictes de surveillance et de contrôle. Référant à la jurisprudence, elle invite le Bureau à reconnaître la responsabilité des intimées dans la commission des gestes qui leur sont reprochés et de leur imposer les pénalités administratives proposées, ainsi que les mesures contenues dans la demande de l’Autorité.

[149]     La procureure de l’Autorité a conclu que le nombre et la nature des infractions commisses par les parties intimées constituent des facteurs justifiant le montant de la pénalité demandée et l’imposition des autres mesures demandées. Pour cette procureure, Annie Chaussé ne possède plus les qualités requises pour agir comme dirigeante responsable du cabinet ACDM ou de tout autre cabinet. Son remplacement est nécessaire pour la protection du public.

L’argumentation des parties intimées

[150]     D’emblée, le procureur des parties intimées brosse une toile de fond du présent dossier. Il constate que l’Autorité demande une pénalité administrative de 30 000 $ en présence d’une petite entreprise; cela hypothéquerait la vie de celle-ci. Et demander qu’Annie Chaussé ne puisse agir à titre de dirigeante responsable pour cinq ans fait qu’elle ne pourra plus travailler dans ce domaine. Il soumet qu’il faudrait une séparation de trois tâches dans ce domaine pour surveiller le personnel.

[151]     Ces trois tâches sont la production des documents, la comptabilisation des documents et l’aspect de communication. Or, en l’absence de séparation de ces trois tâches, il est impossible qu’il n’y ait pas place pour des événements comme ceux qui ont été commis par Daniel Messier et Claude Cabana. Il ajoute qu’Annie Chaussé n’a jamais fait l’objet de la moindre plainte avant la survenance du présent dossier. Il soumet qu’il y a ici un contexte particulier dont il faut tenir compte, même si ce n’est pas une excuse.

[152]     D’abord, Daniel Messier est le conjoint d’Annie Chaussé et leurs actifs sont unis. Il y a eu rupture du couple et il ne faudrait pas pénaliser l’intimée en plus après un divorce. Il ne faut pas mettre son futur en péril. Il rappelle ensuite que Claude Cabana a été l’adjointe de Daniel Messier. Il aurait peut-être été plus simple de la congédier mais, au moment du transfert, on ne sait pas qu’elle peut jouer dans le dos de sa nouvelle employeuse. Et il est de pratique courante dans un transfert d’entreprise de s’assurer que les personnes-clefs restent en place pour faciliter la passation des pouvoirs et une transition saine.

[153]     Et, rappelle-t-il, c’est Annie Chaussé qui a été fraudée par Daniel Messier et Claude Cabana. Au-delà des fautes déontologiques qu’on veut lui imputer, il y a eu une fraude à son égard; elle s’est fait jouer dans le dos par des gens qui ont mis son gagne-pain en péril. Pour ce procureur, il y a peu de moyens pour un dirigeant et pour une entreprise pour se prémunir contre la fraude. Il y aurait trois styles de contrôle, à savoir un contrôle de détection, permettant de détecter les anomalies après qu’elles auront été commises, des contrôles de prévention et des contrôles de dissuasion.

[154]     Il rappelle l’affaire Norbourg où un comptable agréé d’expérience a vérifié de faux documents comptables pendant un an et ne s’est rendu compte de rien. Il ne l’a su que par une lettre qui ne lui était même pas adressée. Il invite le Bureau à retenir le témoignage de Claude Cabana qui est extrêmement crédible car elle a avoué beaucoup de choses d’emblée. Et selon ce témoin, tout ce qu’elle a fait, et qui est reproché aux intimés, a été fait à l’insu d’Annie Chaussé, à la demande expresse de Daniel Messier, et elle n’en a pas parlé à postériori avec Annie Chaussé.

[155]     Le procureur des intimés déclare être en accord avec les reproches adressés par l’Autorité à l’égard de Daniel Messier. Il semblerait que ce dernier ait effectué un dépôt d’argent dans un mauvais compte; cette somme aurait été ensuite transférée dans un compte à part. Mais, lorsque le client s’est plaint, l’argent lui a été rendu immédiatement. Ici, le public n’a pas perdu d’argent. Cet épisode, été marqué par la radiation de Daniel Messier, le transfert de la clientèle, l’incendie du bureau; ces événements sont concomitants avec la radiation du conjoint. Ce sont des événements qui sont accablants et préoccupants.

[156]     Pour ce qui est de la confidentialité évoquée par la procureure de l’Autorité, il en reconnaît l’importance mais ajoute que Daniel Messier exerce une emprise sur Claude Cabana et qu’il est capable de demander à cette dernière tout ce qu’il veut savoir, à l’insu d’Annie Chaussé. Quand celle-ci répond qu’elle ne savait pas ce qui se passait, c’est une réalité. Elle ne dit pas au tribunal qu’elle ignorait la loi mais qu’elle ne savait pas ce que Daniel Messier tramait dans son dos. Se penchant sur une pièce déposée en preuve[30] que l’intimée aurait signé en blanc, il commente que ce n’est pas ce que la preuve démontre; Annie Chaussé a plutôt répondu qu’elle ne se souvenait pas de cette pièce.

[157]     Après cet épisode, l’intimée a déclaré avoir vérifié tous ses dossiers et que cette pièce était la seule qui était de cette nature. S’appliquant à regarder la preuve dans son ensemble, le procureur des intimés déclare que celle-ci révèle que Daniel Messier a continué ses activités après avoir été radié, avec l’aide de Claude Cabana qui n’ignorait pas que cela était inadéquat, et qui l’a fait à l’insu d’Annie Chaussé. Claude Cabana a admis la fabrication de faux relevés maison et la création de faux courriels.

[158]     Mais cela a eu lieu dans le dossier Empire-Vie, avec laquelle Annie Chaussé ne faisait pas affaires, et avant qu’elle n’ait reçu sa certification et n’entre en fonction. La preuve a révélé que trois clients ont été rencontrés avec Daniel Messier, en présence d’Annie Chaussé, mais qu’aucune fausse représentation n’ait été faite. Mais il ne voit pas en quoi, cela contrevient à la loi. Cela ne change en rien la protection du public. Il traite de l’incendie de mai 2012, remarquant au passage que tous les événements tournent autour de cette période, dont les actes reprochés à Daniel Messier.

[159]     Il a également été mis en preuve que le transfert des dossiers de Daniel Messier à Annie Chaussé s’est fait en bloc, avec la collaboration de l’agent général. Pour ce qui est du contenu de la boîte vocale, cela s’est fait à l’insu d’Annie Chaussé. Et il n’y est pas dit qu’il continue à agir comme représentant même si le titre de consultant n’y pèche pas par excès de clarté. Il ajoute que tous les témoins, sauf un, ont déclaré qu’ils ne connaissaient pas Annie Chaussé. Ils n’ont pas entendu parler d’elle.

[160]     Le procureur des intimés attire l’attention du Bureau sur le témoignage de Claude Cabana. Il soumet qu’elle est crédible lorsqu’elle déclare avoir posé des gestes à la demande de Daniel Messier, à l’insu d’Annie Chaussé, et sans en parler avec cette dernière après les faits. Il ressort clairement de cette preuve qu’on jouait dans le dos de cette dernière. Et cela est compatible avec ce dont elle a témoigné, à savoir qu’elle n’était pas au courant. Si elle avait donné son concours tacite ou même explicite pour ces gestes, on n’aurait pas eu besoin de lui jouer dans le dos.

[161]     Ces personnes ont agi ainsi parce qu’ils savaient qu’Annie Chaussé serait en désaccord avec ce qu’ils ont fait. La preuve est claire à cet égard et la thèse de l’Autorité en vient à s’écrouler. Claude Cabana contrôlait. Quant à Daniel Messier, il n’a pas témoigné; on ne peut donc savoir à quoi il pensait en commettant ces gestes. Il n’y a pas de preuve d’un gain pécuniaire par Annie Chaussé ni d’un préjudice subi par le public. S’adressant à la notion de récidive, il se demande si selon la preuve et les circonstances, Annie Chaussé était à ce point désordonnée, négligente et insouciante qu’elle en devient un risque.

[162]     Or, la preuve de ce qu’on lui reproche prend sa source dans le comportement de Daniel Messier, aidé par Claude Cabana. Référant à l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[31], le procureur soumet qu’il n’y pas de preuve qu’Annie Chaussé aurait commis des gestes empreints de malhonnêteté ou d’absence de loyauté à l’égard de ses clients. Ni la loi ni le règlement ne lui imposaient l’obligation de dire aux clients que Daniel Messier était radié. Le public n’avait pas à savoir cela mais seulement à apprendre qu’Annie Chaussé était en charge des dossiers.

[163]     Il s’interroge à savoir s’il n’y a pas une lacune dans la loi et que c’est peut-être à l’organisme professionnel d’aviser les clients de cette radiation. Quant à l’article 85 de la même loi qui prévoit de veiller à la discipline des représentants, il rappelle qu’Annie Chaussé n‘a pas de représentant. Elle n’a qu’une secrétaire. Pour ce qui est de l’article 86 de la même loi, il rappelle que Daniel Messier n’a jamais été son employé. Quant à Claude Cabana, il rappelle qu’un pan de la preuve couvre des événements à des moments où cette dernière n’était pas encore employée d’Annie Chaussé ou du cabinet.

[164]     Or, cette employée a agi à son insu. Dans un tel cas, une supérieure peut donner toutes les directives requises à une subordonnée, cela ne règle rien. Citant la jurisprudence[32], il soumet que l’obligation de surveillance des employés n’est pas une obligation de résultat, mais de moyen[33]. Il faut pour ce type de faute établir un manque de surveillance et de diligence de la part de la personne à qui on adresse un tel reproche[34]. Pour le procureur des intimés, il faut établir une preuve de négligence, d’insouciance ou de défaut de surveillance, ou la commission d’une faute individuelle et caractérisée, c.-à-d. une faute hors norme et inexcusable.

[165]     Or, continue-t-il, il n’y a pas ce genre de preuve dans le présent dossier. Claude Cabana a, à la demande de Daniel Messier, agi à l’insu d‘Annie Chaussé, sans même lui le révéler par la suite. Selon le procureur des intimés, il faut se questionner à savoir ce qu’une personne diligente et raisonnable aurait dû faire. Quelle est son obligation de moyen raisonnable ? Qu’est-ce qu’une personne diligente et prudente devait faire face à une personne qui lui jouait dans le dos. Si le Bureau reconnaît la démonstration de la procureure de l’Autorité, il devra ensuite s’interroger à savoir si Annie Chaussé a fait montre de diligence raisonnable malgré tout.

[166]     Or, Annie Chaussé a mentionné à Claude Cabana que c’est à elle que cette dernière devait se rapporter. Elle a décidé de numériser les dossiers de tous les clients, une lourde tâche pour une petite entreprise. L’intimée a fait ce qu’elle avait à faire mais n’a pas obtenu la fidélité de Claude Cabana, Daniel Messier ayant encore le contrôle, du fait de sa collusion avec son ancienne adjointe. Et il faut se souvenir de la petitesse de l’entreprise et de la petite taille de ce bureau. Il a fallu une enquête de l’Autorité pour découvrir le pot-aux-roses.

[167]     Il invite le Bureau à se rappeler la réaction d’Annie Chaussé à ces événements pendant l’audience, pour en conclure qu’elle n’a pas commis d’infraction. Si le Bureau conclut qu’elle a commis cette infraction, il ne doit pas imposer une sanction hors de proportion avec son statut particulier. Lui imposer une suspension de cinq ans la priverait du droit de gagner sa vie. Quant au montant de pénalité demandé, il rappelle que sa cliente n’a jamais subi de reproche antérieurement, que les événements tournent autour d’un feu et d’un transfert de clientèle à la suite de la radiation de Daniel Messier.

[168]     Il invite le Bureau à considérer que les clients n’ont pas subi de pertes. Annie Chaussé n’a pas retiré d’avantages pécuniaires, elle a une expérience de 27 ans sans tâche, à part les gestes posés dans son dos, il y a l’absence d’un caractère intentionnel et l’intégrité des marchés n’a pas été affectée. Quant à l’aspect dissuasif, il constate que la personne intimée ne s’est pas défilée. Si elle mérite une peine, elle devrait être beaucoup plus limitée.

La réponse de l’Autorité

[169]     En réponse, la procureure de l’Autorité rappelle que la capacité de payer de l’intimée n’a pas été mise en preuve. Elle ajoute que le fait de l’empêcher d’agir à titre de dirigeante responsable ne l’empêche pas de gagner sa vie; elle pourra continuer son travail de représentante, mais sous la supervision d’un dirigeant responsable qui veillera à la conformité. Elle rappelle ensuite que dans le présent dossier, pour pouvoir avoir un relevé, une confirmation de dépôt, il est nécessaire qu’il y ait une intervention positive par quelqu’un qui fournit une autorisation.

[170]     En d’autres mots, il n’y aura pas de nouveaux placements si cela ne transite pas par le cabinet. La dirigeante responsable du cabinet doit alors vérifier ces relevés transmis par l’assureur, ce que Annie Chaussé a reconnu ne pas avoir fait. Elle ne regardait ni les avis de confirmation classés au dossier par Claude Cabana ni les relevés des assureurs faisant état des commissions. Elle continue en déclarant qu’on ne peut imposer l’obligation aux clients d’être celui qui vérifie ces documents.

[171]     Quant à l’appropriation de fonds, elle rappelle que la décision du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière relative à Daniel Messier[35] souligne qu’il y a eu une telle appropriation, malgré les propos de l’avocat des intimées au contraire. Elle rappelle qu’Annie Chaussé et Daniel Messier étaient des conjoints, ce qui introduit un élément de continuité et de confiance. Il y a ici une différence entre dire qu’une personne a été radiée, pour appropriation de fonds, et dire qu’elle est en préretraite. Annie Chaussé aurait dû dire que c’était dorénavant elle qui était en charge.

[172]     La procureure de l’Autorité constate que la défense d’Annie Chaussé est de dire que tout avait été fait à son insu, avec l’aide de Claude Cabana, qui a reconnu ce fait. Or, continue-t-elle, si elle avait mis en place des procédures de surveillance, elle aurait constaté tout cela, surtout si on tient compte de la petitesse du cabinet. Elle doit alors avoir une conformité irréprochable pour superviser sa seule employée, qui semblait avoir plutôt une loyauté envers son ex-conjoint. Mais Annie Chaussé n’a rien mis en place.

[173]     Citant la jurisprudence[36], elle déclare que le fait de donner des directives n’est pas suffisant et qu’il faut avoir un système de contrôle pour en vérifier l’observance. Or, la preuve est à l’effet qu’Annie Chaussé a dit à Daniel Messier de ne plus faire les gestes reprochés et à Claude Cabana qu’elle était sa boss ! Rien d’autre n’a été accompli, alors qu’elle aurait dû agir dès qu’elle a su que Daniel Messier avait rencontré un client. Cela se serait même passé à quelques reprises et elle le savait.

[174]     Ce sont des actes illégaux; trois ou quatre clients y ont fait référence en cours d’audience. Elle aurait aussi pu mettre les dossiers sous clef, vérifier la boîte vocale; ce sont des gestes simples. Elle aurait dû superviser le travail de Claude Cabana, ce qu’elle n’a pas vraiment fait avant le mois de novembre 2012. Elle aurait pu faire les suivis, comme regarder les avis de confirmation et les registres envoyés par les assureurs, ce qu’elle n’a pas fait. Elle aurait pu déménager les bureaux plus tôt. Cela aurait pu faire que les actes reprochés n’auraient pu être posés. Mais, reproche la procureure de l’Autorité, elle n’a rien fait.

[175]     Pour ce qui est du document signé en blanc, Annie Chaussé a déclaré que cela était pour son fils, ce qui est contradictoire. Quant à l’usage du mot consultant sur la boîte vocale, entre les noms des autres personnes identifiées, elle soumet que cela consiste à induire le public en erreur. Elle traite du cas de l’incendie. Elle traite ensuite du fait d’Annie Chaussé qui se contente de répéter qu’elle ne savait pas et que les choses se sont toujours passées à son insu. Et elle s’étonne qu’Annie Chaussé ait gardé Claude Cabana à son emploi. Elle aurait dû agir.

[176]     La procureure des intimées soumet que la preuve de l’Autorité de transactions faites par ACDM dont sa cliente aurait été au courant a surtout été faite par supposition, une preuve simplement circonstancielle. Elle ajoute qu’Annie Chaussé a toujours dit aux clientes rencontrées qu’elle était dorénavant responsable de leurs dossiers.

[177]     Elle reconnaît qu’Annie Chaussé a pu agir tardivement, mais parce que l’enquête n’avait pas encore révélé ce qui se passait dans son dos. C’est ce que cette procureure a plaidé depuis le début. Mais on ne peut dire qu’elle n’a rien fait, comme le prétend l’Autorité. Elle a divorcé, elle a déménagé son bureau, elle n’habite plus avec Daniel Messier, elle a informatisé tous ses dossiers. Elle a collaboré avec l’Autorité. Puis on n’a pas mis en preuve si Claude Cabana travaille encore pour Annie Chaussé.

L’ANALYSE

[178]     Dans le présent dossier, le Bureau note d’emblée que l’inscription du cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc. pour les disciplines de l’assurance de personnes et l’assurance collective a été suspendue depuis le 10 octobre 2012. Aucun représentant n’y était rattaché au moment de l’audience. Il appert également que ce cabinet a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[37] le 4 septembre 2012. L’Autorité a demandé au Bureau de radier l’inscription de ce cabinet. Le Bureau n’a aucune raison de ne pas accéder à cette demande, vu les circonstances.

[179]     Pour ce qui est d’Annie Chaussé et du cabinet ACDM, le Bureau constate, après avoir pris connaissance de la preuve, être en face d’une situation un peu spéciale. De nombreux gestes sont reprochés à ces deux intimés. De la preuve de ces événements, le Bureau retient la création de fausses adresses de courriel et des demandes de rachat d’investissement par des investisseurs. Cela a été fait auprès de leurs compagnies d’assurance, sans qu’ils aient signé quoi que ce soit.

[180]     Il s’est avéré que Daniel Messier a continué à rencontrer certains clients après sa radiation par la Chambre de la sécurité financière; on parle ici de cinq à six clients. Ajoutons à cela de fausses adresses de courriels créées par Claude Cabana, ancienne assistante de Daniel Messier et, depuis ce temps, assistante d’Annie Chaussé dans le cabinet dont cette dernière est la dirigeante responsable. Mais il est très important de noter que ces actes, et certains autres, se sont généralement passés en l’absence d’Annie Chaussé, principale intimée en la présente affaire et parfois même, avant qu’ACDM ne soit inscrite en assurances de personnes[38].

[181]     Les manquements à la loi et aux diverses réglementation ne manquent pas dans le présent dossier. Mais ils sont essentiellement le fait de Daniel Messier. La preuve est claire qu’il est celui qui rencontrait illégalement les clients, renouvelait leurs assurances ou leurs placements alors qu’il avait cessé d’être inscrit pour ce faire. Et il a fait cela avec l’aide de Claude Cabana, dont le rôle a été plus qu’équivoque dans tout ce dossier. Elle ne s’en est d’ailleurs pas cachée lors de son témoignage, reconnaissant ouvertement les nombreux gestes qu’elle a commis.

[182]     Ainsi, elle a créé de fausses adresses courriels pour deux clientes du cabinet. Elle leur a fait signer des formulaires en blanc de retrait, tout en y omettant de référer au nom de Daniel Messier. Elle a créé de faux entêtes de documents, les copiant sur les sites Internet de compagnies d’assurances. Elle savait dès octobre 2011 que Daniel Messier avait omis de payer un client d’Empire-Vie et que cette dernière avait mis fin à ses relations avec ce dernier. Elle n’a pas avisé les clients de ce fait. Elle savait de plus que Daniel Messier continuait pourtant d’assurer des services à des clients d’Empire-Vie.

[183]     Non seulement n’a-t-elle pas avisé les clients de Daniel Messier que l’inscription de ce dernier avait été radiée mais elle leur a référé une lettre de ce dernier sur sa supposée préretraite. Elle a dicté sur la boîte vocale du bureau le message présentant Daniel Messier comme « consultant ». Elle a envoyé aux clients de Daniel Messier des relevés de compte à son nom, malgré sa radiation. Elle a copié l’entête de Standard Life et de Manuvie sur des documents à la demande de Daniel Messier.

[184]     Du propre aveu de Claude Cabana, Annie Chaussé ignorait cela. Elle n’aurait pas vu les relevés fabriqués par son assistante, et ce, jusqu’en décembre 2012. Claude Cabana aurait même refusé de parler de tous ces faits à Annie Chaussé, de peur que cela ait des effets sur sa vie de couple avec Daniel Messier. Claude Cabana a même reconnu que, même après avoir commencé à travailler pour Annie Chaussé en août 2012, elle a, à la demande de Daniel Messier, continué à envoyer des relevés à des clients de ce dernier, à l’insu d’Annie Chaussé.

[185]     Elle aurait dit à une cliente que Daniel Messier était consultant. Ce n’est que plus tard qu’elle finira par se rendre compte que ce qu’elle faisait allait à l’encontre des directives d’Annie Chaussé et qu’elle a cessé de poser de tels gestes. Et les dépositions des divers témoins qui ont été entendus devant le tribunal pointent généralement dans la même direction. Pour la plupart, ces investisseurs n’ont pas fait affaires avec Annie Chaussé. Certains autres avaient entendu parler d’elle et certains ne connaissaient même pas son nom.

[186]     Or, tous ces témoins sont venus déposer qu’ils n’avaient pas fait affaires avec Annie Chaussé; seul l’un d’entre eux a traité d’assurance-automobile avec elle il y a un certain temps. C’est Daniel Messier qui était leur représentant. C’est avec lui qu’ils ont traité, même après sa radiation. C’est lui qui leur a vendu des produits d’assurance et de placement. Mais jamais, n’ont-ils, pendant la période couverte par la preuve, fait affaires directement avec Annie Chaussé. Daniel Messier est le grand responsable de tout cela, avec l’aide de Claude Cabana.

[187]     Cette dernière se doutait bien que tout cela n’était pas très légal, sans que cela ne l’arrête d’ailleurs. En fait, Annie Chaussé pourrait presque être pour le tribunal la grande absente de la preuve de l’Autorité. Quant à celle-ci, elle a témoigné n’avoir appris qu’assez tard la radiation de Daniel Messier. Mais surtout, elle a affirmé ignorer en grande partie la commission des faits reprochés au présent dossier, rappelant au passage que certains de ces événements avaient eu lieu avant même qu’elle n’ait obtenu sa certification en assurance de personnes.

[188]     Elle a témoigné ignorer l’existence de la lettre relative à la préretraite de Daniel Messier. Elle ne connaissait pas le contenu de la boîte vocale de Daniel Messier l’identifiant; c’est Claude Cabana qui l’a enregistré et elle n’a pas écouté le texte. Elle ignorait également que Daniel Messier avait rencontré des clients pour le transfert des dossiers; si elle a rencontré des clients en présence de Daniel Messier, c’est parce qu’ils avaient le même bureau. Et il les rencontrait pendant qu’elle était à l’extérieur du bureau pour rencontrer d’autres clients.

[189]     Dans le cas de l’investisseur qui a investi 3 000 $ par l’intermédiaire de Daniel Messier, elle croyait que ce dernier ne voyait cet investisseur que pour partager un repas. Elle ignorait que Claude Cabana avait préparé des relevés maisons et les avait envoyés à des clients. Elle ignorait l’usage illégal de logos de compagnies d’assurance.

[190]     Elle ignorait la création de fausses adresses de courriels pour deux clientes; cela avait été fait avant qu’elle n’ait débuté ses activités en assurances de personnes. Ajoutant à cela la désorganisation créée par l’incendie de sa maison et de son bureau. Pour le transfert des dossiers d’assurance, cela s’est fait en bloc d’un cabinet à un autre cabinet après qu’elle eût fait application auprès des compagnies d’assurance, avec l’accord de l’agent général.

[191]     Et cette ignorance des faits principaux qui sont reprochés à Annie Chaussé et à son cabinet est en partie corroborée par le témoignage de Claude Cabana. Elle a clairement reconnu, avec sa franchise un peu rude, avoir trompé l’intimée, en lui cachant une bonne partie des faits et manquements que l’Autorité reproche à celle-ci d’avoir commis. Ce n’est que vers la fin de 2012 qu’elle semble avoir corrigé son comportement et suivre les instructions de sa nouvelle patronne.

[192]     Mais pour l’Autorité, Annie Chaussé et son cabinet, ACDM, ont agi par l’entremise d’une personne dont l’inscription avait été radiée. Des gestes ont été posés et ont été endossés, par acte ou par omission, par ce cabinet et par sa dirigeante qui de ce fait, n’ont pas respecté les prescriptions de la loi. En fait, Annie Chaussé, comme personne inscrite, aurait dû faire preuve de diligence à titre de personne inscrite. À cet égard, l’Autorité estime que la preuve des faits qu’elle a présentée n’a pas été contredite.

[193]     Mais l’Autorité frappe plus juste lorsqu’elle adresse des reproches à Annie Chaussé comme représentante inscrite et comme dirigeante responsable d’ACDM. Cela touche d’au plus près du problème qu’elle soulève. Cette personne et son cabinet détiennent une inscription pour agir dans le domaine des assurances. Annie Chaussé est de plus dirigeante responsable du cabinet ACDM. Cela entraîne des devoirs. Comme le dit la doctrine évoquée par l’Autorité, Annie Chaussé et ACDM ont été autorisés à agir dans ce domaine par l’Autorité.

[194]     À partir de ce moment, ils leur appartenaient de se soumettre aux règles qui leur étaient imposées. Ils doivent connaître ces règles et évidemment les respecter. Ils doivent également connaître les risques que cela implique. Si ces parties ne respectent pas ces règles, elles peuvent devoir subir des mesures et des sanctions qui sont prévues à cet égard. Comme cela est indiqué plus haut, le Bureau est conscient qu’une bonne partie des gestes reprochés dans le présent dossier ont été commis à l’insu d’Annie Chaussé et le tribunal doit tenir compte de ce fait important.

[195]     Mais en même temps, le Bureau doit être sensible au fait que le cabinet exerce ses activités par l’entremise d’un représentant inscrit. Et un dirigeant d’un tel cabinet est tenu d’agir avec soin et compétence, de veiller à la discipline de ses représentants de manière pour qu’ils agissent en conformité avec la loi en vigueur[39]. Également, le cabinet doit veiller à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la loi en vigueur.

[196]     Lorsqu’une personne est nommée dirigeante responsable, il est littéralement attendu de sa part qu’elle saisisse cette occupation à bras-le-corps. C’est une lourde responsabilité mais il est du sentiment du Bureau qu’Annie Chaussé n’a pas su faire cela dans son entièreté. Il est évident qu’on lui a caché bien des choses mais il apparaît aussi de la preuve au dossier qu’elle a peut-être été trop complaisante. Ainsi, elle a dit n’avoir appris la radiation de son conjoint Daniel Messier qu’assez tard mais que, par contre, elle savait qu’il y avait quelque chose qui s’en venait à ce sujet.

[197]     Elle aurait su dès octobre 2011 que Daniel Messier avait perdu ses contrats avec la compagnie d’assurance Empire-Vie. Elle a reconnu savoir qu’il y avait une enquête de la Chambre de la sécurité financière avec la perte des contrats d’Empire-Vie, la falsification de documents et l’appropriation de fonds. Il semble que depuis un certain temps, certains feux rouges étaient allumés mais qu’elle prétendait qu’elle ne les avait pas détectés. Elle a su que Daniel Messier avait rencontré des clients illégalement lorsqu’il lui remettait la documentation à ce sujet. Elle a déclaré qu’elle ignorait les transferts de clientèle mais elle les a signés en juin 2012; elle avait donc entrepris des démarches assez tôt à cet égard. Elle devait avoir une idée de ce qui se passait.

[198]     Annie Chaussé a déclaré ignorer que Daniel Messier rencontrait encore des clients après sa radiation pour ensuite dire qu’elle le savait et que cela l’a mise en colère. Elle a rencontré des clients de Daniel Messier mais a omis de leur dire qu’il n’était plus représentant. Elle n’a pas non plus dit à ses clients pourquoi c’est elle qui reprenait leurs dossiers, laissant cette charge à quelqu’un d’autre. Elle n’a pas posé de questions sur la fabrication de relevés-maison. Toujours selon son témoignage, elle ne semble pas avoir surveillé ni les avis de confirmation, ni les entrées de fonds car c’est Claude Cabana qui faisait la comptabilité. Elle a reconnu n’avoir vu que rarement le registre des commissions.

[199]     Selon la preuve, Annie Chaussé a effectué le transfert en bloc des clients de Daniel Messier vers son cabinet, par l’entremise de l’agent de transfert. Mais ce n’est que lorsqu’elle rencontrait un client qu’elle pouvait lui dire qu’elle s’occupait de ses affaires. Aux yeux de l’Autorité, cela était insuffisant et Annie Chaussé aurait dû les aviser au moment du transfert, sans attendre de les rencontrer un à un, au gré du hasard. Dans cette situation, elle aurait dû faire usage d’une procédure plus systématique. Le Bureau est d’accord avec cela.

[200]     Pour l’Autorité, Annie Chaussé ne semble pas avoir surveillé ce qui entrait de manière assez générale; pourtant une dirigeante responsable ne devrait pas laisser de telles tâches à quelqu’un d’autre. Il y a également les problèmes avec Claude Cabana. Manifestement Annie Chaussé n’a pas su contrôler cette dernière rapidement et superviser correctement ses activités, ce qui était pourtant un devoir de sa charge, d’autant plus que cette dernière mettait en péril l’intégrité du cabinet, pour toutes les raisons qui ont été longuement évoquées tout au long de la présente décision.

[201]     Dès qu’elle l’a engagée, en juillet 2012, Annie Chaussé aurait dû s’assurer de vérifier toutes les méthodes employées par celle-ci. Une rapide prise de contrôle de toutes les activités de ce cabinet, y compris celles exercées par Claude Cabana, aurait possiblement permis d’éviter une partie de la dérive dont l’Autorité a fait la preuve. Et le Bureau s’étonne d’ailleurs qu’au moment de l’audience, Claude Cabana ait encore été à l’emploi d’ACDM.

[202]     Il y a également tout l’aspect de la confidentialité des activités du cabinet pour laquelle il y a eu manquement. Le tout a été largement décrit plus haut. Quand on finit par savoir que son conjoint a été radié pour cause d’appropriation de fonds, on doit mettre la méfiance à l’ordre du jour. Cela commence par le respect des règles de confidentialité[40]. Annie Chaussé aurait dû assurer le respect du secret des dossiers de sa clientèle, limiter l’accès aux locaux, ne pas permettre à Daniel Chaussé d’y accéder. Le Bureau est conscient des problèmes créés par l’incendie de la maison et du bureau adjacent, les problèmes matrimoniaux d’Annie Chaussé et de Daniel Messier et la tentative de suicide de ce dernier.

[203]     Il reconnaît que ce sont des événements graves, susceptibles de désorganiser pour un temps les activités du cabinet. Mais on ne peut en même temps se cacher indéfiniment derrière le tout pour se retenir de prendre le contrôle des opérations et faire finalement ce qu’Annie Chaussé a fait et déplacer ses opérations ailleurs, hors de la portée de Daniel Messier. Il aurait peut-être été bon aussi de plus se méfier de Claude Cabana. Annie Chaussé aurait eu de bonnes raisons de rapidement se demander quelle est la part que cette dernière a prise dans les activités illégales de Daniel Messier, à partir du moment où elle se doutait qu’il se passait quelque chose avec ce dernier avec la Chambre de la sécurité financière. C’est sûrement là le rôle d’une dirigeante responsable.

[204]     Il est clair qu’une personne non-inscrite a eu accès aux locaux du cabinet; elle a pu accéder aux dossiers des clients et à leurs coordonnées, ce qui aurait pu lui permettre d’ensuite rencontrer certains d’entre eux et faire des transactions illégales. Rappelons aussi les problèmes de la boîte vocale. Il devient alors de plus en plus difficile pour le Bureau de laisser Annie Chaussé se cacher entièrement derrière sa prétendue ignorance des événements reprochés. Il est vrai qu’elle n’en connaissait vraiment pas certains, mais pour plusieurs autres, on peut dire au mieux qu’elle ne voulait peut-être pas les voir. Pour le Bureau, il y a une part d’aveuglement volontaire de cette intimée, ce qui influence sa décision.

[205]     Cela entre en collision avec les obligations d’une dirigeante responsable, qu’elle a bien mal assumées. Or, en droit, le Bureau rappelle qu’il avait, dans la décision Avro[41], traité du travail de représentants qui n’avait pas été accompli adéquatement, ce qui engageait de la responsabilité du cabinet qui avait manqué à ses devoirs :

« [132]  Ce faisant, Avro a fait défaut de respecter la disposition de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui lui enjoint d’agir avec soin, compétence et loyauté dans ses relations avec ses clients[24]. Comme le demande l’article 27 de cette loi, un représentant d’Avro aurait dû personnellement recueillir les renseignements des clients pour leur proposer un produit d’assurance lui convenant le mieux, et ce non, seulement au moment de la vente initiale de l’assurance mais également au moment de son renouvellement. Ce n’était ni un employé de concessionnaire ni celui d’Autonum qui pouvait faire cela.

[...]

[140]  C’est pourquoi le Bureau considère qu’Avro a manqué à ses devoirs prévus à la loi, tel que cela a été démontré tout au long de la présente décision. Des représentants inscrits pour son compte auraient dû recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins des clients afin de proposer le produit d’assurance convenant le mieux à ces derniers. Ils auraient dû, avant de conclure le contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec ses besoins et lui préciser la nature de la garantie offerte.»[42]

[référence omise]

[206]     Dans la décision Groupe Financier Lemieux inc.[43], le Bureau s’est penché sur la responsabilité d’un cabinet et de son dirigeant responsable quant à leur devoir de surveillance. Le Bureau a alors déclaré :

« [102]  Le cabinet et ses dirigeants ont la responsabilité de veiller à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ces derniers agissent en conformité avec la LDPSF et ses règlements. De plus, le cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent en conformité à la LDPSF et à ses règlements. Le cabinet est également responsable de tenir les dossiers de ses clients conformément aux règlements.

[103]  Dans le présent dossier, plusieurs manquements ont été constatés ; il était de la responsabilité du cabinet et de son dirigeant Claude De Bellefeuille de voir à la conformité des activités du cabinet et de ses représentants. Claude De Bellefeuille a, à titre de dirigeant du cabinet, failli à son obligation de veiller à la conformité des activités des représentants du cabinet.

[104]  L’article 115 de la LDPSF prévoit que le Bureau peut imposer une pénalité administrative à l’encontre notamment d’un cabinet et de son dirigeant pour un manquement à la LDPSF ou à ses règlements. Le dirigeant peut également se voir imposer une pénalité pour avoir aidé à l’accomplissement d’un manquement à la loi ou à ses règlements de la part du cabinet. »[44]

[références omises]

[207]     Pour le Bureau, Annie Chaussé et ACDM, intimés en l’instance, ont manqué à ces obligations de compétence auxquelles il est fait référence plus haut et qu’ils ont le devoir d’exercer en tout temps. Ce faisant, ils ont contrevenu à la loi. Annie Chaussé a, souvent par omission, fait défaut d’exercer adéquatement ses responsabilités de dirigeante responsable. Comme cela est indiqué plus haut dans la doctrine, quand une personne s’engage dans une activité réglementée, cela suppose la connaissance des règles qui la régissent et la possibilité que si on y contrevient, cela entraîne des sanctions.

[208]     Annie Chaussé avait, à titre de représentante, mais également à titre de dirigeante responsable, le devoir de se conformer aux règles décrites plus haut, ce qui est le corollaire du fait qu’elle, ainsi que son cabinet, soient autorisés à agir dans le domaine de l’assurance. Et cela peut entraîner l’imposition de sanctions lorsqu’on fait le défait de s’y conformer. La protection du public est à ce prix.

[209]     Dans le dossier Groupe financier Lemieux inc., précédemment cité[45], le Bureau a énuméré un certain nombre de facteurs susceptibles de l’assister dans l’imposition de sanctions à l’égard des personnes lorsque des faits qui leur ont été reprochés par l’Autorité sont avérés.

« [105]  Dans l’analyse de l’opportunité d’imposer des sanctions telles que celles qui sont demandées par l’Autorité, le tribunal en revient aux facteurs qu’il a développés dans le cadre de ses décisions antérieures :

●   La gravité des gestes posés par le contrevenant;

●   La conduite antérieure du contrevenant;

●   La vulnérabilité des clients sollicités;

●   Les pertes subies par les clients;

●   Les profits réalisés par le contrevenant;

●   L’expérience du contrevenant;

      ●   La position et le statut du contrevenant lors de la                               perpétration des faits reprochés;

●   Le caractère intentionnel des gestes posés;

●   Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la                     conduite du contrevenant;

      ●   Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé,   constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant mais        également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter;

●   Le degré de repentir du contrevenant;

●   Les facteurs atténuants; et

●   Les sanctions imposées dans des circonstances       semblables »[46]

[210]     De ces facteurs, le Bureau retient un certain nombre susceptibles de l’aider à évaluer les sanctions à imposer :

o    La gravité des gestes posés par les contrevenants :

Le Bureau a tout au long de la décision analysé les gestes reprochés au cabinet et à sa dirigeante responsable. Il retient essentiellement que cette dernière a, par une forme d’aveuglement, omis d’exercer les devoirs imposés par la loi, tel que cela est décrit tout au long de la présente décision.

o    La conduite antérieure du contrevenant :

ACDM et Annie Chaussé n’ont pas d’antécédents retenus contre eux dans le passé. Il n’y a pas de plainte à leur encontre et la dirigeante responsable n’a pas de dossier disciplinaire devant l’Autorité.

o    Les pertes subies par les clients :

Les activités illégales reprochées dans le présent dossier n’ont pas entraîné de pertes pour les cinq ou six clients au dossier, même à la suite des opérations illégales de Daniel Messier.

o    Les profits réalisés par les contrevenants :

Les parties intimées n’ont pas retiré de gains pécuniaires des opérations reprochées.

o    L’expérience des contrevenants :

Annie Chaussé a 27 d’expérience du domaine des assurances.

o    La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés :

Annie Chaussé était représentante inscrite et dirigeante responsable du cabinet ACDM.

o    Le caractère intentionnel des gestes posés :

L’ignorance par Annie Chaussé de la commission de plusieurs des faits reprochés au présent dossier, tel que prouvé au cours de l’audience, tend à prouver qu’il est difficile de conférer un caractère intentionnel à la commission de ces faits. Cependant, un certain aveuglement volontaire de la part d’Annie Chaussé quant à la commission de certains autres manquements prouvés laisse croire qu’elle se doutait de quelque chose ou qu’elle commettait une grave négligence.

o    Les dommages causés à l’intégrité des marchés :

Dans le présent dossier, les dommages créés au marché sont négligeables.

o    Le facteur dissuasif :

La sanction imposée ne peut qu’avoir un effet dissuasif sur Annie Chaussé et le cabinet ACDM mais également sur d’autres cabinets et dirigeants responsables qui devraient être induits à éviter de répéter la conduite négligente reprochée.

o    Le degré de repentir du contrevenant

L’attitude adoptée par Annie Chaussé au cours de l’enquête de l’Autorité et de l’audience du Bureau amène ce dernier à croire qu’elle conserve une certaine attitude de déni face aux faits reprochés, alors qu’il est plutôt du sentiment du Bureau qu’elle a plutôt fait montre d’un certain aveuglement volontaire face à des faits dont elle avait pourtant raison de croire qu’ils pouvaient avoir lieu.

Une dirigeante responsable a le devoir de mettre en place des systèmes lui permettant de détecter rapidement ce genre de comportement et de les corriger prestement pour qu’ils ne se répètent pas. En faisant montre de négligence à cet égard, elle a plutôt permis qu’ils se perpétuent plus longtemps, ce qu’elle a eu tendance à nier alors que la preuve de l’Autorité est au contraire. Certaines explications sont plus ou moins plausibles et le degré de repentir d’Annie Chaussé est ici plutôt faible.

o    Les facteurs atténuants :

Selon la preuve, plusieurs des faits reprochés aux parties intimées ont été commis à l’insu d’Annie Chaussé et d’ACDM. Certains des faits reprochés ont eu lieu avant même qu’ACDM ne soit inscrit en assurance de dommages auprès de l’Autorité; ils sont entièrement attribuables à Daniel Messier et Claude Cabana.

La maison et le bureau attenant d’Annie Chaussé ont brûlé pendant la période couverte; cela a été un facteur réel de réorganisation pendant la période de reconstruction. Cela ne s’est véritablement résolu que par le départ d’Annie Chaussé de cet endroit.

Daniel Messier et Annie Chaussé étaient des conjoints. Les événements mis en preuve ont créé de nombreux problèmes qui ont profondément affecté leur vie de couple, surtout après qu’Annie Chaussé eût constaté les graves gestes illégaux de Daniel Messier. Ils ont fini par se séparer et ce dernier a même tenté de se suicider pendant cette période, ce qui n’a sûrement pas aidé les choses.

ACDM est une entreprise minuscule avec une représentante et dirigeante responsable, accompagnée d’une assistante administrative. Des sanctions trop sévères pourraient tout simplement tuer cette petite entreprise, ce que ne recherche sûrement pas le Bureau. Le tout devrait être modulé de façon à ne pas mettre en péril l’existence de ce cabinet, tout en envoyant en même temps le message requis quant aux faits reprochés.

[211]     Après avoir révisé les susdits facteurs, il est de l’opinion du Bureau qu’Annie Chaussé n’a pas su en tout temps faire la preuve qu’elle possédait les qualités requises pour agir à titre de dirigeante responsable d’ACDM sans être supervisée pour une certaine période de temps pour ce faire. Le Bureau entend également imposer une pénalité administrative au cabinet intimé, mais qui soit modulée en fonction de l’importance des faits reprochés mais également de la grosseur et les moyens de ce cabinet.

[212]     Pour ce qui est de cette pénalité administrative, le Bureau a révisé les diverses décisions de jurisprudence soumises par les parties. Il en vient à la conclusion que, considérant les différents facteurs énumérés plus haut, une pénalité administrative de 15 000 $ doit être imposée à ACDM. De plus, le Bureau entend interdire à Annie Chaussé d’agir à titre de dirigeante pour une période de 2 ans, période pendant laquelle elle pourra cependant exercer ses activités de représentante inscrite pour le cabinet ACDM.

[213]     Elle devra entreprendre des démarches pour procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable. Enfin, tel que mentionné plus haut dans la présente décision, l’inscription du cabinet Daniel Messier courtier d’assurance et services financiers inc. sera radiée. À défaut de se conformer à la présente décision dans un certain délai, le certificat d’Annie Chaussé pourrait être suspendu et l’inscription d’ACDM pourrait être radiée.

LA DÉCISION

[214]   Pour les motifs apparaissant tout au long de la présente décision, le Bureau de décision et de révision, en vertu des articles 115 et 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[47] et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[48], prononce la décision suivante :

PAR CES MOTIFS, le Bureau de décision et de révision :

ACCUEILLE la demande amendée de l’Autorité des marchés financiers, demanderesse en la présente instance;

                Pénalité administrative, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

IMPOSE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc., intimé en l’instance, une pénalité administrative d’un montant de quinze mille dollars (15 000 $);

                Interdiction d’agir à titre de dirigeant, en vertu de l’article 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

INTERDIT à Annie Chaussé, intimée en l’instance, d’agir directement ou indirectement comme dirigeante responsable d’un cabinet pour une période de deux (2) ans;

                Mesure propre à assurer le respect de la loi, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. d’informer l’Autorité, dans les quinze (15) jours de la signification de la présente décision, des démarches qu’elle entend entreprendre pour procéder au changement de la dirigeante responsable;

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. de procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement d’Annie Chaussé, et ce, dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de la présente décision, la personne à être nommée devant être préalablement approuvée par l’Autorité;

                Radiation de l’inscription d’un cabinet, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :

RADIE l’inscription no 502652 du cabinet Daniel Messier Assurance et services financiers inc.;

[215]   Si le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. et Annie Chaussé, intimés en l’instance, font défaut de se conformer aux prescriptions de la présente décision, dans les délais requis pour ce faire, la décision suivante entrera en vigueur, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

                Suspension du certificat d’un représentant et radiation de l’inscription d’un cabinet, en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

SUSPEND le certificat n° 106976 d’Annie Chaussé à titre de représentante dans les disciplines de l’assurance de personnes et de dommages des particuliers;

RADIE l’inscription n° 512307 du cabinet Assurances Annie Chaussé inc.;

                Mesure propre à assurer le respect de la loi, en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers :

ORDONNE au cabinet Assurances Annie Chaussé inc. de remettre tous ses dossiers clients, livres et registres du cabinet à l’Autorité, cette remise devant être effectuée de la manière décrite ci-après :

Le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. devra communiquer, dans les trente (30) jours de la radiation du cabinet avec monsieur Claude Lessard, Directeur de l’inspection assurances - ESM, au numéro 1-877-525-0337 poste 4791, afin de déterminer la date à laquelle les dossiers clients seront remis à l’Autorité. Les dossiers devront être remis à l’Autorité dans une forme lui permettant d’y avoir accès en tout temps, au 800 Square Victoria, tour de la Bourse, 18e étage, Montréal (Québec).

 

Fait à Montréal, le 13 mars 2015.

 

(S) Claude St Pierre

 

Me Claude St Pierre, vice-président

 

 

 


 



 

OPINION DE Me CRISTEL

 

 

[216]     Le vice-président soussigné a pris connaissance des motifs de Me Claude St Pierre, vice-président qui a présidé la formation lors de l’audience, et en arrive aux mêmes conclusions pour les raisons suivantes.

Cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc.

[217]     Une des conclusions recherchées par la demande amendée présentée au Bureau par l’Autorité est la radiation de l’inscription no 502652 du cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc.

[218]     Daniel Messier a déjà détenu un certificat émis par l’Autorité, notamment dans la discipline « assurance de personnes »[49]. Daniel Messier a toutefois fait l’objet d’une radiation provisoire imposée par la décision CD00-0927, en date du 8 juin 2012, du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« CDCSF »)[50]. Les faits reprochés à Daniel Messier par le CDCSF sont l’appropriation de fonds provenant d’un de ses clients et la confection de faux relevés[51]. Comme l’indique la décision susmentionnée du CDCSF : «L’appropriation de fonds à des fins personnelles est parmi les infractions les plus graves que peut commettre un représentant tout comme la confection de faux documents »[52]

[219]     Le 21 novembre 2012, le CDCSF a prononcé une décision de culpabilité à l’encontre de Daniel Messier. Dans cette décision, le CDCSF a rappelé que Daniel Messier a prétendu qu’il avait l’intention de rembourser son client à l’échéance de son placement le 12 septembre 2010. Or, il a confectionné deux faux relevés subséquents à cette date. Le CDCSF « en conclut que la version des faits de Daniel Messier est invraisemblable et non crédible et que sur la foi de la preuve soumise, il y a bel et bien eu appropriation par (Daniel Messier) de la somme de 18 249,87$ pour ses fins personnelles au moyen de fausses représentations »[53].

[220]     Ces procédures et décisions du CDCSF ont eu un impact sur le cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. Ainsi, ce cabinet n’est plus autorisé à agir dans la discipline de l’assurance de personnes depuis le 13 juin 2012, puisqu’aucun représentant détenant une inscription dans cette discipline n’y est rattaché[54].

[221]     Daniel Messier fut le dirigeant responsable du cabinet Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. du 1er octobre 1999 au 12 juin 2012.  Le 4 septembre 2012[55], ce cabinet a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[56].

[222]     Le premier paragraphe de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[57] prévoit :

« 115. Le Bureau de décision et de révision, après l’établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu’un cabinet, qu’un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu’un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l’accomplissement d’une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l’exige, peut, à l’égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions son inscription ou son certificat. Le Bureau peut également, dans tous les cas, imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention. »

[223]     Lors de l’audience, le cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. n’était ni présent, ni représenté.

[224]     À la lumière des faits susmentionnés, le soussigné est d’avis que le Bureau - en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[58] - doit dans l’intérêt public accéder à la demande de radiation du cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. qui a été présentée par l’Autorité.

Les intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc.

[225]     Il convient d’abord de rappeler trois faits importants à l’égard de ces intimées:

(i)     Daniel Messier était le conjoint de l’intimée Annie Chaussé durant la période reliée à la présente affaire;

(ii)   Assurances Annie Chaussé inc. utilise la raison sociale A.C.D.M Services Financiers[59]. L’expression « A.C.D.M. » correspond aux initiales de l’intimée Annie Chaussé et à celles de Daniel Messier, et ce, tel qu’expliqué par Daniel Messier à un de ses clients qui a témoigné lors de l’audience[60].

 

(iii)   Claude Cabana était à l’emploi du cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc., à titre de réceptionniste / adjointe administrative, et elle est devenue une employée du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. - exerçant des activités similaires - après la radiation de Daniel Messier à titre de représentant en assurance, soit le ou vers le 8 juin 2012[61]. Claude Cabana n’a jamais détenu d’inscription auprès de l’Autorité[62].

[226]     Il est aussi important de souligner que peu de temps après la radiation susmentionnée de Daniel Messier, le 8 juin 2012, et de l’incapacité du cabinet intimé Daniel Messier Courtier d’assurance et services financiers inc. à offrir légalement tout service en assurance[63], le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. a acquis le droit d’exercer des activités dans le domaine de l’assurance de personnes, soit le 16 juillet 2012[64]. Dans les circonstances, le soussigné est d’avis qu’il est fort difficile de prétendre que cette quasi-coïncidence temporelle est purement le fruit du hasard.

[227]     D’ailleurs, la preuve présentée par l’Autorité démontre que, peu de temps après la radiation de son inscription[65], le 8 juin 2012, Daniel Messier a signé des demandes de transfert en bloc, au bénéfice des intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc.[66] pour toute la clientèle qu’il avait auprès des compagnies d’assurance suivantes : Union-Vie, Canada Life, Industrielle Alliance et SSQ. De plus, l’intimée Annie Chaussé a signé entre le 14 juin et le 6 septembre 2012 des formulaires acceptant formellement ces transferts, lesquels furent autorisés par l’agent général de chacune de ces compagnies d’assurance[67]

[228]     Daniel Messier était alors le conjoint de l’intimée Annie Chaussé. Tous deux demeuraient dans la même résidence familiale, laquelle servait aussi de bureau à l’intimée Assurances Annie Chaussé inc.

[229]     L’intimée Annie Chaussé ne peut donc affirmer, d’une manière crédible, avoir tout ignoré des déboires professionnels de Daniel Messier durant la période où elle planifiait activement son entrée personnelle[68] et celle de son cabinet[69] - l’intimée Assurances Annie Chaussé inc. - dans le domaine de l’assurance de personnes, et ce, vraisemblablement avec l’objectif délibéré de tenter de récupérer la clientèle de son conjoint Daniel Messier dans ce domaine d’assurance.

[230]     Daniel Messier fait actuellement face à sept chefs d’accusation de nature pénale, dont cinq pour avoir exercé les activités de représentants en assurance alors que son certificat faisait l’objet d’une radiation[70]. Pour sa part, l’intimée Annie Chaussé fait face à un chef d’accusation de nature pénale pour avoir, le ou vers le 8 août 2012, aidé - par acte ou omission - Daniel Messier à exercer les activités de représentant en assurance alors qu’il n’était plus inscrit auprès de l’Autorité[71].

[231]     Dans le cadre du présent dossier, la preuve présentée au Bureau par l’Autorité à l’encontre des intimés Annie Chaussé et du cabinet Assurances Annie Chaussé inc. est abondante et détaillée. L’Autorité a notamment fait témoigner, lors de l’audience, six épargnants qui étaient des clients légitimes de Daniel Messier avant sa radiation.

[232]     Le soussigné retient, en particulier, les éléments de preuve suivants pour démonter l’étendue de la responsabilité des intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. dans la présente affaire :

         Le nom de Daniel Messier à titre de « Consultant chargé du dossier » apparaît sur de nombreux faux relevés de compte, notamment de la compagnie Standard Life, que Claude Cabana a avoué - lors de son témoignage à l’audience - avoir fabriqué durant une période où elle était à l’emploi exclusif du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc., soit durant la période de septembre à novembre 2012 inclusivement[72]. Durant cette période, Claude Cabana travaillait sous la supervision officielle et sous l’autorité directe de l’intimée Annie Chaussé à titre de dirigeante responsable du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc.[73];

         Un enregistrement - effectué en février 2013 - du message officiel de la boîte téléphonique du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. - dont l’intimée Annie Chaussé est la dirigeante responsable[74] - indique que « Daniel Messier : consultant » peut être rejoint en « tapant 2 » sur le clavier du téléphone de la personne qui appelle ce cabinet. Cet enregistrement fut présenté au Bureau par l’Autorité durant l’audience. Claude Cabana a affirmé, durant son témoignage, que Daniel Messier n’avait pas le mot de passe lui permettant de modifier le message de cette boîte téléphonique. Elle a aussi affirmé que ce message fut enregistré à la suite de la radiation de Daniel Messier et avec le consentement de l’intimée Annie Chaussé; 

         Claude Cabana a avoué, lors de son témoignage durant l’audience, avoir fabriqué à la demande de Daniel Messier et après sa radiation[75] comme représentant en assurance, de faux courriels signés par des clients[76] de celui-ci. Ces faux courriels furent transmis à la compagnie Empire Vie en utilisant de fausses adresses courriels, aussi fabriquées par Claude Cabana[77] à la demande de Daniel Messier;  

         Claude Cabana a affirmé, durant son témoignage à l’audience, que l’intimée Annie Chaussé a commencé à vérifier son travail seulement vers décembre 2012 - janvier 2013. Claude Cabana a aussi mentionné que l’intimée Annie Chaussé faisait fréquemment des voyages en Floride et y effectuait des séjours variant de une à trois semaines. Elle a de plus affirmé que l’intimée Annie Chaussé ne lui a jamais interdit de recevoir des instructions de son conjoint Daniel Messier durant la période couverte par la présente affaire[78];

         La preuve présentée durant l’audience a établi que, durant toute la période reliée à la présente affaire, les classeurs contenant les dossiers des clients du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. n’étaient pas verrouillés durant la journée et demeuraient pleinement accessible à Daniel Messier, qui par ailleurs travaillait et circulait sans restriction au sein de ce bureau situé dans sa résidence familiale. D’ailleurs, pendant plusieurs mois, i.e. du 12 mai au mois d’octobre 2012, ce bureau fut essentiellement la table de cuisine de la résidence familiale de l’intimée Annie Chaussé et de Daniel Messier: Chaussé, Messier et Cabana se tenant physiquement côte à côte[79] autour de cette table et à proximité d’une série de classeurs contenant notamment les dossiers confidentiels de tous les clients; 

         Tous les clients ayant témoigné durant l’audience ont affirmé avoir rencontré Daniel Messier durant la période où son inscription à titre de représentant en assurance de personnes avait été radiée. Ils ont tous soutenu que Daniel Messier ne les avait jamais informés de cette radiation. De plus, même s’ils recevaient durant cette période de la documentation provenant du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. - sous la raison sociale A.C.D.M. Services Financiers - l’intimée Annie Chaussé ne les a jamais informés que Daniel Messier ne pouvait plus agir comme leur représentant en assurance de personnes. 

         Le 13 août 2012, soit plus de deux mois après sa radiation comme représentant en assurance[80], Daniel Messier a rencontré seul deux épargnants[81] en vue d’effectuer un investissement de 30 000,00 $ dans des produits financiers offerts par Standard Life. Daniel Messier leur a alors présenté de la documentation financière provenant de Standard Life et il leur a fait signer des documents relatifs à cet investissement, sans toutefois mentionner que son inscription avait été radiée. Or, l’avis de confirmation en date du 16 août 2012, reçu par ces épargnants et provenant de Standard Life[82], atteste d’un investissement de 30 000,00 $ et indique sans ambiguïté que « Votre représentant d’assurance » est « A.C.D.M. Services Financiers », une raison sociale utilisée par le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. À cet égard, il est clair que Standard Life n’aurait pas autorisé ce placement sans que l’intimée Annie Chaussé ne signe, le 13 août 2012, un formulaire de souscription portant l’entête de Standard Life[83] qui est relié spécifiquement à ce placement et qui atteste notamment que « j’ai rempli la présente proposition en présence du titulaire du contrat et je suis titulaire d’un permis d’assurance vie valable dans la province ou le territoire où la proposition a été signée ». La signature de l’intimée Annie Chaussé sur ce document a formellement été reconnue par Claude Cabana durant son témoignage lors de l’audience. Pour sa part, l’intimée Annie Chaussé a affirmé, lors de son témoignage, qu’elle avait peut-être signé ce document par inadvertance à la demande de Daniel Messier. À cet égard, le soussigné est d’avis que cette affirmation de l’intimée Annie Chaussé n’est pas crédible et qu’il existe une preuve prépondérante démontrant que, par acte ou par omission, elle et son cabinet ont aidé Daniel Messier à commettre des actes illégaux, notamment en agissant à titre de représentant en assurance de personnes alors que son inscription avait été radiée.

[233]     Les articles 30, 84, 85, 86 et 491 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoient que :

« 30. Un représentant en assurance qui agit pour le compte d’un cabinet ou d’une société autonome ne peut, dans un établissement du cabinet ou de la société, exercer ses activités à ce titre qu’à un endroit désigné à cette fin et où la confidentialité est assurée. 

84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

491. Celui qui, par son acte ou son omission, aide ou amène quelqu’un à commettre une infraction est coupable de cette infraction comme s’il l’avait commise lui-même. Il est passible de la même peine que celle prévue pour l’infraction qu’il a aidé ou amené à commettre. »

[234]     Le soussigné est d’avis que l’Autorité a présenté une preuve prépondérante démontrant que les intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. ont à répétition enfreint les dispositions susmentionnées de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[235]     Cette preuve démontre notamment les combines, directes et indirectes, des intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. pour tenter de récupérer la clientèle de Daniel Messier - avec sa complicité - et ce, en tenant dans l’ignorance ou en trompant ouvertement les épargnants visés par cette manœuvre. Le message de la boîte téléphonique du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. - présentant Daniel Messier comme consultant - est, à cet égard, illustratif de la stratégie générale utilisée et ce, d’autant plus que de nombreux faux documents préparés par Claude Cabana durant cette période attribuent à Daniel Messier le titre de « Consultant chargé du dossier », le tout postérieurement à la radiation de son inscription du 8 juin 2012. 

[236]     Les intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. ont laissé Daniel Messier solliciter des épargnants durant une période où son inscription était radiée. Ils ont cautionné ces actes illégaux en signant des documents officiels concernant des placements reliés à cette illicite sollicitation et ils en ont financièrement bénéficié.   

[237]     L’intimée Annie Chaussé – conjointe de Daniel Messier – ne peut prétendre avoir ignoré la radiation de l’inscription de celui-ci après le 8 juin 2012. Or, les mois qui ont suivi sont précisément ceux durant lesquels les actes reprochés ont été commis.

[238]     Le soussigné est d’avis que le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. et sa dirigeante, l’intimée Annie Chaussé, ont lamentablement échoué dans leurs fonctions de supervision. Non seulement Claude Cabana a fabriqué des faux documents à l’intention des clients, à un rythme similaire à celui d’une chaîne de montage, mais elle a affirmé ne pas avoir fait l’objet d’une quelconque supervision de la part de l’intimée Annie Chaussé à partir de son engagement[84] par le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. jusqu’à la fin de 2012. De plus, les dossiers confidentiels des clients sont demeurés accessibles à Daniel Messier durant la plus grande partie de cette période.

[239]     Ainsi, par acte ou par omission, les intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. ont enfreint de nombreuses dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ont aidé Daniel Messier à commettre de telles infractions.

[240]     Tous ces manquements démontrent notamment que les intimées Annie Chaussé et Assurances Annie Chaussé inc. n’ont pas agi, à tout le moins, avec soin et compétence. Ceci est particulièrement le cas pour l’intimée Annie Chaussé à titre de dirigeante responsable du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc., lequel ne comptait - durant la période des actes reprochés - que deux employés soit Claude Cabana et l’intimée Annie Chaussé.

[241]     La nature des manquements reprochés par l’Autorité est fort sérieuse et, en particulier, met en cause la protection que sont en droit d’attendre les quelques 500 clients que compterait le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc.

[242]     À cet égard, le soussigné est d’avis que l’intimée Annie Chaussé n’est plus apte à agir comme dirigeante responsable du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc., ni d’un autre cabinet d’assurance.

[243]     Par conséquent, le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. devra rapidement se trouver un autre dirigeant responsable et celui-ci devra être approuvé par l’Autorité. À défaut de se trouver un tel nouveau dirigeant dans le délai prescrit, le soussigné est d’avis que l’inscription du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé doit être radiée et que les dossiers de ses clients doivent être remis à l’Autorité. Quant à l’inscription de l’intimée Annie Chaussé, à titre de représentante dans les disciplines de l’assurance de personnes et de dommages des particuliers, elle devra alors être suspendue.

[244]     De plus, compte tenu de la gravité et du nombre des faits reprochés, le soussigné est d’avis qu’une pénalité administrative - imposée en vertu de l’article 115 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers - est pleinement justifiée à l’encontre du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc., notamment pour l’inciter à ne pas récidiver et pour s’assurer d’envoyer un message clair aux autres cabinets d’assurance à l’effet qu’un tel comportement ne peut, dans l’intérêt public, être toléré.

[245]     L’intimée Annie Chaussé a fait valoir, à titre de circonstances atténuantes, le fait qu’elle vivait maintenant séparée de Daniel Messier, que le cabinet Assurances Annie Chaussé inc. était maintenant relocalisé, que les dossiers de ses clients avaient été numérisés et qu’ils étaient maintenant hors de la portée de Daniel Messier. Elle a aussi fait valoir qu’un incendie avait, le 8 mai 2012 et pour les mois subséquents, temporairement désorganisé ses activités et celles du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc.

[246]     Le soussigné a tenu compte de ces éléments dans l’évaluation du quantum de la pénalité administrative imposée au cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. et de la durée de l’interdiction imposée - en vertu de l’article 115.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers - par la présente décision à l’intimée Annie Chaussé d’agir comme dirigeante responsable d’un cabinet d’assurance.

[247]     À cet égard, le soussigné rappelle que dans la présente affaire l’intérêt public est en jeu et, en particulier, celui des clients du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. Il en est de même pour la confiance des épargnants envers le système de réglementation des services dans le domaine de l’assurance.

[248]     Ce système de réglementation empêche quiconque d’offrir des services dans le domaine de l’assurance et, en particulier, d’y assumer des responsabilités à titre de dirigeant de cabinet d’assurance, avant d’avoir reçu les autorisations requises de l’Autorité. Et, une fois qu’une personne obtient ces inscriptions et offre ces services, elle doit accepter de se conformer en tout temps à l’ensemble des règles en vigueur et elle doit être jugée capable d’exercer continuellement l’ensemble de ces activités réglementées.

[249]     Le permis de conduire est un exemple de cette forme de réglementation. Pas plus dans le domaine de l’assurance que sur la route, l’intérêt public ne saurait tolérer des violations graves à répétition et, encore moins, si elles sont accompagnées par l’excuse de dire qu’on a rien vu.

 

 

(S) Jean-Pierre Cristel

 

Me Jean-Pierre Cristel, vice-président

 



[1]     RLRQ, c. D-9.2.

[2]     RLRQ, c. A-33.2.

[3]     RLRQ, c. D-9.2.

[4]     RLRQ, c. A-33.2.

[5]     Pièce D-11e).

[6]     Date à laquelle l’inscription de Daniel Messier fut radiée par la Chambre de la sécurité financière.

[7]     Pièce D-15b) : Avis de confirmation de Standard Life; représentant d’assurance : A.C.D.M. Services Financiers.

[8]     Pièces D-12a), D-12b) et D-12c).

[9]     Courriel du 24 octobre 2011 de Daniel Messier à Claude Cabana, par lequel l’envoyeur assurant la destinatrice qu’il continuerait à lui offrir des services d’assurance-vie et de placements, même s’il avait été annoncé à cette dernière que ce serait Planification Fin. S-tentiel inc. qui s’en occuperait dorénavant.

[10]     Par. 36 à 42 de la demande de l’Autorité.

[11]     Par. 48 de la demande de l’Autorité.

[12]    Voir par. 74 à 76 de la présente décision.

[13]    Par. 68 et 69 de la présente décision.

[14]    Pièce I-3.

[15]    Pièce I-4.

[16]    Pièce D-19.

[17]    Pièce D-15a).

[18]    Pièce D-20.

[19]    Pièce D-20 : message téléphonique.

[20]    Pièce 11f).

[21]    Ibid.

[22]    Précitée, note 1.

[23]    Autorité des marchés financiers c. Assomption, compagnie mutuelle d’assurance-vie, 2007 QCCA 1062, par. 47.

[24]    Loi sur la distribution de produits et services financiers, précitée, note 1, art. 82, 1er al. Un cabinet ne peut agir dans une discipline que par l’entremise d’un représentant pour lequel il a satisfait aux exigences prévues aux articles 74, 76 et 77.

[25]    Kernagan R. Webb, Regulatory Offences, the Mental Element and the Charter : Rough Road Ahead, (1989), 21 R. de. D. d'Ottawa, 419, à la p. 452; cité par la Cour suprême du Canada dans R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, à la page 231 ; voir également Québec (Procureur général) c. 9067-3724 Inc., 2005 Can LII 46662, par. 22.

[26]    Pièce D-19.

[27]    Voir page 33.

[28]    Loi sur la distribution de produits et services financiers, précitée, note 1, art. 30. Un représentant en assurance qui agit pour le compte d’un cabinet ou d’une société autonome ne peut, dans un établissement du cabinet ou de la société, exercer ses activités à ce titre qu’à un endroit désigné à cette fin et où la confidentialité est assurée.

[29]    Id., art. 491. Celui qui, par son acte ou son omission, aide ou amène quelqu'un à commettre une infraction est coupable de cette infraction comme s'il l'avait commise lui-même. Il est passible de la même peine que celle prévue pour l'infraction qu'il a aidé ou amené à commettre.

La même règle s'applique à celui qui, par des encouragements, des conseils ou des ordres, amène quelqu'un à commettre une infraction.

[30]    Pièce D-19.

[31]    Voir page 33.

[32]    Chauvin c. Ducharme, 2007 QCCQ 12455; voir également Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922.

[33]    Chauvin c. Ducharme, précitée, note 31, par 61.

[34]    Id., par. 62.

[35]    Caroline Champagne c. Daniel Messier, Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, n° CD00-0927, 21 novembre 2012, J.-M. Clément, M. Gagnon et A. Tiberio, 9 pages. (Pièce D-9)

[36]    Procureur général du Québec c. 9067-3724 inc., CQ (ch. crim. et pén.) Mtl., 12 décembre 2005, j. S. Bousquet, 9 pages, à la page 8, par. 36.

[37]    L.R.C. (1985), ch. B-3.

[38]    Pièce D-2 : 16 juillet 2012.

[39]    Loi sur la distribution de produits et services financiers, précitée, note 1, art. 80 et 85.

[40]    Loi sur la distribution de produits et services financiers, précitée, note 1, art.30; voir page 36.

[41]    Autorité des marchés financiers c. Avro Service de gestion de risques inc., 2012 QCBDR 139.

[42]    Id., par. 132 et 140.

[43]    Autorité des marchés financiers c. Groupe financier Lemieux inc., 2013 QCBDR 103.

[44]    Id., par 102-104.

[45]    Ibid.

[46]    Id.

[47]    Précitée, note 1.

[48]    Précitée, note 2.

[49]     Pièce D-7 déposée par l’Autorité.

[50]     Pièce D-8 déposée par l’Autorité.

[51]     Paragraphe 10 de la pièce D-8 déposée par l’Autorité.

[52]     Paragraphe 14 de la pièce D-8 déposée par l’Autorité.

[53]     Paragraphes 31 et 32 de la pièce D-9 déposée par l’Autorité.

[54]     Pièce D-6 déposée par l’Autorité.

[55]     Paragraphe 12 de la demande amendée de l’Autorité.

[56]     L.R.C. (1985), ch. B-3.

[57]     RLRQ, c. D-9.2.

[58]    RLRQ, c. D-9.2.

[59]    Pièce D-1 déposée par l’Autorité.

[60]    Témoignage de Sylvain Courchesne lors de l’audience.

[61]    Paragraphe 8 de la demande amendée de l’Autorité et pièce 8 déposée par l’Autorité. Par ailleurs, l’intimée Annie Chaussé a dans son témoignage, lors de l’audience, affirmé que Claude Cabana était à l’emploi exclusif du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. depuis « le 26 ou le 27 juillet 2012 ». L’intimée Annie Chaussé a toutefois confirmé que Claude Cabana a effectué avant cette date des tâches pour le cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc.

[62]    Pièce D-4 déposée par l’Autorité.

[63]    Le 13 juin 2012 (pièce D-6 déposée par l’Autorité).

[64]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[65]    Pièce D-8 déposée par l’Autorité.

[66]    Faisait affaire sous la raison sociale A.C.D.M. Services Financiers (pièce D-1 déposée par l’Autorité).

[67]    Pièce D-20 déposée par l’Autorité.

[68]    Pièce D-3 déposée par l’Autorité.

[69]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[70]    Pièce D-8 déposée par l’Autorité. Cette radiation est survenue le 8 juin 2012.

[71]    Pièce D-10 déposée par l’Autorité.

[72]    Paragraphe 222 (iii) de la présente décision et pièces D-11b, D-11c, D-11d, D-11e et D-11f déposées par l’Autorité.  

[73]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[74]    Pièce D-2 déposée par l’Autorité.

[75]    La radiation de Daniel Messier est survenue le 8 juin 2012 (pièce D-8 déposée par l’Autorité). Les faux documents sont en dates du 3 juillet 2012 (pièce D-17a) et du 11 juillet 2012 (pièce D-17c).

[76]    Ces personnes ont témoigné de ces faits durant l’audience.

[77]    Pièces D-12a) et D-17c) déposées par l’Autorité.

[78]    Lors de son témoignage à l’audience, soit le 28 mars 2014, Claude Cabana était toujours à l’emploi du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc.

[79]    L’intimée Annie Chaussé a affirmé lors de l’audience que le 12 mai 2012, un incendie avait sérieusement endommagé sa résidence familiale, dans laquelle étaient situés le bureau et les dossiers du cabinet intimé Assurances Annie Chaussé inc. 

[80]    Pièce D-8 déposée par l’Autorité.

[81]    Marco Beauregard et son épouse Carole Labrie, qui ont témoigné lors de l’audience.

[82]    Pièce D-14 déposée par l’Autorité.

[83]    Pièce D-19 déposée par l’Autorité.

[84]    Voir le paragraphe 222 (iii) de la présente décision.

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