Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2016-02-03(A)

 

DATE :

10 avril 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-Président

Mme Mireille Gauthier, PAA, agent en assurance de

dommages

Membre

M. Dominic Roy, FPAA, agent en assurance de

dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

ÉRIC JANELLE, expert en règlement de sinistres (5A)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]       Le 28 novembre 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») est réuni pour procéder à l’audition de la plainte dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur est représentée par Me Claude G. Leduc. Quant à l’intimé, il est représenté par Me Claude Marseille, assisté de Me Patrick Lapierre.

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé Éric Janelle fait face à un seul chef d’accusation, à savoir :

 

  « 1. À Montréal, entre les ou vers les mois d’avril 2012 et février 2015, a supervisé le travail d’une dizaine d’agents en assurance de dommages des particuliers en tant que chef d’équipe du service d’indemnisation de l’équipe double fonction chez La Compagnie d’assurance Bélair inc., alors qu’il ne détenait pas la certification d’expert en sinistres, le tout en contravention avec les articles 13, 84 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 2, 12, 13, 58, 58(1) et 58(14) du Code de déontologie des experts en sinistre et l’article 2.2 de la Directive d’application de l’Autorité des marchés financiers en regard de la définition d’expert en sinistre et des activités qui lui sont exclusives. »

 

 

II.         L’instruction du présent dossier

 

[4]       L’instruction au mérite de la plainte contre M. Janelle procède simultanément avec une autre formation du Comité qui est saisie d’une plainte portant sur les mêmes faits à l’encontre de Mme Karine Vivier, expert en règlement de sinistres.

[5]       Étant donné que M. Janelle était agent en assurance de dommages au moment des faits en litige, le présent Comité est composé de deux membres qui détiennent une certification comme agent en assurance de dommages.

[6]       Quant au Comité formé pour disposer de la plainte contre Mme Vivier, il est composé de membres experts en règlement de sinistres et présidé par Me Patrick de Niverville[1].  

III.        Le contexte   

 

[7]       Les parties déposent en preuve de consentement les pièces P-1 à P-10 de même que la pièce I-1, soit une déclaration assermentée de madame Karine Vivier.

[8]       Le litige réside dans l’interprétation à donner au contenu du point 2.2 de la pièce P-9. Il s’agit d’une directive émise par l’AMF laquelle est intitulée Directive d’application de l’Autorité des marchés financiers en regard de la définition d’expert en sinistre et des activités qui lui sont exclusives.

[9]       Le point 2 la Directive P-9 stipule qu’à certaines conditions, les activités exclusives de l’expert en sinistre, décrites au point 1, peuvent être exercées par d’autres personnes qui ne détiennent pas la certification requise.

[10]    Ces personnes sont :

                Point 2.1 : les surnuméraires en cas de catastrophe;

                Point 2.2 : les employés au téléphone;

                Point 2.3 : les cadres supérieurs des compagnies d’assurance.

[11]    Le cas qui nous occupe vise plus particulièrement le point 2.2, soit les employés au téléphone.

[12]    Le texte du point 2.2 se lit comme suit :

« 2.2 Les employés au téléphone

  L’Autorité accepte1 que les activités énumérées au point 1 soient effectuées par des employés d’un cabinet ou d’une société autonome autorisé dans la discipline de l’expertise en règlement de sinistres qui ne sont pas détenteurs d’un certificat d’expert en sinistre, dans la mesure où toutes les conditions ci-dessous sont satisfaites :

ces activités sont effectuées sous la responsabilité et la supervision directe d’un expert en sinistre dûment certifié;

• ces employés n’ont pas à se déplacer à l’extérieur de leur lieu habituel de travail; et

• ces activités sont effectuées uniquement dans le cadre du traitement de l’un des cas suivants :

  - les dossiers de remplacement ou de réparation de vitres de véhicules automobiles;

  - les dossiers soumis à l’application de la Convention d’indemnisation directe;

  - les dossiers dont la valeur de la réclamation soumise par le sinistré est inférieure à 2 000 $.

1 Cette permission pourrait, dans un souci de protection du consommateur, être révisée par l’Autorité, soit de façon particulière, dans le cas d’un manquement d’un cabinet ou société autonome, soit de façon plus générale en reconsidérant la directive pour l’ensemble des cabinets et sociétés. »

(Nos soulignements)

[13]    La Directive P-9 est reprise dans le Guide de partage des rôles et responsabilités publié par la ChAD et déposée en preuve sous la cote P-10.

[14]    Le Guide P-10, qui résulte de la Directive P-9, constitue une norme de pratique qui doit être suivie par les membres de la profession, comme l’a décidé le Comité dans l’affaire Hébert[2].

IV.       La preuve testimoniale

 

[15]    Le premier témoin entendu par le Comité est l’intimé Éric Janelle.

[16]    Son témoignage se résume comme suit :

       Entre le 1er octobre 1999 et le 26 février 2016, M. Janelle détient un certificat comme agent en assurance de dommages des particuliers;

       Il en résulte qu’au moment des faits reprochés, M. Janelle n’était pas détenteur d’un certificat d’expert en sinistre;

       Depuis le 27 février 2015, il détient toutefois une certification d’expertise en règlement de sinistres en assurance de dommages des particuliers;

       Au cours de la période décrite à la plainte, il était chef d’une équipe « double-fonction » au sein de la Compagnie d’assurance Bélair inc.;

       Cette équipe double-fonction était constituée pour moitié d’agent en assurance de dommages et pour l’autre moitié, d’experts en règlement de sinistres;

       Au cours de l’été, les membres de son équipe exécutaient principalement de la vente de produits d’assurance de dommages et en hiver, au téléphone, ils s’occupaient de réclamations et de l’indemnisation de celles-ci;

       À titre de chef d’équipe, M. Janelle révisait notamment les transactions des agents en assurance de dommages qui décidaient de la recevabilité d’une réclamation, la valeur des dommages et du règlement du sinistre;

       En 2012 jusqu’au 25 mars 2013, le supérieur immédiat de M. Janelle était M. Sébastien Gagné[3];

       Il communiquait régulièrement avec M. Gagné pour des informations;

       À compter du mois de mars 2013, M. Janelle est supervisé par madame Karine Vivier, laquelle détient une certification d’expert en règlement de sinistres;

       Au cours d’une journée usuelle, environ 80 % des tâches de M. Janelle consistaient à vérifier les transactions effectuées par les agents en assurance de dommages des particuliers assignés à son équipe;

       Il s’agissait de dossiers régis par la Convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles;

       Il pouvait lui arriver d’entrer directement en communication avec un assuré;

       Notamment et à titre de chef d’équipe, il est intervenu auprès d’une assurée, Mme N.P., qui n’était pas satisfaite de la valeur marchande attribuée à son véhicule accidenté;

       À chaque mois, il assistait à une rencontre des chefs d’équipe dirigée par madame Vivier;

       Quant à son niveau d’autorité, bien qu’il ne se rappelle pas exactement du montant, il le situe à environ 25 000 $.    

[17]    Le prochain témoin est l’intimée Karine Vivier.

[18]    Ci-après l’essentiel de son témoignage, à savoir :

       Elle exerce dans le domaine de l’assurance depuis 1996;

       Elle détient une certification dans le domaine de l’expertise en règlement de sinistres depuis 1999;

       Les bureaux de la Compagnie d’assurance Bélair et d’Intact sont situés au même endroit;

       Elle supervise 70 employés dont l’équipe dirigée par M. Janelle;

       Des rencontres formelles avec les chefs d’équipe sont tenues à chaque mois;

       Elle vérifiait et faisait le suivi des indicateurs de performance des employés sous sa supervision et des employés des équipes double-fonction;

       Normalement, l’agent en assurance de dommages réglait la réclamation;

       Lorsqu’un client était insatisfait, elle pouvait communiquer directement auprès de celui-ci;

       Elle n’a pas été impliquée dans le dossier de Mme N.P. puisque cette dernière s’est plainte directement à l’AMF;

       Elle ne vérifiait pas à tous les jours le travail effectué par M. Janelle et les employés de son équipe;

       Elle s’en remet principalement aux indicateurs de performance;

       Elle explique que dans la majorité des cas, elle n’a pas à intervenir auprès de l’équipe;

       Lorsqu’ils étaient assignés à l’équipe double-fonction, les agents en assurance de dommages suivaient une formation d’une durée d’un mois sur la Convention d’indemnisation directe;       

       Après leur séjour à la vente de produits d’assurance, les agents en assurance suivaient une formation de quelques jours sur l’indemnisation;

       Un audit des dossiers ouverts et fermés était effectué sur une base mensuelle afin de vérifier le caractère juste et équitable des règlements et des formations ponctuelles étaient données aux membres des équipes par des experts en sinistre;

       Au hasard, des appels téléphoniques faisaient l’objet d’écoute pour s’assurer que les protocoles étaient respectés.

 

[19]    Madame Monique Desbiens est le dernier témoin entendu par le Comité.

[20]    Elle déclare essentiellement ce qui suit :

       Aujourd’hui, elle détient un certificat en expertise en règlement de sinistres en assurance de dommages des particuliers;

       À l’époque des faits en litige, elle était agent en assurance de dommages;

       Au mois d’avril 2012, elle se joint à l’équipe double-fonction de M. Janelle;

       Elle se rapportait à M. Janelle et elle le consultait lorsqu’elle avait des questions;

       Elle pouvait aussi consulter un expert en sinistre;

       Sa limite d’autorisation de règlement se chiffrait à 2 250 $.

[21]    Voilà dans son essence la preuve administrée devant le Comité.

V.           L’argumentation

 

A)        Par le syndic

 

[22]    Me Leduc débute son argument en nous déclarant que M. Sébastien Gagné, soit la personne qui supervisait l’intimé entre les mois d’avril 2012 et janvier 2013, détenait uniquement la certification d’agent en assurance de dommages des particuliers.

[23]    Durant cette dernière période, il est donc manifeste que l’intimé, qui était lui aussi agent en assurance de dommages des particuliers, n’était pas supervisé par un expert en sinistre.

[24]    Quant à la supervision effectuée par madame Vivier, le procureur du syndic est d’avis qu’il s’agit d’une supervision de gestion qui vise à assurer que les objectifs de performance de l’assureur sont atteints.

[25]    Il considère que la supervision s’effectue du haut vers le bas et non pas le contraire comme la preuve nous révèle.

[26]    Il s’interroge sur les motifs qui sous-tendent la mise en place des équipes double-fonction. Il est d’opinion que cette formule a été aménagée uniquement pour sauver des coûts considérant qu’elle n’avantage pas du tout l’assuré.

[27]    Certes, Bélair peut bien offrir des cours de formation à ses employés mais cet assureur ne peut pas les certifier.

[28]    Selon la poursuite, il n’existe pas de zone grise en matière de certification. Un représentant est certifié ou il ne l’est pas.

[29]    Il nous invite à prendre connaissance du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ, c. D-9.2, r.7) et plus particulièrement des articles 32 et 44 et suivants.

[30]    Il s’agit des dispositions qui traitent de la supervision des stagiaires durant la période probatoire.

[31]    Selon l’avocat, ces dispositions nous aident à mieux comprendre ce que l’on entend par « supervision directe » dans la Directive de l’AMF.

[32]    Dans ce sens, Me Leduc est d’avis que le superviseur doit être le supérieur immédiat.

[33]    Étant donné que la Directive P-9 et le Guide P-10 parlent de supervision directe, il s’ensuit que M. Janelle, qui agissait comme supérieur immédiat des employés de l’équipe double-fonction, devait être un expert en sinistre.

[34]    Il nous soumet des définitions de l’expression « supervision directe » et nous réfère notamment aux décisions suivantes :

    Fortin c. Chrétien, [2001] 2 R.C.S. 500

    Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441 (CanLII)

    Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII)

    Syndicat des chargées et chargés de cours de l’U de M c. Université de Montréal, 2015 QCCRT 475 (CanLII)

    Pelletier c. Psychologues (Ordre professionnels des), 2013 QCTP 92 (CanLII)

[35]    Pour ces motifs, il nous demande de déclarer M. Janelle coupable.

B)       Par l’intimé

 

[36]    Me Marseille plaide que la plainte contre M. Janelle est mal fondée.

[37]    Premièrement, le procureur de l’intimé est d’opinion que les infractions que le syndic reproche à son client n’existent pas.

[38]    La Directive P-9 constitue un document externe qui n’a aucune force de loi. À ce sujet, Me Marseille nous renvoie aux articles 329 et 353 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[39]    Le Comité n’aurait donc pas juridiction pour remettre en question la structure d’équipes double-fonction instaurée par Bélair.

[40]    Par ailleurs, Me Marseille prétend que la supervision ne constitue pas un acte exclusif réservé aux experts en sinistre. Au soutien de cet argument, il plaide que l’article 10 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ne prohibe aucunement la supervision.

[41]    En conséquence, M. Janelle pouvait agir comme superviseur sans être détenteur d’un certificat d’expert en sinistre.

[42]    Selon l’avocat, il en découle que le fait de superviser ne peut donc pas constituer une infraction.

[43]    À l’appui de sa position, il cite plusieurs précédents jurisprudentiels, notamment :

    Pauzé c. Gauvin, [1954] R.C.S. 15, 1953 CanLII 65 (CSC)

    Bibeau c. Ordre des ingénieurs du Québec, 2015 QCCA 360 (CanLII)

    Biomedico c. Ordre des chimistes du Québec, 2012 QCCA 785 (CanLII)

    Paul c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 621

    Dekerckhove et al. c. Middleton (Township), [1962] SCR 75

    ACAIQ c. St-Pierre, 2004 CanLII 20773 (QC CQ)

    Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Ma, 2012 CanLII 40010 (QC OPPQ)

    Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec c. Comtois, 2003 CanLII 75258 (QC CS) ;

    Ordre des agronomes du Québec c. Galarneau, 2007 QCCQ 1145 (CanLII) ;

[44]    Si une infraction a été commise, il est d’opinion que se sont plutôt les dirigeants de l’assureur qui auraient enfreint l’article 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[45]    Par ailleurs, M. Janelle agissait sous la responsabilité et la supervision directe de madame Vivier. Il n’y aurait donc pas d’infraction puisque l’intimé et son équipe étaient supervisés par un expert en sinistre, en la personne de Mme Vivier.

[46]    Au surplus et dans le pire des scénarios, le procureur de M. Janelle plaide l’erreur de fait raisonnable fondée sur la croyance sincère et honnête que les mesures de contrôle instaurées par Bélair étaient suffisantes pour permettre à M. Janelle de conclure qu’il n’était pas en infraction.

[47]    Pour l’ensemble des motifs susdits, Me Marseille requiert l’acquittement de M. Janelle.

VI.          Analyse

 

[48]    Dans le cadre de son analyse, le Comité entend traiter chacun des moyens de défense soulevés par l’intimé.

          6.1    Le Comité n’a pas juridiction sur la Directive P-9

[49]    Dans la décision rendue par le Comité le 15 février 2017 dans le dossier connexe ChAD c. Vivier[4], 2017 CanLII 8513 (QC CDCHAD), le Comité présidée par Me Patrick de Niverville fait une étude exhaustive sur l’application, l’interprétation et la légalité de la Directive P-9.

[50]    Cette dernière formation du Comité vient à la conclusion que la Directive P-9 n’a pas force de loi et que l’infraction d’avoir enfreint l’article 2.2 de celle-ci est inexistante en droit, la véritable infraction relevant plutôt des articles 12 et 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. En conséquence, Mme Vivier doit être acquittée de l’infraction d’avoir contrevenu à l’article 2.2 de la Directive P-9.

[51]    Le présent Comité partage entièrement cette conclusion.

[52]    Il en découle que pour les motifs exposés dans la décision ChAD c. Vivier, l’intimé est acquitté de l’infraction d’avoir enfreint l’article 2.2 de la Directive d’application de l’Autorité des marchés financiers en regard de la définition d’expert en sinistre et des activités qui lui sont exclusives.

          6.2    La supervision ne constitue pas un acte exclusif

[53]    M. Janelle n’était pas certifié comme expert en sinistre au moment des faits reprochés.

[54]    Malgré ce qui précède, le procureur de l’intimé prétend qu’il avait le droit de superviser les membres de l’équipe double-fonction puisque la supervision n’est pas un acte exclusif réservé aux experts en sinistre. Dans ce sens, M. Janelle n’aurait donc pas commis d’infraction.

[55]    Il s’appuie sur l’article 10 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers pour avancer cet argument.

[56]    Avec respect, suivre un tel raisonnement serait contraire au but de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, soit la protection du public.

[57]    Dans un contexte tout autre, cette interprétation signifierait qu’un apprenti électricien pourrait être supervisé par une personne qui ne connait en rien l’électricité.

[58]    Aux yeux du Comité, une telle image est éloquente.

[59]    L’exemple des étudiants en médecine auquel le Comité fait référence dans l’affaire Vivier l’est tout autant[5].

[60]    Ce moyen ne sera pas retenu par le Comité.

          6.3         La supervision était directe

[61]    L’intimé soutient également et de façon subsidiaire que la supervision requise par la Directive P-9 et par le Guide P10 a de toute façon été effectuée par Mme Vivier.

[62]    Cette supervision directe implique simplement la présence d’un expert en sinistre sur les lieux des activités téléphoniques d’indemnisation. Cette condition serait remplie par la présence de Mme Vivier sur les lieux et la gestion qu’elle exerçait sur les activités téléphoniques en suivant les indicateurs de performance relatifs aux équipes double-fonction.

[63]    La supervision directe se distinguerait donc d’une supervision immédiate.

[64]    Nous ne partageons pas cette prétention.

[65]    La preuve administrée établit clairement que Mme Vivier agissait comme supérieure immédiate de M. Janelle. Quant à ce dernier, il était chef d’une équipe double-fonction et le supérieur immédiat des agents en assurance de dommages faisant partie de son équipe.

[66]    À notre avis, pour que la supervision des agents en assurance de dommages soit directe, elle doit nécessairement être effectuée par leur supérieur immédiat, en l’occurrence M. Janelle.

[67]    La preuve révèle également que la supervision exécutée par Mme Vivier était beaucoup plus indirecte que directe. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance du paragraphe 4 de la pièce I-1.

[68]    Ce paragraphe de la déclaration assermentée de Mme Vivier se lit comme suit :

« Au sein de chaque équipe, un chef d’équipe avait été nommé. Tous les chefs d’équipe supervisant des employés réglant des sinistres étaient titulaires d’un certificat d’expert en sinistres, sauf M. Janelle (qui le détient toutefois aujourd’hui). »

 

[69]    Pourquoi M. Janelle est le seul chef d’équipe réglant des sinistres qui n’était pas titulaire d’un certificat d’expert en sinistre?

[70]    Cette situation particulière n’a fait l’objet d’aucune explication sérieuse de la part de l’intimé ou de Mme Vivier.

[71]    De plus, Mme Vivier se fie essentiellement à ses indicateurs de performance et explique que dans la majorité des cas, elle n’avait pas à intervenir[6].

[72]    Il y a plus. Entre le mois d’avril 2012 et le mois de mars 2013, M. Janelle était supervisé par M. Sébastien Gagné qui ne détenait pas de certification à titre d’expert en sinistre par opposition à Mme Vivier. Il est donc inexact de dire que la supervision visée par la Directive a, de toute façon, été effectuée en tout temps par Mme Vivier. 

[73]    Nous considérons que pour être directe, la supervision devait être exécutée par un expert en sinistre dûment certifié assigné à l’équipe qui réglait des sinistres, ce qui n’était pas le cas pour l’équipe double-fonction de M. Janelle.

[74]    Aux yeux du Comité, il est clair que les conditions décrites à l’article 2.2 de la Directive P-9, ont été mises en place pour protéger le public. 

[75]    Nous en venons donc à la conclusion que pour jouir de l’autorisation décrite à l’article 2.2 de la Directive P-9, les activités téléphoniques doivent être effectuées sous la responsabilité et la supervision directe d’un expert en sinistre.

[76]    Cela étant, la plainte reproche à l’intimé « d’avoir supervisé le travail d’une dizaine d’agents en assurance de dommages des particuliers en tant que chef d’équipe du service d’indemnisation de l’équipe double fonction chez La Compagnie d’assurance Bélair inc., alors qu’il ne détenait pas la certification d’expert en sinistres ».

[77]    M. Janelle reconnait qu’il était chef de l’équipe double-fonction.

[78]    Il admet avoir supervisé le travail des agents en assurance de dommages des particuliers faisant partie de son équipe.

[79]    Il convient également qu’il n’avait pas la certification d’expert en sinistre au moment des faits reprochés.

[80]    Ainsi, il appert que tous les éléments essentiels de cette infraction ont été prouvés lors de l’instruction. En fait, cette dernière preuve n’a pas été contredite.

[81]    En terminant sur ce moyen, le Comité tient à préciser qu’il fait sienne l’opinion exprimée par le Comité sur la question de la supervision dans l’affaire Vivier[7].

[82]    Tout le problème provient du fait que M. Janelle n’était pas certifié comme expert en sinistre à l’époque des faits en litige.

          6.4         L’erreur de fait raisonnable

[83]    Pour les motifs exposés dans l’affaire Vivier, ce moyen de défense n’est pas maintenu[8].

          6.5         La demande de rejet du 9 décembre 2016

[84]    L’intimé se plaint que le syndic du fait qu’en date du 29 novembre 2016, après la clôture des plaidoiries, le syndic a fait parvenir au Comité, 10 décisions additionnelles totalisant 191 pages à l’appui de ses prétentions.

[85]    Considérant qu’il s’agit d’une façon déloyale de procéder qui viole les principes d’équité procédurale et de justice naturelle, il demande le rejet des plaintes ou d’être autorisé à soumettre des représentations et autorités additionnelles.

[86]    Le Comité remarque que cette demande particulière ne fait pas état de quelque préjudice que ce soit.

[87]    De plus, suivant une jurisprudence bien établie, le Comité n’exerce aucun droit de contrôle sur les agissements du syndic[9].

[88]    Au surplus, chacune des parties a eu amplement le droit de faire valoir tous ses moyens. La demande est donc rejetée.

VII.         Décision

 

[89]    Les articles 12 et 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoient ce qui suit :

« Art. 12. Sous réserve des dispositions du titre VIII, nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d’être titulaire d’un certificat délivré à cette fin par l’Autorité.

  Toutefois, une institution financière peut, par la remise de brochures ou de dépliants, par le publipostage ou par l’utilisation de toute autre forme de publicité, inviter le public à acquérir un produit d’assurance.

  Art. 13. Un représentant exerce ses activités dans chaque discipline ou chaque catégorie de discipline pour laquelle il est autorisé à agir par certificat de l’Autorité.

  Constituent des disciplines:

              - l’assurance de personnes;

                           - l’assurance collective de personnes;

                           - l’assurance de dommages;

                           - l’expertise en règlement de sinistres;

                           - la planification financière. »

[90]    En tout temps pertinent aux présentes, l’intimé Janelle n’était pas autorisé à agir comme expert en sinistre par l’AMF.

[91]    Considérant que le Guide P-10 constitue une norme de pratique[10] et que ce Guide reprend l’article 2.2 de la Directive P-9 qui exige que les activités téléphoniques prévues à ladite Directive soient « effectuées sous la responsabilité et la supervision directe d’un expert en sinistre dûment certifié », nous sommes d’avis que l’intimé a enfreint l’article 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.  

[92]    Les articles 84 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers se lisent comme suit :

« Art. 84. Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence.

Art. 85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements. »

[93]    L’intimé Janelle n’est manifestement pas un dirigeant ni un actionnaire ou un administrateur de Bélair.

[94]    Par conséquent, l’intimé est acquitté des infractions susdites.

[95]    Quant à l’article 2.2 de la Directive P-9, pour les motifs ci-devant exposés, le Comité conclut que cette infraction est inexistante en droit. L’intimé Janelle est donc acquitté de l’infraction visée par l’article 2.2 de la Directive P-9.

[96]    Relativement aux articles 2, 32, 37 et 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, considérant le principe interdisant les condamnations multiples, un arrêt des procédures est ordonné sur chacune de ces dernières dispositions règlementaires.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé Éric Janelle coupable du chef 1 de la plainte no. 2016-02-03(A) pour avoir contrevenu à l’article 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);      

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des articles 2, 32, 37 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

ACQUITTE l’intimé des infractions visées par les articles 84 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) ;

ACQUITTE l’intimé de l’infraction visée par l’article 2.2 de la Directive d’application de l’Autorité des marchés financiers en regard de la définition d’expert en sinistre et des activités qui lui sont exclusives (P-9) ;

REJETTE la demande de rejet de la plainte de l’intimé;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties, dans les meilleurs délais, afin de procéder à l’audition sur sanction ;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

 

____________________________________

Mme Mireille Gauthier, PAA, agent en

assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

M. Dominic Roy, FPAA, agent en assurance

de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Claude Marseille et

Me Patrick Lapierre

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience : 28 novembre 2016

Prise en délibéré : 16 janvier 2017

 



[1] La décision sur culpabilité dans le dossier de madame Karine Vivier a été rendue le 15 février 2017. Voir à ce sujet ChAD c. Vivier, 2017 CanLII 8513 (QC CDCHAD);

[2]   CHAD c. Hébert, 2013 CanLII 10706 (QC CDCHAD);

[3] L’attestation du droit de pratique émise par l’AMF relativement à M. Sébastien Gagné établit que ce dernier détient, en tout temps pertinent, la certification d’agent en assurance de dommages des particuliers et qu’il n’a jamais été autorisé à agir à titre d’expert en règlement de sinistres;

[4]   Op. cit., note 1, paragraphes 52 à 83;

[5]   Ibid., au paragraphe 137;

[6]   Voir également le résumé de son témoignage au paragraphe 19 des présentes;

[7]   Ibid., paragraphes 140 à 170;

[8]   Ibid., aux paragraphes 171 à 201;

[9]   Landry c. Richard, 2012 QCCA 2016 (CanLII) ;

[10]  Op. cit., note 4;

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